cat-right

Pavia "pêche; sarrasin"

Pavía « pêche » et plus spécialement « pêche à la chair adhérent au noyau ». D’après le Thesoc cette dénomination est répandue dans les départements de l’Aveyron, Gironde, Lot; Tarn et Tarn-et-Garonne, mais  les données du FEW montrent que pavie  « pêche » est répandu dans tout le Sud-ouest  , y compris le Poitou,  la Saintonge et le Limousin.

Pavie  s.m. est attesté en français depuis 1560 chez Rémy Belleau, né à Nogent-le-Rotrou  (Eure-et-Loir) en 1528, mort à Paris en 1577,  un poète français de la Pléiade. Pavie  est resté dans les dictionnaires français jusqu’à 1935 et ré-apparaît dans le TLF.

D’après le FEW pavie  vient du  nom de la ville Pavie , Pavia en gascon, dans le Gers.  L’explication de cette étymologie est que cette variété de pêches  s’est répandue à partir de la ville de Pavie (Gers), et non pas à partir de Pavia en Italie.  En tout cas il n’y a pas de preuves pour cette dernière proposition.

Par contre, dans la région il y a une autre plante, le « sarrasin » qui s’appelle pavio (= blat negre  Mistral)ou  pabiat, pabiatè   dont le nom s’explique de la même façon.  Voir à ce propos L. Spitzer qui se demande si pabiatè est un sobriquet des habitants de Pavie ou l’origine supposé du sarrasin.

pavia sarrasin

WS4,144

 

Quoi qu’il en soit les habitants de Pavie sont convaincus de cette étymologie:Blason de la ville de Pavie (Gers).

L’arbre s’appelle  pabiyé.  Catalan et Espagnol pavia « peche ».

A l’origine de cet article est la question d’un visiteur :

Je me souviens de discussions entre ma mère, qui était du Quercy, et mon père, du Languedoc (quelques kilomètres plus au Sud). La pêche (fruit) était désignée en Quercy par le mot « persèga » (fruit de Perse), alors que chez mon père il s’agissait de « pavía » ….

Persèga  comme français  pêche  vient du bas latin persica « pêche »

Blaca "chêne blanc"

Blaca, blacha  « chêne blanc ».  Dans le premier volume du FEW blaca est considéré avec beaucoup d’hésitations comme d’origine gotique1 dans l’article blakk- « reluisant, brillant »  , mais cet étymon n’est pas repris dans les éléments d’origine germanique.

blaca

une blaca   de l’Ardèche

Une attestation dans Du Cange : Blaquerium, Locus ubi juniores quercus crescunt.  (Un lieu où de jeunes chênes poussent) Charta jam laudata ann. 1334

D’après les généalogistes le nom de famille  Blachère dérivé de blaca 

 est fréquent dans l’Ardèche, où l’on trouve aussi la forme Blacher. C’est un toponyme désignant un bois de chênes blancs (occitan blaca). Le chêne blanc (ou Quercus pubescens) est considéré comme un des meilleurs chênes truffiers. De nombreux hameaux s’appellent (la) Blachère dans l’Ardèche et la Lozère. Formes voisines : Blacheyre (42), Blachier (07), Blache (26, 38), Blacas, Blachas (83, 84, 34, 48), Blachette (07, 26)

Google  me fournit 2 autres sources protégées pour des raisons de droit d’auteur :

Dans Mélanges de philologie romane offerts à Charles Camproux: Volume 2

BLACAS, spécialement nom noble, est un augmentatif provençal de blaca, mot du Sud-Est, d’origine pré-gauloise, désignant originairement un taillis de chênes. BREA. Ludovic Brea : in « Theatrum Statuum Sabaudiae Ducis », Amsterdam, 1682.

et plus loin:

et dans la Zeitschrift für romanische Philologie vol.79(1963)

J. Ubaud  ne dit rien sur l’étymologie  du mot  mais précise la répartition géographique :

blacha, blaca, blacàs, souvent aussi employés pour le désigner, ces noms semblent concerner à l’origine des baliveaux (donc des jeunes arbres, nous l’avons déjà signalé dans l’article précédent) s’appliquant à divers espèces : le chêne vert en plaine, le châtaignier en Cévennes 2 , le chêne blanc un peu plus dans l’arrière-pays.

