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Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Garric « chêne kermès; chêne blanc; chêne nain; chêne en général » (Alibert). Garriga « garrigue, terre inculte où poussent les garrics; chênaie rabougrie ». Garriguettes, gariguettes  « variété de fraises créée en 1978 ».  L’étymologie est une base préromane *karr« chêne » ou  *karri- « pierre » sur laquelle les avis des étymologistes divergent.

Garric « chêne kermès » est attesté en occitan depuis 1177  en Rouergue(TLF).  Son dérivé garriga « (terrain avec) des taillis de chêne »  se trouve  en latin médiéval dans tout le domaine occitan. La première attestation vient d’un texte de 817  fait dans le  Couserans, une province gasconne dans l’Ariège.

Extrait de Niermeyer, Jan Frederik, Mediae latinitatis lexicon minus;  2 vol. Leiden, 1976. Vous pouvez consulter des extraits, dont la suite de celui-ci,  avec Google Livres.

Une comparaison de la carte de l’Atlas Linguistique de la France (ALF)  avec l’article de Mme J. Ubaud  sur les noms des chênes en occitan, montre clairement l’effet catastrophique de la normalisation voulue par les  « occitanistes ». Un exemple.  Même les rares  occitanophones dont l’occitan est la langue maternelle, doivent chercher dans un dictionnaire pour savoir comment appeler un « chêne kermès ». Mme Ubaud veut imposer  avaus, mot plutôt rare.  Le mot garric  ne se trouve même pas dans son article.  Pour connaître la réalité, mieux vaut de consulter le Thesoc s.v. chêne.

Carte extraite des   Lectures de l’ALF  de Gilliéron et Edmont. Du temps dans l’espace. par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû. Voir Sources, liens, s.v. ALF 

Ces données sont à compléter par celles, incomplètes hélas, du Thésoc, qui montre que la zone garric   est ou était plus étendue. Il y a  une attestation de garric  pour la Charente!  L’article *karra  du FEW a été publié en 1940 et beaucoup de données manquent bien sûr.

Plus sur l’étymologie de garric et  garriga  dans le TLF s.v. garrigue.

La garriguette par contre n’a rien de préroman. Sa naissance date de 1978. Son histoire romancée :

Ou et quand est née la première gariguette?

– La première gariguette a vu le jour en 1978 dans les laboratoires de l’INRA à Avignon après 16ans de mise au point.1

se trouve dans le blog « Les Végétaliseurs ».  Cette histoire montre que la recherche peut créer du travail et de  la richesse. Intéressant dans la situation économique et politique actuelle.

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  1. Pour éviter que la suite se perde, je l’ai copiée et vous pouvez la  lire ici gariguette tirée_de Les Vegetaliseurs.

Condamine "bonne terre"

Condamine , condamina   en ancien occitan (XIIe siècle) avec le sens « terre affranchie de charges » est un terme créé sous la féodalité à partir du  latin cum + dominium « propriété commune ».  On le trouve dans les textes en latin médiéval dans la forme condamina, condemina ,  etc. probablement issue du pluriel condiminia.
Le mot est resté vivant dans le sud de la France, surtout le sud-est  jusqu’au département  de l’Aude. Dans la toponymie on le trouve jusqu’en Territoire de Belfort. (Voir dans le paragraphe Toponymie le lien vers le Pégorier).

Condamine-Chatelard (04)

A la base des significations dialectales actuelles est le sens « terre non soumise aux charges féodales ». 1
Dans les parlers franco-provençaux  condemine  signifie « prairie appartenant au seigneur », en dauphinois « terre arable » et en languedocien « bonne terre réservée dans un domaine ».

En catalan  coromina , conomina a pris le sens « péninsule dans un cours d’eau ».

Il y a la rivière et la réserve naturelle  Condamine  en Asutralie.

Condamine Australie

The Condamine is located at the headwaters of the Murray-Darling Basin in southern Queensland and is home to approximately 162,000 people. The Condamine River is a tributary of the Darling River, the longest river in Australia. The region encompasses all or part of 13 local governments and has an extensive network of Landcare organisations and sub-catchment groups.

