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Tissous couma las mouscas

Tissous « taquin »dans l’expression : Estre tissous couma las mouscas « être taquin comme des mouches ». C’est dans la rubrique « L’Accent de l’été » du Midi Libre que j’ai rencontré cette expression, tirée du livre de Christian Camps, attestation confirmée par Lhubac et un site sur Clermont-l’Hérault. D’après Lhubac tissous  signifie  au figuré « appétissant ». D’après René Domergue atisser  dans la pétanque signifie « provoquer » . S’atisser : « se prendre au jeu ».

tissous couma las mouscas L’abbé de Sauvages mentionne  le substantif dont il est dérivé: tisso, prenë ën tisso « avoir quelque chose en aversion, prendre quelqu’un en aversion ». Selon Alibert  tissa signifie « manie, habitude, forte envie; taquinerie incessante » et l’adjectif tissos « taquin, maniaque querelleur ». Tissous veut parfois dire « opinâtre ». Mistral atteste pour le Gard tissot « taquinerie incessante » et à Castres au XVIIIe siècle prendre en tisso « prendre en grippe ». Cette expression pris en tisse « pris en grippe » est encore vivant à Montpezat (Gard) et probablement ailleurs.

Une lectrice (merci beaucoup!) m’écrit: « tissous » en Languedocien, ou du moins du côté de Béziers, s’associe a quelqu’un qui est collant, qui te suit partout, qui se colle a toi, qui te touches. Par « T’es tissous », il faut comprendre « laisses moi tranquille, tu m’agaces ».

D’après  le FEW  l’étymologie  de tisso  avec les sens « manie; aversion; taquin; travail; tâche », de  tissous « fâcheux; opiniâtre » et du verbe atissà  « prendre à tâche de faire une chose »  est d’origine inconnue 1

Une information d’un lecteur m’a incité à continuer mes recherches. Il m’écrit:

Chez nous, dans le bas Quercy à la limite du Lot et du Tarn et Garonne. Tissous : dans le feu de cheminée signifie bouts de bois braisés à la pointe, il faut les repousser pour rallumer le feu.(pour qu’ils brulent).
Amicalement.

Ce  tissous -là avec le sens  « bouts de bois braisés » vient  directement du latin titio « tison ». Le verbe français attiser « animer un feu »  vient d’un composé du bas latin  *attitiare. Or ce même verbe *attitiare est employé au figuré en occitan  atizar  et en français attiser avec le sens « exciter une passion, irriter »: à Nice  atissà  « exciter un chien »,  atiza  à Toulouse.  A Montpezat atisser ‘titiller qn.’ Domergue p.200. A Gignac également atisser ‘exciter, faire enrager’ (Lhubac). Alibert donne la forme avec un seul -s-,  prononcé -z-atisar « attiser, aviver » et  atissar avec deux -s-  « exciter, haler , vexer ».

Cet emploi au figuré du verbe   est bien considéré comme dérivé du latin titio  « tison ». (FEW XI/1, 358a).  A mon avis rien ne s’oppose à rattacher  tisso  et tissous  à la même famille de mots.  Même les sens « travail; tâche » ne posent un problème  d’ordre sémantique.  Une évolution sémantique analogue a eu lieu en néerlandais où le verbe stoken « faire brûler; chauffer »  a aussi pris le senes « provoqer, exciter ».

Les formes avec –ss-  ont probablement subies une influence des onomatopées formées à partir d’un kss kss, kiss kiss qui sert à exciter un chien dans de nombreux parlers, comme  par exemple le catalan aquissar ou le néerlandais kissen, kisten  et en languedocien aquissà déjà attesté chez l’abbé de Sauvages: akissa.

atissar, atisser

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  1. vol. XXII/1, p.14b;  et les pages 42b; 71b; 107b; 23b; 99a

Turro, turras "motte de terre"

Turro, turras « motte de terre ».  Dans quelques endroits c’est aussi la « souche d’un arbrisseau ». Alibert distingue la turra « motte » et turras « grande motte ».

turras "grosses mottes de terreé

de vrais turras

Raymond Jourdan de Montagnac, viticulteur, écrit:

Après avoir brisé les mottes « turras« , on passe la herse « rascle » et derrière une planche pour niveler le sol pour pouvoir tracer le rayonnage….

