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Gasanhar "gagner"

Gasanhar, guasanhar « gagner ».  Article écrit  en septembre  2011 avant les élections présidentielles !

Bertrand Boysset, géomètre à Arles au XVe siècle,  demande conseil à Dieu, qui lui donne le conseil suivant :

A quascun son dreg donares
La destra non ulh(as rem)-embrar
Per la senestra guasanhar
1

Gasanhar   a été remplacé dans la majorité des parlers occitans par la forme française gagner, occitanisé en ganhar.

L’étymologie est d’ailleurs la même : un ancien francique*waidanjan  « faire paître le bétail » un dérivé de waida « pré » qui existe toujours en allemand et en néerlandais weide « pré » et  comme le verbe weiden ‘faire paître le bétail’.

gasanhar pour un berger

L’emprunt doit être très ancien puisque le -d- intervocalique a suivi l’évolution typique de l’occitan, le dintervocalique qui passe à -s- , prononcé -z-. Il est même possible que le mot n’a pas été emprunté au français mais directement aux gotique. Il a également  été introduit en Italie par les Longobardes : guadagnare. Les formes catalan guanyar, espagnol ganar et portugais ganyar viennent peut-être du français, mais vu les très anciennes attestations, il est plus probable qu’elles viennent également du gotique ou ont été emprunté même avant les Grandes Invasions  (400 – 600 après J.-C).

L’évolution sémantique est intéressante. Comment arriver au sens « gagner » à partir du sens « faire paître le bétail »? C’est Charlemagne, qui ne s’est pas uniquement occupé de l’école, qui a joué un rôle important.  A l’époque de l’introduction de la charrue,  au début du IXe siècle, il a donné ordre d’appliquer l’assolement triennal ( Wikipedia) sur les terres impériales.  Après une année de repos, la terre devait être utilisée comme pré et l’année suivante elle était labourée. Cette troisième année waidanjan prenait le sens « cultiver la terre, labourer »‘ ensuite « semer ».  Ces sens sont  conservés en ancien occitan et jusqu’à nos jours en franco-provençal. En ancien français gagnable signifiait « cultivable, labourable ». Michel Chauvet, ethnobotaniste, me rappelle que le sens originel subsiste dans le mot regain, qui en agriculture désigne la repousse de l’herbe en été dans un pré après une première fauche au printemps.

gasanhar pour un fermier

Quand plus tard ce sont pas des paysans mais des soldats qui vont gagner il y a un changement radical de sens qui devient : « faire du butin, piller » attesté depuis 1140. Pour d’autres métiers plus pacifiques gagner, occitan gazanhar prend à partir du XIIIe s. le sens « acquérir de l’argent ou une récompense par son travail, par son initiative » et à la même époque « l’emporter au jeu ».


gasanhar pour un soldat .

                                          

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  1. A chacun tu rendras son droit. Tu ne léseras pas la droite, Pour faire gagner la gauche… Arles XVe s. voir le poème s.v. destre

Giga 1 et 2

Giga 1  « Air de danse; corde qui relie deux parties d’une antenne; instrument de musique ancien ». (Alibert) Giga 2  « jambe et cuisse; cimier de boeuf; gigot; longue jambe. . Si vous comparez les deux images ci-dessous et si vous noter en plus les dates des premières attestations des mots  giga 1   au XIIe siècle, giga 2  au XVe siècle

        

                                                                         XIIe siècle                                                                        XVe siècle

vous comprendrez que le  sens de giga 1 doit être à l’origine de giga 2  et qu’il s’agit du même mot. Les dates des premières attestations sont importantes pour comprendre l’histoire d’un mot aussi bien  du point de vue phonétique que sémantique. L »origine est l’ancien haut allemand giga « gigue » un instrument à trois cordes, Geige « violon » en allemand moderne , qui a été introduit en Gaule par les musiciens ambulants à une époque ancienne, probablement pendant les Carolingiens (750-1002).

