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Mourgues

Mourgues, Mourguez « Monaco ».  Jusqu’au XVIIIe siècle, Monaco s’appelait Mourgues.   En  latin Portus Herculis Monoeci du grec Heraklès Monoikos « Hercule solitaire » .  Je ne sais pas pourquoi on a changé ce nom. FEW VI 3 p.64

Monaco (Wikipedia)

L’origine, le grec monoikos,  est la même que celle de  mounjeto, et mounjo.
Il y a plusieurs toponymes Les Mourgues dans le Gard, e.a. à Vauvert , Saint-Geniès-des-Mourgues   dans l’Hérault.

 

Mounjo

Mounjo « religieuse ». Ancien occitan monja (Millau,1100) vient du latin monacha « nonne ». En galloroman  le type monacha, formé sur le masculin monachus « moine » est limité au franco-provençal et l’occitan.

A Alès on distinguait  la mounjo « religieuse vêtue de blanc » de la mourgo« religieuse vêtue de noir », une évolution caractéristique pour une région intermédiaire entre provençal et languedocien.

Magali ! se tu te fas mounjo blanqueto, ièu, capelan, counfessarai, E t’ausirai ! (Mistral)


Magali?

Les mousettes  « haricots » en Guernesey  que le FEW  rattache aux mogettes de la Vendée et des Deux-Sèvres, ainsi qu’au catalan monguetas, mongetas, attesté depuis 1460 font certainement partie des dérives de monacha.(Incognita du FEW XXI, 131b).  Dans le Diccionari Etimologic catalan , l’auteur ajoute la remarque suiante :

pour des raisons sémantiques peu claires; peut-être pour la couleur des vêtements de nonnes, ou parceque dans les monastères le régime des haricots était très courant.

Missounaire, missounenco

Missounaire « espèce d’escargot d’été » , dérivé de missoun, meissoun « moisson » du latin messio, messionem « moisson »  est synonyme de mounjeto. En provençal une oumeletto a la meissounièro est une  « omelette aux oignons», appelé ainsi   parce que  c’est le mets le plus en usage dans les métairies pendant la moisson, appelé aussi meissounénco. L’escargot missounaire  est également un plat d’été.

Missounenco « escargot d’été » a la même étymologie avec changement de syffixe :inca. C’est un synonyme de  missounaire  de  mounjeto  et de  estivenques. Dans ce dernier il y a une recette.

Mounjeto

Mounjeto

  • 1) escargot d’été,  (eobania vermiculata) appelé aussi  estivenques, missounaire , missounenco en provençal.
  • 2) variété de haricot blanc.(Seguier1 :« faviau esp. de fave n’i a de blancs – de negres, de rouge, de blancs et de negres tout ensem de mongetes d’escalaivez et d’aquelles qu’escalont pas »
  • 3) libellule (laquelle ?)

Dérivé de monacha > mounjo « religieuse ». Dans toutes les langues romanes les significations «  moine » et « nonne »  ont donné lieu à de nombreux emplois au figuré  à cause de la forme de leurs silhouettes, la couleur de leurs habits, le crâne rasé du moine ou la couleur du voile de la nonne : des toupies, des fromages, toutes sortes de plantes, et d’oiseaux.

Spécialement dans  le Midi : des haricots blancs, haricots verts, haricots secs. Fr. mongette est un emprunt à l’occitan. Voir aussi mounjo.

    

Mourguettes

Les mourguettes  est un autre nom des estivenques « des  petits escargots blancs  que l’on trouve sur le fenouil, ou autres plantes de garrigues » qui s’appellent aussi missounaïre ou missounenque.

En occitan comme dans toutes les langues romanes les significations « moine » et « nonne » ont donné lieu à de nombreux emplois au figuré,  à cause de la forme de leurs silhouettes, la couleur de leurs habits, le crâne rasé du moine, la couleur du voile de la nonne : des toupies, des fromages, toutes sortes de plantes et d’oiseaux et spécialement dans  le Midi  des haricots blancs, haricots verts, haricots secs. Emprunté par le français :  la mongette « espèce de haricot qu’on cultive dans le midi de la France » attesté depuis 1835.