blaquièira (ou plus au nord blachièira) ou blacareda un collectif, désignerait un taillis de jeunes chênes blancs, mais il nous semble plutôt employé dans les zones de l’arrière-pays (pied du Larzac, Larzac, Haute Provence) où les toponymes dérivés abondent : Blaquières, Saint Jean de la Blaquière, La Blacarède, La Blachière, Les Blaquettes.

et elle a oublié Blaquisse toponyme et nom de famille.

Le FEW écrit que  blakk-    est peut-être une forme du germanique  blank  « blanc ». On trouve en effet des formes dénasalisées de blank  dans les langues germaniques  comme le norvégien blakr  « chatoyer ». Les feuilles du chêne blanc sont en effet chatoyants. Voir aussi Du Cange à propos de blanchia.

Pour les Noms de chêne en occitan cliquez ici

________________________________

 

  1. Petite erreur dans FEW : westhälfte doit être osthälfte ↩
  2. Je n’ai pas retrouvé l’attestation de « châtaignier ». Il n’y a que Mistral qui écrit « taillis de chêne ou de  châtaigner » ↩

Avaus "chêne kermès"

Avaus, abaus  « chêne kermès; chêne à kermès, quercus coccifera ». L’étymologie est inconnue1. Lisez l’article de Josiane Ubaud sur l’avaus, nom plutôt rare. Aucun attestation dans le Thesoc. s.v. chêne, variété de -. Le but de Mme Ubaud étant de « normaliser »  les noms des végétaux dans tout le domaine de la langue d’oc, elle choisit un nom que personne ne connaît.  J’ai parlé à plusieurs bons connaisseurs des plantesil m’ont répondu « Ah, tu veux dire le  garric ».  Je fais donc la promotion du garric.

La plus ancienne attestation date de 1019  du nom mons Avalsarius dans le Cartulaire de  St. Victor (Marseille)  qui s’appelle maintenant  le Vaussier  près de Beausset dans le Var d’après la source du FEW, mais  que  Google ne le connaît pas et me suggère le mont Gaussier  dans les Alpilles.

Cliquez sur cette belle image de Wikipedia!

chêne plein de kermès

avaus

Le nom du  Mont Gaussier  de St-Rémy de Provence  a peut-être la même origine.     L’abbé de Sauvages écrit en 1756 :

Agôoussës ou avôoussës, le petit chêne vert épineux qu’on trouve dans les landes du Languedoc & sur lequel se nourrit,  un insecte connu depuis longtemps sous le nom de Kermés  ou  Graine d’Ecarlate  & depuis peu sous celui de  Galle-insecte que Mr de Reaumur lui a donné, en apprenant au monde savant que ce qu’on regardait comme une excressence de l’arbre étoit un véritable animal.

La même forme  agaousses  est attestée à Carcassonne. L’alternance  -g-  et  -v-  se trouve dans d’autres mots.

Dans la deuxième éd. de son Dictionnaire l’abbé de Sauvages donne en plus le sens « arrête-bœuf » pour avôoussës, mais il est le seul. D’après l’ ALF  abàou  signifie « houx » à Les Matelles dans l’Hérault, une confusion qui s’explique parce que les feuilles du houx sont également piquants.

Le nom Kermès a une origine arabe qirmizī « de la couleur de la cochenille »; il était utilisé pour désigner un ver, une larve, ou un insecte.  ; pour l’étymologie le TLF .

Le parasite était récolté dans le sud de la France (Languedoc et Provence) sur le chêne-kermès; on recueillait la cochenille qui était immobile, de forme sphérique et de taille minuscule (6 à 8 mm). L’espèce était ramassée, desséchée et broyée pour tirer une teinture rouge écarlate. La récolte, par matinée, était d’environ 1 kg de “graines”, de quoi produire 10 à 15 g de pigment pur. Cette couleur, magnifique, resta inchangée pendant des siècles. C’est l’écarlate qui servi à teindre les étoffes des tissus royaux, la laine et la soie. Sa présence a été décelée dans des peintures néolithiques, en France et sur les momies égyptiennes.Voir Wikipedia

Dans la 2e édition de son Dictionnaire l’abbé de Sauvages site également le mot  grâoubio  avec le sens avaousses, également d »origine inconnue.

