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Cagouilles charentaises

Cagouilles charentaises. Cagolha en occitan. D’après le Thesoc cagolha  « escargot » est le type courant dans les départements de la Charente, Dordogne, Gironde et Hte-Vienne. Pour le TLF la cagouille  n’a rien de gastronomique et désigne :

MAR.,vx. ,,Volute qui sert d’ornement au haut de l’éperon d’un vaisseau.«  (Ac.1835).
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixe s. ainsi que ds Lar. 20e et Quillet 1965.

cagouille escargot       cagouille volute

Le Grand Larousse du XIXe siècle définit:

CAGOUILLE s. f. (ka-gou-lle; ZZmll. -mot angevin qui.signif. limaçon). Anc. mar. » Volute du revers de l’éperon d’un bâtiment.
Entom. Nom vulgaire d’un petit ver luisant des Antilles, que les femmes de ce pays mettent comme ornement dans leurs cheveux.

Nous constatons un retard des dictionnaires sur l’évolution de la langue. En cherchant des images pour cagouille,  j’en trouve des dizaines, toujours des escargots, jamais des « Volutes du revers de l’éperon d’un bâtiment ». Le mot occitan cagouille   avec son sens d’origine a reconquis le terrain qu’il avait perdu aux siècles précédents. Cagouille  a même traversé l’océan. La parution du livre  “La Cuisine de la République: Cuisinez Avec vos Députés!”  a inspiré le  NYTimes  Dans son  compte-rendu j’ai relevé la recette  des

cagouilles charentaises from the southwest (petits gris snails, parsley, garlic and wine), a garlic-and-cream-filled gratin dauphinois.

Vous constatez avec moi que la langue française est restée dominante dans le domaine de la gastronomie. Les lecteurs du NYTimes sont supposés savoir ce que sont les « petits gris » et le « gratin dauphinois »!

Le TLF donne l’étymologie suivante:

TLF : Étymologie et Hist. 1. 1611 cagouille « escargot » (Cotgr.); d’où 2. 1687 p. métaph. « volute au haut de l’éperon des navires » (Desroches, Dict. des termes propres de marine, p. 87. d’apr. R. Arveiller ds Fr. mod., t. 25, p. 307). Mot attesté au sens 1 dans les dial. du Centre (Aunis, Saintonge, Poitou, etc.) aussi en Gascogne et Périgord, de même orig. que l’a. prov. cogolha « escargot » (Comptes de l’Arch. de Bordeaux du 13eet 14es. ds Du Cange t. 8, p. 445b; v. aussi A. Thomas, Mél. d’étymol. fr., Paris, 1902, pp. 40-41), c’est-à-dire issu de *conchȳlia (neutre plur. pris comme fém. sing. du lat. class. conchylium « coquille »), à travers un *cocŭlia né − soit d’un croisement avec coccum (coque*) qui expliquerait la perte du son nasal, et avec cuscōlium « kermès » (pour la longueur du o, v. Cor., s.v. coscojo; v. FEW t. 2, p. 1006 et coquille), − soit d’un croisement avec cochlea (EWFS2).

 

 

 

Goy, goï

Goy, goï adj. « boiteux ». Une visiteuse me demande:

l’étymologie concernant l’emploi du mot goye chez les locuteurs originaires du Languedoc: ma mère qui a grandi à Sète dans les années 30 et dont une partie de la famille est originaire de l’Ariège a toujours dit « avoir une patte goye » pour désigner quelqu’un qui boîte ou qui a mal à la jambe et j’aimerais savoir si cet emploi de ce mot viendrait de l’hébreu « goy »(non-juif)….

