Tapenade
Sans câpres pas de tapenade!
tapenade(Wikipedia)
Cette préparation traditionnelle servie en hors d’œuvre est très à la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des réceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.
Le mot tapenade est dérivé de l’occitan tàpera « câpre ». Le câprier est un arbuste épineux du bassin méditerranéen originaire de l’Orient. Il semble que les Romains s’en servaient déjà, puisqu’ils ont emprunté le mot capparis au grec. Mais l’utilisation des câpres comme condiment a dû se perdre au début du moyen âge puisqu’on ne retrouve le mot dans sa forme indigène dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dû donner quelque chose comme * chapre ).
La câpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du câprier cueilli tôt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelés « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelé cornichon de câpre, plus gros, est rarement utilisé car son goût est très fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les câpres et une centaine d’autres épices et condiments, demandez à votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirés de ce site.
Les premières attestations en français du mot caspre datent du XVe siècle, emprunté à l’italien : cappari. La graphie hésite entre caspe, caspre et enfin câpre depuis la fin du XVIIe siècle. Dans la péninsule ibérique ce sont les Arabes qui ont réintroduit la câpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar qui vient également du grec. Presque toutes les langues européennes ont un représentant du mot grec pour désigner les câpres, par exemple allemand Kapern, néerlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.
Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tàpena avec un t– au lieu du c– initial ce qui n’est pas expliqué. On la trouve déjà en ancien provençal tapera et en provençal moderne tapeno ou languedocien tàpero. Larousse 1874 donne fr. tapène comme mot du Midi pour « câpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à Gênes : tapani, à Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.
Le fait que cette forme est propre à la région méditerranéenne, c’est-à-dire la région où cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggère que la forme tapera nous provient d’une langue pré-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installé autour de la Méditerranée et dont nous avons gardé quelques mots comme calanque et surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu ou –uscu, comme Flayosc (83) Aubignosc (04) Venasque ( ), Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e éd. Berne, Francke,1962).
L’accent circonflexe de câpre n’a aucune raison d’être. Peut-être un scribe médiéval a rapproché câpre de l’adjectif âpre où l’accent circonflexe représente à juste titre le s du latin asper. Une idée pour la prochaine réforme d’orthographe?