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Mounine ‘guenon’

Mounine  s.f.  « Sexe de la femme » est un dérivé de mona « guenon ». L’étymologie de mona  est l’arabe maimun  « singe », mot introduit dans presque toutes les langues romanes par le commerce des singes.:  italien maimone, catalan  gat maimó, móna,   espagnol et portugais  mono, mona,  italien et espagnol monina.  Les deux mots monne  et monine  ont aussi existé  en français. Cotgrave (1611)  écrit:L’évolution de la forme  maimon  attestée en ancien occitan (1339)  vers mona  s’explique par la chute de la première syllabe sentie comme une réduplication.

La première attestation de monina  (1470) vient  du provençal (Avignon) et ce dérivé est surtout répandu dans le domaine occitan.

Plusieurs sites  marseillais donnent uniquement  le  sens « sexe de la femme1« . Couillon de la mounine « Simple d’esprit »: « Vé le, ce couillon de la mounine qui fait pas la différence entre un 51 et un Casa ». Variante : moumoune.

Ci-dessous l’article mounino  de Mistral, vous voyez que le sens du mot a évolué depuis le 19e siècle :

 

Dans son article enserta « greffer »  il cite en plus l’expression enserta ‘no mounino « reboire avant d’être dégrisé ».

la calanque Mounine

Mona, monine  et les autres dérivés de maimun  « singe » se trouvent dans tout le domaine galloroman. Pour le moyen français voir 6 articles dans le DMF.  D’après la classification du FEW XIX, 115  il y a dans les parlers galloromans  une douzaine de significations:

  1. figure ou femme laide, par ex. béarnais moune
  2. grimace, boudeur, maussade, par ex. dans le Tarn mouná « bouder », Pézenas mouniná
  3. fantôme  dans le Périgord mounardo « mort »
  4. enfant, jeune  par ex. Paris  mounin  « petit garçon, apprenti »
  5. sexe de la femme  par ex. dans le Rouchi et en argot moniche
  6. vieille vache, par ex. dans le Cantal mona  « vieille vache qu’on engraisse »
  7. ivresse, par ex. Alès mounino,  Montpellier carga la mouninà  ‘s’enivrer »
  8. sourd
  9. nigaud, par ex. à Lyon mounin  « sot, nigaud »
  10. poupée , par ex. à Lescun mounáko
  11. chatte , par ex. à Toulouse mouna, à Barcelonnette mounet, en Limousin  mounasso
  12. autres animaux , par ex. en provençal  mouno  « gadus merlangus », mouna  à Nice et à Palavas.

Toponymie. Devinez quel sens est à l’origine du toponyme.  Un indice →   Calanque Mounine (très belle photo par Amodalie).

Un visiteur me fait parvenir un jolie légende sur l’origine du même toponyme situé cette fois dans l’Aveyron, le Saut de la mounine  :

Vue sur le château de Montbrun au Saut de la Mounine.JPG
« Vue sur le château de Montbrun au Saut de la Mounine » by Daniel CULSANOwn work. Licensed under CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons.

Une jolie histoire à insérer, si cela vous semble opportun, après l’article « mounine » (j’y suis allé en vacances, à Saujac; c’est à côté de Cajarc, là où on trouve le célèbre « Moulinot » de Coluche… c’est pour ça que « mounine », que je n’avais jamais entendu avant, me parle) :

En suivant la D 24 vers Saujac, on débouche en haut d’abruptes falaises (enface, le château de Montbrun et un large méandre du Lot). Le saut de la Mounine tire son nom d’une vieille légende. Un ermite, au retour d’un pèlerinage à Compostelle s’était retiré dans une grotte en compagnie d’une mounine (une guenon). Le sire de Montbrun ne pouvant accepter l’amour de sa fille Ghislaine pour le fils de son pire ennemi jure qu’il aimerait mieux la voir se précipiter dans   le vide. La fille vint confier ses malheurs à l’ermite. Celui-ci sacrifia la guenon vêtue des habits de Ghislaine, en la  précipitant du haut de la falaise, pour simuler sa mort. Le châtelain est bouleversé à la vue de la dépouille qu’il croit être de sa fille. Le stratagème dévoilé, il accorde le pardon et sa main au  jeune galant.

