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Robert Geuljans le 16 Oct 2011 dans
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Rabas, rabat, ravas, ravat « mouton à laine grossière et pendante, commun dans le Piemont, la Lombardie et la Savoie; la peau de ce mouton; la housse de cheval ; peau de blaireau; blaireau (l’animal); blaireau à barbe; putois (chez l’abbé de Sauvages, S2 et à St-Germain-du-Teil (Lozère) ». Rabatos f.pl. « troupeau de brebis qu’on mène paître sur les montagnes des Cévennes pendant les chaleurs de l’été ».
Voir le commentaire d’un visiteur!
Les formes avec –v- viennent d’après Mistral du Dauphiné, de la vallée du Rhône et de l’Auvergne, mais l’abbé de Sauvages (S2) donne rabas et ravas « mouton malingre ».
- L’étymon est le latin rapax « qui saisit, emporte », et comme subst. « voleur ». Le blaireau a la mauvaise renommée d’être un voleur et d’ emporter des céréales dans son nid. Le FEW X,61a-b a séparé les attestations de rabas « blaireau » des attestations ravas « mouton, peau de mouton, etc. »pour des raisons d’ordre phonétique: le -p- intervocalique en latin devient -b- en occitan, et passe à –v– seulement dans les parlers du nord occitan.
- L’évolution sémantique : « voleur » > « mouton » était énigmatique.
Nous croyons avoir trouvé une explication surtout pour l’évolution sémantique. Les formes avec un v peuvent s’expliquer par une influence des parlers nord-occitans et franco-provençaux.
Le blaireau est présent dans toute la France, excepté la Corse. Voir à ce propos ce lien.
Rabas avec le sens « blaireau » se trouve en provençal et en languedocien dans une zone qui va du Var (Hyères, St.-Luc) jusqu’à Millau, où il est déjà attesté en 1474, et à Mende. A La Ciotat c’est un « hérisson » et à St-Germain-du-Teil (Lozère) un « putois ».
Dans le volume Incognita XXII/1,p.283b du FEW, nous trouvons la famille de ravas « (peau de) mouton à laine grossière et pendante » attesté en provençal depuis le XVe siècle et en franco-provençal du Forez . Par exemple dans l’Isère la ravata est la « laine grossière » et par métonymie ravat prend le sens de son utilisation : « collier de cheval » ou comme en provençal de Barcelonette ravàs « peau de mouton qui sert de housse au collier des chevaux de charette ».
Or dans l’Aveyron et la Lozère sont attestées des formes avec un –b- : robàs, rabas, qui viennent certainement de rapax et qui désignent « une fourrure attachée au collier d’un cheval de trait, ordinairement en peau de mouton, ou de blaireau » exactement comme le ravàs provençal à Barcelonette.
On peut supposer une évolution sémantique comme suit : rapax « voleur » > « blaireau »> « peau de blaireau » > « peau de blaireau utilisée pour le collier des chevaux » > « peau de mouton à laine grossière utilisée pour le collier des chevaux » > « mouton à laine grossière et pendante » > « mouton (malingre) ». Il est donc probable que les mots qui désignent le « blaireau » avec un -b- et ceux qui désignent la « mouton à laine grossière et pendante » ont la même étymologie.
Sur le web, j’ai trouvé plusieurs attestations de cette fonction de la peau de blaireau, e.a.:
avec le texte suivant
« de nos grelottières pour attelage « en poste » avec la traditionnelle « queue de renard ». Il nous reste à mettre en place le non moins traditionnel entourage en peau de blaireau ! »Source!
En Auvergne, la brebis Rava fait partie du paysage. Avec plus de 40 000 brebis, cette race avec sa belle tête mouchetée, est gagnante là où d´autres échouent. Source.
Conclusion: ravas « (peau de) mouton à laine grossière et pendante » , et les autres mots dans le volume Incognita XXII/1,283b du FEW viennent tous du latin rapax « voleur ». Les formes avec -p- > -v- s’expliquent par le fait que l’origine de la race de moutons avec sa tête comme un blaireau est l’Auvergne, c’est-à-dire une région où l’évolution -p- > -v- est régulière.