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Rumat. La fête du Rumat à Mirepoix

Dans son blog du 24 juin 2012 la dormeuse se demande Le Rumat, qu’ès aquò ?

Anno 2012, fait ce 24 juin, jour de la fête annuelle du Rumat.  En 1362, menés par un certain Jean Petit, les routiers attaquent Mirepoix. Ils pillent et incendient une bonne partie de la ville. Le Rumat, c’est le quartier de Mirepoix que les routiers, en 1362, ont “grillé comme une volaille”.

A la fin de son article elle ajoute :

…..tout le monde sait de quel quartier il s’agit, mais quant à dire d’où vient qu’on nomme ce vieux barri“le Rumat”…

Rumat… rumat… ?

ayant oublié de  faire appel à son étymologiste de service.

Le verbe rumar  est attesté en ancien occitan comme verbe réfléchi avec le sens « se ratatiner, se crépir sous l’action d’une grande chaleur »;  par la suite ce verbe et ses dérivés sont appliqués à tout ce qui présente un aspect de « brûlé »,  comme à Die et dans le Queyras  rimar « brûler et s’attacher au fond d’une marmite »,  à Marseille « brûler un mets dans un pot », à Pézenas c’est  rumá « roussir »,,  dans l’Ariège rumá  « brûler ».  Le substantif rumá  prend souvent le sens de « odeur de brûlé » ou de « roussi par le feu « . Les deux sens ont dû s’appliquer au quartier du Rumat à Mirepoix.

L’étymologie est le latin rimari, rimare  « fendre, fouiller »1, qui s’est conservé dans plusieurs parlers  galloromans, comme en ancien occitan  rimar « gercer » et « se rider » comme verbe réfléchi.  En espagnol  rimar c’est « chercher ».  Dans le sud du domaine galloroman le sens du verbe   rimar, rumar  s’est spécifié  depuis le Moyen âge de « fendre » à « fendre sous l’effet d’une forte chaleur » > « brûler ».  Le texte de la dormeuse nous fournit une date précise pour Mirepoix: 1362.

La fête du Rumat se prépare

Cuscar, un lien entre l'Occitanie et les Flan...

Cuscar « parer, former, arranger, mettre en ordre; soigner un malade, un enfant, les servir, avoir soin de les vêtir, de les couvrir, les remuer, les faire manger,&c »  et descuscar « défigurer, meurtrir, balafrer »(Sauvages, S1),   viennent d’un mot germanique  kuski  « pur, vertueux, chaste » 1  qui  a abouti à  keusch en allemand,  kuis  en néerlandais « chaste ».

La première attestation vient du Gascon  Marcabru ( 1110-1150): cusc  « pur, vertueux ».

Les attestations du verbe  cuscar  et de son contraire  descuscar ne sont pas très fréquentes. Mais au XVIIIe siècle ils devaient être bien vivants en languedocien, parce que l’abbé de Sauvages complète sa définition entre la première et seconde édition de son dictionnaire.

Ce qui m’a frappé est le fait que l’évolution sémantique qui s’est produite en occitan  a eu lieu également en  flamand où a été créé le verbe  kuisen   avec le sens  « nettoyer, rendre propre », un emploi qui fait toujours sourire les Néerlandais.   Le fondateur de la lexicologie néerlandaise, le Flamand  Kiliaan donne l’exemple   kuyschen de boomen « tailler les arbres », un sens qui a peut-être existé en occitan; en tout cas  l’abbé de Sauvages connaît  son  contraire :  descuscar  « déparer un arbre en cassant les branches » (S2) .

descuscado______________________________________

  1. Il n’est pas impossible que kuski  a été emprunté au latin conscius  « conscient » dont  le sens s’est développé en « conscient  de ce qui est convenable » > « chaste, vertueux ».

Galopastre "bergeronnette"

Galopastre  « bergeronnette » (Mistral),  galapastre (Gard, Hérault) fait d’après le FEW partie de la même famille que galavar  « gourmand »; l’élément  gala-  venant d’un germanique wal « bon ».  Le deuxième élément pastre  vient du latin pastor « berger ».

Il y a différentes explications de ce nom.  D’après C.Nigra1 c’est le fait que l’oiseau suit les troupeaux, d’après d’autres c’est la vivacité de la hochequeue qui amuse le berger.  Si vous avez une idée plus précise contactez-moi!

