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Loubar "scier un arbre"

Louba, loubar « scier un arbre de travers; carder la laine avec la machine appelée loup » (Mistral). Le Thesoc atteste le verbe louba (lopa  dans la graphie dite classique), avec la sens « scier au passe-partout’ dans les département de l’Ardèche, du Gard et de l’Hérault. L’origine du verbe est le substantif féminin   loubo   « grande scie à dents de loup » (Mistral),  sens  attesté de Barcelonnette jusqu’au Cantal d »après les données du FEW. Loubo  vient du latin lupa « louve » féminin de lupus « loup »; le verbe a été formé à partir du substantif.

3 loubes

Peut-être  que lupus  qui avait déjà chez les Romains le sens « petite scie » (Gafiot)  s’est maintenu depuis la romanisation du sud de la Gaule.

Gérard Jourdan de Montagnac (34) m’écrit :

Bonjour Robert,
je me souviens d’avoir utilisé, avec mon père, cette grande scie que nous appelions la « louba« , avec un mancheron à chaque extrémité et que nous avions dans le magasin pour scier des branches et parfois des souches d’olivier ( très dures et récalcitrantes ) ou d’amandiers       ( plus faciles).
Il y avait une chanson qui rythmait les allers-retours de la scie dont je ne me souviens que des premières paroles :
« reso1, reso Jan Vidal, mounto la reso un pau mai naut… »
Cordialement

Mistral donne deux autres variantes dans son Trésor :

Ensuite Gérard Jourdan l’a retrouvée dans le Le catalogue de la chanson folklorique française, Volume 5 Par Conrad Laforte. avec plusieurs variantes.  Il a continué ses recherches qui ont abouti à la citation suivante;

Dans les Cévennes par exemple (Pelen 1980):

« Tira la ressa. – l’enfant est posé à califourchon sur les genoux et balancé d’avant en arrière, en sorte d’imitation du travail des scieurs de long auquel fait allusion le texte […]:

Tira la ressa Jan Vidau
Tira la tus que siàs pus naut
La trempa es bona lo vin es melhor
Tira la tus mon companhon!

(Tire la scie Jean Vidal / Tire-la toi qui est plus haut.
La piquette est bonne le vin est meilleur / Tire-la toi mon compagnon)

Le sens « carder la laine » par contre doit être récent parce que le loup « machine à carder » n’a été inventée qu’au XVIIIe siècle.

loup à carder

 

D’après ma voisine loube  est aussi le nom de la « limace » à Cannes.  Je ne l’ai retrouvé nulle part. Loube  « scie à grandes dents » existe aussi en français régional à Champsaur.

Loup est aussi le nom du « bar » dans le Midi (TLF)

Le mot basque lupu « araignée; chenille » a été emprunté au latin.

 

  1. du latin re+secare.

Gandole ‘rigole’

Gandole « rigole  de la rue » (Manduel). Etymologie : gandole  vient de l’italien gondola « bateau plat  dont la proue élancée se recourbe  en  dehors, en usage à Venise » attesté en français depuis  1550. Pour l’abbé de Sauvages (S2)  une gandolo est « une tasse », sens également attesté en moyen français en 1589, mais bien plus tôt en ancien occitan à Avignon en 1412  gandole m. « pot, cruche ». Ci-dessous l’article correspondant  dans le Trésor de Mistral, qui contient tous les emplois au figuré de ce nom de bateau.

gandolo dans Tresor MistralL’étymologie du vénitien gondola est très probablement le grec κονδυ (kóndy) « vase à boire ».  La forme gandola  s’explique selon le FEW par l’influence de la famille de  mots comme languedocien sé gandi  « toucher au but, arriver » qui viennent du gotique *wandjan « tourner », mais je pense qu’il s’agit plutôt d’une simple dissimilation gondolo avec trois -o-  > gandolo.

