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Coudougnéro ‘cognassier; borne’

 cognassier

 Coudounéro, coudoougnéro « Cognassier »  et dans certaines régions aussi « borne »  une évolution sémantique qui demande une explication.

C’est Michel Prodel qui a attiré mon attention sur cette évolution quand il écrit dans son article Arbustes et diverses autres plantes dans la toponymie de la Corrèze,p2 :

Si les toponymes Coignac, Cognac peuvent être des anciens domaines du dénommé Connus, nom romain attesté (probablement « celui qui hoche la tête »), mais ils peuvent être également compris comme étant des anciens « domaines aux cognassiers »…

L’occitan coudoun ou goudoun « coing » [MIS ; I ; 595] permet d’interpréter les deux toponymes la Goudounèche, le
Goudounet.

et il  a trouvé l’explication de ce sens dans le Dictionnaire languedocien-français.  par Maximin d’Hombres et Gratien Charvet. Alais,1884, qui a écrit :

CoudougneBorneHombres

RollandFlore vol.V p.17  nous donne l’extension géographique de ce phénomène de l’utilisation du cognassier comme borne : dans l’Orléanais, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne, le Toulousain et le Lauraguais.  On ne sait si l’attestation d’Hombres et Charvet  est localisée  à Alès dans le Gard1 ou simplement copiée sur celle de Pèire Godolin (1580-1649), la première à notre connaissance. .

Note 10 de Rolland avec bibliographieLe FEW II, 1605  fournit le sens »borne »  à Agen et Toulouse et écrit dans le commentaire qu’il y a beaucoup de toponymes  basés sur coudoun dans les parlers saintongeais (Charente maritime, Charente et nord de la Gironde) et renvoie vers plusieurs sources que je n’ai pas pu consulter.  Pégorier nous renseigne : coudounhé nom de lieu à Toulouse, en Dordogne et Languedoc coudounier, coudougnado, en Gascogne coudounièro « bosquet de cognasiers », mais le sens « borne » n’y est pas mentionné.

Coudougnéro est dérivé de coudoun « coing ». Voir coudoun pour l’étymologie.

En ce qui concerne la proposition de Michel Prodel d’y rattacher les toponymes corréziens Goudounèche, le Goudounet il faut remarquer que la forme avec g- initial est limitée au dauphinois d’après Mistral et le FEW II, 1605 qui l’atteste à Cordeac,  Die, Tréminis (Isère) et Lallé mais pas pour la Corrèze. La carte 1510 « cognassier »de l‘Atlas linguistique de la France non plus.

CognassierCreuseALF

 

  1. D’après la notice de la BDP ce dictionnaire représente le patois d’Alès.

Cusa ‘grotte’

CUSA (nf) : (Cantal) caverne, grotte ; pauvre maison ( Alibert). CUSÒL (Auvergne, Cantal, Rouergue, Tarn) : petite grotte => Toponymes Cuse, Cuset, Cusol (Pégorier, Morlet : + nom de famille). Syn. de cauna.

Pierre Gastal, auteur de Nos racines celtiques, du gaulois au français,  m’a fourni l’étymologie  et une riche documentation  de cusa , cusòl, classé par le FEW dans les mots d’origine inconnue. Je lui ai posé la question:

Bonjour,Les attestations de  cusol, cusou  « cabane, pauvre maison » etc. se trouvent  dans le volume 23 Incognita  du FEW. XXIII,2b à Carlot etc.   A Cahors cuzoul « grotte ou cachette naturelle où se cachaient les ermites reclus » FEW XXI,373a

Il m’ a répondu :
Cher Monsieur,
Retombant sur votre réponse, déjà quelque peu ancienne, je peux vous indiquer que j’ai trouvé quelques informations sur l’occitan cusa => toponymes cuse/couse/couze.
Ci-dessous un article tiré cette fois d’un fichier de noms de lieux.Bon dimanche, amicalement.
P. Gastal

COUSE/COUZE/CUSE (nf, de l’occ.) : endroit caché, secret => caverne, grotte => (occ.) pauvre maison.