   

Il y a beaucoup d’autres noms pour ces oiseaux.  Voir le Thesoc pour les détails.

bovaira, bovaireta, brandacoa, chinchorlina, coacha, coadièra, coalonga, cuol blan, enganapastre, gardabuòu, guinha-coa, guinhusa, lauraire, marioneta, pastorèla(ta), pastressa, pastressona, pescairòla, porcaireta, rosseta, tèsta negra, trempacuol, vaquièra, vaquièreta, vaquièrona.

Un trésor lexical qui disparaîtra si les occitanistes normatifs gagnent du terrain. Pour Panoccitan  bergeronnette nom f. ZOO oiseau, brandacoa.

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  1. Archivio glottologico 14, p.275

Galavar "gourmand"

Galavar  « gourmand (& non groumand), glouton, goulu; tous les trois mangent avec excès » écrit l’abbé de Sauvages en 1756. Un fidèle visiteur  m’écrit:

Robert, n’ayant pas trouvé le mot « galavar » dans ton site, je te raconte ce que me disait ma grand-mère quand j’étais gamin, et que je me précipitais sur les friandises ou les gâteaux: – Tu es un galavar, ce qui voulait dire un gourmand un peu goinfre.
En vieillissant, on devient moins galavar, car on apprend à apprécier les bonnes choses et on prend son temps pour les déguster….

Galavar, galavard se trouve en franco-provençal et en occitan  dans la partie provençale et languedocienne jusqu’à Castres; il y une attestation en béarnais galabar  avec le sens « gros gaillard ». En franco-provençal le sens est plutôt péjoratif : « fainéant, dissolu, tapageur », à Lyon « vaurien, vagabond ». A Die on a créé le dérivé galavardise « fainéantise ».

La première attestation date de 1356 dans un texte écrit à Castres, mais le sens de ce  galavart  est « boudin » , sens conservé à  Pézenas et Puisserguier jusqu’aux temps modernes.

D’après le FEW,  galavar  fait partie d’une très,très  grande famille de mots d’origine franque wala « bon », attesté en ancien néerlandais  wal, wel « bon, bien », dont est dérivé un verbe en ancien français galer « s’amuser, mener joyeuse vie », en occitan moderne  se galar  « se réjouir ».  Le sens de galavar  va bien avec celui de ce verbe.

Voir aussi l’article galopastre  « bergeronnette ».

Tenco "tanche" et la celtomanie

Tenco « tanche »  ou « tinea vulgaris »  un poisson d’eau douce. Etymologie : le latin tinca « tanche ».  Sans intérêt, vous me direz et vous avez raison. J’en parle parce que dans le domaine de l’étymologie comme en archéologie  la celtomanie est encore très vivante.  Par exemple l’auteur  de l’article tanche  de Wikipedia,  écrit : « La Tanche (du gaulois tenche) », sans donner sa source; et celui-ci, pareil.  Pourtant le TLF, qui suit le FEW, nous renseigne : « Du bas latin  tinca (ives. Ausone). »

Pour en avoir le coeur net, j’ai cherché l’article tinca  dans le FEW. La première attestation connue vient en effet d’Ausone.  Ausone était  un poète de langue latine, qui s’appelait ou Decius ou Decimus Magnus Ausoniu,  né et mort en Aquitaine au IVe siècle. (Wikipedia).   Nous ne pouvons savoir si Ausone a simplement latinisé un mot gascon, ou s’il l’a connu d’une source romaine.  Le fait qu’il utilise beaucoup de mots gaulois ne suffit pas pour dire que tenco  est d’origine gauloise.

tenco     Ausone

Pour cela il faut qu’il soit attesté dans une ou plutôt plusieurs langues celtiques.  Ensuite la répartition géographique doit correspondre à celle des peuples celtiques avant la romanisation.  Dans le cas de tinca  la présence du même mot dans le sud de l’Italie, tenge à Naples, tenchia, tenga  en Sicile, tinca   en Sardaigne, où il n’y a jamais eu des Celtes, rend  cette hypothèse improbable.

Tinca    se trouve aussi en anglais  tench, néerlandais tinke,  espagnol tenca.