L’évolution sémantique  « vase, pot, cruche » > « bateau » se retrouve dans bien d’autres cas.  Voir dans la définition de Mistral : « sorte  de vaisseau à boire.. »

Une autre évolution sémantique,  « vase, cruche » > « objet de peu de valeur » se trouve dans le sens « mauvais chien »  attesté à Champsaur par Claudette Germi.  Dans la même catégorie Mistral donne « personne qui néglige sa mise; paresseux ».

Un visiteur du Québec  m’écrit

Bonjour, je suis originaire de Thetford Mines à 100 km au sud de la Ville de Québec. Dans ma famille, nous utilisons l\’expression « en gandole » au sens de négligé (propriété, appartement, maison en gandole). Mes collègues de travail originaire de Québec et Victoriaville ne connaissaient pas l\’expression. La recherche internet m\’a conduit à votre propos. Je comprend que cela origine du grec? Salutations

Je lui ai donné le lien vers le FEW qui confirme  le sens « objet usé » pour le poitevin. FEW II/2, 1028

un vaisseau à boire ?

Le sens que j’ai mis dans le titre de cet article était  encore vivant à Manduel (Gard) au XXe siècle.  Mon  informateur pour Manduel m’a écrit :

…en effet je t’avais parlé du mot « gandole« , mais il y a longtemps. Il y a encore plus longtemps que ça, ma mère me racontais qu’une grand-mère envoyant sa petite fille faire des courses à l’épicerie lui avait fait cette recommandation en français (il ne fallait pas parler patois aux enfants qui allaient à l’école): « Fais bien entention en virant le canton de pas mettre ton pied dans la gandole ».

Je lui ai demandé si  entention  était bien la forme utilisée à Manduel. Il m’a répondu:

Non on ne disait pas entencioun à Manduel mais (normalement) atencioun. C’est la grand-mère qui s’évertuait à vouloir parler français à sa petite-fille.

C’est l’histoire de la langue occitane.

Vous trouverez d’autres propositions  étymologiques dans le Dizionario etimologico

Je suis un peu étonné que personne a supposé que le mot gondole avec le sens  « tasse, pot, cruche »   a été introduit directement en  occitan par les Grecs. Cela est probablement dû au manque d’attestations antérieures à   1412.   Ce qui veut dire qu’il y a encore du travail à faire.

Cabessaou "coussinet"

Cabessaou « tortillon, bourrelet, coussinet qui sert à porter un fardeau sur la tête ». Une image d’un cabessaou  par René Domergue (Montpezat).  L’étymologie est  capitium  qui en latin signifie « ouverture pour la tête dans une tunique ». Mistral donne les formes suivantes:

La forme la plus courante est cabessaou  avec un –e-.   

Il y a un autre groupe de mots qui y ressemble beaucoup, dont le verbe cabussar « plonger avec la tête  en avant ».  Ce verbe   et ses dérivés, qui sont très fréquents dans tout le domaine occitan, sont  classés par le FEW dans l’article caput « têtepour des raisons d’ordre phonétique.

Dans le Thesoc je trouve s.v. « tortillon » les formes cabessal, cabessala, cabelhada, capelada et capeluda  dans lesquelles il y a manifestement de l’influence du mot caput  et de ses nombreux dérivés.

Un visiteur originaire de la  Vaunage m’écrit:

Bonjour,
Je ne trouve nulle part le mot cabusaou ou cabusau.
Le cabusaou était confectionné avec un « sac à patates  » bourré de paille.
Il enserrait la tête et portait sur les épaules du porteur pendant les vendanges.
Il fallait bien sûr quelques coutures pour lui donner la bonne forme.
La comporte était posée dans un rang, le porteur (qui ne portait rien à ce moment là) ou les coupeurs vidaient les seaux dans la comporte. Une fois pleine, un vendangeur aidait le porteur à poser la comporte sur la tête du porteur (d’où le nom comporte, porter avec), ou plutôt sur le cabusaou. Le poids était donc réparti sur la tête et les épaules du porteur.
Double avantage par rapport à la hotte, on ne porte que quand c’est plein ou vide; on porte sur la tête et les épaules.
Ici, en Vaunage, 10 km à l’ouest de Nîmes.
J’ai été porteur en 1969, et le tombereau été encore tiré par un cheval.

