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Tavan

Tavan « frelon, taon », en  français régional  taban (Lhubac) surtout au figuré : « quelqu’un qui n’arrête pas de bouger » vient du latin tábanus d’origine non-indo-européenne parce que ce mot existe  uniquement dans les langues romanes.

La prononciation a été assez tôt adaptée aux habitudes latines et tábanus est devenue *tabánus.  Une première attestation en ancien occitan  tavan « sorte de grosse mouche qui, durant l’été , tourmente de ses piqûres les bœufs, les chevaux , etc. et qui s’attaque aussi aux hommes, taon » se trouve chez Marcabru un troubadour gascon du XIIe siècle qui était surtout doué pour la satyre (ça pique !).

     

Le mot est commun au franco-provençal et à l’occitan. En occitan moderne il y a de nombreuses expressions comme a ‘n tavan dins lo tèsto « il est toqué »,  ou  d’uno mousquo si fa un tavan « d’une mouche il fait un taon », c’est à dire « il s’inquiète ou se décourage d’un rien ».

La distinction entre les différentes grosses mouches qui piquent n’est pas toujours évidente, de là  tavan « bourdon » ou « hanneton »(St.André de Valborgne). A Alès  un tavan-mérdanciè « fouille-merde » (au fig. ?), à Marseille tavan merdancier: « personne qui agace en revenant sans cesse à la charge », et dans les Bouches-du-Rhône on a même un tavan-banaru( = un taon avec des cornes) « capricorne ».

Le verbe composé *ex- + tabánus :  (s’) estavani  « s’évanouir, se pâmer » limité au frpr. et l’occitan a du suivre l’évolution sémantique suivante : «  s’inquiéter » > « troubler » > « troubler la raison » > « perdre connaissance ». 

Tabar « bourdon » et tabaóu « nigaud » (S) font partie de la même famille. Alibert rattache taban « nigaud » à tabal « tambour », sans explication.

Tavanás « imbécile », est dérivé de tavan.(Taleyrac 2004).

Tauvera, talvera

Tauvera, talvera s.f. « bord de champ qu’on ne peut travailler ». Un visiteur de la Haute-Vienne m’écrit :

Il y a bien longtemps, j’ai guidé les vaches de mon père pour tracer ce premier sillon : « Pitit, vene m’ajudar per far la tauvera! ».

Un mot qui a traversé des siècles. L’origine est une racine gauloise *talu- « front » (de la tête), en irlandais moderne tul, tulach « front », breton tal « front, pièce arrière (de barrique, charrette, & bateau…), & chevet, parement, pignon. ». Aux temps de Celtes a été formée une forme *talwa avec le suffixe -ara > *tálwara qui par métaphore a pris le sens de « bord d’un champ » conservée en Anjou tôvre « talus », dans le centre de la France tauvre « espace de terrain inculte, relevé en forme de butte », à Barcelonette táoubra « bord non cultivé d’un champ ».

*tálwara > tálvera parce que le deuxième –a- était atone. Par la suite d’un déplacement d’acent tálvera est devenu talvéra que nous rencontrons dans le Dauphiné ainsi que dans le centre et l’ouest de l’occitan : tarvéra « espace nécessaire pour tourner la charrue, à chaque extrémité d’un champ labouré ».  Le même sens existe  dans les Hautes-Alpes, Alpes Maritimes, Tarn et Garonne, le Quercy, Aveyron , Lozère, etc.

Les Corréziens sont des joyeux drilles : tóouvéro y a pris en plus le sens « tour de danse ». Un autre suffixe, -enna, qui est probablement d’origine prélatine, est à l’origine de certaines formes.  Notamment en dauphinois et en rouergat le suffixe -era a été remplacé par le suffixe plus courant -aria : à Forcalquier towveyra « bordure qui se laboure en travers », Aveyron toubeyro. Dans le Massif Central a été ajouté le suffiix latin –ella : Allier travellen, Thiers tovelo , Ambert tèuvello « chaintre, lisière d’un champ ».

tauvera et en Corrèze :

Tauvera, talvera ne sont pas les seuls qui ont traversé les siècles. D’autres familles de mots formées avec talu-* : talpena « auvent », talabaltz « bouclier », et des taumon « motte de terre » en franco-provençal (Suisse)

Tarabastal

Tarabastal, « remue-ménage, vacarme festif »  mot francitan. La syllabe onomatopéique tar-  plus ou moins allongée en  tara-, tarta-, est attesté en latin taratantara « son de la trompette » ou « le bruit du tamisage ».