Le mot turra, turro  est tellement ancien que les étymologistes ne sont pas d’accord sur son origine. Meyer-Lübke a  proposé une racine *turra « éminence, talus » ,  d’origine gauloise, qu’on retrouve dans d’autres langues celtiques comme le cymrique1 twrr « tas », l’irlandais torrain  « j’entasse » et le breton tur « taupinée ».

Paul Aebischer 2 propose une racine pré-indo-européenne *taur,  en rapport avec le languedocien tourel  « monticule » et le nom de  la chaîne de montagnes turques Taurus,  Dans la bouche des Gaulois cette racine serait devenue *teur, *taur  ou *tur. Voir l’article de  Julio C. Suarez   qui cite de nombreux toponymes  Turón  en Espagne.   Von Wartburg (FEW XIII/2, 434b)  y oppose que le latin torus « toute espèce d’objet qui fait saillie; éminence »  convient parfaitement pour les nombreuses formes et significations qui existent dans les parlers issus du latin.

Dans beaucoup d’endroits, les mots issus de la racine *turra  et ceux issus de torus vivent en cohabitation.  La difficulté de l’étymologie est surtout d’ordre phonétique. Le -u- , prononcé ü,  ne provient régulièrement que d’un – ū –, prononcé -ou- long, latin.  Nous avons donc affaire à deux familles différentes, même si les significations et les localisations sont très proches.

Turro « motte de terre » et ses dérivés  se trouvent  en languedocien et en gascon. Esturrassà  « émotter, assommer; herser ». Dans le Val d’Aran et à Arrens (Htes-Pyr) une motte de terre s’appelle  turrok.

  1. la langue celtique du pays de Galles
  2. Aebischer, Paul. (1948) « Le catalán turó et les dérivés du mot prélatin *taurus ». Bulletí de Dialectología Catalana.17 Gener-març (pp. 193-216). Barcelona. que je n’ai pas pu consulter

Vache sétoise!

Vache « Dans le quartier de Cette (=Sète) nom d’un filet traînant pour la pêche. Statistique des pêches maritimes. 1874, p.115 » (Littré) vient du latin vacca. Un autre attestation de 1868 dans BHL Blanchere. (1821, La Flèche – 1880, Le Havre). J’ai quelques doutes sur l’existence  de ce mot.

une vache sétoise (???)

Pour l’explication de ce sens voir l’article bouletchou.

Calhol, rat calhol "loir, lérot"

Calhol, rat calhol « loir ». Jean Crespon le  taxidermiste de Nîmes, écrit que le  loir et le lérot s’appellent  racayé dans le parler local. Un mot introuvable dans les dictionnaires. C’est l’abbé de Sauvages (S2) qui écrit qu’un ra-grioule  ou  ra-taoupié  est un « lérot »  qui m’a fait comprendre que  racayé  est un mot composé : rat + cayé. C’est un nom plutôt rare 1. Deux  attestations dans le Tarn-et-Garonne (Thesoc) et  une  dans le FEW pour Cahors (Lot).   Rolland, dans le  volume sur les  Mammifères sauvages,  cite rat calhol pour Toulouse et rat cayé pour le Gard qu’il a trouvé chez Crespon.

Pour l’étymologie c’est encore l’abbé de Sauvages qui m’a mis sur la bonne voie .   Calié, caliol, calhol, garel  signifie d’après lui « bigarré; bœuf de deux couleurs; bœuf pie, blanc et noir » et j’ai cherché un lien avec l’oiseau la caille.  En effet une caille est bigarrée.

L’étymologie de caille  est un latin tardif quacula « caille », une onomatopée qui a remplacé le latin coturnix. Le mot  quacula a eu beaucoup de succès à l’époque.  On l’a appliqué à d’autres animaux, comme par exemple à Toulon  cailloun « espèce de fauvette » et surtout au figuré  déjà en ancien français quaile  « femme galante » et caillette « femme frivole et bavarde ». (Plus dans  le TLF).

