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api ‘céleri’

Api « céleri »  vient du latin apium  FEW XXV, 14b . Grâce à Racine et  Daudet  le mot se trouve encore dans le TLF :

« … sa façon de donner aux objets des tas de noms baroques, d’appeler les céleris des api, les aubergines des mérinjanes, la faisaient, elle [Audiberte], Française du Midi, aussi égarée, aussi étrangère, dans la capitale de la France, que si elle fût arrivée de Stockholm… A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 107.
Rem. Attesté ds Littré (qui écrit apy), DG et Quillet 1965.
Etymologie … Empr. au prov. api « ache » (lat. apium, ache*) dep. Daudé de Prades, xiiies. ds Rayn., 1.2, p. 104a; l’api empl. par Daudet, supra est le mot prov. lui-même;
ache des marais

ache des marais

D’après le TLF s.v. ache , le latin apium ne désigne pas seulement « appium graveolens » ou l’ache sauvage, mais plusieurs ombellifères:

Du lat. apium (plur. apia) désignant un groupe de 6 plantes ombellifères, d’apr. André 1956, s.v., cf. Pline, Hist. nat. 19, 123 ds TLL s.v., 239, 62 : plura genera sunt … apia. Id enim quod sponte in umidis nascitur, helioselinum vocatur …, rursus in siccis hipposelinum …, tertium est oreoselininum … et sativi; attesté dep. Virgile, Églogues, 6, 68, ibid. 240, 22 (floribus atque apio crinis ornatus amaro) où il désigne l’apium graveolens L., var. sativum (d’apr. André, loc. cit.). Le fr. du nord ache et la plante qu’il désignait furent évincés par le céléri*, plante comestible, obtenue en culture par modification de l’ache et importée de Lombardie; ache conservé dans la langue des botanistes, et sporadiquement comme nom d’une variété comestible cultivée dans les jardins; voir aussi api2.

Api ou apit en ancien occitan, ache, aiche en ancien français désigne le céleri sauvage ou ache des marais.  Les attestations  de api « céleri » en français sont rares; le mot se trouve uniquement  dans les parlers franco-provençaux et occitans, api, apit et avec agglutination de  l’article dans l’est-languedocien et le gascon lapi.

Dans le Nord de la France ache est remplacé par céleri depuis le XVIIe siècle. Le progrès de   céleri au dépensde api est bien illustré dans la Lozère où , d’après les données recueillies par Rudolf Hallig entre 1932 et 1934, le nord du département a le nom céleri, le sud a conservé lapi. La zone api  s’étendait plus vers le nord au début du siècle quand Edmond a fait les enquêtes pour l’ALF. Ci dessous la carte céleri tirée du livre Lectures de l’ALF   .

CeleriALF

céleri

céleri

Dans le Var  est attesté le dérive  apioun « ache ». L’apium graveolens  s’appelle  eppe en neérandais, eppich en allemand, appio  en italien, api, apit en catalan, apio  en espagnol, aipo en portugais.

D’autres ombellifères ont un nom composé avec api. Dans le Gard la berle ou cresson sauvage (berula erecta) s’appelle  api bouscas  (bouscas « sauvage, bâtard).

api bouscas

api bouscas

Dans l’Hérault, le Lot et le Tarn l’ammi élevé s’appelle api fol, dans le Tarn-et-Garonne lapi fol, à Frcalquier api fer.

api fol

api fol

En ancien occitan est attesté le nom apiastro pour le « ranunculus sceleratus« ,  en français la renoncule scélérate ou renoncule à feuilles de céleri, ce qui me rappelle qu’à La Seyne  tronche d’àpi est une insulte.  L’auteur de l’article Wikipedia écrit : « La plante était connue au Moyen Âge comme « Céleri du rire » car son ingestion provoquait un rictus sur le visage de la personne empoisonnée. », mais je ne l’ai pas retrouvé dans les articles en allemand ou néerlandais qui disent que son ingestion rend gravement malade. Par contre frotter la peau avec le lait de cette plante provoque des ampoules, un moyen pour les mendiants pour se faire prendre en pitié.  Une tronche d’àpi ?

apiostra

apiostra

Le mot céleri vient de la forme lombarde seleri emprunté au grec σελινον . Voir FEW XI, 416.   En moyen français écrit avec sc-.   Je ne sais qui a décidé de supprimer le s- pour simplifier l’orthographe.