Michel Wienin  complète cet article avec la note suivante:

Je connais ce mot abau(s) autour d’Alès, avau(s) vers Uzès et en Provence au sens de chêne kermès, arbuste épineux qui héberge la cochenille à teinture (insecte devenu assez rare actuellement).
Sec et enflammé, il brule comme les résineux avec de grandes flammes claires mais plus chaudes que celle des pins et faisant peu de noir de suie. Dans la zone des garrigues, il servait aux fourniers à donner un « coup de feu » pour dorer un tian ou un dessert. Le passage du nom de l’arbuste à celui du fagot me semble facile à admettre ; même chose que pour le hêtre et le fagot.

S’abaussir / s’abaussejar, c’est s’égratigner les mollet en bartassant.

Amistosament

 

  1.   FEW XXI, 64a ↩

Badoc

Le badoc   est le  « fou » du jeu d’échecs;  voir badar pour l’étymologie.

Un visiteur originaire de Montagnac (Hérault) m’écrit:

Dans Montagnac (34), mon village natal, se trouve une rue Badoc. Dans le document intitulé « Etudes Toponymiques sur les territoires de Montaganc, Aumes, St-Pons-de-Mauchiens« , par Alain Garcia (un copain du village), édité par les Amis de Montagnac en juin 1993, se trouve l’explication suivante :
Rue Badoc : en occitan « badoc » signifie sot, imbécile. Est-ce que dans une des anciennes  maisons de cette rue regroupait-on les simples d’esprit ?

Artiga, artigal, artigue

Artigal « terre défrichée », « novale, terre située entre deux rivières  » (Alibert). L’étymologie de ce groupe de mots a donné lieu à beaucoup de discussions, mais les étymologistes ne sont pas arrivés à une solution  satisfaisante pour tous les cas. Le plus difficile à expliquer est le fait qu’on retrouve un type semblable en wallon : artiu « champ labouré ».

Le substantif artiga  « terre défrichée » ne se trouve qu’en ancien gascon, et dans le Val d’Aran. En languedocien et gascon il est assez fréquent  fossilisé comme toponyme. Voir par exemple Longon, p.24 (lien direct) ou  le Pegorier s.v.artiga.

Le dérivé artigal  toujours avec le sens « terre défrichée » , et les verbes artigalar, artigar « défricher » semblent être vivants, même s’il y a des doutes sur certaines données considérées comme des reconstructions  artificielles à partir des toponymes, notamment artig (Gers) et  artigau (Périgord); etc.

Comme artiga  est aussi catalan et aragonais plusieurs étymologistes ont supposé comme étymon un *artika repris à un substrat ibère  ou basque. En effet en basque existe arteaga « bois de chênes verts, défrichement ».

En gascon  il y a un composé eishartigar , eixartigar en catalan, qui pourrait s’expliquer comme une forme hybride, composé de eissartar ( de issart « friche ») et  artigar.

La répartition géographique,sud-ouest de l’occitan, le catalan et le wallon exclut une origine commune gauloise ou ibère/basque pour toutes les données. Beaucoup de données pour celui ou celle qui veut approfondir dans le FEW  XXV,387b-390b.*artika.

Un dernier lien bibliographique : Sommaires détaillés des Actes publiés par la S.F.O.  L’Onomastique, témoin de l’activité humaine. Colloque du Creusot (30 mai-2 juin 1984) , éd. G. Taverdet, Dijon, Association Bourguignonne de Dialectologie et d’Onomastique, 1985, II-328p. spécialement  aux pp. 19-29 : Billy, Pierre-Henri, “Noms de défrichement d’origine préromane : *ARTICA, *BODICA, *CARRICA, *MARRICA”.