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Fourniol

Fourniol « pièce où est le four » fournil  en français.

Un fidèle visiteur m’écrit:

bonjour,
je trouve dans le compoix d’Espédaillac (1758) dans l’énumération des biens
sujets à allivrement : maison, four, fourniol. j’ai cherché dans plusieurs dico
anciens et ne trouve pas de rapport avec le four ? ms pourquoi ces 2
expressions consécutivement?? endroit où l’on rangeait le bois pr ou près du
four??

J’ai pu lui répondre:

Bonjour,
Je vous remercie de votre commentaire.
Je crois qu’elle mérite un article fourniol  plutôt qu’un commentaire  dans la page d’accueil.
Elle montre aussi que le prof. J.P. Chambon  a raison quand il écrit dans la Revue de linguistique romane 76 (2012)1

Images intégrées 1…..

Le mot  fourniol  se trouve dans le FEW vol. III, p.904 b;
Attesté  à Cahors,  dans l’Aveyron  fourniol, ofourniou,  à Ytrac  fourgnéw,  à  Chavanat (Creuse) fourgnôou,  dans le bas-limousin  fournial  (comme dans le Tarn  fournial)  et à  St-Pierre de Chignac  fourniau. Dans le Poitevin c’est le fourniou  comme dans les Deux-Sèvres.
Le sens de toutes ces attestations est  « pièce où est le four ».
Vu le fait que votre village se trouve dans le Quercy, il n’y a pas de doute sur le sens de  fourniol  dans le Compoix.
Si cela vous intéresse, je peux vous fournir les sources du FEW concernant ces attestations.
Amicalement,

Cette attestation dans le Compoix d’Espédaillac de 1758 est probablement la première. Il reste tujours beaucoup de travail pour les occitanistes :

TLF :

Occitaniste, adj. et subst.a) Adj. Relatif, propre à la langue occitane. La recherche occitaniste (Amiras,1983, no6, p.55).b) Adj. et subst. (Personne) spécialiste de la langue et de la littérature occitanes. Chercheur occitaniste. « On remarque la rareté des occitanistes, leur faible pouvoir d’intégration à l’appareil de recherche, jusqu’à une date récente du moins « (Amiras,1983, no6, p.55).

 

 

Seden "lasso camarguais"

Seden « lasso camarguais », est dérivé du latin sæta, seta  « soie de porc, de sanglier; poils  du bouc, crinière de cheval ». (Gaffiot) Chez Valerius Martialis  (Martial), un auteur espagnol, on trouve  seta avec le sens « ligne de pêcheur » un sens très proche de « lasso ».

    lasso camarguais 

 « Sont accrochés à l’entrée du Mas, le Seden tressé avec la crinière du cheval et le Bucrane d’un  taureau de la manade qui de ses cornes levées, éloignera le malheur et devenu fétiche , enseignera fierté et bonheur ». (Source).

Le  dérivé seden  est d’après les données du  FEW limité à la Camargue. Mistral également écrit qu’il s’agit d’un lacs camarguais:

seden chez Mistral

Ailleurs dans le domaine occitan nous trouvons principalement le dérivé  sedou avec le sens « lacet, collet, piège, etc. »  Dans le Gers un cedoun ou sedoun  est une « noeud coulant pour prendre les oiseaux », en béarnais on parle d’une  sedade . Dans l’Aude un sedunaïre  est un « braconnier ».

L'(ortho?) graphe  seden(Alibert, Panoccitan) est fantaisiste.  L’article  seda d’Alibert présente un mélange de mots dont une partie vient du latin sæta, seta  « soie de porc, de sanglier; poils  du bouc, crinière de cheval » et une autre parie de sætacium « tamis fait de crin » qui a abouti à siá, seás « tamis » à l »est du Rhône, sedás à l’Ouest. Voir l’article  sedas.

J’ai trouvé le mot seden  dans une exposition à la Chapelle des Jésuites à Nîmes le weekend du 20 oct. 2012 consacrée à Folco de Baroncelli-Javon.

Boulmière-bolmeria

Boulmière « local du bain; cuves des tanneurs ».  Depuis plus d’un an mon amie   La dormeuse  me poursuit pour connaître  le sens exact et l’étymologie de boulmière.  Ci dessous un extrait de son blog:

Carte dressée en 1766, du “moulon du pont de Raillette jusqu’au ruisseau de Contirou et à la rivière de l’Hers jusqu’au grand pont sur la dite rivière”. En haut à gauche le n° 1 en bordure d’un ruisseau  (!!), 1. Jacques Rivel, marchand tanneur : maison servant d’adoubairie à tanner des cuirs7 avec un patu8 ou boulmières9, jardin et breil à Countirou

J’ai fait des recherches sans trouver la réponse.  C’est elle qui l’a trouvée en fin de compte:

La source est l’article de J.-L. Abbé, Paysage urbain et rural à Limoux, d’après une source méconnue: le terrier royal de 1316. Trouvé par la Dormeuse  dans le Bulletin de la Société Scientifique de l’Aude, CIII (2003), 91-100.

cuve de tanneur

La suite de cette trouvaille est un magnifique article sur les boulmières avec de très nombreuses images dans  la Dormeuse blogue 3.

Il y a encore beaucoup de travail à faire pour les philologues et linguistes occitanistes. Voir à ce propos  J.-P. Chambon, Développement et problèmes actuels des études occitanes.

Dans les articles du FEW  balneare, balnearia, balneator, balneolum, balneum ,  il n’y a aucun mot en rapport avec la tannerie1.

