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Tielle sétoise

Tielle sétoise, tiella di Gaète

tiella di Gaète   Tielle sétoise

 Tiella di Gaète                                   Tielle sétoise

  Etymologie : napolitain tièlla s.f.  « couvercle » du latin tegilium  diminutif de tĕgīlĕ « petite couverture ».  (Dictionnaire étymologique du napolitain). D’après Wikipedia :

La tielle a été importée de Gaète en Italie à Sète par les immigrés italiens au XVIIIe siècle. Adrienne Virduci (18961962) fut la première à commercialiser la tielle, à partir de 1937. Trois de ses six enfants héritent de la recette et du savoir-faire. La tielle traditionnelle est aujourd’hui fabriquée et commercialisée par ses petits-enfants.

Mais il n’y a pas de références pour le XVIIIe siècle et je n’en ai pas trouvé.  Dans un autre site l’auteur raconte que la tielle de Gaeta, a été introduite par les soldats espagnols aux XVIe-XVIIe siècles:

L’histoire de la tielle commence à Borgo de Gaeta, un petit village de pêcheurs au nord de Naples, à l’époque de la domination espagnole. Les autochtones remarquèrent que les soldats espagnols fabriquaient une sorte de pizza assez comparable à la leur, mais avec un couvercle : ce qui évitait à la garniture de se dessécher. S’inspirant de cette façon, ils innovèrent en se servant d’un moule appelé « téglia » devenu « tielle » en français. Trois siècles plus tard, les Italiens du Mezzogiorno débarquèrent à Sète avec dans leurs bagages la tielle de Gaète.

La tielle s’appelait bien sûr tiella à Gaete, la forme espagnole,  et non pas teglia, la forme italienne.  Naples faisait partie du royaume espagnol au XVIe-XVIIe siècle.  Pour aller plus loin  il faudra faire des recherches sur ces « pizzas  espagnoles », qui  ont peut-être déjà un nom dérivé de tegilium..

Selon un cuistot napolitain (Gaète se trouve près de Naples) :

 tielle è il plurale di tiella, propriamente il tegame, la padella, la teglia in cui o si frigge in olio basso, sugna etc. o si preparano i fondi per non troppo elaborati sughi piuttosto veloci;

 

Escaravida et actualités

La dormeuse de Mirepoix, à qui on a enlevé le précieux Compoix pour des raisons de centralisation,  se venge en exploitant le Cartulaire de Mirepoix, numérisé par les Canadiens et  en libre accès au Canada à Toronto (Internet Archive).

Elle y a trouvé le Dénombrement des biens et valeurs de Jean V à Mirepoix en 1510  . Elle écrit:

Ce qui fait aujourd’hui l’intérêt de ce relevé, c’est moins l’évaluation de la fortune du seigneur que l’évocation de la cité de 1510, de ses ressources, de ses travaux et de ses jours ordinaires. Mirepoix passe pour avoir connu sous le règne de Jean V et sous l’épiscopat de Philippe de Lévis son âge d’or. En quoi consistait cet âge d’or ? On tirera du relevé reproduit ci-dessous une esquisse de réponse.

Le texte était une traduction de l’original  en latin avec quelques mots languedociens comme  guitou « canard »(guit, guito chez Mistral).   Je n’ai pas pu m’empêcher de feuilleter le livre. Comme historien de l’occitan je suis toujours à l’affût de mots nouveaux et  de datations nouvelles.  A la page 226 je tombe sur les  Tarifs et règlements de la leude (= taxe) à Mirepoix et à la Roque d’Olmes  daté de 13431 Ces tarifs nous donnent  un dessin aux gros traits noirs de la vie de tous les jours  à Mirepoix et ailleurs. Par exemple  (p.235)

« Juif  – chaque Juif ou Juive, qui passera par la ville ou le leudaire, doit payer, chacun, 8 deniers, par tête ».

Ce qui est toujours actuel et  n’ a pas changé depuis le début du XIVe siècle est la complexité des charges, taxes et autres impôts.   Un nom de marchandise  parmi les dizaines de produits de tous les jours qui étaient imposables, a fait tilt: Escaravidas

(Le jour de foire ou de marché une personne venant  de l’extérieur doit  donner une somada  sur 25 ,  les autres jours, rien.  Les  escaravidas  sont normalement transportées et vendues par somada  et si elles passent par le pays il faut payer. )

Qu’est-ce qu’une escaravida2  pour qu’elle mérite une taxe spéciale? Avec GoogleLivres j’obtiens un extrait d’un glossaire botanique de 1871 :

du « cumin des prés » donc mais  d’après  l’édition du  Ramelet Moundi   de Goudouli  (1re moitié XVIIe siècle) par Philippe Gardy (1984)  du « chervis ».

