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Bardotades et bardot

Bardotades “bêtises” (Lhubac),   est un dérivé de bardot  » mulet ; nigaud (Lhubac) ».  Pour le glissement de sens vers « nigaud » voir ase.

L’étymologie est la même que celle du français bardot. D’après le FEW, suivi par le TLF, bardot vient de l’arabe barda’a  « bât rembourré pour un âne ou une mule; couverture qu’on met sous la selle ». La première attestation vient d’un texte en latin rédigé à Toulouse en 1144 (DuCange):

Barda « selle (rembourrée) » est bien attesté en provençal et languedocien, comme ses dérivés bardon « bât », bardèlo « bât rembourré » (Marseille), bardino « idem » à St-Affrique, barder « couvrir un cheval d’un barde » (français), bardeto « petit corset d’enfant ».Barda « bagage » vient de l’argot militaire et a été importé directement par les soldats qui faisaient leur service en Algérie.

A partir du sens « barde mince » s’est développé le sens « tranche de lard mince pour garnir un chapon, etc. » bardo, bardino « tranche de lard » (Aveyron).

Bardot « mulet » est dérivé de  barda par métonymie de contiguité. Le mot a probablement été créé en occitan et prêté au français. Il prend les mêmes emplois secondaires que ase: « souffre-douleur, imbécile, celui qui doit travailler dur, etc. « . Languedocien bardoutas est « un grand nigaud » et une bardotado « une bévue » mot formé comme cagado. Un bardou est un petit âne.

Les sites de Généalogie  donnent comme origine du nom de famille  Bardot1 , l’ancien francique  barda « hache », ou avec une certaine réticence le bardot  « mulet »  qui aurait pris le sens « propriétaire de mulet’.  Le  problème qui se pose avec l’ étymologie  barda « hache » est que le mot est très peu répandu dans les parlers galloromans.  Quelques rares attestations en ancien et moyen français et dans les parlers du Valais suisse. Par contre bardot « muletier »  est attesté chez Brantôme, un Périgourdin, pour la première fois dans l’expression  passer pour bardotbardot  désigne une personne: (Godefroy):

bardot au XVIe siècleJ’ai cherché la source de Godefroy. Il l’a trouvé chez Lacurne de St.Palay, qui cite Brantôme,

Un bardot  est  « le mulet qui marche à la tête des autres mulets et qui porte le muletier avec ses provisions et ses ustensiles ».  Le transfert du nom du mulet sur le muletier  > Bardot  est une simple métonymie.

Aubarda « sorte de bât allongé », qu’on trouve dans l’Ouest-occitan fait partie de la même famille, mais a été emprunté à l’espagnol albarda qui avait gardé l‘article arabe comme dans beaucoup d’autres mots d’origine arabe. Au figuré aubardo signifie à dans le Val d’Aran et à Bagnères « la laine laissée sur la peau de la brebis à l’occasion de la tonte ». En béarnais aubardà « ôter le bât; se débarasser d’un vêtement lourd ».

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  1. Bardot :Nom fréquent dans l’Allier mais aussi dans l’Est (88, 90). Sans doute dans la plupart des cas un diminutif de Bard, Bart, nom de personne d’origine germanique (barta = hache). Il peut cependant s’agir parfois d’un toponyme (cf le hameau du Bardot à Senaide, dans les Vosges), avec le sens de terrain argileux.

Asirar

Asirar, s’asirar « se mettre en colère, haïr; abandonner le nid » < *adirare « mettre en colère ».(FEW XXIV, 142b en français).

L’étymologie doit être le dérivé *adirare « courroucer, irriter » qui a été formé à partir du substantif ira « colère ». Nous en trouvons des représentants dans presque toutes les langues romanes : l’italien du 14e s. adirare « irriter », l’espagnol et le portugais airar « courroucer », l’ancien français (s’)airer « (se) mettre en colère » et l’ancien occitan azirar « haïr, se courroucer ». Le dictionnaire Panoccitan fournit les données suivantes : asir nom m. 1. haine nom f.; 2. aversion nom f.; asirable adj., asiradís, asiradís, asiradissa adj. haïssable; asirança nom f. haine; asirar verbe tr. 1. haïr; 2. prendre en aversion loc.
Toutes les significations qu’on trouve dans les parlers occitans et français  » haïne, aversion, violence, ardeur, dégoût  » etc. s’expliquent facilement à partir du sens « colère ».