 

 

  1. Voir par exemple  Les Cahiers du Sud, dico de Marseille;  Mounine  dans le site La Joie des mots

Farda

Farda « habits, linge, hardes, robes » représente le mot arabe farda «balle de marchandise » ou plus précisément « la moitié de la charge d’une bête de somme ».

una mummia del Perù ancora avvolta nel fardo; circa XII sec.

esp., pg. fardo « paquet de marchandises »,

Italien fardo, cat. farda « ensemble de choses inutiles » et « paquet de nourriture pour un voyage d’une journée », comme à Pézenas fardo  « besace dans laquelle les journaliers portent leurs provisions de bouche ».  Dans le Tarn fardel « paquet  de tripes »  et en Rouergue a la fardoulho « en désordre, à la hâte » (M).

D’après le FEW le mot aoc. fardel « paquet », comme français fardeau 1, ont été empruntés à l’italien ou directement à l’arabe comme terme technique de commerce. Ensuite on a créé une ‘racine’  *farda  avec les mêmes sens. Le mot arabe farda signifie aussi « étoffe, habits »  car, quand on voyage le ballot  ne contient souvent que des habits. De là languedocien fardo « vêtements, hardes », Alès fardos « trousseau de la nouvelle mariée » (S), et des dérivés comme languedocien. fardetos « layette d’enfant », fardá « habiller, équiper, ajuster » Aveyron fardasses « chiffons ».

les anges boutis font partie des  fardos  à Alès.

La répartition géographique du  type farde « étoffe » est limité au gascon et languedocien.

Fargasse s.m. « homme négligé ». Dérivé de farda avec un –g- sous l’influence de quel autre mot ?

Petite excursion :

Au XVIe s. les soldats gascons ont introduit le mot farda dans le français de Paris  avec leur prononciation à eux : h- au lieu de f- : hardes et cette forme s’est répandue de la capitale vers les provinces du nord principalement. Le sens péjoratif  du mot  hardes qui au XVIe s. signifiait «  bagage, vêtements, linge et coffre d’une personne »,  n’est attesté que depuis 1771. Le dictionnaire de l’Académie de 1762 parle encore de « belles hardes » ! De nos jours c’est un terme historique comme dans « les hardes et uniformes de matelots ». Voir TLF.

  1. Les mots farde, fardeau et le verbe farder en français, ont la même origine; voir le TLF

Trucar

Trucà « heurter ». Comme étymologie on suppose un *trūdĭcare « heurter »,  dérivé du verbe trudere « heurter ». *trūdĭcare  a donné en ancien occitan trucar « heurter contre » ( vers 1300). A Nîmes trucâ  signifie toujours « heurter » (Mathon). Dans les régions d’élevage trucar se dit en général des bêtes à corne « frapper de la tête, de la corne ». De l’Hérault jusqu’en Gascogne le dérivé truc signifie  » choc, heurt ». A Toulouse le truc est « le bruit que font les écus en les comptant » et dans cette région « payer comptant » se dit paga truquet. En béarnais truc a pris le sens d’un des résultats possibles d’un heurt : « le son d’un battant (de cloche, etc.) ». Ailleurs, surtout en gascon l’évolution a continué et le truc est devenu « grande clochette pour le bétail » (Val d’Aran, Lavedan, les Landes, etc.).

Le verbe catalan trucar « sonner, donner un coup (de fil), frapper à la porte » et ses dérivés sont expliqués comme des onomatopées par Corominas (DE) , mais ils pourraient s’expliquer aussi bien à partir d’un verbe  trūdĭcare « heurter ».

Voir aussi l’article Truc-de-Balduc un « très gros caillou ».

Français truc « coup d’adresse, ruse » apparaît dans quelques rares textes de l’ancien français, un peu plus au XVe siècle (cf. DMF). En moyen néerlandais  est attesté en 1554 le mot  truc avec le sens  « ruse » et il est courant en néerlandais moderne;  j’ai quelques doutes sur cette étymologie « emprunt au français » du mot néerlandais parce que ce sens ne devient vraiment courant en français  qu’à partir du XVIIIe siècle.