 Un tróc d’escaravida : un morceau de chervis, plante de la famille des ombellifères, autrefois largement cultivée, dont les racines étaient spécialement consommées pendant le Carême.

Mistral confirme: escarabi (gascon), escharavi et

L’attestation de  escaravida chez Goudouli était jusqu’à aujourd’hui la première  en occitan, maintenant elle  recule de trois siècles: 1343.

L’étymologie est le mot arabe  karawīya  « sium sisarum; carum carvi »,  devenu,    escaravi en occitan moderne, chervis  et beaucoup plus tard carvi en français.  L’histoire de ce mot arabe est assez compliquée.  Chez Lucius Junius Moderatus Columella ( AD 4 – ca. AD 70) et Pline le cumin s’appelle careum,  καρων en grec d’après le nom de la région d’origine Caria en Turquie. Le nom grec a été emprunté par les Syriens et ensuite par les Arabes, qui appelaient le chervis et le cumin des prés tous les deux karawīya. Les deux plantes se ressemblent beaucoup, leur utilisation par contre est très différente.  Le chervis est cultivé pour ses racines, le carvi pour ses graines.

Le chervis est une plante herbacée vivace de la famille des Apiacées, autrefois cultivée comme légume pour ses racines comestibles. Nom scientifique : Sium sisarum L., famille des Apiacées (Ombellifères). Noms communs : chervis, berle des bergers, chirouis, girole; allemand : Zuckerwurzel, anglais : skirret, espagnol : escaravía, italien : sisaro. (Wikipedia) néerlandais skirrei, suikerwortel. Suivez le lien vers la page de Rolland Flore pour les noms dialectaux du sium sisarum.

Le   carvi   est le cumin des prés (Carum carvi L.), une plante bisannuelle de la famille des Apiacées (Ombellifères), cultivée pour ses feuilles et surtout ses graines, utilisées pour leurs qualités aromatiques (comme condiment) et médicinales. (Wikipedia),  a la même origine, mais il nous est probablement venu par l’espagnol.

sium sisarum  chervis   carum carvi

racines de chervis    graines de carvi

 Il reste un autre problème de botanique. Les noms  qui viennent de karawīya  servent non seulement pour le chervis et le carvi, mais  aussi pour d’autres plantes.  Dans l’Ariège escarrabit et à Toulouse  escarabic désigne le « panais »  dans le Lot-et-Garonne la « carotte sauvage » est appelée  escarbichott.

Pourquoi Actualités dans le titre?  Vous avez vu que  l’histoire de   escaravida   illustre une fois de plus ma devise

« Parcourir le temps c’est comprendre le présent »

La centralisation des Archives dans l’Ariège date de 2012, le racisme ne date pas d’aujourd’hui,  les plantes oubliées sont très à la mode, les impôts toujours très compliqués;  les philologues occitans ont  toujours beaucoup de travail à faire, comme les ethnobotanistes et même les étymologistes.

 

  1. Leudaire: registre des taxes sur les ventes (leudes) de produits sur les foires et  marchés. Ces taxes peuvent être seigneuriales, royales (« leude majeure »), ou des communautés. Indirectement les leudes nous permettent de connaître la valeur de telle ou telle production agricole ou marchandise.
  2. Pasquier traduit erronément  par « écrevisse » en suivant de vieux dictionnaires. Erreur compréhensible; voir l’extrait de Mistral

Ribeyrolle et condamine

Riba « terrain qui borde une rivière, un lac, etc. »  est  le mot courant dans tout le domaine occitan.  Riba  prend des sens secondaires comme « bord du chemin, lisière d’un champ ».  Le dérivé ribàs   désigne un « talus, talus couvert de ronces, une planche de jardin le long d’un mur; bord du fromage gras »; ribéjà est  » confiner, limiter » à Alès.  Toute cette famille de mots a le latin ripa « rive »  comme origine. En latin a été créé un adjectif  riparius « qui se trouve sur la rive », qui en combinaison avec un substantif comme terra  est devenu substantif  *riparia avec le sens  » bords d’un cours d’eau, terrain qui borde une rivière; rive de la mer »,  en ancien occitan  ribièra, ribèira, ribera.   Ribièra  a donné des  dérivés comme ribeyrolo « airelle des marais » à Chavanat (Creuse), ribeiròu « celui qui habite sur la rivière »,  « portefaix » à Marseille, ribeiroun « habitant des terrains le long d’une rivière » ribeirés « variété de châtaignier » dans les Cévennes. Il est difficile de déterminer le sens des noms de lieux comme Ribeyrolles qui ont  *riparia comme origine.  Cela peut être  un  « mur de soutènement de terrasses le long d’un rivière » ou un « terrain où poussent des airelles ou des châtaigniers », mais on peut supposer que dans des cartulaires et autres documents ribeire  est synonyme de condamine, abstraction faite de la notion fiscale.