Au XVIIe siècle on a formé en français  le couple gigot /gigue « cuisse » sur l’exemple du  couple  cuissot « gigot de chevreil » / cuisse.

Gigue « cuisse » > « longue jambe ». En occitan c’est gigo, digo en limousin, gingo en languedocien qui d’après Mistral signifie 1) gigue, cuisse; jambe et cuisse; gigot. 2) l’ancien instrument de musique; danse. Mistral donne l’adjectif giga(t) « qui a des gigues, haut sur jambes », gigado « enjambée » et gigasso « longue jambe », mais il n’y a pas beaucoup d’autres attestations en occitan.

Bien avant, aux XIVe-XVe s., ont été créés deux verbes: giguer « gambader, frolâtrer » et ginguer « ruer » en parlant d’une bête. Les deux verbes et leurs dérivés ont en général des sens péjoratifs. Provençal ginga « gambader, sauter, courir » (M.) « se débattre des 4 pieds, d’un animal renversé » (Aveyron). De là est dérivé le substantif ginga « jambe » en languedocien.

Voir encore le néologisme geek « fou »

Mourgues

Mourgues, Mourguez « Monaco ».  Jusqu’au XVIIIe siècle, Monaco s’appelait Mourgues.   En  latin Portus Herculis Monoeci du grec Heraklès Monoikos « Hercule solitaire » .  Je ne sais pas pourquoi on a changé ce nom. FEW VI 3 p.64

Monaco (Wikipedia)

L’origine, le grec monoikos,  est la même que celle de  mounjeto, et mounjo.
Il y a plusieurs toponymes Les Mourgues dans le Gard, e.a. à Vauvert , Saint-Geniès-des-Mourgues   dans l’Hérault.

 

Mourguettes

Les mourguettes  est un autre nom des estivenques « des  petits escargots blancs  que l’on trouve sur le fenouil, ou autres plantes de garrigues » qui s’appellent aussi missounaïre ou missounenque.

En occitan comme dans toutes les langues romanes les significations « moine » et « nonne » ont donné lieu à de nombreux emplois au figuré,  à cause de la forme de leurs silhouettes, la couleur de leurs habits, le crâne rasé du moine, la couleur du voile de la nonne : des toupies, des fromages, toutes sortes de plantes et d’oiseaux et spécialement dans  le Midi  des haricots blancs, haricots verts, haricots secs. Emprunté par le français :  la mongette « espèce de haricot qu’on cultive dans le midi de la France » attesté depuis 1835.

Les mourguettes sont donc des « petites religieuses », un dérivé  du latin monacha avec le suffixe diminutif –ittu. Pour les Gardois des  sont les « petits  escargots blancs » ressemblent à des «* nonnettes ».

Dans le Gard est attestée  une autre forme : mounjéto « espèce de limaçon blanc » mais qui signifie aussi « variété de haricots blancs à ombilic noir, qui se mangent secs ». Les deux formes monja et morga,  survivent donc dans les parlers modernes. Comment expliquer cela?

Dans le pays d’oc aucune des variantes dialectales  était devenue la langue littéraire officielle comme c’est arrivé dans le nord de la France avec le dialecte de la région parisienne ou le dialecte de Florence en Italie. Les scribes essayaient d’écrire les mots tels qu’ils les entendaient ou prononçaient avec les lettres du latin dont ils disposaient. Ces prononciations variaient d’une région à l’autre.  Ces essais de rendre la prononciation avec les lettres du latin est à l’origine des différentes graphies que nous trouvons dans les manuscrits du Moyen Age.   La graphie des mots est donc le résultat d’une tradition millénaire. Je pense que l’orthographe devrait renouer avec cette tradition et écrire mwa  ou moua   au lieu de moi,   la prononciation du haut Moyen Age.

