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Romana

Roman, romana :  1. »balance romaine » (Alibert)

             

Eh non, la romana ne nous vient pas de Rome!, mais  du Nord de l’Afrique, de l’arabe rumman(a) « grenade, le fruit du grenadier ». Dans des traités scientifiques arabes du XIe-XIIe s. la romana est décrite et notamment le peson qui se déplace sur la réglette et qui avait la forme d’un grenade. En valdôtain (Vallée d’Aoste, Italie) la romana désigne toujours le peson.

          

La plus ancienne forme en occitan est romà (XIVe s.), qu’on a retrouvé dans les parlers occitans modernes à Alzon (Gard) roumo « grosse romaine » et à Sumène roumo « romaine ».  Le mot est venu avec la chose par les relations commerciales, d’abord en Italie qui a emprunté le collectif rumman (> italien romano)  qui a ensuite pénétré en occitan.

Le singulier rummana nous est parvenu par l’intermédiaire de l’espagnol, le portugais et le catalan romana. Les premières attestations datent 1400. Dans son voyage vers le nord et Paris, la forme a été adaptée à l’adjectif romaine  « de Rome ». Ensuite il est revenu dans nos régions et la forme  a été adaptée  à la prononciation locale: par exemple roumèno dans le nord du Gard.

Il faut noter que les deux formes, romana et la francisée roumèna se rencontrent principalement dans les parlers occitans et franco-provençaux.

2. A la romaine (fr.rég. ?) Plusieurs mamans de Manduel m’ont raconté qu’après l’accouchement l’obstétricienne leur mettait un sac de sable sur le ventre pour que l’utérus se rétracte rapidement. Cette méthode décrite dans de nombreux sites internet, s’appelait dans notre région à la romaine. Je ne sais si cette expression est connue ailleurs. S’agit-il d’une référence à la romana ou à une méthode héritée des Romains.

3. Romana « sorte de salade verte ». D’après le Dizionario etimologico italiano :

Selon la légende, la salade aurait été introduite en France en 1389 à partir d’Avignon, alors cité papale, lorsque Bureau de la Rivière partit en Italie négocier le mariage du duc de Berry avec Jeanne d’Auvergne. Son développement s’est poursuivi en Europe du Nord tout d’abord puis en Amérique du Nord et en Australie suivant les migrations européennes dans le monde. Anglais romaine ou romaine lettuce.

  

Roire

Roire, «  chêne blanc » (Quercus humilis, subsp lanuginosa). C’est un arbre de 10 à 15 mètres de haut (à 80 ans). Certains individus peuvent même atteindre 25 mètres. Son tronc, droit et court, porte une écorce noirâtre fissurée. Ses feuilles caduques, lobées et d’un vert clair sur le dessus, sont très poilues (pubescentes) et vert grisâtre sur le dessous.

     
chêne blanc ……………     ……sauge des bois

Pauc roire « sauge des bois » 1290 en Rouergue,  1350 Toulouse. La forme avec –i- surtout dans les dép.34, 11 et 31.

Lat. robur « force ; chêne » remplace en Italie du nord en espagnol, catalan (roure) et portugais,  ainsi qu’en francoprovençal  et occitan le mot quercus,  le préroman *carra   et le celtique (?) cassanus ( > fr. chêne).  Robur   a dû exister même dans le nord de la Galloromania,  puisqu’ il y a beaucoup de toponymes dérivés de robur.   Voir aussi rove et rore et l’article qui approfondit  les différentes dénominations des chênes en occtan : Cassanus, robur, quercus, carra.

Rascar

Rascar « racler » (ancien occitan) vient de *rasicare « raboter », un verbe formé sur rasus le participe passé de radere ‘gratter, ratisser, polir’.

De nos jours la famillede mots *rasicare, dont racaille est un descendant, ne vit plus que dans des ghettos, des quartiers comme on dit de nos jours. Un phénomène récurrant dans l’histoire des langues, comme son contraire la généralisation.

En galloroman la famille rascar a été repoussée dans des sens spécifiques depuis le XIVe siècle par son cousin *rasiculare > racler également dérivé de rasus. Par exemple en français racher signifie » tracer des raches. » Ces artisans disent qu’ils rachent une pièce de bois quand ils tracent avec le compas des divisions nécessaires pour la tailler ou « terminer une broderie par de petits points symétriques » TLF.

A Cahors roscouoillá  signifie  « se racornir en mûrissant sur la paille (des fruits d’hiver) » et à Caussade (Tarn et Garonne) rascoualho  « réserve » . Dans les Cévennes il y a une petite région  où raskás signifie « avare » (Valleraugue, Lasalle, St.Jean du Gard). A Alzon le rascal est « l’aubier, la partie tendre du bois sous l’écorce ». Dans l’Aveyron, et des dép. voisins vers l’Ouest rascal signifie « brou de la noix », comme si c’était l’aubier qui se trouve sous l’écorce verte. cf. Thesoc

Je pense que l’anglais rasher « tranche fine de lard ou de jambon » appartient également à cette famille, comme rash « taches rouges sur le peau ». En catalan, espagnol et portugais rascar est bien vivant avec le sens « gratter ».

rascar phanphanroscouailladophanphan rascal

Les dérivés et les mots composés avec rascar ont pu se maintenir dans plusieurs groupes de significations.

Râsco « teigne, teigne des enfants, croûtes de lait », Languedocien  (S); Gard rascous « chauve »; Languedocien rascassoun « lepidotriglia aspera » un poisson épineux. Dans Un rouge et un blanc de Roumanille, Coulau dit à Rafèou :

T’aplatisse lou pebroun! qui lui répond :T’esquiche la figo! tas’te, bèou-l’oli, mor-de-fam, rascas ..