N’ayant pas trouvé cabussaou  avec  ce sens dans l’Alibert, ni dans le Trésor de Mistral1, je me suis adressé à Gérard Jourdan, qui m’avait envoyé la description de la  Culture de la vigne ne Languedoc  au début du XXe siècle faite par son père. Il m’a donné la réponse détaillée que voici:

Bonjour Robert,
hé non ! ce terme de cabusaou n’est pas dans le vocabulaire de Montagnac ; chez moi, donc, les ustensiles de la vendange étaient les suivants :
un seau (d’environ 8 litres) rempli par le coupeur ( lou coupaïré),
le leveur de seaux récupérait le seau plein (lou farrat) et le vidait dans une comporte en bois (environ 100 litres) la semal dans laquelle lou quichaïré, avec lou quichadou, comprimait cette vendange.
Quand la semal était pleine, elle était soulevée par deux porteurs avec deux gros leviers : les sémaillés et transportés jusque sur la charrette équipée de ridelles en fer (vous avez un schéma de cette charrette dans le document de mon père).
Donc chez nous rien de ce cabusaou.

Mais j’ai quelques souvenirs qui s’apparentent un peu à cet objet.
Lors de vendanges dans la région de Lunel ( donc pas très loin  de la Vaunage), dans les années 1970, je me souviens d’avoir utilisé le seau comme chez moi mais on le vidait dans une comporte en zinc, plus petite que la nôtre, emportée vers le tombereau par un porteur qui la plaçait sur sa tête protégée par un tortillon de jute et de ficelle.
Je me demande d’ailleurs comment le porteur de la Vaunage portait une comporte même plus petite que la nôtre, ou alors c’était plutôt une hotte qu’il portait sur les épaules.

De la même façon, je me souviens d’avoir vu ma grand-mère espagnole ( native de la région de Murcie) transporter un cuvier plein de linge de sa maison au lavoir du village ( à Montagnac) sur la tête qu’elle protégeait avec le même tortillon que pour les vendanges.
Enfin, toujours à Montagnac, je me souviens d’avoir « badé » (regardé curieusement) l’ouvrier du fournisseur de charbons, François Carminati ( qui était un copain à mon père) en train de transporter des sacs de boulets de charbon (qui devaient faire au moins 50 kg) sur la tête et les épaules qu’il protégeait avec un sac de jute qui lui couvrait la tête et les épaules, mais je ne me souviens pas s’il était rempli de paille.

Grâce à la coopération de mes visiteurs, nous apprrenons que non seulement les formes variaient beaucoup, mais aussi l’utilisation du tortillon. La description de la vendange à Montagnac par Raymond Jourdan  est très instructive.

  1. J’avoue avoir mal cherché

bru et picho bru

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Bru   « erica scoparia »  et  picho bru « callune vulgaris » (Pouzolz II,19-20). L’abbé de Sauvages (S1) l’écrit brus, brussës   au pluriel : « dont on fait des balais ou qui servent comme rameaux pour les vers-à-soie »  brussës de magnas.

Actualités: « terre de bruyère dans le tabac »:

E.RollandFlore populaire VII, 251
No comment!

 

    

De nombreuses formes dans Rolland Flore Populaire, VII, p.248-250; toponymes, onomastique, proverbes et dictons p. 250 ss.

L’étymologie est probablement un gaulois brūcus « bruyère », qui vient d’un ancien celtique *vroicos. (FEW suivi par TLF).  La racine simple n’a été conservée que dans le Midi, où  le dérivé brugiera  désigne un « champ couvert de bruyères », comme  en ancien français, mais très tôt ce  dérivé y désigne la plante seule.

