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Tina, tinel

Tina (f) : « nom donné, dans la garrigue de Nîmes (Gard), au cuvier en maçonnerie couvert par une voûte auto-clavée servant d’entrepôt provisoire de la vendange ou de la récolte à olives » (Lassure).

Étymologie : latin tina « cuve pour le vin, pour la lessive ».  (J’ai pas encore trouvé de photo de la tina nîmoise).
Pour les nombreux sens secondaires voir le  FEW XIII/1; p334

Dans notre région nous trouvons les deux sens du mot latin, ainsi que des dérivés comme  tinado « cuvée de vin, de linge » et tineu (tina + ellu) « cuve à lessive (ALF p.861) et en Lozère tinar « cuve à vendange « ,  tine  en français régional.

Un texte en ancien occitan provenant du Gard donne le mot tinel avec le sens « cave ». Je me demandais quelle évolution sémantique de « cuve » pouvait aboutir à « cave ». Je l’ai trouvée dans le site constructions en pierre sèche.

En latin du moyen âge il y a le mot tinellum  désigne la « salle à manger pour les serviteurs de l’hôtel d’un seigneur ».   Cette salle où l’on dépose aussi les tines, était située  plus bas que la salle à manger des seigneurs,  dans l’entresol donc, plus tard nommé la cave.
Confirmé par Borel de Castres:

Dans le Palais de papes à Avignon par contre:

La vaste salle du Grand Tinel forme l’étage de l’aile du Consistoire. Le terme de « tinel » est employé en Italie et dans le midi de la France pour désigner les salles à manger, ou les réfectoires. C’est ici que se déroulent les banquets organisés les jours de fêtes, en particulier lors de la nomination des cardinaux ou du couronnement d’un pape. Les jours maigres ou ordinaires, le pape est servi dans le Petit TinelPlus d’images et d’explications ici.

Le mot a existé en français, conservé dans tinette mais il n’y a pas d’attestations pour les dialectes du nord  de la France. Tinette est  probablement un emprunt à l’occitan ou au franco-provençal.

Un fidèle visiteur du Midi m’écrit que pour lui les tinettes étaient (sont?) « les chiottes »., un sent qui n’est pas attesté dans le FEW page 335, qui nous fournit par contre pour Le Havre : « baril de cabinet d’aisance ».

Un visiteur italien m’écrit:

 » En italien « tinello » c’est la salle à manger ordinaire (non pas celle de representance de la maison), mais différente de la cuisine. »

Dans le nouveau Dictionnaire Étymologique du Néerlandais (EWN, mauntenant en ligne etymologiebank.nl), le mot toneel  « la scène; théatre » est rattaché à cette signification de tinel. Je n’en suis pas convaincu. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une généralisation du sens « tonneau », étant donné que le tonneau, Butte en allemand, joue un rôle important dans le théâtre de rue tel qu’il est encore pratiqué pendant le carnaval en Allemagne et au Limbourg. J’ai écrit à un spécialiste pour avoir le coeur net et j’attends sa réponse.

Dand lr Gard est attesté tinel « endoit où on dépose les tines ». Quelues planchs suffisent pour transformer une dizaine de tines en scène de théatre; « toneel » en néerlandais.

Pour ceux qui comprennent le néerlandais, ici le lien vers l’article toneel du EWN.  Le sens le plus ancien attesté en néerlandais est « avant-scène, estrade ». Le même sens en Afrikaans. Vous risquez de rencontrer notre  tinel devenu  toneel  pendant vos voyages en Namibie!

Michel Wienin ajoute des informations actuelles sur les sens que tina et tinellum ont pris, ainsi que sur les toponymes qui en sont nés:

TINA, TINEL       :              La définition de Christian Lassure dont je ne remets nullement en cause la grande connaissance du domaine de la pierre sèche, est un peu ambigüe pour qui ne connaît pas ces édicules (dits actuellement tines ou cuves autour de Nîmes). Quelques beaux exemples : https://www.pierreseche.com/images/Nimes_tine_ruinee.jpg et surtout http://www.pierreseche.com/cuviers_de_la_garrigue_de_nimes.htm .

