cat-right

Rabas, rabasso "truffe"

Rabas, rabasso « truffe », rabassier « ramasseur de truffes ». L’étymologie est le latin rapum « rave » + suffixe –acea.

rabassié

rabassié

Dans la bas-dauphinois, à Grenoble, en provençal,  en est-languedocien  et en Dordogne rabaso, rabasso  désigne la » truffe », un rabasié  est un chercheur de truffes; celui qui conduit les porcs à la recherche des truffes ».  En dehors du domaine des chercheurs de truffes rabas  a gardé des significations plus proches de son étymon rapum « rave », comme par exemple « racine d’un arbre, souche ».   En Ariège un rabasié  est une « houe pour le vigneron »; l’adjectif languedocien rabassot signifie « courtaud, trapu » (S2), rabasset à Marseille

Rabassa  est attesté en ancien occitan dans le département de l’Aude et les environs  avec le sens « réséda des teinturiers », ce qui est expliqué par von Wartburg1 par le fait que  les feuilles de cette réséda ne sont pas coupées mais vendues  avec la racine. Cette réséda est souvent confondue avec la gaude  « le pastel« . Voir cet article sur le pays de Cocagne. Pourtant la gaude, « guède » en français est une plante herbacée (Crucifères) à petites fleurs jaunes et dont les feuilles étaient utilisées en teinturerie jusqu’au xixe siècle pour leur matière colorante bleu foncé. RollandFlore ne donne qu’une seule fois rabassa  comme nom populaire de cette réséda.

réséda des teinturiers   

Rabas « truffe » est un homonyme de rabas  « blaireau ».

Si vous voulez savoir plus sur l’histoire des rabassaires catalans, dont le nom a la même étymologie, il vous faudra googler…

  1.  FEW X, 74 n24

Avelano "noisette"

ShareAvelano « noisette ». Avelano et le nom de l’arbre avelanièr, ainsi que avelanada « noiseraie »  sont pratiquement panoccitan[Pourla répartition géographique et la prononciation voir le Thesoc s.v. noisette]. L’étymologie est l’adjectif latin  nux abellana ce qui voulait dire « noix qui vient de la région d’Abella », une ville de la Campana près de Naples, Avella (Av) en italien moderne, où cette culture est toujours très importante.

Il n’y a pas que de vieilles pierres et  des noisettes dans l’Avella  de 2013:

Le type avelana  se trouve en franco-provençal et en occitan au sud d’une ligne qui va de l’embouchure de la Garonne au lac de Neuchâtel en Suisse. En franco-provençal nous trouvons souvent le type alagne, alogna  qui vient d’un dérivé *abellanea  , souvent avec  un sens collectif.

A partir du XVIe siècle on trouve une forme avec changement de suffixe aveline  dans des textes en  moyen français, probablement empruntée au latin tardif abellina.  Le type avelana  se retrouve en italien, catalan, espagnol et portugais. Voir les index de ces langues dans la catégorie « L’Occitan et … »

De nombreux toponymes sont formés à partir d’avelano, abelano.  Voir le Pégorier.

 

Pelous "bogue de la châtaigne"

Pelous « bogue de la châtaigne » est un dérivé de pèl « peau ».     L’étymologie est le  latin pĕllis « peau » devenu pel en languedocien, pèu en provençal, pet en gascon.  La forme pelous  est limitée à la l’ouest du département du Gard (Ales, Valleraugue, St-Jean du Gard), et une attestation dans l’Aveyron et une dans  la Lozère.  Ailleurs c’est la forme pelou, peloun  qui domine.  L’aspect poilu  de la bogue a dû attirer  peloun dans la sphère de pilosus « poilu », ce qui explique le -s final. L’abbé de Sauvages  écrit qu’il faut dire pelous et non pas pelon qui est un barbarisme ni hérisson. (S1). Pourtant le type pelon est très répandu ; jusqu’en angevin, poitevin et saintongeais FEW.

La Fare d’AlaisLas Castagnados,  nous fournit d’autres dérivés :

Je pense que La Fare-Alais a inventé le dernier pour des besoins poétiques1. Mistral mentionne le mot peloufassié « chataignier » pour le languedocien, dérivé de pelofo  « pelure, écorce, peau de raisin, cosse ».

Il y a eu beaucoup de rapprochements entre les  dérivés de pellis « peau »  et les dérivés de pilus  » poil ».   Peler peut signifier « arracher les poils » et « enlever la peau ». Le TLF parle même d’ étymologie secondaire.

La Pelegrino est mentionnée dans la liste des variétés de châtaignes qui existaient, dans les Cévennes, au début du XIXe siècle. Voir mon article Castagnes et marrons.

PELEGRINO la meilleure moyenne partout moyenne très productive. Bonne qualité de bois, feuilles d’un vert foncé pliées en goutière
  1. D’après les données du FEW cette attestation est unique

Tatino "blanche putain" ?