Les mourguettes sont donc des « petites religieuses », un dérivé  du latin monacha avec le suffixe diminutif –ittu. Pour les Gardois des  sont les « petits  escargots blancs » ressemblent à des «* nonnettes ».

Dans le Gard est attestée  une autre forme : mounjéto « espèce de limaçon blanc » mais qui signifie aussi « variété de haricots blancs à ombilic noir, qui se mangent secs ». Les deux formes monja et morga,  survivent donc dans les parlers modernes. Comment expliquer cela?

Dans le pays d’oc aucune des variantes dialectales  était devenue la langue littéraire officielle comme c’est arrivé dans le nord de la France avec le dialecte de la région parisienne ou le dialecte de Florence en Italie. Les scribes essayaient d’écrire les mots tels qu’ils les entendaient ou prononçaient avec les lettres du latin dont ils disposaient. Ces prononciations variaient d’une région à l’autre.  Ces essais de rendre la prononciation avec les lettres du latin est à l’origine des différentes graphies que nous trouvons dans les manuscrits du Moyen Age.   La graphie des mots est donc le résultat d’une tradition millénaire. Je pense que l’orthographe devrait renouer avec cette tradition et écrire mwa  ou moua   au lieu de moi,   la prononciation du haut Moyen Age.

Donc quand on cherche dans des dictionnaires de l’ancien occitan, et on trouve le mot  morga avec le sens de  « religieuse » dans un texte du Rouergue daté de 1198, il faut s’attendre à trouver d’autres graphies  En effet elles varient beaucoup selon la région dont proviennent les textes : monja, monega, monga, morga, moina. La même chose pour le masculin : monge, morgue, etc. « moine ».

Le département du Gard est particulièrement intéressant parce qu’il se trouve dans une zone transitoire entre le provençal et le languedocien.  A Alès, par exemple, on a distingué les deux variantes : mourgo et mounjo. La première désignant « une religieuse vêtue de noir » , la seconde « une religieuse vêtue de blanc ». Mais c’est, à notre connaissance, le seul endroit où cette distinction était faite .

 

mounjo

Petite digression.

Est-ce que quelqu’un dont le français est la langue maternelle établit un lien entre les mots mono (opposé à stéréo) moine, moineau, monarque et Monaco ? Je ne pense pas et pourtant  leur étymologie est identique grec  monos « seul », moine « quelqu’un qui vit seul », moineau « oiseau qui a le plumage de la couleur d’un habit de moine »  viennent tous les trois du grec monos, dont  au début du christianisme on dérive le mot monachus, et plus tard on crée le féminin Imonacha.  C’est l’étymologie qui rétablit ces liens et qui rend le vocabulaire plus transparent, plus « motivé » en termes linguistiques.

           

     mono               moine                   moineau                  monarque           monarque       Mourgues = Monaco

 Une  mounéga  de Nice

Novembre 11, 2023 à 9:54   (Modifier)Un collaborateur  Alain LLORIA occitan  complète mon article:

En occitan dans le texte : Las cagarauletas son de pichòtas cagaraulas 🐌 cacalausas en Provenca, que s’amassan (se rassemblent) sus las èrbas nautas, sus lo fenolh, la lachuga Sant-Josèp (laitue Saint-Joseph) montada, un tronc de falabreguier (micocoulier), … aquò sentís bon l’estiu, qu’a las primièras plèjas van se n’anar … En provença se dison de cacalausons, missonencas, estivencas o limaçons. Los canards, rits 🦆 se’n congostan (les canards s’en régalent) … Se pòdon mangar a l’apéro …Nom scientifique : escargot des dunes ou de Pise – Theba pisana.

Estivenques

Des estivenques.