Donc quand on cherche dans des dictionnaires de l’ancien occitan, et on trouve le mot  morga avec le sens de  « religieuse » dans un texte du Rouergue daté de 1198, il faut s’attendre à trouver d’autres graphies  En effet elles varient beaucoup selon la région dont proviennent les textes : monja, monega, monga, morga, moina. La même chose pour le masculin : monge, morgue, etc. « moine ».

Le département du Gard est particulièrement intéressant parce qu’il se trouve dans une zone transitoire entre le provençal et le languedocien.  A Alès, par exemple, on a distingué les deux variantes : mourgo et mounjo. La première désignant « une religieuse vêtue de noir » , la seconde « une religieuse vêtue de blanc ». Mais c’est, à notre connaissance, le seul endroit où cette distinction était faite .

 

mounjo

Petite digression.

Est-ce que quelqu’un dont le français est la langue maternelle établit un lien entre les mots mono (opposé à stéréo) moine, moineau, monarque et Monaco ? Je ne pense pas et pourtant  leur étymologie est identique grec  monos « seul », moine « quelqu’un qui vit seul », moineau « oiseau qui a le plumage de la couleur d’un habit de moine »  viennent tous les trois du grec monos, dont  au début du christianisme on dérive le mot monachus, et plus tard on crée le féminin Imonacha.  C’est l’étymologie qui rétablit ces liens et qui rend le vocabulaire plus transparent, plus « motivé » en termes linguistiques.

           

     mono               moine                   moineau                  monarque           monarque       Mourgues = Monaco

 Une  mounéga  de Nice

Novembre 11, 2023 à 9:54   (Modifier)Un collaborateur  Alain LLORIA occitan  complète mon article:

En occitan dans le texte : Las cagarauletas son de pichòtas cagaraulas 🐌 cacalausas en Provenca, que s’amassan (se rassemblent) sus las èrbas nautas, sus lo fenolh, la lachuga Sant-Josèp (laitue Saint-Joseph) montada, un tronc de falabreguier (micocoulier), … aquò sentís bon l’estiu, qu’a las primièras plèjas van se n’anar … En provença se dison de cacalausons, missonencas, estivencas o limaçons. Los canards, rits 🦆 se’n congostan (les canards s’en régalent) … Se pòdon mangar a l’apéro …Nom scientifique : escargot des dunes ou de Pise – Theba pisana.

Ensucar, ensuquer

Ensucá(r), ensuquer en fr.rég. « assommer » absent d’Alibert dans son article suc « sommet de montagne » . En ancien provençal  suc signifiait « sommet de la tête; occiput; nuque », et une forme suca « tête, crâne » conservée jusqu’à nos jours dans les composés ensucar littéralement « frapper sur la tête », et supela , dans a lou supela « il est chauve » ( = le suc pelé).

Le FEW rattache notre suca à l’italien zucca « courge; au fig. tête » et à un groupe *tukka avec les sens

  • 1) « courge » : languedocien tuco « courge » (S2), tuquiè « plante de courge »;
  • 2) « tête » : tucasso « grosse tête » (Béziers, M); languedocien atuca « assommer » (S2);
  • 3) « sommet, colline » tukó « hauteur, tumulus » (Gers), languedocien tuqel « tertre, coupeau, sommet de montagne » (S2). Cette famille de mots serait d’origine pré-indoeuropéenne et fait donc partie d’un héritage qui date d’avant l’arrivée des Celtes en Gaule. Vous vous rendez compte? Cela m’ensuque!.

Pour ceux qui veulent approfondir ce sujet, il y a un article d’A.Dauzat  dans la Revue des Langues Romanes, t.66 (1929-1932)pp.66-73 : CUCC-, TUCC-, ZUCC-, suc « hauteur, montagne », consultable grâce à Gallica (lien direct)! et le FEW 13/2, 399b*tukka.

L’Originalité de la Ville  (sc. Yssingeaux) et de son  Environnement tient des Montagnes Qui l’entourent appelées les Sucs.

au fond un suc