A Nîmes, comme ailleurs le mot tina a le sens normal de cuve et son utilisation pour désigner des mini-capitelles recevant temporairement la récolte d’olives (je n’imagine pas y mettre la vendange !) avant son transport au moulin n’est qu’un sens dérivé. Principales caractéristiques architecturales : petite taille, grande ouverture et surtout une lausa (dalle) fermant la base de l’entrée. D’autre part : la description « …au cuvier en maçonnerie couvert par une voûte auto-clavée servant d’entrepôt… » est erronée : comme pour tous les bâtiments de cette famille (capitelle ici, capeillette (capelheta) à Montpellier, cabane, cabanon, cabanon ponchut, c(h)aselle, chabotte… et borie pour les parisiens !), la voûte n’est pas clavée mais montée « en tas de charge », c’est-à-dire que les pierres, posées presque à plat, débordent les unes sur les autres par encorbellement et ne sont en général posées radialement que dans le plan horizontal (quelques médiocres contre-exemples en zones sans couches calcaires fines, pour des chaselles ardéchoises ou vellaves par exemple).

Le passage de tinel (tinal/tinau  en Languedoc) = grande cuve (fr. cuveau) au sens de chai n’est qu’une métonymie sans problème particulier comme pour cuvier en français.

En microtoponymie, le mot est habituel dans le Gard pour désigner des marmites de géants et autres trous d’eau, en concurrence avec  payròl (chaudron), gorg (gour), to(u)mple… Cf. par exemple Las tres tinas,  « Les très tinos » sur IGN, et de plus mal placé, car ce sont trois vasques profondes dans le lit de l’Aiguillon en aval de la grotte des Fées et nullement un point d’eau sur la colline ! (près du hameau du Roux, ~3 km au NNE de Lussan, Gard). Tinette est le diminutif naturel ; par exemple aux cascades du Sautadet, à La Roque sur Cèze (Gard), on parlait des grandes tines pour les marmites plurimétriques et de tinettes pour les plus petites, sur les côtés.

 

Favalise

Favalise «faible d’esprit »(Job) est dérivé de favo « fève » du latin faba « fève ».   Cette association de « fève » et « faible d’esprit » n’est pas très présente dans les dictionnaires, mais je crois qu’elle est internationale et courante dans la langue de tous les jours.  A  Clermont-l’Her. fabarot « imbécile » et Nîmes faviolet « naïf » (Job), feve (Andolfi).

 

Mr Bean

Faisso

Faïsso, s.f. « bande dont on enveloppe un enfant, maillot; intervalle entre les rangées de ceps, plate-bande de jardinage, sole de terrain, bande de terre soutenue par un mur ».(Mistral), et en  languedocien faisso « lange d’enfant » (S), « bande de terre , terre de forme allongée » = traversier (Andolfi).

Pour les nombreux sens et dérivés voir aussi Alibert s.v. fais, où il réunit tous les mots qui proviennent de fascis « faisceau, fagot » de fascia « bande, bandelette » et de fascina « fagot de sarments ». Presque tous les mots donnés par Alibert s.v. fais « faix, fagot, fardeau, paquet, embarras d’estomac » comme dérivés représentent en réalité le latin fascia. Fascis et fascia étaient en effet assez proches du point de vue de la forme et du sens: fascia désignait une bande de tissus pour envelopper et le résultat était souvent un fascis un « paquet ».

            Images du  Gafiot

L’ancien occitan faisa et le verbe faisar « envelopper, bander, serrer , Aude  faisa v.a. « enmailloter », représentent le verbe latin fasciare « bander, envelopper de bandes ».
Etymologie: pratiquement toutes les significations qu’on trouve dans les parlers modernes existaient déjà en latin : fascia « bande, lien, sangle, etc.». Fascia avec le sens « bande de terre » se trouve déjà dans des inscriptions latines en Gaule. Cf. aussi catalan faxa, espagnol haza, portugais faxa  comme en  ancien occitan faissa, surtout en provençal et en auvergnat. Le sens exact du mot s’adapte bien sûr à la configuration du terrain, p.ex. Aveyron faïsso « carré d’un jardin, petit champ » mais en Camargue c’est « une partie des terres labourables d’une exploitation, affectée à l’une des cultures de l’assolement ou à la pâture, parties généralement séparées par desroubines « .
Un visiteur originaire du Vaunage m’écrit que pour lui « les faïsses sont les cultures en espalier dans les côtes, vignes, oliviers … ». Les espaliers  sont des bandes de terre.

    
faïsso
à gauche en Camargue et à droite dans les Cévennes.