Remarque. En anglais la même notion est exprimée par le mot trick « ruse » (15e s.), qui vient du normand ou du picard trique, (français triche) du latin triccare. Une coïncidence ?

Le FEW le rattache à trūdĭcare « faire un coup », à partir de l’occitan truc coup », mais il y a d’autres propositions. Pour plus de renseignements voir le TLF.

Talan, talent

Talent, talan. L’expression occitane avé talen n’a pas du tout le même sens que le français« avoir du talent ».  Occitan talan; talen et français talent ont la même origine mais ils sont le résultat d’une  évolution différente. Le talent français est récent et littéraire, il date du XVIe siècle, alors que le ou la talen(t) occitan(e) est beaucoup plus ancien et signifie « désir, envie, faim », par exemple dans passa talent « souffrir de faim » (ancien et populaire). Lou pan à la dènt fa veni la talènt. (Le pain à la dent fait venir l’envie de manger). Mistral nous fournit une autre belle expression qui se dit d’un bon couple: quand l’un a talènt, l’autre dèu avé set. (l).

L’influence des Textes Sacrés, notamment de l’Evangile, dans l’évolution des langues occidentales a été très importante. L’histoire du mot talentum en est un bon exemple. Il a le sens « une somme d’argent » dans la Parabole des talents  » (Matthieu 25, 14-30). Très tôt ce sens concret a donné lieu à l’emploi au figuré « dons confiés par Dieu » dans les commentaires et les sermons. Ensuite, dans la vie quotidienne, en dehors de la religion, s’est développé le sens « état d’esprit » qu’on trouve déjà en ancien occitan dans la Chanson de Sainte Foy : talan, talantz « état d’esprit, intention, humeur », et dans le Testament de la reine de Navarre (1038, DuCange), en latin : …si venerit ad aliquam de meas filias in talentum Deo servire… (si une de mes filles aurait envie de servir Dieu).

En galloroman et ailleurs dans la Romania, en particulier dans les zones où les langues littéraires ont eu moins d’influence, le sens « état d’esprit, intention » a abouti à « désir, envie » qui existe encore par-ci par-là en Provence. Dans l’évolution ce sens abstrait devenait de plus en plus concret et aboutit à « désir de manger, faim » en Languedoc, en Gascogne et en Wallonie (voir à propos de cette répartition géographique la page Tablier). Il n’est pas impossible que ce  sens « appétit » a été emprunté au catalan où il est attesté dès le XIIIe siècle.

Le sens «  »pièce de monnaie » (voir ci-dessus à propos de l’Evangile) a abouti à « commerce, industrie, exploitation, par exemple dans le Tarn es en talant de bòrio « il exploite une ferme ».

La traduction de la Bible en français au XVIe siècle et l’étude du texte dans les milieux protestants rendent la Parabole des talents généralement connue, et à partir du début du XVIIe siècle, talent prend le sens de « capacité, habilité, supériorité dans un art, métier, etc. » ce qui fait disparaître les autres significations.

Dire que l’étymon est le grec talenton « plateau de balance, balance, poids; pièce de monnaie », emprunté par les Romains talentum > talantum « poids grec; une somme d’argent » n’explique pas grand chose. Pour comprendre le sens « désir; envie, faim » il faut suivre son évolution sémantique et savoir dans quels contextes il a été utilisé.

un talent  grec

Vous pouvez lire tous les commentaires notamment sur le toponyme Picotalen(t). de cet article ici :

Quincanela

Quincanela « faillite, banqueroute », quincanelle en français régional (Lhubac).

En moyen français la quinquenelle est un « Délai de cinq ans accordé à un débiteur qui fait la preuve qu’il a perdu la plus grande partie de sa fortune ». ( début 15e s, DMF).

C’est un emprunt au latin quinquennalis utilisé dans les Coutumes. La forme de l’ancien occitan est quinquinal. Ce n’est pas exactement une faillite, mais on l’accorde à un débiteur ne pouvant plus payer;  il a 5 ans pour le faire. Avec la moyenne d’âge de l’époque cela revenait au même. D’ailleurs Du Cange le définit par usurpatur

Du Cange