J’ai dû lui répondre:

Pour le moment il n’y a aucun étymologiste qui a trouvé l’origine du mot goy  « boiteux » attesté dans beaucoup de parlers occitans. Il est répandu des Alpes jusqu’à l’Aude  et Toulouse, toujours avec le sens « boiteux ».
L’ hébreux goi, au pluriel goim  signifie  « chrétien » et le féminin goja « serveuse chrétienne ».  Ces mots et leurs dérivés  sont  très répandus dans tout le domaine  occitan, presque toujours avec un sens péjoratif  « femme , homme de mauvaise vie ».
Il y a une seule attestation du XVe siècle en français qui se rapproche de « boiteux »  à savoir   goin  adj. « qui est empêché de se servir de ses membres. »  Mais cela ne suffit pas pour rattacher  l »occitan goi « boiteux » à goi.
Voilà tout ce que je peux vous dire.

C. Germi,  Mots de Champsaur. Hautes-Alpes, écrit  à propos de goï « boiteux » :

Malgré les quantités de mots péjoratifs relevés dans les articles GOI et GOJA , le FEW classe le verbe occitan gouiar « boîter » dans les étymologies inconnues.

Il faut y ajouter que  le mot goï  se trouve au même endroit dans le FEW. J’étais également étonné. Mais il n’est pas évident d’établir le lien sémantique entre « homme, femme  de mauvaise vie » et « boiteux ».

sac, saca, saque

Quel est le rapport entre un Sac Vuiton  et une chèvre?  Vous avez  deviné que cela doit être l’étymologie.

        Chèvre angora d'Ankara

Le mot « sac » est masculin en occitan comme en français. En occitan existe  aussi la saca  « grand sac », la saque  en français régional. L’étymologie, le latin saccus « sac » vous semblera peu intéressante.  Pourtant les Romains l’ont emprunté aux Grecs σακκος  « sac »et les Grecs l’avaient emprunté aux habitants de la Cilicie où il désignait un « tissu fabriqué en poils de chèvre ». Par la suite, grâce au commerce déjà mondialisé, le nom a été transféré à des sacs fabriqués avec ce tissu. Vous trouverez plus sur l’histoire du mot  sac ici.

Cilicie      laine en poils de chèvre

A partir de la Cilicie le mot a été introduit également  dans les langues sémitiques, et à partir du latin il a trouvé son chemin dans toutes les langues romanes, germaniques, celtes et le basque.  Vous voyez que la mondialisation ne date pas d’aujourd’hui.

C’est à la même région que fait référence le mot cilice.  (TLF)

Dans un petit article du Midi Libre l’auteur citait  l’expression bramer comme une saque « brailler la bouche grande ouverte ».  Le français régional saque correspond à l’ancien occitan saco, saquo « grand sac ».

 

estourelhà

estourelhà  « faire sécher devant le feu » voir l’article tourin, touril.

D’autres dérivés bien languedociens sont les verbes se tourilhà , se tourrouya  ‘se chauffer, se câliner devant un bon feu », qui en gascon  devient  estourelhà  « faire sécher devant le feu ». L’abbé de Sauvage connaît la forme  s’estoulouirà « se câliner au soleil ».

torrar, tourar

torrar, tourar  « griller, brûler, cuire »,  voir l’article  tourin, touril

tourin, touril

Tourin, touril  « soupe à l’ail, à l’oignon,   … »; la définition précise dépend de la région et de la cuisinière. Vous trouverez de nombreuses recettes sur le Web, e.a. dans Wikipedia , qui cite le Larousse gastronomique à propos de la graphie: « qui s’écrit également tourain, thourin ou tourrin, voire touril en Rouergue et touri en Béarn (…)  » .

Il faut pourtant savoir   que le touril  du Rouergue, n’est pas une graphie aberrante, mais un autre dérivé avec le même sens.  La forme en –in  se trouve principalement dans le sud-ouest, celle en –il  est plutôt languedocienne,  déjà attestée par l’abbé de Sauvages.

L’étymologie est le verbe latin torrēre « griller », qui sous l’influence de la grande majorité des verbes est passé à torrare. Le verbe torrar, tourar  « griller, brûler, cuire » est conservé en occitan et en franco-provençal.  En provençal on parle de taourà  à propos de la torréfaction des amandes. et par conséquent le « nougat » est appelé lou tourroun  à Marseille et dans l’Aveyron, que nous  retrouvons  d’ailleurs en catalan  torró, en espagnol turrón  et en portugais torrão.