Voir pour une étude approfondie et très documentée de ce mot au sens « bande de terre » consulter l’etude de : Michel Rouvière, » A propos de faysse et escayre : l’indispensable « remise à plat » terminologique , dans www.pierreseche.com/faysse_et_escayre.html / 9 février 2002 « 

Fada "simplet, niais"

Fadá  « simplet, niais » est un  dérivé du latin fatuus + aceus adj. et subst. qui avait les deux sens : « sot, niais » mais aussi « fade, sans goût ».

En occitan la signification « sot, niais » a été contaminée  par le verbe fadá « ensorceler » et ses dérivés enfadá « enchanter », enfadat « féerique, merveilleux » (Alès) qui proviennent du mot latin fata « fée » à l’origine « déesse de la destinée » qui est devenu  fado, fada en occitan Les dérivés sont très répandus en provençal et languedocien, comme fadegear « badiner »(S).  Le sens « fade » par contre est inconnu dans le Midi. Le caractère créatif des mériodionaux est illustré par la grande quantité de dérivés qui sont crées à partir d’un mot comme celui-ci : fadenc, faduc, fadel, fadaou, fadat, fadourlaud, fadouilho, fadoli, fadade, et j’en passe.

A Bandol il y a « le mur du fada » que Raimu a fait construire:

   

« Le mur du fada » Photo J.P.Cassely . ……. …………………Fadá ensorcelé ou simplet?

Le mot de l’ ancien occitan fat « sot »(XIIIe s.) a été introduit en français fat adj. et s.m.  « sot, niais » par Rabelais après ses études à Montpellier. Au XVIe siècle le français a également emprunté le mot fadatz, fadas « niais », pour l’oublier pratiquement et le reprendre au XXe siècle; il est re-rentré dans les dictionnaires (TLF) sous la forme fada et fadaise « chose insignifiante ».

Le sens de  fat en français moderne « prétentieux, vaniteux » date du XVIIe siècle.  Cf. aussi néerl. fat « personnage satisfait de lui-même ». L’argot américain-anglais (appelé « slang ») par contre a gardé le sens d’origine de fat  « sot, niais » (Webster). Les dérivés anglais fatuity (du latin fatuitas « folie, sottise ») et fatuous sont des faux amis pour les Français mais pas pour les Occitans, puisque la notion centrale de ces deux mots est « sot, niais ».

Remarque. Pour Alibert il y a deux adjectifs : fad féminin fada ‘insipide, sans goût’ et fat féminin fada ‘fou’, mais du premier il n’y a que quelques attestations et je pense que ce sont des emprunts au français ou des créations.)

Giga 1 et 2

Giga 1  « Air de danse; corde qui relie deux parties d’une antenne; instrument de musique ancien ». (Alibert) Giga 2  « jambe et cuisse; cimier de boeuf; gigot; longue jambe. . Si vous comparez les deux images ci-dessous et si vous noter en plus les dates des premières attestations des mots  giga 1   au XIIe siècle, giga 2  au XVe siècle

        

                                                                         XIIe siècle                                                                        XVe siècle

vous comprendrez que le  sens de giga 1 doit être à l’origine de giga 2  et qu’il s’agit du même mot. Les dates des premières attestations sont importantes pour comprendre l’histoire d’un mot aussi bien  du point de vue phonétique que sémantique. L »origine est l’ancien haut allemand giga « gigue » un instrument à trois cordes, Geige « violon » en allemand moderne , qui a été introduit en Gaule par les musiciens ambulants à une époque ancienne, probablement pendant les Carolingiens (750-1002).

Au XVIIe siècle on a formé en français  le couple gigot /gigue « cuisse » sur l’exemple du  couple  cuissot « gigot de chevreil » / cuisse.

Gigue « cuisse » > « longue jambe ». En occitan c’est gigo, digo en limousin, gingo en languedocien qui d’après Mistral signifie 1) gigue, cuisse; jambe et cuisse; gigot. 2) l’ancien instrument de musique; danse. Mistral donne l’adjectif giga(t) « qui a des gigues, haut sur jambes », gigado « enjambée » et gigasso « longue jambe », mais il n’y a pas beaucoup d’autres attestations en occitan.

Bien avant, aux XIVe-XVe s., ont été créés deux verbes: giguer « gambader, frolâtrer » et ginguer « ruer » en parlant d’une bête. Les deux verbes et leurs dérivés ont en général des sens péjoratifs. Provençal ginga « gambader, sauter, courir » (M.) « se débattre des 4 pieds, d’un animal renversé » (Aveyron). De là est dérivé le substantif ginga « jambe » en languedocien.

Voir encore le néologisme geek « fou »