Dérivés:  languedocien bruguiè  « taillis de bruyère à balai qu’on met en coupe réglée »; brugas  « lande couverte de bruyère » , brugassiè « habitant des bruyères » ou en Rouergue « pie-grièche ».

Une utilisation spéciale a donné le verbe brugar dans le Var « flamber l’extérieur d’un bateau avec de la bruyère »

Le nom vulgaire brémale donné par Pouzolz ci-dessus est mentionné dans le TLF s.v. brumaille²: Étymol. et Hist. 1548 brumalles (Chatelleraud, Arch. Vienne dans Gdf.); 1858, 23 mai bremaille (Article sur la terre de Chambord dans le Journal L’Union, cité par Jaub.); 1874 brumaille (Les Primes d’honneur, p. 365, Paris dans Littré); 1925 breumaille, supra. Mot dial. du Centre (Jaub. : brumâle, brumaille, bremâle, bremaille) et de la région de Blois (A. Thibault, Gloss. du pays blaisois : brumaille, bremaîlle) issu du croisement de bruyère* avec mâle*, lat. masculus (FEW t. 1, p. 558b), cette bruyère (bruyère à balais) étant celle qui prend les plus fortes dimensions (Jaub.).

Stephane Gendron, Les noms de lieux de l’Indre. Académie du Centre, 2004, p.160-161 signale ce nom comme toponyme:

Une  Villa Brugariae  est attestée dans le Gard  depuis 870.

D’après E.Rolland, Flore VII, p.215 et l’ALF Supplément le « rhododendron ferrugineum » s’appelle bruirasso, bruassa, brouàsa  dans le dép. des Hautes-Alpes.

En Gascon un  bruc  est un « cèpe, boletus edulis » , à Toulouse le bruguet  « sorte de champignon », mais je ne sais lequel??, languedocien brugassou  « agaric marbré »

En Italien 1. brugo ,  2 brughiera. En piemontais brùvéra.

Azaïs, Bulletin 1871, p.17  sur bremale

 

Seden "lasso camarguais"

Seden « lasso camarguais », est dérivé du latin sæta, seta  « soie de porc, de sanglier; poils  du bouc, crinière de cheval ». (Gaffiot) Chez Valerius Martialis  (Martial), un auteur espagnol, on trouve  seta avec le sens « ligne de pêcheur » un sens très proche de « lasso ».

    lasso camarguais 

 « Sont accrochés à l’entrée du Mas, le Seden tressé avec la crinière du cheval et le Bucrane d’un  taureau de la manade qui de ses cornes levées, éloignera le malheur et devenu fétiche , enseignera fierté et bonheur ». (Source).

Le  dérivé seden  est d’après les données du  FEW limité à la Camargue. Mistral également écrit qu’il s’agit d’un lacs camarguais:

seden chez Mistral

Ailleurs dans le domaine occitan nous trouvons principalement le dérivé  sedou avec le sens « lacet, collet, piège, etc. »  Dans le Gers un cedoun ou sedoun  est une « noeud coulant pour prendre les oiseaux », en béarnais on parle d’une  sedade . Dans l’Aude un sedunaïre  est un « braconnier ».

L'(ortho?) graphe  seden(Alibert, Panoccitan) est fantaisiste.  L’article  seda d’Alibert présente un mélange de mots dont une partie vient du latin sæta, seta  « soie de porc, de sanglier; poils  du bouc, crinière de cheval » et une autre parie de sætacium « tamis fait de crin » qui a abouti à siá, seás « tamis » à l »est du Rhône, sedás à l’Ouest. Voir l’article  sedas.

J’ai trouvé le mot seden  dans une exposition à la Chapelle des Jésuites à Nîmes le weekend du 20 oct. 2012 consacrée à Folco de Baroncelli-Javon.