Tourin et  touril   sont tous les deux des dérivés  du  verbe tourar « faire la cuisine ».  Le mot tourin  ne se trouve pas  dans le TLF.

D’autres dérivés bien languedociens sont les verbes se tourilhà , se tourrouya  ‘se chauffer, se câliner devant un bon feu », qui en gascon  devient  estourelhà  « faire sécher devant le feu ». L’abbé de Sauvage connaît la forme  s’estoulouirà « se câliner au soleil ».

Artiga, artigal, artigue

Artigal « terre défrichée », « novale, terre située entre deux rivières  » (Alibert). L’étymologie de ce groupe de mots a donné lieu à beaucoup de discussions, mais les étymologistes ne sont pas arrivés à une solution  satisfaisante pour tous les cas. Le plus difficile à expliquer est le fait qu’on retrouve un type semblable en wallon : artiu « champ labouré ».

Le substantif artiga  « terre défrichée » ne se trouve qu’en ancien gascon, et dans le Val d’Aran. En languedocien et gascon il est assez fréquent  fossilisé comme toponyme. Voir par exemple Longon, p.24 (lien direct) ou  le Pegorier s.v.artiga.

Le dérivé artigal  toujours avec le sens « terre défrichée » , et les verbes artigalar, artigar « défricher » semblent être vivants, même s’il y a des doutes sur certaines données considérées comme des reconstructions  artificielles à partir des toponymes, notamment artig (Gers) et  artigau (Périgord); etc.

Comme artiga  est aussi catalan et aragonais plusieurs étymologistes ont supposé comme étymon un *artika repris à un substrat ibère  ou basque. En effet en basque existe arteaga « bois de chênes verts, défrichement ».

En gascon  il y a un composé eishartigar , eixartigar en catalan, qui pourrait s’expliquer comme une forme hybride, composé de eissartar ( de issart « friche ») et  artigar.

La répartition géographique,sud-ouest de l’occitan, le catalan et le wallon exclut une origine commune gauloise ou ibère/basque pour toutes les données. Beaucoup de données pour celui ou celle qui veut approfondir dans le FEW  XXV,387b-390b.*artika.

Un dernier lien bibliographique : Sommaires détaillés des Actes publiés par la S.F.O.  L’Onomastique, témoin de l’activité humaine. Colloque du Creusot (30 mai-2 juin 1984) , éd. G. Taverdet, Dijon, Association Bourguignonne de Dialectologie et d’Onomastique, 1985, II-328p. spécialement  aux pp. 19-29 : Billy, Pierre-Henri, “Noms de défrichement d’origine préromane : *ARTICA, *BODICA, *CARRICA, *MARRICA”.

 

faouterna, foterla

Faouterna « aristoloche » (Montagnac), foterla s.f. « aristoloche clématite » (BotaniqueArles).

Far fauterna « troubler la vue »  à Agde d’après Alibert.  Comme le lien sémantique n’est pas clair, je ne sais s’il s’agit du même mot. D’après Mistral  fauterno est une variante languedocienne de farfantello.

Le mot falterna « arristoloche » apparait pour la première fois dans un Dynamidia  du  Xe siècle,  un genre de guide médical  sur utilisation des plantes . Ensuite il y a quelques attestations médiévales de la région picarde, normande et wallonne,  mais pour les parlers modernes les attestations viennent surtout du domaine occitan.  La première date de 1355.

On n’ aucune idée de l’origine de ce mot. Il n’y a aucune trace de falterna   en dehors des parlers galloromans.  En googlant j’ai trouvé 3 suggestions :

Eras, quan plou et iverna
e fresca aura e buerna
s’atrai e chai e despuelha la verna,
fas sirventes per esquerna
d’amor, qu’enaissi s’enferna
que las joves an levad’a taverna.
Tant an apres de falterna
que lur cons vendon a terna:
plus son arden non es lums en lanterna.
10 Domnas tozas,   sofrachozas,   la vera paterna
vos cofonda,   e·us rebonda   selh que·l mon governa!
Qu’en Jausbertz   non es tan certz,   per los sanhs de Palerna,
qu’el pantais   del pel no·i lais,   si sec la vostr’esterna.

