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carbonara, carbounat

Dans le site Druide, Histoire de mots, festival de pâtes, l’auteur raconte l’origine et le succès de la recette spaghetti alla carbonara.  Comme étymologie du nom carbonara il propose carbo « charbon » parce que les petits grains de poivre noir  se détachent des pâtes blanches comme des grains de charbon.

Carbonara

Une bonne explication. En occitan  carbounat signifie « blé niellé; nielle ».  La nielle est une plante à graines noires et toxiques, qui pousse souvent dans les blés. FEW II,358

Nielle_capsulecapsule de nielle

niellenielle de blé dans un jardin

 

Le niellage est une technique d’orfèvrerie très ancienne.

Bolbena ‘boulbène’

Bolbena « boulbène ». Etymologie peut-être un dérivé de volvere « tourner, changer » ou du celtique *ulwo . Voir la fin de cet article. . Si vous avez une autre suggestion étymologique, elle sera la bienvenue!

Définition du TLF: « Terre composée principalement d’argile et de sable, composant le sol de la région du Sud-Ouest de la France, plus particulièrement de la vallée de la Garonne. .. »

La première attestation date de 1796  d’après le TLF,  mais je viens de la trouver dans  le Manuel d’agriculture et de ménagerie publie à Toulouse en l’an II (1793-1794), le citoyen Fontanilhes1, à la suite des Physiocrates et dans le contexte de pénurie qui est alors celui de la Révolution, se propose d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne.  La date est à corriger en sept. 1792 -1793.  su j’ai bien compris les explications données dans ce site.  Sur la page de titre la date de publication est  « L’an second de la République ».

fontanilhes_traite

L’auteur, pour être plus efficace utilise des mots régionaux, comme boulbène une francisation du languedocien et/ou gascon bolbena.
Lisez l’article de Christine Belcikowski pour connaître les spécificités de cette terre et le travail qu’elle demande.
Le mot semble être connu dans la région toulousaine; dans le Tolosanlexique je lis:

boulbenne n.f. terre assez légère, qui laisse des remontées blanches ou rouges, et qui devient poussiereuse en séchant. Après Pesquières, c’est de la boulbène. De l’occitan bolbena.

Voir le volume  FEW XXI, p.40  de mots d’origine inconnue, pour les attestations avec le sens « argile » et la page 33 dans le même volume avec le sens « terrain sablonneux » à Toulouse et au Cahors. Le CNRTL boulbène , qui ajoute une forme locale gasconne burbeno.. Nombreuses attestations dans l’article « argile » dans le Thesoc pour les départements suivants :LOT-ET-GARONNE, TARN-ET-GARONNE.

Plus sur cette terre dans Grands paysages pédologiques de France Par Marcel Jamagne

boulbène_Etym‘Ernest Nègre, dans son livre Toponymie du Canton de Rabastens (Tarn),Bibliothèque du « Français moderne ».éd. D’Artrey, Paris, 1959 présente des formes du XVe et du  XVIe s. en latin médiéval  Volvena  pour la commune  La Boulbène (81100).  Je n’ai pas la possibilité de le consulter, à part la p. 215 que Google me fournit comme exemple:

Un auteur dont je n’ai pas réussi à retrouver le nom, a publié un article dans la Revue du Tarn de 1958, p. 386 dans lequel il parle de la volvena:

volvenaRduTarn386(Volvena est absent de l’Alibert.) et il propose l’étymologie celtique *ulwo + le suffixe -ĭna

volveneRduTarn387Le FEW a un article *ulwo « poussière » (FEWXIV,16 ulwo-) dans lequel il y a un paragraphe avec des mots comme auvre, ouvre « terre meuble », tous localisés à l’est du Rhône.  Les mots languedociens qui ont la même orgine sont par exemple wolfo, bouolfo « balle d’avoine »(Aveyron), oubo, oufo à Laguiole, bóoufo à Millau  avec un b- par influence du verbe volar.

Il y a aussi un groupe assez important de mots qui désignent « cendres de charbon, étincelles » notamment dans le domaine occitan, dont bolbo « étincelle » dans l’Ariège. (Voir le FEW ). Il faudrait savoir comment la boulbène se comporte quand il y a du vent. Si elle fait beaucoup de poussière, l’étymologie volvena < celtique *ulwo + le suffixe -ĭna peut être la bonne.

J’ai aussi  pensé qu’on pourrait considérer volvena comme un dérivé du  latin volvere« tourner ». En ancien occitan est attesté le mot volven « changeant, tournant’. C’est  un article sur le Lauragais, qui m’a donné l’idée avec la description suivante:

Les boulbènes sont des terres légères et faciles à travailler ; sols sableux et argileux, froides et pauvres en calcaire ; tout sol qui contient plus de sable que d’argile porte la dénomination générique de boulbène ; après la pluie la boulbène durcit, elle est tour à tour poussière et béton.