D’après le Thesoc,  le verbe   aver asir dans les parlers des départements de la Hte-Vienne, de la Corrèze, Creuse et asir dans le  Puy de-Dôme ou prendre asir  dans la Creuse ont sauvegardé dans leur langue le sens « abandonner le nid en parlant des oiseaux »  qui témoigne d’une sagesse ancestrale.

Il m’a fait penser à l’époque où mes enfants étaient ados. « L’adolescence est une période d’éloignement et la colère ou l’ « ira », est un des éléments nécessaires pour provoquer cet écartement, cet éloignement. (d’après un des nombreux sites consacrés à la psychologie de l’adolescence, p.ex. celui-ci).

     asir

Sur le point d’asirar   

Badar

Badar « béer, bayer » bader en français régional, badailler, badetcher (Lhubac). L’étymon doit être un latin vulgaire batare « bayer, béer » (FEW I, 282 ), qui n’est pas attesté avant le VIIIe siècle. Déjà en ancien occitan badar signifie: « être ouvert, s’ouvrir; ouvrir la bouche; béer; regarder bouche béante » etc. Dans le Donatz proensal du XIIe siècle : badar = os aperire.

Vous pouvez consulter et télécharger en format pdf. la nouvelle version de l’article du FEW batare à cette adresse.  Voir aussi le riche développement de cette famille de mots en Italie décrite dans le LEI s.v. batare.

Badar  a eu un riche développement sémantique, souvent plus ou moins péjoratif.  Dans les arènes camarguaises un taureau peut bader les gens en contre piste ou sur les gradins : les regarder en se désintéressant des raseteurs. (Domergue).  A Nîmes badar « regarder », signifie aussi  « admirer ». Ma grand-mère disait :‟celui-là il bade tellement sa femme qu’elle le mène par le bout du nez”.  Dans la pétanque un  Jeu qui bade est un  jeu facile. V+ G+ C+ M+. Boule qui bade, boule facile à tirer.(Domergue, Avise, la pétanque!)

On a créé de nombreux dérivés, surtout des adjectifs,   avec le sens « fou, niais, sot »  badaul, baduel, badaluc, badarel, baduec. En ancien occitan: badoc  subst. est le  « fou » du jeu d’échecs.  (Raynouard) . D ‘après Mistral ma badino a un sens positif  « ma mignonne » en languedocien.

Dans l’Aveyron est attestée une jolie expression: un badobec « une parole ou une action qui jette dans l’étonnement ». Alibert donne les sens: « musard, badaud, nigaud, bâillon ».
Dérivé : abadalhar « ouvrir; faire bailler », en v.r. « se crevasser » (Alibert).

Anglais bay dans bay window a la même origine, comme français baie et néerlandais baai « petit golfe ». (Voir TLF). Anglais abeyance de l’ancien français abeance a pris le sens « propriété qui n’apparient à personne temporairement ».

Français badiner, badinage sont dérivés de badar  et empruntés au provençal badin « nigaud », adj. et subst. (Mistral). L’adjectif estseulement  attesté à la fin du XVIe s. (PANSIER, t. 3), dérivé du provençal badar « bayer » fin XIIe s.-début XIIIe s. . Le changement de sens au XVIIe s. s’explique par le fait que badin a été employé pour désigner le bouffon dans les comédies au XVe s. et au XVIe s., personnage qui fait le sot, par conséquent qui provoque un rire facile. Voir TLF qui donne comme « vieilli » le sens « Plaisanter, taquiner, amuser, tromper par jeu « , mais en Camargue badiner s signifie bien  « tromper »  (Domergue)
Badarela adj fem. « qui ne fait que bailler ou crier » d’après Alibert, « femme qui n’arrête pas de pleurnicher« , d’après Nicole de Rodilhan (30). Un dérivé de badar. Badarel est déjà attesté en ancien occitan avec le sens «  »badauderie ».