De l’occitan cusa => cusòl, d’une rac. celtique voire pré-celt. signifiant « caché, retiré, secret », cf. anc. fr. cuter (cacher), bret. kuzh, v.bret. cud (caché, adj. ; cache, n.), gallois cudd (id.).

* Communes : Couze-et-Saint-Front/Dord. (grotte ornée de La Cavaille), Lissac-sur-Couze/Cor. (grotte du Moulin de Laguenay), Cousance/Jura, Cousances-les-Forges/Meuse, Cuse-et-Adrisans/Dbs (grottes d’où sort le Gondenans), Cusey/HM., Cusy/HSav.-Yon., Cuzy/S&L. Cuise-la-Motte/Oise ?

* Lieux-dits aussi dans le Massif Central : Cuse, Cuze (grotte du Cuze à Charmensac/Cant.), Cuset/Av., Cusol… ou ailleurs : Cousancelles/Meuse (com. Cousances-les-Forges).

* Cours d’eau : Cette racine convient évidemment à des rivières sortant d’une caverne ou bordées de grottes. La Couze/Cor. près de la grotte de Noailles, La Couze/Cor.-Dord.-HV, 3 autres riv. La Couze-d’Ardes/PdD (qui a pour affl. Le Ruisseau de Cuzol). La Cuse/Dbs, source du Cusancin dans une grotte ; La Cuse/Dord., affl. Dordogne (rivus de Cusa 1495). ; Le Cusancin/Dbs,  La Cozance/Ain, La Cozanne/CdO (Vauchignon) qui sort d’une grotte dans le Cirque du Bout du monde ; Le Cuzoullet/Lot, affl. Lot.

Au regard de si nombreuses occurrences, NR et NL, la traduction vague « rivière de montagne, torrent » est peu crédible.

Classé dans les Incognita par FEW. Ce classement et le suff. -incos du Cusancin, NR, suggèrent une origine ligure.

Rapport avec Cusset/Allier, com. (aussi quartier de Villeurbanne + Cussey/Dbs, 2 com., et Cussey/CdO + Cussay/I&L…) ?

Cf. breton kuzh (caché, secret).

Cadereau, cadaraucus

Cadereau « fossé d’écoulement des eaux de pluie et immondices d’une ville ». Il s’agit d’un mot typique  de Nîmes et Alès et qui est inconnu ailleurs. La graphie avec –eau  est francisante. L’étymologie est inconnue. JohannesHubschmid propose dans la revue Romance Philology 8, pp.12-261  une racine préromane *katarouko-.

cadereau à sec

Dans le Dictionnaire de Germer-Durand sont mentionnés cinq cadereaux,  dont quatre apparaissent pour la première fois dans le compoix de Nîmes de 1380, à savoir le Cadaraucus de Payrello, le Cadaraucus de Mirabellis, le Cadaraucus Sancti-Cezarii et le Cadaraucus itineris Bellicadri. Le cinquième est déjà mentionné dans un document de 1233 le Cadaraucus de Carceribus , maintenant le Cadereau de Montaury.

Cadarau est attesté pour la première fois en 1627 dans l’Inventaire des proverbes du Languedoc par Anne Rulman .

Dans la note 1) Mazel écrit: "Lisez lous bouton"

Cette  attestation qui se trouve dans un manuscrit conservé à Nîmes

et un autre à la BNF.  Dans un article intitulé Les proverbes du Languedoc de Rulman,  publiée dans la RLR 17 (1880 )42 ss. , Mazel  écrit:

« Anne Rulman est né à Nimes en 1583. Son père, d’origine allemande, avait été recteur du collège de Montpellier. Sous la direction d’un tel maître, Rulman prit de bonne heure le bonnet de docteur, plaida comme avocat, et, en 1612, se rendit a Toulouse où il se fit recevoir au Parlement en la charge d’assesseur criminel à la prévoté générale du Languedoc. De retour à Nimes, Rulman se livra à son goût pour la littérature et l’étude des antiquités. Ses oeuvres, restées manuscrites, formant plusieurs volumes, dont six in-folio, après avoir passé de main en main, furent donnés, en 1747, à la Bibliothèque du Roi par l’archidiacre de la ville de Nîmes, neveu du célèbre évêque Fléchier. Le volume à la fin duquel se trouve l’Inventaire des proverbes porte la date de 1627, pendant laquelle l’auteur y mit la dernière main. Rulman mourut à Montfrin dans la charge de juge de cette petite localité, vers la fin de 1639, au moment même où il venait d’entreprendre la publication de ses ouvrages »