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  1. Remplacez féodales  par sociales  et vous constaterez avec moi qu’il n’y a rien de nouveau sous notre soleil)

Gaba "gave" en Béarn et Bigorre

Gave  « rivière » dans le sud-ouest  est un subst. féminin dans les dép. des Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques : gào  d’après l’ALF, masculin ailleurs.  L’etymologie est moins évidente que je ne croyais.  Je ne voyais  pas de contradiction entre le toponyme Gave, anciennement Gaba « rivière » en Béarn et en Bigorre  et le sens « gorge, jabot; goitre »( cf. gavot). Surtout en montagne, les rivières passent souvent par des gorges. Cf. Wikipedia  Gave  .

Mais d’après le TLF des recherches récentes montrent qu’il s’agit plutôt d’un mot préroman gabatro* :

D’apr. leur forme et celle de leurs dér. Gabarret, Gabarrot (v. Raymond, op. cit.), ces mots semblent reposer sur une base préromane *gabaru, *gabarru (Rohlfs Gasc.3, § 69, 479; cf. fin viiie-début ixes. lat. médiév. gabarus Théodulfe d’apr. Dauzat Topon. éd. 1971, p. 138); v. aussi J. Hubschmid, Pyrenaënwörter vorrom. Ursprungs, § 42 qui rapproche les termes pyrénéens de l’a. prov. gaudre « ravin, ruisseau » reposant sur une base préromane *gabatro à laquelle il rattache le lat. imp. gabata, gavata « jatte, écuelle » [v. jatte] – et Id., Sardische Studien, § 23. Une base préromane *gava « cours d’eau » (FEW t. 4, p. 83a) paraît moins satisfaisante. Bbg. Pégorier (A.). À travers le Lavedan. Vie Lang. 1962, p. 468.

L’histoire des mots  qui appartiennent aux substrats et sont souvent préhistoriques, est souvent difficile à reconstruire et je ne m’y risque pas.  Il y a une littérature abondante, si vous voulez approfondir.

Le FEW  classe le mot marseillais gabin  « petite mare d’eau croupissante » dans le même article et il renvoie vers l’article gavia « mouette » pour d’autres mots qui pourraient appartenir à la même famille. Voir l’article gabian.

 

Le Gave de PauLe Gaver de Pau au printemps

Patrick Bruel et Pieter Breughel ont un étymon en ...

Brueil, bruel  « breuil, petit bois clos ». Un mot du vieux languedocien (v.l.) et’un toponyme :

L’étymologie de l’abbé de Sauvages (S2), le grec bruein  n’est certainement pas la bonne. Le FEW I, 555b propose une origine gauloise, *brogilos « bois clos »  derivé d’un autre mot gaulois broga « bord, limite » (voir mon article broa). qui a été repris par la féodalité carolingienne.  Brŏgilo apparaît pour la première fois dans une des Capitularia de Charlemagne  ( Polyptique de St-Irminon, Capitulare de Villis) vers l’an 800. 1 :

Ut lucos nostros, quos vulgus brogilos vocat, bene custodire faciant. (qu’ils fassent bien garder nos terrain que  le peuple appelle brigilos)(source)

Ce sens féodal « terrain appartenant au seigneur » est attesté en ancien lorrain bruel « pré seigneurial que les habitants d’un village étaient obligés de faucher »  et en ancien alsacien brügel  « pré destiné à être au service privé du seigneur ».

Mais le vol.I du FEW date de 1922. Comme je viens de découvrir que la lettre B du  Lessico Etimologico Italiano  est disponible sur le web, j’en profite pour vous envoyer vers l’article brogilos.  Je n’ai rien à y ajouter, sauf que le même mot existe aussi en néerlandais; voir ci-dessous.