Rascas signifie ici « teigneux ». Antoine Bigot parle d’une bando dé rascas dans sa parodie de la fable de La Fontaine. Dans ce sens le mot a été prêté à l’anglais rash « 1 :an eruption on the body, actinite 2 : a large number of instances in a short period <a rash of complaints> » et au breton rach.

rasco         rascassoun

Râsco « cuscute ou epithyme ». Cette plante est un purgatif doux, on la donne pour les obstruction du foie  (S).  Ce sens de rasco est limité au Sud de la France. La  cuscute est  un « Plante parasite à la tige grêle et rougeâtre, à petites fleurs blanches ou rosées, réunies en petites grappes et ayant pour fruit une capsule à deux loges. (Quasi-)synon. barbe de moine. » (TLF) Un visiteur aimable me signale un livre de Pouzolz, Flore du département du Gard. Nîmes 1856-1862, qui donne les renseignements intéressants :

« CUSCUTE – CUSCUTA. – Cette plante parasite est connue sous les noms vulgaires de herbe-de-moine, cheveux-de-Vénus, cheveux du diable, reche, rogne ; en patois rasqua. Elle est apéritive, antiscorbutique; son suc est purgatif, inusitée. On la dit bonne contre les rhumatismes.
On la trouve aux environs du Vigan, de Lanuejols, elle manque dans la plaine; floraison juin-août.

Raque « bourbier, boue ». Ce sens ne se trouve que dans le Nord-Ouest de la France, en Flandres, Picardie, Normandie: rouchi déraquer « se retirer des boues ».

Rache « lie ». Français rache « lie de goudron » (Larousse).

Rascas  « banc de pierres ». Languedocien rascás « mur de soutènement le long d’un ruisseau », rascasso « une pierre ou chaussée de ruisseau & de ravin; sorte de mur de terrasse, ou soutenement fait avec de grosses pierres posées de champ (sic), auquel on donne beaucoup de talut. On fait ces chaussées pour retenir la terre dans les ravins ou dans les ruisseaux des pays montagneux (S) ». Dans l’Aveyron enroscossá est « placer des pierres de chant en construisant un mur ».

Rachée « souche »  Français rachée « souche coupée sur laquelle il repousse des rejetons ». Dans ce sens la notion « coupé au ras du sol » est centrale. Au figuré le sens est  » ce qui se trouve le plus bas », ou la  » France d’en-bas ».  Rascaille est attesté depuis 1138 en anglonormand, racaille depuis 1190, racaïo, racailho en languedocien. Le mot a été emprunté par les parlers occitans.

Emprunté par l’anglais rascal   « a mean, unprincipled, or dishonest person 2 : a mischievous person or animal « subst. et adj. Le sens du mot rascal s’est adouci; de nos jours rascal  ne se dit que d’enfants et  on peut le traduire par coquin,  polisson; old rascal (familier) « drôle » et nous sommes tout près du sens de la racine *radere « polir ».

pha
a little rascal phaphaphaun groupe de rascals

Ce n’est que dans ces significations très spécifiques que la famille *rasicare a pu survivre. Son cousin *rasiculare > racler  par contre a la belle vie. 

Arrapar, arapar

Ar(r)apar est composé de ad + rapôn  et  présent dans tout le domaine occitan et en  franco-provençal. Pour l’étymon voir l’article  rapar .  Arraper en français régional.

Les significations sont toujours liées à la notion de « arracher, enlever, saisir », comme par exemple le grenoblois arrapan « grippe-sou; malheureux », ou le nom du « gallium arapine » l’arrapoman, qui colle à la main;  ailleurs c’est le fruit de la bardane, la garance sauvage ou le pariétaire (Valleraugue). Mistral donne d’autres combinaisons, dans son Trésor, vol.I,p.137. (C’est un lien direct vers la page du Trésor. Consultez aussi la page 138!

      

arrapo-man           garance sauvage                 pariétaire        

A partir du sens de rapar « saisir » s’est développé le sens « grimper, ramper » aussi bien en franco-provençal qu’en occitan. A Lyon un ropîou est un grimpeur, à Marseille un rapaïon « un sentier à pic dans les pierres ». Cf. aussi rapieta « lézard gris » et rapinayre ou  rapinau » grimpereau » en Bigorre dans le même article.  Le grimpereau est un oiseau du genre passereau, de couleur rose et gris perle, qui grimpe le long des arbres et vit des insectes qu’il chasse sur les troncs.

Un groupe spécial est formé par rapa, rappa « rafle du raisin; grappe  » et rapuga v.a. « grappiller », rapugo « la rape, rafle ou marc du raisin » en franco-provençal et en occitan. A Barcelonnette rapugas a pris au figuré le sens : « des restes ». Il s’agit très probablement d’une dérivation à partir du verbe rapar, qui rattache cette région au catalan rapa « grapillon », à l’espagnol rapa « fleur de l’olivier » et aux parlers italiens.

Il semble qu’il n’y ait pas de lien direct avec le mot rapes « marc de raisin » qui est attesté en ancien picard ou champenois, pour lequel on peut supposer un lien avec le mot allemand Rappe « grappe sans les raisins » utilisé dans la région de la Moselle, du Nahe et du Rhin et en Suisse. Emprunté (?) par l’anglais rape « rafle ».

allemand Rappen // anglais rape

Commentaires des visiteurs

Un visiteur de Manduel me signale: un rapugaire est un « grapilleur ». Dans le temps, vendanges terminées, on voyait dans les villages venir les rapugaires de Nîmes.

Olivier me signale qu’en Aveyron un arapadou désigne une « montée escarpée »

Calicot "fève".

Calicot « fève ». Voir l’article quincarlota où plusieurs membres de cette famille de mots sont réunis.