Dans le site de l’Association Sauve Garrigue vous trouviez l’historique des inondations de Nîmes avec un film de 15 minutes en mémoire de l’inondation de 1988; dommage que cela a été supprimé.

L’étymologie proposée par JohannesHubschmid dans la revue Romance Philology 8, pp.12-26 est une racine préromane *katarouko-. 

  1.   Pour le moment je n’ai pas encore réussi à me procurer l’article de Hubschmid.

Margouline, Font Marjolaine

 

La Font Margouline est devenue la Fontaine Margouline d’après Google. ??

MargoulineMapChemin de Font Margouline à Nîmes.

Dans les vieux documents, le cartulaire de Notre Dame de Nismes (1144)  jusqu’au compoix de 1671, elle est appelée Margolina, Mangolina, d’après Aimé Serre, Les rues de NîmesIl rattache ce nom au mot margolh  « boue » qui  vient d’un ‘étymon gaulois marga  « calcaire ».  Il y a en effet  pas mal de mots du type margouiller  avec le sens « patauger » ou « boue »1, mais la Font s’appelle Margoulina et non pas *Margoulhina ou *Margouillina. Un problème de phonétique historique.

C’est pourquoi je propose une autre étymologie, un peu plus poétique d’ailleurs, à savoir le nom d’une plante assez courante l’oreganum vulgare ou marjolaine,  marjolena    marjouléno , mardžouléno ou majourana dans les parlers occitans2.

A l’origine du type marjolena se trouve  le mot du bas latin  majorana,  conservé dans l’occitan majourana, majhourâno (Sauvages).   Dans la langue d’oïl  majorana a été associé au nom de la Vierge  Maria , ce qui a donné l’insertion d’un  -r- : mariorana.  Ensuite a eu lieu une  dissimilation des deux -r-, ce qui a donné  mariolana, marjolena.  Margoline « marjolaine » esr attesté dans l’Orléanais au XVe siècle.

Le FEW suppose que la forme marjolena est née dans la langue d’oïl et a gagné du terrain au cours des siècles dans le domaine occitan. Si mon interprétation de  Margolina dans le cartulaire de Notre Dame de Nismes qui date de 1114 !, est juste, c’est peut-être l’inverse qui a eu lieu.

marjolaine

  1. Voir FEW VI/1, 320
  2. FEW XXIV,384 article amaracus

Ventabren ‘fanfaron’, Nîmes

Ventabren est un quartier de Nîmes et le nom d’un village dans les Bouches-du-Rhône. Étymologie. Aimé Serre pense que le sens « ventar lo bren1  » c’est-à-dire  « venter le son » est peu plausible parce que l’on n’a jamais ventile le son, à moins qu’il s’agisse d’une dérision.  Et il cite Mistral qui traite le fanfaron de venta-bren.

Je ne peux pas savoir si les habitants de Ventabren et du quartier de Nîmes étaient-ils des fanfarons, mais ce toponyme existe comme substantif  avec ce sens à Nice et à Aix-en-Provence  . FEW XIV, 268 :

VentabrenFEW14_268

Ailleurs  c’est vento-boulofo, boulofo est une « balle de blé », dérivé  de bulla FEW I, 610.

Dans Wikipedia vous trouverez d’autres hypothèses, dont une qui vaut le peine d’être vérifiée:

Le Larousse illustré nous précise qu’en 1145 le nom du village s’écrivait Ventabran, pour devenir Ventabren en 1154. L’étymologie en serait Vin’t (celto-ligure), vent, et Bren (gaulois), colline, rocher escarpé.

  1. bren  vient d’une racine brenno- dont nous ne connaissons pas l’origine. FEW I,516