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veirat ‘maquereau’

Vairat (Alibert1 ), Vêira (Sauvages) « maquereau »  est un dérivé du verbe vèira(r) « tourner, changer » qui vient du latin variare « changer, être différent ». Plus précisément il s’agit du participe passé  variatus  qui s’est maintenu avec les sens apparentés comme  » tacheté, bariolé, polychrome; niellé (un erme d’orfèvrerie) » dans le domaine galloroman.

Les attestations  du sens « maquereau » du FEW XIV,177 presque toutes avec -è- viennent surtout du domaine languedocien. En catalan il s’appelle verat.

maquereaux ai marché Wikipedia

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L’étymologie s’explique par les reflets  bleu-vert  et les traits noirs du maquereau.

Des savants de la Renaissance comme Rondelet, Conrad Gesner, Cotgrave, ont introduit le nom veirat en français où il se retrouve jusque dans le Grand Larousse de 1876 aussi comme verrat,  et  virat. Le supplément de Littré mentionne le veyradier « filet utilisé dans le quartier d’Agde pour la pêche des maquereaux ».

En dernière minute ke constate  jusqu’à nos jours (2018) dans leTrésor de la langue française  du CNRTL dans l’article verrat.

  1. La graphie proposée par Alibert et repris par les occitanistes est étymologisante ou celle du Moyen Âge et nécessite donc un apprentissage supplémentaire.

Escaume ‘dame de nage, tolet’.

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Escaume « tolet » ou « dame de nage » vient du grec σκαλμος  emprunté par les Romains scalmus   toujours avec le même sens. Le mot se retrouve dans tous les parlers marins de la Romania, sauf en normand qui a gardé un mot ancien nordique  þollr « arbre; poutre »,  cf. le danois et le norégien toll, le suédois tull « tolet ». (CNRTL tolet). Le type nordique a gagné du terrain sur la côte atlantique au détriment du type scalmus ( FEW scalmu XI,272b)

escaumo escaumos    escaumo2

Dans le travail inestimable du Commandant Noël Fourquin et de Philippe Rigaud :

De la Nave au Pointu

Glossaire nautique de la langue d’oc

Provence-Languedoc

Des origines à nos jours

Dans l’Édition sur CD de 2010, je trouve plusieurs attestations comme celui-ci:

1510: « …pour bois employe a faire pedagnes et escalmes… » Archives Départementales BdR. B 2551 f°148v°

et des dérivés :

Escaumado s.f « bordage qui porte les tolets et les toletières d’un bateau. »; Escaumot s.m 1636: « Plus en rombauds, encentes, escaumots… » A.D. BdR. 14 E 403 (n. fol.).

Cotgrave écrit dans son dictionnaire de 1611 scalme « a thowel »=  thole  en  anglais moderne1 c’est-à-dire « tolet ».

scalme_Cotgrave

et qu’en provençal un peis escomé est un « brochet de mer ».

peis_escomeCotgr

peis escomépeis escomé

Palavas escan « tolet » (faute de lecture  u>n ?), et escaumieira « petite pièce de bois placée sur le plat-bord pour recevoir le tolet »  sont placés par erreur  dans l’article  scamnum 11,278a 

  1. Contrairement au français, l’orthographe de l’anglais a bien évoluée.

Loubar "scier un arbre"

Louba, loubar « scier un arbre de travers; carder la laine avec la machine appelée loup » (Mistral). Le Thesoc atteste le verbe louba (lopa  dans la graphie dite classique), avec la sens « scier au passe-partout’ dans les département de l’Ardèche, du Gard et de l’Hérault. L’origine du verbe est le substantif féminin   loubo   « grande scie à dents de loup » (Mistral),  sens  attesté de Barcelonnette jusqu’au Cantal d »après les données du FEW. Loubo  vient du latin lupa « louve » féminin de lupus « loup »; le verbe a été formé à partir du substantif.

3 loubes

Peut-être  que lupus  qui avait déjà chez les Romains le sens « petite scie » (Gafiot)  s’est maintenu depuis la romanisation du sud de la Gaule.

Gérard Jourdan de Montagnac (34) m’écrit :

Bonjour Robert,
je me souviens d’avoir utilisé, avec mon père, cette grande scie que nous appelions la « louba« , avec un mancheron à chaque extrémité et que nous avions dans le magasin pour scier des branches et parfois des souches d’olivier ( très dures et récalcitrantes ) ou d’amandiers       ( plus faciles).
Il y avait une chanson qui rythmait les allers-retours de la scie dont je ne me souviens que des premières paroles :
« reso1, reso Jan Vidal, mounto la reso un pau mai naut… »
Cordialement

Mistral donne deux autres variantes dans son Trésor :

Ensuite Gérard Jourdan l’a retrouvée dans le Le catalogue de la chanson folklorique française, Volume 5 Par Conrad Laforte. avec plusieurs variantes.  Il a continué ses recherches qui ont abouti à la citation suivante;

Dans les Cévennes par exemple (Pelen 1980):

« Tira la ressa. – l’enfant est posé à califourchon sur les genoux et balancé d’avant en arrière, en sorte d’imitation du travail des scieurs de long auquel fait allusion le texte […]:

Tira la ressa Jan Vidau
Tira la tus que siàs pus naut
La trempa es bona lo vin es melhor
Tira la tus mon companhon!