En provençal nous trouvons la forme tarabust- « importuner, faire du vacarme »; en français régional tarabuster « réprimander énergiquement »(Job). D’après d’autres savants locaux tarabuster signifie « harceler, inquiéter; être pressé » (AC) ou « taquiner » (And) et le subst. tarabustaïre.

Ailleurs en occitan  c’est la forme avec -a- qui domine : tarabat, tarabas, tarabast toujours avec le sens « faire du bruit, vacarme, tapage », par exemple tarabastelo « crécelle dont on se sert pendant la semaine sainte ».  De nombreux dérivés sont attestés à Alès : tarabasti « tracas, vacarme », tarabastiè « individu brouillon », tarabastejà v.n. « s’agiter pour peu de chose », v.a. « importuner ». La deuxième  partie du mot –bastal  vient probablement d’une autre onomatopée tabb- qui a donné en ancien occitan tabastel « crécelle des lépreux » (Castres, 1355)

Tapenade

Sans câpres pas de tapenade!

tapenade(Wikipedia)

Cette préparation traditionnelle servie en hors d’œuvre est très à la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des réceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.

Le mot tapenade est dérivé de l’occitan tàpera « câpre ». Le câprier  est un arbuste épineux du  bassin méditerranéen originaire de l’Orient.  Il semble que  les Romains s’en servaient déjà, puisqu’ils  ont emprunté le mot capparis au grec.  Mais  l’utilisation des câpres comme condiment a dû se perdre  au début du moyen âge puisqu’on ne retrouve le mot  dans sa forme indigène dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dû donner quelque chose  comme  * chapre ).

La câpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du câprier cueilli tôt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou  la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelés « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelé cornichon de câpre, plus gros, est rarement utilisé car son goût est très fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les câpres et une centaine d’autres épices et condiments, demandez à votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirés de ce site.

   

           Les premières attestations en français du mot caspre  datent du XVe siècle, emprunté à l’italien : cappari.  La graphie hésite entre  caspe, caspre  et enfin câpre depuis  la fin du XVIIe siècle. Dans la péninsule ibérique ce sont les Arabes qui ont réintroduit la câpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar  qui  vient également du grec. Presque toutes les langues européennes ont un représentant du mot grec pour désigner les câpres, par exemple allemand Kapern, néerlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.

Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tàpena avec un t– au  lieu du c– initial ce qui n’est pas expliqué. On la trouve déjà en ancien provençal   tapera  et en provençal moderne tapeno ou languedocien tàpero. Larousse 1874 donne fr. tapène comme mot du Midi pour « câpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à  Gênes : tapani, à Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.

Le fait que cette forme est propre à la région  méditerranéenne, c’est-à-dire la région où  cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggère que  la forme tapera  nous provient d’une langue pré-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installé autour de la Méditerranée et dont nous avons gardé quelques mots  comme calanque et  surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu  ou –uscu, comme  Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne,  Francke,1962).

L’accent circonflexe de câpre n’a aucune raison d’être. Peut-être un scribe médiéval  a rapproché câpre de l’adjectif âpre  où l’accent circonflexe représente à juste titre le s du latin asper. Une idée pour la prochaine réforme d’orthographe?

Tap, tapia

Tap  « argile, tuf, couche de terre très dure, non perméable » et tapia « mur en terre, pisé ou torchis » sont  très bien attestés en languedocien et en gascon.

Ils sont d’origine inconnue d’après le FEW XXI, 38a-39a, mais le fait que dans le Sud-Ouest tap, tapèl et tapia signifient « talus » d’après les informateurs des Atlas linguistiques, permet peut-être de rattacher ce groupe de mots aux familles tappon « boucher » et/ou *tappjan « fermer, boucher, couvrir ».

En consultant le livre de Claudette Germi,  Mots du Champsaur,  je vois qu’il y a en Provence et dans des parlers franco-provençaux un type tape, classé dans le FEW sous un étymon pré-latin tippa « motte de terre ».  Tape  signifie en Champsaur « plat herbeux entre deux rochers ».   Notre tap fait  peut-être partie de la même famille.

Une fois de plus nous constatons que les noms donnés à la configuration du terrain, sont très anciens.