Tatino « blanche putain ». Non je ne me lance pas dans la pornographie. Il s’agit du « pourpier de mer » ou « atriplex halimus » (FEW).    En  contribuant  occasionnellement au site Plantuse pour le projet  Rolland,  j’y ai découvert les botanistes provençaux du XVIe siècle, dont Hugo Solerius, qui était originaire du Lubéron. Dans  sa Scholiaeparu  en 1549 il donne les noms français, provençaux et dauphinois des plantes1.  Dans l’article Halimum  il écrit que les savants ne savent pas exactement de quelle plante il s’agit. Certains pensent que c’est la plante  que les Gaulois (= les Français de langue d’oïl) appellent « blanche putain« ,  qui s’appelle chez nous  la tatine   et chez les Dauphinois le  tatoulier.  Il faut le ranger dans les plantes inconnues dit il, parce qu’il faut avoir d’abord une bonne description :

l’atriplex halimus (Wikipedia)

Le nom blanche putain ou blanche pute  est assez rare. Il n’y a que quelques attestations chez des botanistes au XVIe siècle2 La première vient du  Livre d’heures d’Anne de Bretagne 1503-1508 :

Blanche futaine. — Catoleri. — Viburnum lantana L. Mancienne (la plante est mal dessinée). Jussieu voit le « lilas blanc » (Lilac vulgaris Lam.). La Mancienne était appelée au XVIe siècle, blanche pute et blanche putain (Dalechamp). — Catoleri est probablement un dérivé de catus, comme Catolleria (voy. Pullan). ( Source Plantnet identification).

Geofroy Linocler, Histoire des plantes.  Paris 1584, écrit que le Halimus ou Atriplex marina s’appelle en François Franche pute, ou Blanche pute. Ci-dessous sa description et son dessin:

Jean Bauhin (1541-1612)  écrit  dans   l’  Historia plantarum universalis3  que le halimum n’est pas la même plante que la blanche putain:

Ruell. Rob Const.  inter nomina ponunt  Blanche putain quod nomen Halimo non convenit.

Ensuite ce nom disparaît des dictionnaires et des textes.  A ma grande surprise  il réapparaît dans le Dictionnaire franco normand ou Recueil des mots particuliers de Guernesey par M George Métivier (1870),  dans la forme blanche pute, avec une étymologie savante :

  

L’image est le Teucrium4.  Il me faudra de l’aide de botanistes pour en  tirer une conclusion. S’agit-il de l’atriplex halimus ou du viburnum lantana?

L’étymologie est le latin putidus « puant, pourri, fétide »; FEW IX, 635.

Les noms occitans fournis par  Hugo Solerius   tatine  en provençal et  tatoulier   en dauphinois posent moins de problèmes.  Ces noms  sont très bien attestés dans les parlers occitans et franco-provençaux5 avec le sens viorne, baies de la viorne, viburnum lantana  en latin des botanistes.   On les retrouve d’ailleurs dans l’Atlas linguistique de la France (ALF) et chez Mistral :

    

tatoulietatoulié

L’étymologie de cette famille de mots est inconnue. Le FEW suppose une racine tatt- d’origine pré-romane.  Les attestations se trouvent dans les parlers franco-provençaux et en provençaux à l’est du Rhône, parfois avec agglutination de l’article comme à Barcelonnette atàta sg. « fruit de la viorne »  ou latatyé « viorne » dans le dép. des Hautes-Alpes. Il y a également des attestations dans le Piemont.

Edmond (ALF) a noté quelques formes avec un changement de la consonne finale dans l’Aveyron : tap  ou tak. L’abbé de Sauvages (S2) appelle la viorne tassigné  et dit que les baies sont astringentes et bonnes pour les gargarismes;  on fait rouir les branches pour en faire de la glu.
________________________________________

  1. Voir à son propos mon article  Barigoulo
  2. Littré s.v. putain la mentionne pour le XVIe s.
  3. Publié après sa mort en 1650
  4. Photo prise à Villeneuve lès Avignon – Gard (30)le Avril 2009 par Jean-Luc TASSET
  5. Voir p.ex. RollandFlore6, p.258 et 259

Castagnes et marrons.

   

Agriculture et histoire

En agriculture les châtaignes  ne sont pas du tout la même chose  que les marrons.  « Il existe une différence fondamentale entre la châtaigne et le marron. Elle est facile à voir. L’enveloppe de la châtaigne, la bogue, est cloisonnée et elle contient deux ou trois fruits. Le marron, égoïste, mûrit seul dans sa bogue.1.

L’un et l’autre, la castagno comme le marron nous sont parvenus de très loin. Les  fruits du châtaigner étaient  un des premiers aliments des races primitives. Et cela a duré longtemps Dans le Grand Larousse du XIXe siècle, Pierre Larousse pouvait encore écrire

« il forme  presque à lui seul toute la nourriture des montagnards de l’Auvergne, des Cévennes , de la Corse… ». Au moyen age il y avait l’expression parer  chastaignes à quelqu’un ce qui voulait dire «  lui préparer un bon accueil », et aussi peler chastaignes à quelqu’un  pour « lui dorer la pilule ».

