Mocar
Mocar signifie « moucher; frapper sur le nez, pincer un bourgeon ou un lumignon ». L’étymologie est bien sûr la même que celle du verbe français moucher , latin tardif muccare « moucher ». Voir à ce propos le TLF.
En occitan et en français régonal mocar, moucher, moquer signifie aussi « boire, chopiner ».
Plus loin dans cet article, Mistral donne trois exemples : Mouca ‘n veire de vin « sabler un verre de vin » (= boire d’un trait) et moucho pas mau « il boit bien ». Se mouca v.r. « chopiner,boire ». Comment expliquer cette évolution sémantique? Alibert suit Mistral, mais ni l’un ni l’autre s’est posé la question.
On pourrait s’imaginer l’évolution sémantique suivante : « (se)moucher » (pour se moucher on lève le coude!) > « lever le coude » > « boire » ; ou bien « pincer un lumignon » > « émousser » > « émousser la soif » > « chopiner, boire ».
Un article de Jacques Bruyère dans le Midi Libre du dimanche 22 février09, intitulé « Moque Cabanel, quelle histoire » m’a mis une puce à l’oreille. Jacques Bruyère a relevé qu’il y a un mot moque s.f. avec le sens « chope » en français régional. Le TLF dit : « Région. (littoral de la Manche et de l’Atlantique). Petit pot de terre en forme de tasse avec anse, servant à boire, ou gobelet en fer-blanc servant à mesurer des denrées. » J’ai vérifié dans le FEW. Le mot moque , mouco se trouve en effet en galloroman dans une bande étroite le long de la côte atlantique, qui va de Boulogne-sur-Mer (Nord) jusqu’à Teste (Gironde).
En effet moque est attesté à Boulogne-sur-Mer, mock « pot pour la boisson à bord du bateau », en normand moque « tasse sans anse, servant à boire » dans le Dictionnaire du patois normand de E.et A. Duméril; Caen, 1849 ! dans le Calvados « godet pour le cidre », dans le Bocage, dans l’île de Guernesey mogue « vase à boire », à St-Malo, dans l’Ile-et-Vilaine moque « tasse, mesure pour les boissons (1/2 l) », dans le Poitou, à La Rochelle en 1780, dans le Saintonge, dans la Charente Maritime, et enfin à Teste dans la Gironde mouco » gobelet en fer blanc des matelots ». Cette répartition géographique montre clairement qu’il s’agit d’un mot de marins. (FEW)
Moque a traversé l’Atlantique pour arriver au Canada (TLF) et en Louisiana (J.Bruyère).
Je ne suis pas Néerlandais pour rien, et il n’y a aucune raison pour s’arrêter dans le département du Nord! En passant la frontière, en Flandres et aux Pays Bas mok est le mot courant pour une grosse de tasse avec anse, ainsi qu’en bas-allemand mukke « chope », Suédois. mugg « mug,, » norvégien et danois mugge « tasse pour boisson chaude », anglais mug. Nous avons donc affaire à un mot européen! Il y pas de collectionneurs de mugs.
un mok avec ta photobas-allemand: mukke
Le seul problème qui nous reste à résoudre est de savoir comment moca, mouca, mouco est arrivé à Palavas. Par la mer ou par la terre? A la suite de l’article du 22 février, Jacques Bruyère a eu beaucoup de réactions qu’il a publiées dans le Midi Libre du 15 mars. (La consultation est hélas payante). L’expression Moque Cabanel est bien vivante en Languedoc, mais les sens donnés par Mistral également. Il y a certainement eu des contacts entre les marins de l’Atlantique et ceux de la Méditerranée.
Je ne crois pas que dans Moque Cabanel!, moque soit un verbe . A Laval dans la Mayenne,on appelle une « tasse de cidre » mok-mok. Je les vois bien lever le coude et dire mok-mok, comme on dit chin chin.
Etymologie : moque, mouca « chope » vient d’un germanique mokke « chope ». Si moque est un verbe dans l’expression donnée, il s’agit d’un verbe moquer créé à partir du substantif, comme chopiner de chope.
Le nouveau dictionnaire étymologique du néerlandais (EWN), suit le FEW en supposant un lien entre mok « sorte de tasse » et l’ancien néerlandais mokka* « motte (de terre), morceau ». On aurait comparé la chope à une motte à cause de sa forme grossière. Les représentants de cet étymon germanique *mokka sont absents de l’occitan, mais assez fréquents dans le Nord. Voir à propos de *mokka le TLF s.v. moche et moque et le DMF s.v. l’étymon ou le mot moquet « motte ».