Dans un grande partie du domaine gallo-roman on a comparé des vaches d’une couleur irrégulière, tachetées de noir et blanc ou d’une couleur foncée sur fond blanc » à des cailles,  et le mot caille est devenu un adjectif. En occitan nous trouvons surtout   des dérivés:

  1. Il est incompréhensible que les auteurs du dictionnaire Panoccitan  appellent un loir greule  et un lérot calhol; tandis que le nom le plus fréquent est du type garri.  On a l’impression que les auteurs font un grand effort de réserver l’occitan à une élite et évitent les mots courants et compréhensibles par le plus grand nombre

Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Garric « chêne kermès; chêne blanc; chêne nain; chêne en général » (Alibert). Garriga « garrigue, terre inculte où poussent les garrics; chênaie rabougrie ». Garriguettes, gariguettes  « variété de fraises créée en 1978 ».  L’étymologie est une base préromane *karr« chêne » ou  *karri- « pierre » sur laquelle les avis des étymologistes divergent.

Garric « chêne kermès » est attesté en occitan depuis 1177  en Rouergue(TLF).  Son dérivé garriga « (terrain avec) des taillis de chêne »  se trouve  en latin médiéval dans tout le domaine occitan. La première attestation vient d’un texte de 817  fait dans le  Couserans, une province gasconne dans l’Ariège.

Extrait de Niermeyer, Jan Frederik, Mediae latinitatis lexicon minus;  2 vol. Leiden, 1976. Vous pouvez consulter des extraits, dont la suite de celui-ci,  avec Google Livres.

Une comparaison de la carte de l’Atlas Linguistique de la France (ALF)  avec l’article de Mme J. Ubaud  sur les noms des chênes en occitan, montre clairement l’effet catastrophique de la normalisation voulue par les  « occitanistes ». Un exemple.  Même les rares  occitanophones dont l’occitan est la langue maternelle, doivent chercher dans un dictionnaire pour savoir comment appeler un « chêne kermès ». Mme Ubaud veut imposer  avaus, mot plutôt rare.  Le mot garric  ne se trouve même pas dans son article.  Pour connaître la réalité, mieux vaut de consulter le Thesoc s.v. chêne.

Carte extraite des   Lectures de l’ALF  de Gilliéron et Edmont. Du temps dans l’espace. par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû. Voir Sources, liens, s.v. ALF 

Ces données sont à compléter par celles, incomplètes hélas, du Thésoc, qui montre que la zone garric   est ou était plus étendue. Il y a  une attestation de garric  pour la Charente!  L’article *karra  du FEW a été publié en 1940 et beaucoup de données manquent bien sûr.

Plus sur l’étymologie de garric et  garriga  dans le TLF s.v. garrigue.

La garriguette par contre n’a rien de préroman. Sa naissance date de 1978. Son histoire romancée :

Ou et quand est née la première gariguette?

– La première gariguette a vu le jour en 1978 dans les laboratoires de l’INRA à Avignon après 16ans de mise au point.1

se trouve dans le blog « Les Végétaliseurs ».  Cette histoire montre que la recherche peut créer du travail et de  la richesse. Intéressant dans la situation économique et politique actuelle.

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  1. Pour éviter que la suite se perde, je l’ai copiée et vous pouvez la  lire ici gariguette tirée_de Les Vegetaliseurs.

Aven "sorte de pêche à Sète"

Aven  « sorte de pêche en Languedoc dans les étangs salés des environs de Cette ». La source de cette attestation est le  Traité… de  Duhamel du Monceau. Je n’ai pas pu consulter la source citée par le FEW  mais j’ai retrouvé une attestation antérieure dans son  Dictionnaire de toutes les espèces de pêches  de 1747, reproduite ci-dessous:

Duhamel précise sa définition de aven  : « plusieurs roseaux auxquels sont attachés des lignes faites d’un fil de chanvre délié »

Le FEW classe dans l’ article *abinko « rivière »  le mot aven  qui  en occitan   désignerait une « pêche qu’on pratique en Provence », mais je ne vois pas le lien sémantique entre avenc  « précipice » ou « rivière » et cette manière de pêcher.