     

           Où peut-on encore trouver ces petits escargots sur les menus des restaurants ?   D’après Sylvain, auteur d’un site qui a disparu, on trouvait dans les années soixante encore dans les rues de Marseille  «  la marchande de limaçons dont le cri était phonétiquement : à l’aïgue sont, les limaçons pour la rime, et petit escargot à l’eau salée pour la signification. ». Confirmé par Marius Autran dans le lexique de La Seyne : Aigo-sau « aumure, eau salée, mets de poissons bouillis (litt., eau et sel). A l’aigo sau ! : C’était l’appel du marchand d’escargots et de limaçons blancs. » Sylvain décrit les estivenques : « Ces limaçons sont une espèce de petits escargots, quelquefois aussi appelés colimaçons ou limaces, que l’on trouve en été sur les fenouils montés. Le diamètre est de un centimètre à un centimètre et demi environ. La couleur part du blanc (attention, pas blanc immaculé, c’est une autre espèce un peu plus petite) au marron clair en passant par toutes les nuances de beige, avec des stries plus nuancées qui épousent la spirale de la coquille. La chair est beige translucide. »

Voici une recette de Claude Viallat Estivenques à l’huile d’olive, a été publié par la Gazette de Nîmes dans un petit recueil Les Nîmois livrent leurs secret de cuisine. 30 recettes du Sud. 

           Mistral  écrit dans le Trésor du Félibrige que  estivenco  désigne dans le département de l’Hérault un « escargot d’été ». Il doit s’agir du colimaçon dont le nom scientifique est « hélix vermiculata L. » ou « eobania vermiculata ». Comme il s’agit d’un escargot d’été  l’étymologie  est transparente ; il doit avoir la même origine qu’ estiu « été .» En effet il est dérivé du latin aestivus « qui a rapport à l’été » à l’aide d’un suffixe -incu.

Estivenc avec le sens «qui a rapport à l’été » se trouve déjà dans des textes en ancien provençal. Il a le même sens dans de nombreux mots occitans, comme albenc « vêtement ou couverture de couleur blanche », blavenc « bleuâtre » et  dans notre  département La Gardonnenque. Ce suffixe qui date d’avant les Celtes semble bien vivant dans notre langue occitane.

Ces mêmes escargots blancs s’appellent aussi missounaire, missounenque ou mourguéto. Glibert Lhubac donne pour Gignac (34) le mot cagaraoule et le diminutif cagaraoulette. D’après lui ce mot est devenu un générique pour plusieurs espèces de petits escargots dont le Cernuella variabilis qui grimpent vers la fin de l’été sur les tiges des fenouils mais aussi des graminés.  Il ajoute que le mot meisonencas est provençal.

Estirgonhá, estrigoussá.

Estirgonhá et estrigoussá « tirailler, étirer » . Une étymologie assez compliquée.

D’après le FEW il s’agit d’un mot composé de es- + tir- + gonhá. Il est attesté en languedocien, en gascon ainsi qu’en catalan: estireganyar « déformer quelque chose en l’étirant » . L’abbé de Sauvage donne en plus les formes estrigoussa ou trigoussa et les sens « traîner; tirer par les habits ou par les bras ».

L’élément es- de estirgonha ou estrigongha a été ajouté par un croisement avec le verbe trigoussá, estrigoussá « tirailler quelqu’un, secouer avec violence » un dérivé du latin tricare « susciter des embarras, créer des difficultés » d’un latin classique tricari qui est conservé  en occitan trigar « tarder, se faire attendre ». En catalan exiqte le verbe  estiregassar « estirar violentament alguna cosa per fer-la seguir, allangar-la, arrencar-la » (DE).

L’élément tir- vient de tirá « tirer » un mot dont l’étymologie a été longuement discutée et qui semble venir du latin martyrium « tombeau d’un saint,  mort ou tourments endurés pour la religion chrétienne ». La torture la plus courante au moyen âge était justement d’étirer le condamné. Le bourreau s’appelait en ancien fr. tirant du latin tyrannus. Le verbe tirá doit être très ancien parce qu’on le trouve dans toutes les langues romanes.

L’élément gonhá se retrouve dans les patois suisses et les régions voisines : vougni « tirer par les cheveux » et le mot tirvougné « tirailler » également. A cause de la forme et de la répartition géographique, von Wartburg propose une origine gotique *wunnjan « blesser, faire souffrir », dérivé de wunds « blessure », Wunde en allemand, néerlandais wond, anglais wound.