Pourtant il y a une petite phrase dans l’article balnearia  du FEW qui va dans la direction  que nous cherchons à savoir le sens « cuve ».   En occitan est attesté bagniero  « lieu où l’on se baigne; bains d’eau thermale », également dans les toponymes Bagnières. L’auteur se demande si le rétoroman2 bagnèra   « cuve pour le linge; grande cuve » viennent directement de balnearia  ou qu’il s’agit de créations à partir du verbe balneare « baigner ».

Le plus intéressant est le fait que d’après les données de l’ALF, presque partout dans le Sud-Est  « mouiller, tremper » est traduit par  le verbe banhar   du latin   balneare . Ci-dessous la carte tirée du livre  Lectures de l’ALF par Guylaine Brun-Trigaud3

L’emploi de balneare  > banhar pour  « mettre les peaux dans des cuves » par les tanneurs  a logiquement entraîné le sens de balnearia > boulmière > « cuve pour les peaux ».

Les attestations de  Limoux (Aude) de 1316 ne sont certainement pas les plus anciennes, mais nous n’avons pas mieux pour le moment.

Le nom de lieu  Bagnières  est attesté pour la première fois en 1258 :  Decimarium Beate Marie de Banheriis. (par l’abbé Sabarthès).

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  1. Il faut dire que le premier vol. du FEW date de 1922-1928 et la lettre A a été entièrement refaite à partir des années ’70 (3 volumes maintenant), mais la lettre B est restée la parent pauvre.   A part les mots d’origine germanique ou autre  13 nouvelles rédactions ont vu le jour et il y a encore une quarantaine en préparation, dont balneare. Je pense que le dérivé balnearia « bains, salle de bains » y sera inclus
  2. parlé en Suisse
  3. cf. Sources et liens s.v. ALF

miougrano "grenade fruit"

Miougrano « grenade fruit », vient du latin mille « 1000 » + granum « grain ».  Attesté déjà en ancien occitan: milgrano. 

D’après les données du  FEW1  miougrano  était courant dans tout le domaine occitan, mais le Thesoc ne l’a enregistré que dans les dép. ALPES-MARITIMES, ARIEGE, GERS, GIRONDE, HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATL. , et le TARN-ET-GARONNE.

Dans le Sud-ouest GERS, GIRONDE,HAUTE-GARONNE, LANDES, LOT-ET-GARONNE, PYRENEES-ATLANTIQUES. c’est le type grenada  qui l’a supplanté.

grenadier

L’abbé de Sauvages écrit dans son article Miougragnié  « grenadier »:

Les pépins de la grenade  sont raffraîchissants , son écorce et les balaustes 2 sont très astringeans & absorbans, on les préfère à la noix de galle pour les teintures en noir de la soie.

Étonné par cette dernière remarque,  j’ai trouvé qu’en moyen français migraine  désigne aussi « Étoffe teinte en écarlate » (DMF). J’aurai besoin de l’assistance d’un professionnel de la teinture des tissus à l’aide de produits naturels, pour comprendre le « noir de la soie ». Toutes les autres attestations parlent d‘écarlate.

La forme provençale migrano  devenue migraine « écarlat » a été prêtée au français du XVe au XVIIIe siècle , mais c’est pomme grenade  > grenade,  qui a gagné la place en français moderne.L’étymologie de migraine « écarlate » n’est pas la même que celle de miougrano.   Le mot grana signifie « teinture d’écarlate provenant de la cochenille »,  migraine   est une demie teinture, ce qui ressort de la forme en ancien béarnais  mieye-grane,  où  mieye  vient du latin medius « qui est au milieu ». FEW IV, 237a : granum

 

Commentaires des visiteurs:

Marjory Salles m’écrit :

Bonjour,

Teinturier de mon état, je serai ravie de vous apporter des précisions concernant la teinture du noir… L’écorce de grenade est très riche en tanin. Et c’est la réaction du tanin avec le fer qui forme un noir très solide. Pour la teinture textile, il s’agit de baigner le tissu dans un bain riche en tanin (décoction d’écorces). Ensuite, en passant ce tissu « tanné » dans une solution riche en fer, la couleur brune du tanin vire au noir.
C’est la même réaction qui est à l’œuvre dans l’encre noire tannique ou dans la production de bogolan africain !

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  1.   IV, 235a
  2. le nom de la calice de la fleur du grenadier

Cadel,cadèou "petit chien"

Cadel, cadèou en provençal « petit chien » vient directement du latin catellus « petit chien ».   Cadèla « jeune chienne » de catella. Attesté dans tout le domaine occitan.  Français chiot et chialer ont  la même étymologie.

Cadel  prend quelques significations secondaires : cadèlo  « charançon »  en provençal et languedocien; cadel « rejeton qui pousse sur les racines » dans l’Aveyron; cadel « chaton, fleur du saule » (Sauvages) ou du noisetier. En provençal  un  cadèou est un « jeune gars qui a les manières enfantines » ou comme terme  de métier très spécialisé « écume qui s’élève au-dessus de l’huile récente, pendant qu’elle est encore dans les tonneaux du moulin ».  A Aix en Provence  far de cadèous  est « vomir ». Dans la Vallée d’Azun (Hte-Pyr.) les cadéts  sont les « chevilles qui maintiennent les bords latéraux du moule à fromage ».

Les mêmes transferts se trouvent dans les langues voisines, comme par exemple en catalan  cadell  « fleur du peuplier ».

     

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