(Tire la scie Jean Vidal / Tire-la toi qui est plus haut.
La piquette est bonne le vin est meilleur / Tire-la toi mon compagnon)

Le sens « carder la laine » par contre doit être récent parce que le loup « machine à carder » n’a été inventée qu’au XVIIIe siècle.

loup à carder

 

D’après ma voisine loube  est aussi le nom de la « limace » à Cannes.  Je ne l’ai retrouvé nulle part. Loube  « scie à grandes dents » existe aussi en français régional à Champsaur.

Loup est aussi le nom du « bar » dans le Midi (TLF)

Le mot basque lupu « araignée; chenille » a été emprunté au latin.

 

  1. du latin re+secare.

Mounine ‘guenon’

Mounine  s.f.  « Sexe de la femme » est un dérivé de mona « guenon ». L’étymologie de mona  est l’arabe maimun  « singe », mot introduit dans presque toutes les langues romanes par le commerce des singes.:  italien maimone, catalan  gat maimó, móna,   espagnol et portugais  mono, mona,  italien et espagnol monina.  Les deux mots monne  et monine  ont aussi existé  en français. Cotgrave (1611)  écrit:L’évolution de la forme  maimon  attestée en ancien occitan (1339)  vers mona  s’explique par la chute de la première syllabe sentie comme une réduplication.

La première attestation de monina  (1470) vient  du provençal (Avignon) et ce dérivé est surtout répandu dans le domaine occitan.

Plusieurs sites  marseillais donnent uniquement  le  sens « sexe de la femme1« . Couillon de la mounine « Simple d’esprit »: « Vé le, ce couillon de la mounine qui fait pas la différence entre un 51 et un Casa ». Variante : moumoune.

Ci-dessous l’article mounino  de Mistral, vous voyez que le sens du mot a évolué depuis le 19e siècle :

 

Dans son article enserta « greffer »  il cite en plus l’expression enserta ‘no mounino « reboire avant d’être dégrisé ».

la calanque Mounine

Mona, monine  et les autres dérivés de maimun  « singe » se trouvent dans tout le domaine galloroman. Pour le moyen français voir 6 articles dans le DMF.  D’après la classification du FEW XIX, 115  il y a dans les parlers galloromans  une douzaine de significations:

  1. figure ou femme laide, par ex. béarnais moune
  2. grimace, boudeur, maussade, par ex. dans le Tarn mouná « bouder », Pézenas mouniná
  3. fantôme  dans le Périgord mounardo « mort »
  4. enfant, jeune  par ex. Paris  mounin  « petit garçon, apprenti »
  5. sexe de la femme  par ex. dans le Rouchi et en argot moniche
  6. vieille vache, par ex. dans le Cantal mona  « vieille vache qu’on engraisse »
  7. ivresse, par ex. Alès mounino,  Montpellier carga la mouninà  ‘s’enivrer »
  8. sourd
  9. nigaud, par ex. à Lyon mounin  « sot, nigaud »
  10. poupée , par ex. à Lescun mounáko
  11. chatte , par ex. à Toulouse mouna, à Barcelonnette mounet, en Limousin  mounasso
  12. autres animaux , par ex. en provençal  mouno  « gadus merlangus », mouna  à Nice et à Palavas.

Toponymie. Devinez quel sens est à l’origine du toponyme.  Un indice →   Calanque Mounine (très belle photo par Amodalie).

Un visiteur me fait parvenir un jolie légende sur l’origine du même toponyme situé cette fois dans l’Aveyron, le Saut de la mounine  :

Vue sur le château de Montbrun au Saut de la Mounine.JPG
« Vue sur le château de Montbrun au Saut de la Mounine » by Daniel CULSANOwn work. Licensed under CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons.