Volvin nom d’un vent à Donnezan (Alibert) Pays du Donezan (canton de Quérigut, Ariège).   S’agit-il d’un vent qui tourne ou d’un vent qui lève la poussière?

A ma demande Pierre Gastal, auteur de  Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013.

a eu la gentillesse de me communiquer les résultats de ses recherches. Il m’écrit:

J’ai dans ma documentation un article BOULBENE, avec 5 définitions qui naturellement se recoupent. Je vous le mets en copie ci-dessous. Par ailleurs, le Dictionnaire de Jacques ASTOR a un paragraphe sur ce mot, non pas à “Arène” comme annoncé dans son index, mais à “Sablière” p. 704.

Quant à son étymologie, elle reste assez mystérieuse :

1) cet auteur apparente la racine bolb– au gaulois borb (source – plus précisément “source bouillonnante” => “la boue/bourbe qu’elle produit”). C’est simple et séduisant mais pas évident parce que la boue et un terrain sablo-argileux ne sont pas la même chose.

2) En ce qui concerne le FEW, je me méfie par nature des explications alambiquées et faire descendre “boulbène” de l’indo-européen “*ulwa”, étincelle (cf. occitan “alauva”) me paraît rien moins qu’évident.

3) La finale du gascon “boulbenc” ferait penser à un mot ligure mais le fait que ce mot soit caractéristique du Sud-Ouest et absent dans le Sud-Est infirme cette explication. Je pense qu’il faut bien plutôt chercher la réponse du côté du basque où l’on a “bolbora”, poudre. C’est là ma préférence.

 

BOULBÈNE (nf) : 1) de l’occ. gascon bolbena, en Gascogne terre sablo-argileuse acide prisée pour la céramique. Il s’agit d’une catégorie vernaculaire et particulière de LUVISOL. (Wikip.)

2) Du gascon boulbeno (parfois bourbéno), terre composée d’argile et de sable constituant le sol de certaines régions du Sud-Ouest, particulièrement dans la vallée de la Garonne. (CNRTL)

3) (Agr.) Terre relativement imperméable d’alluvions anciennes de cailloux sur une base argileuse. – Le mot est issu du dial. local pour caractériser la composition du lit de la riv. Ariège.(Wiktionnaire)

4) Sol siliceux ou argilo-siliceux, limoneux, constitué d’éléments très fins, par opposition au TERRAFORT, terre argileuse. Var. volvène. (Pégorier)

5) Terre d’alluvion de nature sablonneuse. (J. Astor p. 704)

Étym. : Du gascon boulbenc, d’origine inconnue (Dict. étym. Larousse) ; p.ê. basque, cf. bolbora (poudre).

Commune : Laboulbène/Tarn.

Lieux-dits (tous dans le Sud-Ouest) : (La) Boulbène à Lézat-sur-Lèze/Ariège, Auterive/HG, Ayguesvives/HG, Bivès/Gers, Quinsac/Gir., Castelnaud-de-Grattecambe/L&G, Dieupentale/T&G, Ginals/T&G, Labastide-de-Penne/T&G, …Bien amicalement à vous.

Quelques jours  plus tard Pierre Gastal ajoute :

Cher Monsieur,

Un ami que j’ai sollicité m’indique pour “boulbène” une étymologie qui me paraît tout à fait vraisemblable. Elle est tirée tout simplement du Tresor doù Felibrige de F. Mistral (1878) : racine BOLBO (“-ène” est un suffixe), page 304,  BOLVA en catalan, venant du latin PULVIS, poussière. Ailleurs, on trouve aussi BURBENO, terrre colorée, BOL, terre argileuse, BOULDRO, boue, limon.

Bonne journée.  P.G.

Ce message m’a fait relire avec attention  le long article pulvis du FEW IX, page 561 je trouve:  poulbèiro

PoulbeiroFEWL’étymologie déjà suggérée par Mistral pourrait être la bonne. Poulbèiro > boulbèiro serait alors une simple assimilation p>b sous l’influence de -beiro. Poulbéro est déjà attesté dans le Dictiounari moundi de Jean Doujat de 1637 . –eiro > -eno un changement de suffixe fréquent (à confirmer).

 

  1. Voir l’article de Christine Belcikowski

Estòussá ‘élaguer, émonder’

Dans le Manuel d’agriculture et de ménagerie qu’il publie à Toulouse en l’an II (1793-1794), le citoyen Fontanilhes1, à la suite des Physiocrates et dans le contexte de pénurie qui est alors celui de la Révolution, se propose d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne.