Tueis, tuy ‘if’

Tueis, tueï « If [et non thuya], arbre de la famille des taxacées (Taxus baccata) est attesté en Provençal (par exemple à La Seyne) et dans le Périgord.  Il y a dans le domaine occitan et franco-provençal deux formes : teis tech, tatch   « if » ou le dérivé  tasiñe « laurier-tin » (Alès)  qui viennent du latin  taxus  « if », mais aussi les formes tueis, tuei, tuy « if » qui ont subi l’influence ou viennent directement du grec τόξον (toxon) « arc à tirer ». L’explication de cette évolution sémantique  se trouve dans le fait que le bois de l’if était considéré comme le meilleur pour la fabrication des arcs  et des arquebuses. Grâce à Internet archive  j’ai pu retrouver la source de cette information :  Warburg Otto,  Die Pflanzenwelt 1, p. 343:

Warburg O DiePflanzenwelt1_343

If millénaire breton.

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                                                               Chalet Les Touisses

Dans le FEW XIII/1, 147b   von Wartburg écrit que la présence du mot en Périgord ne peut être un argument contre  cette étymologie grecque, parce que ce n’est pas rare de trouver des mots grecs qui se sont répandus à partir de Marseille dans tout le domaine occitan.  Nous retrouvons la forme provençale dans le toponymes comme La Touisse, Les Touisses. Voir le Pégorier, s.v. Tueis et Tuy

La latin taxus est aussi à l’origine de l’italien tasso, du catalan teix, de l’espagnol tejo, du portugais teixo et a été emprunté par le breton ; taouz.

Corominas propose une influence du mot thuya ce qui est rejeté par von Wartburg   pour des raisons  d’ordre phonétique.

Baiasse, badasso 'lavande fine'

Baiassa « lavande fine » en dauphinois,  bayáso  dans les Hautes-Alpes  est un mot d’origine inconnue. Le Thesoc donne plusieurs attestations dont badafo  dans la DROME  et  les   HAUTES-ALPES, et.  avec la remarque « lavandin sauvage, vieilli ».

Le FEW1 réunit dans le même article baiassa  et les formes avec un -d- comme provençal badasso « nom générique des plantes ligneuses aromatiques »,  le « thym » à Forcalquier et à Apt,  le « pulicaire »  à Marseille,  appelé badaflo  à Arles, mais le badaflo est un « plantain pucier » dans les Bouches-du-Rhône2. Le suffixe avec tantôt un -f- tantôt un -ss-, suggère comme origine le gaulois -asta  ajouté à une racine préromane *bat- > *batasta.

Solerius (1549). Le psyllium  s’appelle chez nous badassos.  En botanique c’est  maintenant le   plantago psyllium L., en français le  plantain des sables ou herbes aux puces.

 

pulicaire pulicaire   plantain pucier

A Marseille on utilisait une badafo « un rameau de bruyère sur lequel on faisait monter les vers à soie pour faire des cocons »,  mais pour l’abbé de Sauvages(S1) la badafo est la lavande fine dont on tire une huile essentielle fort chère. Un badafié ou badassièiro  est un « lieu rempli de lavandes » (M). Autres dérivés : baiassar « couper la lavande », baiassièra  s.f. « côteau de lavande » (Die, Schook),

Rolland Flore VIII, 195  ne connait pas ce mot avec le sens « lavande », mais il cite un article:

Dans son numéro de mai 1909 la Revue Alpine de Lyon a publié, pages 187-196, un intéressant article sur la lavande par M. L. LAMOTHE, de Grand-Serre (Drôme). Nous y apprenons que « la livande pousse d’elle-même dans les zones incultes de dix-neuf de nos départements ». Suit la liste. « Nous lui devons beaucoup dans les communes pauvres du Sud-Est, nourries par le troupeau, de là, l’affection que nous avons pour elle et ce mot très juste : bonne baïassière vaut mieux que champ de blé. » M. Lamothe cite, à cette occasion, une lettre provençale que lui a écrite Mistral après la publication de son propre livre : Lavande et Spic. – L’article de la Revue Alpine traite des variétés, de la distillation et de l’essence. – H. G.

Mon collègue Pierre Gastal, auteur de Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013,  propose une origine ligure:

BAIASSA (nf, nord-prov.) : lavande.