Une jolie histoire à insérer, si cela vous semble opportun, après l’article « mounine » (j’y suis allé en vacances, à Saujac; c’est à côté de Cajarc, là où on trouve le célèbre « Moulinot » de Coluche… c’est pour ça que « mounine », que je n’avais jamais entendu avant, me parle) :

En suivant la D 24 vers Saujac, on débouche en haut d’abruptes falaises (enface, le château de Montbrun et un large méandre du Lot). Le saut de la Mounine tire son nom d’une vieille légende. Un ermite, au retour d’un pèlerinage à Compostelle s’était retiré dans une grotte en compagnie d’une mounine (une guenon). Le sire de Montbrun ne pouvant accepter l’amour de sa fille Ghislaine pour le fils de son pire ennemi jure qu’il aimerait mieux la voir se précipiter dans   le vide. La fille vint confier ses malheurs à l’ermite. Celui-ci sacrifia la guenon vêtue des habits de Ghislaine, en la  précipitant du haut de la falaise, pour simuler sa mort. Le châtelain est bouleversé à la vue de la dépouille qu’il croit être de sa fille. Le stratagème dévoilé, il accorde le pardon et sa main au  jeune galant.

 

 

  1. Voir par exemple  Les Cahiers du Sud, dico de Marseille;  Mounine  dans le site La Joie des mots

Clavelada "raie bouclée; potasse"

Clavelado « raia clavata » ou « raie bouclée » est l’espèce la plus importante de cette famille pour la pêche.  Etymologie :  clavelada  est dérivé de clavellus  « petit clou ». Une image explique le nom occitan et latin. Clavada  est attestée en provençal et languedocien, depuis 1373.

clavada

Il y a aussi le cendra clavelada.  « potasse d’une qualité supérieure tirée de la lie de vin séchée et calcinée à l’usage des teinturiers ». L’étymologie est la même, mais je n’ai pas trouvé d’images. L’attestation en ancien occitan senres claveladas , Albi 1200, précède celle de l’ancien français. 1280.

En feuilletant le Cartulaire de Mirepoix,p.233,  je vois qu’en 1343 à Mirepoix la cendre clavelée est lourdement  taxée:  2 deniers par quintal pour le vendeur, l’acheteur et le transporteur.  Cendres clavelées?  des cendres avec des clous?

Le TLF traduit « cendres gravelées »  comme  des « cendre faite de lie de vin ».  Gravelée  a remplacé un plus ancien clavelée  dérivé de clavel  « clou,  pointe »,  la surface semblant garnie de pointes, et me renvoie vers sa source,  le FEW t. 2, p. 758a et 759, note 3.

 

gravelée ou gravelle

Ce qui suit devrait intéresser les archéologues-chimistes.  Par contre si c’est l’histoire de la médecine qui vous intéresse, il faut suivre le lien vers  Bertrand de Gordon (Wiki)  et son  Lilium Medicinae (Gallica) qui utilise la cendre de claveleure.

L’Encyclopédie de Diderot me renseigne:

CENDRES GRAVELEES, (Chimie) elles se font avec de la lie de vin : voici suivant M. Lemery la façon dont on s’y prend. Les Vinaigriers séparent par expression la partie la plus liquide de la lie de vin, dont ils se servent pour faire le vinaigre ; du marc qui leur reste, ils forment des pains ou gâteaux qu’ils font sécher, cette lie ainsi séchée se nomme gravelle ou gravelée : ils la brûlent ou calcinent à feu découvert dans des creux qu’ils font en terre, & pour lors on lui donne le nom de cendres gravelées. Pour qu’elles soient bonnes, elles doivent être d’un blanc verdâtre, en morceaux, avoir été nouvellement faites, & être d’un goût fort acre & fort caustique. L’on s’en sert dans les teintures pour préparer les laines ou les étoffes à recevoir la couleur qu’on veut leur donner. Voyez TEINTURE. On les employe aussi à cause de leur causticité dans la composition de la pierre à cautere, qui se fait avec une partie de chaux vive, & deux parties de cendres gravelées. Voyez CAUTERE.

cendres gravelées

Potasse calcinée

Dans le Nord où le bois est fort abondant on en brûle exprès ainsi que beaucoup déplantes pour retirer de leurs cendres un alkali assez fort mais très impur que l on nomme Potasse Voyez ce mot Cet alkali est toujours très phlogistiqué & contient beaucoup des matières salines étrangères dont on a parlé On emploie la potasse aux usages dont nous venons de parler les Teinturiers s en servent aussi dans quelques unes de leurs opérations On peut purifier le sel de la potasse par les moyens dont on vient de parler & en faire un assez bon alkali Le marc & la lie de vin desséchée que l on nomme gravelle étant brûlés laissent une cendre très riche en sel alkali que l on appelle cendre gravelée Cet alkali est non seulement fort abondant mais encore lorsque les matières qui le fournissent font brûlées proprement & avec attention il est le plus pur de tous ceux qui font dans le commerce s il contient du fer c est en quantité insensible & il est naturellement exempt du mélange des sels étrangers Aussi les teinturiers & autres manufacturiers dont les opérations exigent un alkali pur préfèrent la cendre gravelée aux autres cendres alkalines (Source)