L’auteur, pour être plus efficace utilise des mots régionaux, comme étaussage

« On appelle « rames »  l’étaussage 30 qu’on fait tous les deux ans, en Vendémiaire, des peupliers, saules, frênes, et tous les trois ans des chênes, en ménageant une coupe suffisante pour cha­que année. On met cet étaussage en fagots, qu’on fait sécher à demi ; on les enferme ou garantit avec soin pour l’hiver. La feuille étant dévorée par vos troupeaux,le berger ou métayer, qui ordinairement a fait l’étaussage à ses frais, se chauffe du bois qui reste. »

Etaussage « élagage, émondage ». D’après le FEW il s’agit d’un mot d’origine préromane *toutio- , *tautio-, *tottio- « tête, pointe » qu’on trouve en galloroman, italien et ibéro-roman.

Le dérivé estaucier signifiait en ancien français « tondre, tailler les cheveux » et en moyen français « tailler une haie vive, couper les grosses branches d’un chêne ».  Le FEW n’a pas d’exemples de l’occitan de ce verbe, mais il y a pas mal d’autres mots qui ont la même origine et qui sont attestés notamment dans l’Ariège, comme tàous « rocher », tàousou « petite élévation, éminence », tos « sommet » et tos dans plusieurs parlers gascons avec le sens « tronc d’arbre, auge ».

FEW XIII/2,132 *toutio2 est à compléter.

Google fournit 4 attestations du mot étaussage, dont le dernier date de 2007:

étaussage S.Fauchereau

Google fournit plus de 70 attestations du verbe étausser, dont celle de Charles Menière, auteur du Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes 1881, qui aimerais le rattacher  au celte:

etausseerAngevin

Slatkine l’a réimprimé, de sorte qu’on ne peut pas le consulter sur le web. Mais heureusement l’auteur  l’a publié également dans les Memoires de la société académique de Maine-et-Loire tome 36, 1881, page 191 ss qu’on peut  consulter grâce à Gallica. Pas la peine de dépenser 21€.

D’après la BDP le patois de Segré (49500, Maine-et-Loire) a été particulièrement mis à contribution.

Sous têtards il écrit:

tetard C.MénièreAngevin

  1. Voir l’article de Christine Belcikowski

Esparcel ‘sainfoin’

Esparcel  » sainfoin. » l’Étymologie est le participe passé latin sparsus du verbe spargere « répandre ». L’explication de cette étymologie se trouve dans le fait que l’esparcel est semé à la volée.

Semeur_à_la_volée

Christine Becikowski  a consacré un article au Manuel d’agriculture et de ménagerie, avec des considérations politiques, philosophiques & mythologiques, dédié à la patrie, par le citoyen Fontanilhes, à Toulouse, de l’imprimerie de la citoyenne Desclassan,  1794-1795. Fontanilhes  se proposait d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne. Il utilise (consciemment ?) plusieurs mots issus de l’occitan que l’on peut considérer comme du français régional, dont esparcel.

C’est l’agronome Olivier de Serres  originaire de l’Ardèche qui  a introduit le nom  esparcet  en français au XVIe siècle.

Voir  FEW XII,134b

sainfoin

Erugo ‘chenille; roquette’

Erugo, rugo, arugo « chenille »  et « roquette » (eruca sativa)

Erugo S2

L’étymologie est le latin erūca  qui est attesté avec les deux significations « roquette » et « chenille ». L’étymologie de erūca n’est pas claire, en particulier du point de vue sémantique. Quel est le point commun de la roquette et d’une chenille?. Ernout-Meillet fait la proposition suivante:

eruca_ErnoutMLa forme ūrūca qui est à l’origine de l’espagnol oruga  et attestée chez Pline est expliquée par le FEW comme une simple assimilation, tandis que  Ernoult pense à  ūrō « enflammer, exciter » ce qui reste à prouver.

Les attestations de eruga, auruga « roquette » sont plutôt rares1, parce qu’au début du XVIe siècle le diminutif roquette a été emprunté à l’italien par les Parisiens, de sorte que le nom roquette a gagné tout le pays et a remplacé  russe ou  de l’eruce, d’un dérivé *erucia,  noms attestés dans l’ouest de la France.

La roquette vendue sur le marché actuellement est un cultivar produit en Italie.  A Manduel et je pense ailleurs dans le Mdi, la roquette à fleurs jaunes pousse un peu partout en bordure des chemins et des vignes. Elle est comestible mais les feuilles sont plus dures.

roquette

FEW III, 241

  1. Voir RollandFlore II,p.83 eruca sativa