Fr. rég. bayasse (fleur de lavande) ð baïassière (pente montagneuse où pousse la lavande sauvage). Du gaulois ou plutôt du ligure car c’est une plante méditerranéenne. Toponymes : Bayasse, hameau du Mercantour (com. Uvernet-Fours/AHP) ; Bayasse, lieu-dit de Ventavon/HA (dont la géographie confirmerait une origine ligure).

Vous trouverez une description des différentes sortes de lavande dans le site du Musée de la lavande :

La raccolta della lavanda selvaggia si praticava nelle baiassières (compluvi), luoghi dove crescevano le lavande chiamate in dialetto « baiasses« 

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  1. vol.21,177-178
  2. Voir Rolland Flore II, 210 Cistus salvi folius; VII,84 Solidago virgo;  VII,98 Pulicaria graveolens; IX,27 Thymus  pour les plantes dénommées avec ce type lexicologique.

Couderc

Couderc. Article écrit par Pierre Gastal, auteur de Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013.

Nos racines celtiques. P.Gastal   

COUDERC : Champ. LOU PRAT DEL COUDERC. Pré. Le Mon. D2 AA 1336, « coderco dicti loci de Avoae» (p. 17). (…) donne l’étymologie d’après von Wartburg et Jean Séguy : « Le mot remonte au gaulois cotericum « commun ». (Noms de terroirs vellaves : d’après le compois de…, F. La Conterie – 1978)

COUDERT1 :

1) Petit pré enclos, près de la ferme, où l’on mène paître le bétail ; coderc en Périgord.

2) Dans le Midi, pâturage collectif, souvent enclos, près du village.

3) Petite place avec une pelouse, souvent entourée d’une haie, au-devant d’une maison de campagne2

4) En Corrèze, au XIXe s., enclos pour le parcage des porcs mis à l’engrais, à côté de leur bauge.

5) En Poitou au XVIIIe s., parcelle cultivée en grains.

6) Pelouse de médiocre qualité sur une colline. (DMR)

J’insère quand-même une image (source):

Qu’est-ce qui différencie Milhac (commune du Monteil) des autres localités cantaliennes ? Hé bien Milhac présente un couderc rassemblant un four à pain, un lavoir, une croix et une fontaine. Tout ça sur une superficie très restreinte.

Couderc, couder : petite place ; aire devant une maison ou une ferme ; jardin ou petit enclos attenant au manoir du maître ; pâturage commun. On trouve dans un ancien titre : « Pratum, sive codercum » (Glossaire de la langue romane, J.-B. Bonaventure de Roquefort – 1808)

Le Couderc, le Coderc, « pâtis pour oies et porcs ». Le sens de « pacage communal », attesté ailleurs, a conduit J. Jud (Mots d’origine gauloise, Romania, 1926, 331-2) à proposer l’étymologie co-ter + icum, acceptée par Von Wartburg (Französisches etymologisches Wörterbuch), tandis que  L. Spitzer, cité par Romania, propose condirigere. (Les premiers romans français et autres études littéraires et linguistiques, G. Raynaud de Lage – 1976)

Pour Jud, suivi par Von Wartburg, il viendrait d’un gaulois cotericum qui aurait désigné un pâturage. (La maison rurale en pays d’habitat dispersé de l’antiquité…,  A. Antoine, ‎M. Cocaud, ‎Daniel Pichot – 2005)

… Forez couhard, « pâture pierreuse », Toulouse coudérc, « jardin »… Certaines sources renvoient au kymri (gallois) cyttir < cyd, « commune » + tir, « terre ». Mais Anreiter (1992 : 413) écrit que les formes du celtique insulaire renvoient à teros (< IE *ters-, « sec ») et précise que la fonction du suff. -ico n’est pas claire ici. Pokorny (1948/1949 : 240) soutient aussi une étym. gauloise mais rattache le mot à une racine *kito-/*kitu-… (Romania Gallica Cisalpina : Etymologisch-geolinguistische, J. Grzega – 2001)

On les appelle : « commons » en anglais, « comins » ou « cyttir » en gallois. Certains de ces communs dépendent de la Couronne, mais la plupart font ou faisaient partie des « estâtes » des landlords. (Géographie rurale de quatre contrées celtiques : Irlande, …,  P. Flatrès – 1957)

The preposition cyd is = the latin cum. … from cyd and tir, land (terrain) is cyttir, land held in common (terrain tenu en commun). (The Anthropological Review, vol. 1 – 1863)