Si je comprends bien le texte  falterna  veut dire ici « voir trouble, sont aveuglé ».  Faux! Heureusement j’ai demandé au prof. Gérard Gouiran de m’éclairer. Il a retrouvé son article cité dans la note en bas de cette page, où il avait écrit:

Or cette plante passait au Moyen Âge pour aider à l'accouchement.
On lit en effet, dans le Livre des simples medecines (ms. British Museum
Sloane 3525, 118 v°a) que R. Arveiller m'a fait l'amitié de transcrire :
Por delivrer la feme de sa porteure, prennez la racine d'aristologe et cuisiez la en vin et en huile et faites laver la feme del nombril desi as quisses. La racine doit estre cuillie quant i n'i a ne foille ne flor ; et la foille et la flor, quant elle i est, par ce qu'eles traient tote la force a eus.
On peut également songer aux vertus toniques et emménagogues
reconnues à cette plante. Au lecteur de choisir laquelle de ces propriétés
convient le mieux ici.

Il conclut aujourd’hui : « Je suppose que j’avais dû parler de ce passage à mon très regretté maître Arveiller, qui était très fort sur le vocabulaire de la botanique et il faut bien dire que, si l’on attribuait à l’aristoloche la vertu (si j’ose dire!) de faire avorter, il ne me semble pas nécessaire de chercher autre chose. » Falterna_Gérard Gouiran (texte complet de sa lettre)

Déjà l’abbé de Sauvages  avait écrit pudiquement  qu’il y a deux espèces, une avec des fleurs jaunes pâle appelée  sarasine, et la seconde est   « l’aristoloche ronde »; on l’emploie pour les maladies de femmes.   Mais elle est très toxique:

l’Aristoloche clématite possède de l’acide aristolochique au niveau de ses parties souterraines. Cette molécule est toxique pour l’homme avec de multiples conséquences. (Wikipedia). Plus dans l’article en catalan:  Tinguda des de l’antiguitat sútilitzaven algunes espècies com a planta medicinal basant-se en la teoria del signe. És, però una planta tòxica i cal extremar la precució en qualsevol ús que es faci. La bellesa de les seves flors en fan una planta de jardineria. (Wikipedia catalan).

Sur la théorie des signatures, dont je parle à propos de plusieurs plantes et leurs utilisations, voir l’article dans Wikipedia français et les autres langues.

Le fait que faouterna « aristoloche »  apparaît dans  le glossaire d’un viticulteur de Montagnac s’explique par le fait qu’il faut éviter d’en mettre avec les raisins, parce qu’il donne un goût âcre au vin.

Le nom faouterno  a été transféré  à la « morelle » en Lozère et dans l’Hérault,  et  à la fumeterre dans le Gard. Il s’agit peut-être d’erreurs?

        

Morelle (Solanum ambosinum)     Fumeterre

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1

  1. Edizioni critiche: William P. Shepard, «A Provençal débat on Youth and Age in Women», Modern Philology, 29, 1931, pp. 149-161, a p. 151; Fortunata Latella, «Un indiscusso caso di intertestualità trobadorica», Pluteus, 6-7, 1988-9, pp. 45-65, a p. 58. Gérard Gouiran, «Le cycle de la bataille des jeunes et des vieilles», in Per Robert Lafont: estudis ofèrts à Robert Lafont per sos collègas e amics, Montpelhièr-Nîmes 1990, pp. 109-133, a p. 127; John H. Marshall, «Les jeunes femmes et les vieilles: une tenso (PC 88.2 =173.5) et un échange de sirventes (PC 173.1 + 88.1)», in Il miglior fabbro. Mélanges de langue et littérature occitanes en hommage à Pierre Bec, par ses amis, ses collègues, ses élèves, Poitiers 1991, pp. 325-338, a p. 333.