Condamine « terre alluvionnaire » . Etymologie *condominium « domaine commun » ( composé de con + dominium ) une expression qui vient de la constitution féodale.  Dans le latin médiéval on le trouve dans la forme condamina, condemina,  etc.  probablement créée à partir du pluriel.  Le terme est courant dans le Midi et en catalan.  Le sens est en général « terre affranchie de charges » , en occitan « terres fertiles » ou « bonne terre réservée dans un domaine » (Nant dans l’Aveyron, Paulhan dans l’Hérault, Ladern et Axat dans l’Aude; quatre attestations dans le Supplément de l’ALF p.217). En catalan le sens de conomina, coromina a évolué jusqu’à «  »péninsule dans une rivière ».  Condamine  est surtout conservé  comme toponyme. O. de Labrusse  donne  dans UN ESSAI de GEOHISTOIRE du FONCIER des GARRIGUES du GARD et de l’ HERAULT la description suivante :

Condamine: au moyen-âge, terres lourdes, « grasses », alluvionnaires, en général situées près de cours d’eau, particulièrement fertiles consacrées, essentiellement, à la céréaliculture intensive. Très présentes encore dans la toponymie, elles témoignent de l’appropriation seigneuriale ainsi que de l’aménagement et de la mise en valeur des « rives » des cours d’eau entre l’an Mil et le XIIIe siècle. Ce sont, le plus souvent de très grandes parcelles avec des moyennes d’une trentaine d’hectares au XIIe et XIIIe siècles, alors que les parcelles « ordinaires » n’ont des moyennes que de 0,25 hectares. Elles jouxtent souvent les ortales* et les ferragines*(d’après A.Durand, 2003, p.259-256). Elles sont travaillées à l’araire tractée par des boeufs, ce travail étant 15 fois plus productif que le labour à la main à l’aissade (la houe coudée) (A.Durand, 1999, p.1).

Clausado "enceinte"

Clausado « enceinte » est dérivé du latin clausus le participe passé du verbe claudere  « fermer ». Dans de nombreux cas cette forme verbale a été substantivé,  comme dans  clau « enclos, jardin ».  Clausado  est un terme de droit ancien comme il ressort du dictionnaire de l’abbé Sauvages (S2):

L’abréviation  v.l.  signifie « vieux langage ». En effet O. de Labrusse  le mentionne dans sa définition des 3 types de Compoix ou  coupés:

Compoix à clausades : « il n’est plus tenu compte de la nature des cultures mais de la proximité de la parcelle cultivée par rapport au village. Le terroir est divisé en zones d’allivrement plus ou moins nombreuses, nommées , selon les régions, cercle, circuit, clauzade, vaute, termine ». C’est la zone la plus rapprochée du village qui est la plus imposée, l’allivrement décroît avec l’éloignement du village ». Exemple de compoix (1597 et 1652) à 3 clausades, celui de Langlade (30) en Vaunage :

Compoix Clausade par Barry J.P.1955

Sur cette carte on note également, que les zones d’allivrement, les clausades, prennent en compte la diversité, les différences de terroir (et pas seulement la distance au village). La clausade 1 est en plaine, la clausade 3  recouvre les reliefs (garrigues) (O. de Labrusse).

Le vocabulaire a changé, mais les principes sont restés! Vous retrouverez  les coumpés  et  clausades  dans votre feuille d’impôts fonciers, qui distingue fonds bâtis et fonds non-bâtis. Cherchez par exemple les définitions du mot allivrement.

 

Compoix, coumpés

Compoix, coumpés « cadastre dans le Midi sous l’ancien régime ». J’ai utilisé  le mot des dizaines de fois à propos du Compoix de Mirepoix décrit magnifiquement par la Dormeuse,  et du Compoix de Valleraugue  sans donner sa définition et son étymologie.   Dans IGPDE vous trouverez la définition complète1

O. de Labrusse a eu la gentillesse de me faire parvenir le lexique de  l’avant-projet  d’ UN ESSAI de GEOHISTOIRE du FONCIER des GARRIGUES du GARD et de l’ HERAULT.  Il  écrit