J’ai essayé de traduire le premier paragraphe avec Google traduction, une catastrophe !. Tout francophone et surtout tout occitanophone  comprendra mieux l’italien que la traduction Google. Comme preuve, voici l’original et la « traduction »:

La voce *brogilos, derivato di broga ‘campo, limite’ (scoliaste di Giovenale, Gaff., TLF 4, 944a), pare essere relitto gallico, dato che conti- nua unicamente nell’Italia settentrionale e nella Galloromania (cfr. Pellegrini,SSCISAM 21,459). Il significato più esteso sembra quello di ‘giar- dino cintato; frutteto; verziere’ (I.1.), cfr. friul. broil ‘poderetto annesso alla casa, cinto da un muro, coltivato a viti, alberi da frutta ed erbag- gi’ (PironaN), b.engad. bröl ‘frutteto’ (DRG 2, 522a), occit.a. brolh (1160ca., BernVent, Appel 9,
* Les brogilos ce point, sur le terrain dérivé Broga ‘ Limiter ‘(scholiaste Juvénal, Gaff., TLF 4, 944e), semble être l’épave gallique, comme con- nuent seulement dans le nord et Galloromania (voir Pellegrini, SSCISAM 21.459). Le sens semble plus étendue que «gar- dino clôturé, verger, verger »(I.1.), Cf. Friul. petite ferme du gril »attaché à la maison, entourée d’un mur, planté de vignes, arbres fruitiers et des erbag gi ‘(PironaN), b.engad. Bröl «verger» (DRG 2, 522e), occit.a. brolh (1160ca., BernVent, Appel 9,

Patrick Bruel    Saint-Jean de Bruel (Aveyron)  St-Jean-de-Bruel, Aveyron

Allemand brûl « pré; réserve des cerfs » (plus chez Grimm ) vient également de brogilos.   

A toutes ces attestations je peux apporter une petite contribution:  le mot néerlandais breugel  maintenant vieilli et qu’on ne trouve que dans des noms de lieu et de personnes comme en France, fait partie de la même famille, d’après de Vries,  NEW. (= etymologie-bank) qui écrit que le sens d’origine semble être « terrain clos ».  Il y beaucoup de formes différentes. Cela s’explique par le fait qu’il s’agit d’un emprunt  mal intégré.  Une de ces formes, celle du Brabant, m’ a intrigué particulièrement : bruel.

Le nom  le plus connu est  bien Breughel, graphié  autrefois Bruegel un village dans le Brabant néerlandais et un autre en Belgique. (plus dans le Tijdschrift voor Nederlandse Taal- en Letterkunde. Jaargang 31. E.J. Brill, Leiden 1912   consultable  sur le web).

Notre Patrick Bruel  se trouve donc en très bonne compagnie, Pieter Breughel :

Pieter Breughel

  1. Holder, Alt-Celtischer Sprachschatz I 619 vlg. en Nachtr. 984 vlg.

Negochin, negafol, neguati

Negochin « petit bateau de pêcheur »  est  un mot plutôt provençal,  même s’il est attesté aussi dans leGard. L’étymologie est le latin necare + cane « chien ».  Le verbe necare   signifie « tuer qn avec violence » en latin classique, mais son sens s’est restreint à « noyer » dans presque toutes les langues romanes.

Ce nom est même passé en français. Dans le Grand Larousse de 1874  est écrit: 

NÈGUE-CHIEN s. m. (nè-ghe-chiain – du provenç. négar, noyer, et de chiain, à cause du danger de se noyer que l’on court en montant un de ces bateaux. Le mot périssoire a une origine toute semblable). Très-petit bateau dont on se sert pour chasser le gibier d’eau. On dit aussi NÈGUE-FOL.  NOIE-CHIEN  synonyme de nègue-chien

Negofol qui vient de necare + follis 1 est le mot courant de la rive droite du Rhône jusqu’à  Toulouse, le Tarn et Agen, mais dans cette dernière ville nègo-fol désigne la « renoncule aquatique ».

nègofol agenois

Mistral connaît beaucoup d’autres composés avec négo-:

        

Dans le Midi Libre du 25 juillet 2011, il y avait un article sur les activités de l’association Siloe. « Le neguati a été sorti de l’eau il y a quelques jours; les travaux de restauration supervisés par Siloe commenceront à la fin du mois. »

neguati article ML

J’ai l’impression que la forme neguati « barque traditionnelle des étangs de  Camargue »  donné par le Midi Libre est une adaptation régressive au français de la prononciation locale négatchi > negati  mais je n’en suis pas sûr.

 Voir aussi l’article ganchou

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  1. en latin classique « soufflet pour le feu; outre gonflée; ballon; bourse de cuir » qui a pris à basse époque en emploi adj. le sens de « idiot, sot » TLF