Par exemple, cyd’dir « communaux », composé de cyd « com- » et tir « terre » devient cyt-ir, que les Gallois notent cyttir ou cytir… (Les désinences verbales en -r en sanskrit, en italique et en… , G. Dottin – 1896)

cytir [kø-tir] substantiu masculí, plural cytiroedd [kø-tî-rodh] : 1 terrenys comunals (terres communales). Nom de carrer de Bangor – “Cyttir Lane” als mapes, presumablament d’una forma original Lôn y Cytir (Nom d’une rue de Bangor, vraisemblablement d’une forme « Lôn y Cytir »).  2 Y Cytir (SH8715) coster a la comarca de Gwynedd (districte de Meirionnydd)  (coteau/colline, comté de Gwynedd, district de Meirionnydd)

ETIMOLOGIA : cytir < cyd-dir (cyd- = junt [joint/ensemble]) + mutació suau  (mutation douce) + (tir = terra ) (Dictionnaire gallois-catalan & étymologie, Lexilogos)

Entrevu dans un ouvrage en anglais sur les Gallois que ce terme reflétait leur esprit de communauté, survivance de l’organisation ancienne du territoire (propriété commune).

Pas pu trouver d’équivalent pour « terre commune » en gaélique ni en breton.

Gaélique, pour « commun » : coitcheann, common, public, so Irish, Old Irish coitchenn : *con-tech-en? (MB)

Gaélique, pour « territoire, terre » : tìr, land, earth (pays, terre), Irish, Old Irish tír, Welsh, Cornish, Breton tir, tellus, la terre : *têros (*têres-) ; Latin terra (*tersâ), Oscan teerum, territorium. The further root is (< rac.) ters, be dry (être sec), as in tart ; the idea of tír, terrâ, is « dry land » opposed to sea (la terre, « pays sec », opposée à la mer). (MB)

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Le FEW mentionne les dérivés occitans : coudercho  s.f. « terrain couvert d’une herbe menue » (Ussel),  couderas « cour, enceinte » (Puisserguier),  coudertsino « polygonum aviculare » (Brive d’après Rolland Flore 9,187) = La renouée des oiseaux ou traînasse..

Dans la Suisse romande le type cotericum  s’est croisé avec le type costa  , ce qui a abouti à coΘe « place devant la maison » d’où le verbe koterdzi « causer ». Une évolution sémantique analogue s’est produite dans le mot androune.

 

  1. Vous trouverez de nombreuses attestations du mot en tapant « le couderc » sous Google-livres.  Si vous demandez « Couderc »  seul  à un moteur de recherche  il ne donne que des patronymes.
  2. L’abbé de Sauvages (S1) écrit : Place au devant d’une maison de campagne. C’est une étendue moindre que celle qu’on appelle vol du chapon; on le prend quelquefois pour la maison elle-même, et c’est dans ce sens que le Proverbe dit : Ke d¨émoro din soun couder, së noun y gâgno noun y pér.

Cauna, caouno "creux, grotte"

Cauna,  caouno, caunha, adj. et s.f.  « creux, cavité, grotte » vient de *cavo, cavonis « creux » transformé dans le Midi  en *cava et  dérivé de cavus « creux » > cau en occitan ancien et moderne (Voir Thesoc s.v. creux).  Les formes avec un -ñ- écrit  –nh–  sont limitées au Sud-ouest (Ariège, Pyrénées-Orientales, gaunio  dans l’Aveyron).

Un visiteur qui m’avait demandé cette étymologie, m’a fournit le complément que voici:

 Chez nous, en basse Ariège nous avions (et avons toujours) le verbe caunhar, qui consistait à pêcher à la main (formellement interdit !) dans les caunhas c’est à dire dans des trous d’eau, sous les racines des arbres où le poisson se réfugie.

caunhar

Autres dérivés:

Cauni « trépassé » ;s’escaounar « s’infiltrer »;   à Barcelonnette;  s’encaounar « s’abriter »;  encaunar « cacher » à Marseille.

Le toponyme Caunas , hameau de Lunas (Hérault) est attesté depuis 794. Dans le Dictionnaire topographique de l’Hérault se trouvent d’autres dérivés comme Caunette, Caunelles.

Cau, cava « creux » du latin cavus, cava    ne semble pas très vivant d’après les données du Thesoc s.v. creux.