Les plus anciens compoix apparaissent  au XVe siècle (Le Roy Ladurie,1969,p.8). Ce sont des registres décrivant avec précision, les biens, le foncier, en localisation, surfaces, occupation du sol, et valeur ou catégories : terres « maigres », « grasses », …etc…. Ils sont établis à des intervalles de temps d’une ou 2 générations. Les mutations, échanges fonciers etc… sont  consignés en surcharge sur les registres.
Ils servent de base à l’établissement annuel des « rôles de taille », par les greffiers des Communautés,  c’est à dire la liste de répartition de l’impôt (« globalisé –  « l’allivrement » – par Communautés ou paroisses) par  propriétés, c’est à dire la ventilation par « taillables ».
Lorsqu’au fil des générations et des changements le compoix devient par trop surchargé d’annotations et trop éloigné des nouvelles réalités terrain, ne permettant plus d’allivrer correctement les tailles, il est refait. (Le Roy Ladurie, 1969, p.29 et 30).
Les compoix ne recensent que la « partie taillable » du territoire de la Communauté ou paroisse. (Blanchemain, 2005, p.96).
Voir aussi sa définition sur le site des archives départementales de l’Hérault :  et aussi le compoix .
On notera que certains compoix comportent des plans de propriétés ou parcelles.

Un plan du "moulon" 3 du Compoix de Mirepoix

L’étymologie est le latin compensus « sorte de cotisation  » attesté avec ce sens dans des textes en latin du VIe au XIVe siècle écrits dans le Midi de la France. (Du Cange Compensus). « Cotisation » est bien sûr un euphémisme, c’est bien d’un impôt qu’il s’agit.

La première attestation en ancien occitan compes avec le sens « cadastre » vient de Béziers et date de la fin du XIVe siècle.

On distingue le coumpes terrié « cadastre des biens-fonds » et le coumpés cabalisto « cadastre des revenus mobiliers ».  Après l’ordonnance de VillersCotterêts (1539) , coumpés  a été francisé en compoix (Albi 1601) mais le mot ne s’appliquait qu’au domaine occitan. Il est resté dans les dictionnaires français jusqu’au XIXe siècle. Il ne se trouve pas dans le TLF, même pas comme terme de droit ancien.

O. de Labrusse distingue dans son Lexique foncier 3 types de compoix:

  1. Compoix à degrés : « l’allivrement s’établit suivant plusieurs degrés qualitatifs propres à chaque culture et fixés par les estimateurs nommés par les habitants du lieu ».
  2. Compoix à clausades : « il n’est plus tenu compte de la nature des cultures mais de la proximité de la parcelle cultivée par rapport au village. Le terroir est divisé en zones d’allivrement plus ou moins nombreuses, nommées , selon les régions, cercle, circuit, clauzade, vaute, termine ». C’est la zone la plus rapprochée du village qui est la plus imposée, l’allivrement décroît avec l’éloignement du village ». Exemple de compoix (1597 et 1652) à 3 clausades, celui de Langlade (30) en Vaunage :

    Compoix Clausade par Barry J.P.1955

    Sur cette carte on note également, que les zones d’allivrement, les clausades, prennent en compte la diversité, les différences de terroir (et pas seulement la distance au village). La clausade 1 est en plaine, la clausade 3  recouvre les reliefs (garrigues) (O. de Labrusse).

  3. Compoix cabaliste : il dénombre les têtes de bétail.

Le  comperayre   est le cadastreur (Béziers, fin XIVe s.) .

Dans le Tarn existe le verbe coumpesia « enregistrer » d’après le dictionnaire de J.P. Couzinie de 1850.

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  1. Dans certaines provinces, registres publics servant à établir l’assiette de la taille réelle et autres impositions. Le compoix terrien servait à constater la valeur des immeubles roturiers, en vue de la perception de la taille réelle. Le compoix cabaliste était dressé dans le pays où une partie de l’imposition devait être supportée par les habitants, à raison de biens d’une autre nature que des fonds et à raison de leur industrie. (Dictionnaire encyclopédique, Larousse, 1960, t. 3, p. 339.)

    Il s’agit d’une matrice cadastrale, établie seulement dans les pays de la taille réelle, donc dans le Sud du royaume. Les plus anciens compoix du Languedoc remontent au xive siècle. Ils énumèrent avec précision la surface, la nature et la valeur des biens-fonds, pour permettre de fixer le prélèvement fiscal. Périodiquement, il faut refaire le compoix afin de tenir compte des défrichements, des abandons, des changements de culture. Le compoix cabaliste énumère les biens mobiliers : cheptel, meubles, industries, créances, etc. (Guy Cabourdin et Georges Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1978, p. 74.) Voir : Emmanuel Le Roy Ladurie, Les Paysans du Languedoc, Paris, 1966, 2 vol.