Esclafidou

Esclafidou  « seringue d’enfant en sureau »(Puisserguier); Place des Esclafidous » « une placette à Nîmes », L’Esclafidou « gazette de Colognac ».

Michel Massol, auteur de « L’esclafidou et autres bélicoques » (Nîmes, Lacour), m’écrit:

« Il est évident que pour nous, habitants de Vauvert et de la région bas gardoise, l’esclafidou était une arme d’enfant à laquelle nous jouions encore dans les années 60. mais plus tard, terminus…Ce n’était pas une sarbacane, mais une espèce de pompe à vélo en sureau creusé et lorsqu’on emmanchait une branche dans ce cylindre préalablement garni de 2 petites boules provenant d’un micocoulier ( les bélicoques), sous l’effet de la compression, l’une des 2 partait, projetée par l’air ainsi comprimé dans un « pop » de bon aloi. L’arme avait une portée d’une quinzaine de mètres et, à bout portant, dans le lobe de l’oreille par exemple, ça faisait pas du bien !!! Arme saisonnière par excellence (il fallait attendre que le micocoulier veuille bien sortir ses fruits de la taille d’un petit pois), elle a été abandonnée rapidement, de sorte que la génération de mon petit frère (6 ans de moins que moi ne l’a pas utilisé ). »

Ci dessous un chasseur qui lance des projectiles d’argile sur les oiseaux avec un esclafidou. Dans un texte d’Avignon de 1646 est attestée la forme esclafadou avec le sens « mousquet ».

sarbacane

L’abbé de Sauvages connaît plusieurs expressions: « esclafi la parâoulo « articuler distinctement »,  lou lià tout esclafi « il lui a tout découvert » (S) et un esclafidou est « une bonde d’un bassin d’une pièce d’eau », la bonde étant un bouchon de bois.   Sous la forme esclafidor Alibert donne aussi le sens « canonnière de sureau ». Le premier sens donné ci-dessus doit être oublié puisque les enfants ne jouent plus à cela.  L e nom de la placette à Nîmes doit faire référence à une vanne.

esclafidou à Plantiers(Gard)

et le nom de la gazette de Colognac témoigne d’un esprit d’ouvert.

L’étymologie est une histoire ancienne et compliquée parce qu’il s’agit de mots qui viennent

  • 1) d’une onomatopée qu’on trouve dans les langues romanes et ouest-germaniques : klapp qui signifie « coup, claque ».De cette onomatopée viennent des mots comme ancien occitan clap « clapet’, et clapar « frapper »; par métonymie ancien languedocien clapa « tache »; français éclabousser. Voir aussi le mot clapo « sonnaille » et le lien vers néerlandais klappen « frapper, applaudir »/ le flamand klappen « parler, bavarder ». En allemand existe un groupe de mots avec des sens proche de « coup, claque; bavarder etc. » dont la base est une forme klaff, voir Grimm . Il n’est pas impossible que cette forme allemande klaff   soit à l’origine des mots franco-provençaux et occitans comme esclafar « écraser, giffler qn » et esclafir « éclater » et notre esclafidou.
  • 2) L’autre possibilité est qu’esclafidou  vient  de la racine préromane klappa « pierre plate ».  L’esclafidou des Plantiers ci-dessus est en fer, mais j’en ai vu beaucoup dans la Vallée d’Aoste qui étaient des simples pierres plates. Il me semble qu’une évolution sémantique « bonde, vanne » > « sarbacane » qui fonctionne avec un bouchon est  convaincante. L’étymon serait  plutôt la racine préromane klappa « pierre plate » , qui a donné aussi   esclapo « éclat de bois »; esclapa « fendre du bois » ancien languedocien esclapaire « bûcheron ».

Le fait que les dérivés de l’onomatopée klaff et ceux de la racine préromane klappa ont souvent des sens très proches rend le solution difficile.

Toutes les formes avec un  –f– comme esclaffar se trouvent dans le FEW dans l’article klapp onomatopée FEW II,734;

L’article  suivant klappa « pierre plate » est l’étymon d’une grande famille de mots commune aux langues ouest-germaniques et romanes. L’esclafidou des Plantiers pose donc un problème. La place des Esclafidous à Nîmes aussi?