L’origine du mot castagno est à chercher en Asie mineure. En persan existe le mot kashtah « fruit sec, pépin » et les savants pensent que l’arbre et son nom sont introduits en Europe, notamment en Grèce à partir de l’Iran.   Virgile (70-19 avant JC) connaît déjà le mot castanea  qui  donne dans notre région castagno ou costognos  (Aveyron) et castagne en français régional.

Il y a de nombreuses « Fêtes de la Chataignes » dans notre région: En automne, le petit fruit à coque piquante est au coeur de toutes les attentions gastronomiques et au centre des fêtes traditionnelles du Languedoc-Roussillon. Fêtes, foires et autres castagnades lui font la part belle cet automne !

Avec ce mot dans votre vocabulaire,vous pouvez  voyager très loin: aux Pays Bas et en Belgique kastanje, en Allemagne Kastanie, en Scandinavie kastania, en Russie kashtanu en Pologne kasztan, en Lithuanie kasztanas et même en Bretagne kistin et le pays de Galles kastan.  Les Anglais par contre ont emprunté le mot chestnut à la langue d’oïl, où par étymologie populaire ils ont ajouté un –t  au –chestne  pour ranger la châtaigne avec les noix (nut).

Il y a en languedocien pas mal de mots dérivés de castagna: castagniè « relatif aux châtaignes ou qui aime les châtaignes »(Mistral), castagná verbe « récolter les châtaignes » mais aussi « dépenser tout »,  languedocien castagnaïro  « ramasseuse de châtaignes »  et  dans le Languedoc,  des castagneirou « petits châtaigniers » (Mistral). Spécial pour le Gard sont  castagnolo « roitelet » et castagno « sexe de la femme ». D’après le Thesoc à Maillanes (13) ce sont les testicules. A Alès kastagnados  est la « veillée à l’époque de la récolte des châtaignes », et comme on grillait des châtaignes pendant ces veillées il a pris le sens  « grillade de châtaignes »2.

En français  castagne  ou castagnole , empruntés à l’occitan, servent à désigner un poisson, le « sparus chromis »  (Linné 1758), mentionné dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. D’autres noms de petits poissons  comme castagnot ou castagneau, ou castagnole  viennent également  du Midi.

TOPONYMIE. Beaucoup de noms de lieux où poussent les châtaigniers sont dérivés de castanea.

Dans le Grand Larousse du XIXe siècle, vol. III, vous pouvez trouvez une description détaillée du travail de la chataigne : la récolte, la conservation, des recettes, etc. Il y  décrit entre autres le procédé que pour récupérer les châtaignes,  dans la claie :

«On [les]chauffe ainsi pendant dix jours environ. Vers le cinquième jour, lorsque toute la récolte est rentrée, on retourne les châtaignes pour achever de sécher la couche supérieure. on considère les châtaignes comme suffisamment sèches et prêtes à être blanchies, quand leur écorce se détache bien et qu’elles sont dures sous la dent. On les fait alors tomber sur le plancher inférieur (de la claie), dont on a enlevé le feu et les cendres; puis on les dépouille de leur écorce, soit en les plaçant dans des sacs que l’on frappe sur un billot revêtu d’une peau de mouton … , .soit au moyen des soles, qui brisent moins les châtaignes.».

Par hasard j’ai trouvé une liste des variétés de châtaignes cévenoles à l’Université des Jésuites à New York :Source: « Recueil de Mémoires et d’observations de Physique, de Météorologie, d’Agriculture et d’Histoire Naturelle » par le Baron Louis-Augustin d’HOMBRES-FIRMAS, Nismes, 1838, volume 3, page 81: Mémoire sur le châtaignier et sur sa culture dans les Cévennes (1819).

QUI LES RECONNAIT ENCORE DE NOS JOURS??? Contactez-moi

D’après Andolfi la castagne est « un sport ancestral cévenol qui se pratique à mains nues… » et castagne dans ce sens est synonyme du français marron. Châtaigne = marron est attesté en francais depuis 1635 ; châtaigne signifie d’abord un « coup sur les doigts » et ensuite un « coup de poing » (D’après Delvau A., « Dictionnaire érotique moderne » Bâle, sans date ). Marius Autran est plus sérieux quand il écrit à propos de l’expression: ça va castagner ! « c’est de l’argot français qui n’est pas spécifiquement provençal. »

Le mot marron a le même sens depuis 1835. A.Rey pense que le sens « coup de poing spécialement sur la tête », s’explique par métonymie de la tête qui reçoit le coup (un coup sur le marron) au coup lui-même . Mais le sens « tête » pour le mot marron n’est attesté que depuis 1896. Von Wartburg est d’avis que c’est la couleur que prend la tête quand elle a pris des marrons qui est déterminante. Quoi qu’il en soit, c’est du pareil au même, quand on les reçoit, ça peut faire très mal.

 

  1. Il y a quand-même un risque de confusion de 12% : « Le castanéiculteur est tenu quant à lui de classer la production de ses arbres en châtaignes, si la proportion moyenne des fruits cloisonnés est supérieure à 12%, et en marrons, si cette proportion est inférieure à 12%.»
  2. . Dans les Cévennes la « grillade » s’appelle rabanelo, voir le mot rabinar