Il y a peut-être un lien avec le mot  havenau  ou  avenet  utilisé par Duhamel du Monceau dans les Descriptions des arts et métiers, faites ou approuvée par … – Page 176.  L’étymologie de haveneau, havenet  avec  muet  est un ancien norrois hafr  « outil de pêche » + le germanique net « filet ». Le mot n’apparaît qu’au XVIe siècle, et le TLF ajoute « L’apparition aussi tardive de ce mot reste inexpliquée.  » (cf. le TLF qui suit le FEW, XVI,112)

Pour pouvoir rattacher le mot languedocien aven  à la famille germanique  hafr + net  reste  le problème  que   l’avenet  est un genre de petit filet  et que les attestations sont limitées à une région qui va de la Normandie jusqu’à la Sologne.

FORT-MAHON-PECHEUSE-DE-GREVETTES

Cette  photo de pêcheuses de crevettes dans la Somme, qui travaillent avec des haveneaux « des filets au bout de bâtons » me dit que c’est peut-être dans cette direction qu’il faut chercher. Les pêcheurs sétois ont des lignes au bout de roseaux

Aven, avenc "puits naturel"

Aven, avenc s.m. 1. aven; 2. gouffre, précipice. Une première attestation se trouve en 1027 dans un texte en latin médiéval de l’Hérault sous la forme  avenchum.   En ancien  occitan c’est avenc   » précipice » toponyme en  Rouergue en 1151 ( cf TLF)  région où ce type géologique est bien représenté.Aven Armand

L’Aven d’Armand est un des  plus beaux!

D’après le FEW il s’agit d’un mot  d’origine gauloise ab(on)-  « rivière » avec le suffixe gaulois/ligure  –inko.  Voir aussi le TLF.    Suivant la configuration du terrain  aven  prend des sens différents/  Dans les Alpes -Marimitimes un aven(c)  est « une petite source »,  à Nice  un aven « un trou dans la terre où se perd l’eau »,  d’après l’abbé de Sauvages  (S1)  « petite ouverture d’un réservoir d’eau souterraine, d’où il découle une source abondante après de grandes pluies »;  dans les Cévennes les habitants sont rentrés  par cette petite ouverture et ont découvert qu’il s’agit une « grotte » ou « caverne ».

A Barcelonnette  est attesté le verbe dérivé avencar  « alimenter une source ».

Le FEW classe dans le même article le mot aven  qui  en occitan   désignerait une « pêche qu’on pratique en Provence ». Voir à propos de ce mot l’article avenJe ne vois pas le lien sémantique entre avenc  « précipice » ou « rivière » et cette manière de pêcher.

Il y a des avens  à Sète : l’Aven  de la Combe d’Aubagnac, l’Aven du Château Vert et d’autres grottes du Mont Saint-Clair.  Mais il s’agit là de découvertes  récentes.

Le verbe abencà  « assommer » (Tarn) également cité comme dérivé de *abinko   fait plutôt partie des mots d’origine inconnue  où il est d’ailleurs repris (FEW XXI, 454b),  comme à la p. 16b du même volume, dans l’article rocher   benc  « rocher escarpé »   ou « fourchon » .

Lachinan "anguille"

Lachinan « variété d’anguille »  vient d’après le FEW du latin lac « lait ».  Occitan leitanço  et  français laitance « Substance molle et blanchâtre que le poisson mâle, à l’époque du frai, répand sur les œufs de la femelle ainsi fécondés, et qui peut être utilisée en cuisine » ont la même étymologie.   Dans plusieurs endroits le mot pour désigner la laitance a pris le sens de « poisson mâle », ou plus spécifiquement de « hareng mâle ».

Lachinan  est synonyme de  margagnons  et de   soufflards .

Dans ses Considerations le baron de Rivière donne la description suivante:

Ailleurs dans son texte il écrit que  » pour quelques auteurs le margagnon ou  lachinan  est l’anguille mâle.  Cette remarque s’accorde avec l’étymologie proposée par le FEW. Il n’y a pas d’autres attestations en dehors de celles de  Duhamel du Monceau1  et du baron de Rivière. Le mot semble limité à la Camargue.

Cet article fait partie d’une série sur le possibilité de la pisciculture de l’anguille en Camargue.

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  1. cf. aussi  mon article rasal