Anca

Anca s.f. « hanche; fesses ». J’étais étonné que l’informateur pour Manduel de l’Atlas linguistique avait traduit ‘fesse’ par anca qui normalement signifie « hanche », mais anca, anco « fesse » est assez fréquent en languedocien. Alibert donne aussi ce sens, ainsi que les dérivés ancal, ancada « fessée » (déja chez l’abbé de Sauvages : ancado), ancalhar « fesser; marcher avec peine » et l’adjectif anquier« qui joue des hanches » au figuré: « débauché »! A Montagnac on connaît le dicton :Tala testo, talas ancas. « Telle tête, telles fesses. »  ( ce qui signifie ??)

L’origine est le mot germanique *hanka « hanche », qu’on peut déduire d’un moyen néerlandais hanke et de l’allemand Hanke « hanche; croupe du cheval ». Le mot a été introduit en latin à une époque ancienne. Les étymologistes se sont demandés POURQUOI? puisque le latin avait le mot coxa pour désigner la « hanche ».

Ils ont trouvé l’explication suivante:

Dans la prononciation populaire  fimus « fumier ». était devenu femus, dans l’accusatif  femor et devenu homonyme de femor « cuisse ». Une phrase comme « Oh, euax, bella femora ! » pouvait signifier  » Oh la la, les belles cuisses » ou  » Oh la la, les jolis tas de fumier ». Dans certaines situations cela résultait dans une gifle. Pour l’éviter on se servait du mot coxa pour désigner aussi bien la hanche que la cuisse, mais ce n’était pas une solution satisfaisante dans d’autres situations. Or les soldats romains qui s’étaient battus contre les Germains distinguaient bien les blessures de la hanche de celles des cuisses et ils connaissaient le mot germanique hanka « hanche » qu’ils ont introduit  auprès des médecins et dans la langue populaire.


Les mots qui désignent les parties du corps n’ont pas toujours un sens bien précis, par exemple gorge dans soutien-gorge. Dans le TLF je trouve une vingtaine de synonymes pour « fesses » : derrière, fessier, cul, postérieur, croupe, etc. dont hanche. Par pudeur? en français peut-être, mais d’après le Thesoc c’est le mot courant dans les départements du Gard, de l’Hérault, de l’Aude et de l’Aveyron, avec quelques attestations ailleurs. Il faut noter que dans l’Aveyron et la Lozère on a maintenu le représentant de coxa ou s’agit-il d’un gallicisme ou l’utilisent-ils par pudeur?

Marélar

Marélar v. 1) « distribuer le brin de soie sur l’écheveau de la roue à ce qu’il y  fasse des losanges »(Alès). 2)« tromper au jeu ».  

La marélo est  « le petit caillou » dans le jeu de la marelle.  L’ évolution sémantique de marelar « jouer » à « tromper au jeu » se comprend facilement, non?.
Dans le jeu de marelles on fait des carreaux. C’est à partir de cela qu’on disait déjà au XVIIIe siècle à Alès se marrela « se diviser en losanges », maréla « vitrer » cf. auvergnat marrelatge « vitrage en losanges » et marelar « diviser en losanges » Alibert.  Ensuite le mot  s’est spécialisé dans le milieu de la sériciculture, de là  le sens 1).

Quand ce travail est mal fait marela prend le sens de « rayé, bigarré »

Au Moyen Âge le mot mereau désigne en français un  « jeton » ensuite,   au XVIIe s.  le « jeu de la marelle ».

Marélaire « fripon, trompeur ». Dérivé de maréla « tromper au jeu ».

Dérivé d’une racine marr- « caillou, roche » d’origine préromane, obscure. En provençal existe marro « tuf » ou « auge dans laquelle tourne la meule d’un moulin à huile » , et marrado « le contenu de cette auge ». Cf.  l’article marron.