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cranco "crabe; écrevisse"

Cranco « écrevisse, crabe ». L’étymologie est le latin cancer « crabe, écrevisse ». Le latin cancer était devenu cancrus et crancus dans la langue parlée.  Le sens « écrevisse » n’est pas dans le dictionnaire d’Alibert, ni chez Mistral, quoique bien attesté dans tout le domaine languedocien.  Cranco  est aussi prononcé cranc  ou cran.

                 crabe       ecrevisse

Escranca « écarquiller les jambes, s’accroupir, fatiguer », s’ocroncà « s’accrocher » (Cahors), encronca « accrocher, par exemple l’angle d’un mur avec une charrette » viennent tous de  cranco.   En béarnais  le sens de  cranc  s’est spécialisé et est devenue « sciatique ».

Les étymologistes des langues germaniques ne veulent pas admettre qu’il y a un lien entre notre cranco  et l’allemand krank  « malade », malgré la ressemblance sémantique, de l’ancien allemand crank « tordu, courbé » , anglais crank  « bras dans une machine tournante ».

a crank

 

Bresco "rayon de miel"

Bresco « rayon de miel »Le mot est surtout conservé dans le Sud-ouest du domaine occitan. Voir Thesoc s.v. rayon.  Pourtant bresco, bresche  en ancien et moyen français, est attesté dans tout le domaine galloroman et ailleurs où les Celtes ont habité. Ceci permettrait de supposer une origine celtique si le mot était attesté dans une langue celtique moderne ou ancienne, ce qui n’est pas (encore?) le cas.  L’étymologie celtique brisca « rayon de miel » reste donc une hypothèse.

rayon de miel

A Die brèiche, brèicha  est le « rayon de cire d’abeilles »  mèu en brèicha  « rayon de miel », ou mèu en tauletta.  On y récoltait le miel dans les brusc  à la St-Valentin (14 février)  d’après Han Schook (Die).  Une idée pour l’année prochaine.
L’abbé de Sauvages (S1) définit bresco  comme une « gaufre de  miel, un gâteau de cire fabriqué par les abeilles, tel qu’on le tire de la ruche »

La structure régulière des rayons de miel est à l’origine du transfert à d’autres objets, comme à Barcelonette breissa « canelier pour  la chaîne avec les fils en peloton »  dans l’Aveyron bresco « grande natte d’osier pour faire sécher les prunes ».

On a créé d’autres  dérivés  dans le domaine de l’apiculture comme dans l’Aude  bresk « ruche », en béarnais  brescou  « rayon de miel », dans le Quercy  brescon  « grenier où l’on place les ruches » (Mistral) > en Cahors « grenier, galetas » tout court.

Brescado  « corbeille sans anses » (Aveyron), brescodou  « corbillon, petit clayon sur lequel on sert des crêpes ».

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FEW I,535b 

Bouisserola "raisin d'ours"

Bouisserola « raison d’ours » ou « busserole, bousserole »  en français qui a  emprunté ce dernier à l’occitan à la fin du XVIIIe siècle. Le nom courant en français est « raisin d’ours ».  Le nom  botanique est arctostaphylos officinalis. Etymologie : bouisserola est  dérivé  de bouisso « touffe, branche de buis » un  dérivé de bouis  « buis » buxus en latin.

Pouzolzdonne une description exhaustive dans le tome 2 de sa
Flore du département du Gard :

qu’il termine ainsi:

Les feuilles de la busserole sont encore utilisées en phytothérapie et en homéopathie, mais pour d’autres maladies.

Un bouissiero  est un « lieu planté de buis », nom qu’on retrouve dans de nombreux toponymes. Quelques exemples tirés de  Longnon:

La toponymie est une science qui pose beaucoup de pièges!  Un  Boisset  n’est pas un petit bois!

 

tapets-tapas

Tapas « bouchée »(voir l’article tapar)  ou « bouchon »? Dans  la  Statistique du département des Bouches-du-Rhône, avec atlas 1,   M. le comte de Villeneuve  écrit:

       

 

Les tapets  ou  tapados   sont  des escargots tapàs « bouchés » ,   qu’on sert comme « bouchées ».

Voir l’article tapar.

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  1. Tome 1, Marseille 1821.  p. 788. Une description exhaustive de cette hélice se trouve dans l’Encyclopédie méthodique: ou par ordre

    de matières

    , Volume 121:helix naticoides Enc.Method.

En "seigneur" par Robert lo don

En « seigneur » vient du latin dominus « seigneur ». Je l’ai mentionné dans l’article  Na « madame »,  sans l’approfondir. Un visiteur me signale:

Concernant En, on trouve dans les noms de rues de Montpellier des En :  Impasse de la Tour d’En Canet

En vérifiant sur le web je constate que dans la grande majorité des cas ce En  est écrit en.  Cette graphie montre que en  n’est plus compris.  Il est dommage qu’il est impossible de trouver avec un moteur de recherches d’autres noms de lieu avec  en  suivi d’un nom de seigneur.  Dans le Dictionnaire topographique de l’Hérault par contre j’ai trouvé un bon exemple1

     Théâtre Jacques Coeur à Lattes dans le Mas d’Encivade

Dans le Gard sont mentionnés  le Clos d’Auriac,  en latin Claustrum d’En-Auriac ,  et  la ferme   Endevieille  dans la commune du Vigan, appelée en 1472  Territorium d’En-Devielha alias el Camelho.

Dominus  a été abrégé déjà en latin à domnus  qui est devenu don   en italien,  don  ou dons  en ancien français et   don ou  en  en ancien occitan, domne  en ancien béarnais.  Dans la féodalité don   prend le sens de « seigneur, suzerain »; en plus il devient synonyme de sanctus  « saint », ce qui a donné de nombreux noms de villages comme  Domrémy, Domjulien, Dommartin  etc.  En basque done  signifie « saint »,   non seulement  dans les toponymes comme Donostia  « San Sebastian ».

On se sert aussi du titre  Don  pour  nommer un « maître, un propriétaire, un administrateur » , mais ce titre a trouvé très tôt un fort concurrent dans senior qui l’a rapidement battu.  Pourtant on trouve en ancien occitan encore  le don  pour « le vieux, l’ainé ». Senior   a subi une évolution en sens inverse de celle de dominus.

Il est évident que les linguistes ont longuement débattu sur  l’origine de le forme En. L’explication la plus probable est que En  vient du vocatif domine  utilisé devant le nom propre, et abrégé en N’ devant une voyelle, En  devant consonne. En, N’  existe aussi en catalan.En catalan Institut d’Estudis Catalans – Diec2

Un extrait de l’article  En de Mistral:

Comme mes enfants m’appellent « le vieux, ou l’ancêtre » je peux me permettre de signer cet article:

Robert Geuljans lo don

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  1. D’après Pégorier cet emploi de En  serait limité au Lauragais, l’Albigeois et le Gers, ce qui n’est manifestement pas le cas; cf. aussi l’extrait de Mistral

Prat du Raïs, dans l’Aude, ou les pièges de ...

Prat du Raïs  à Coursan (Aude) et Prat du Rais à Cuxac. Déversoir du Prat del Raïs  et vers le nord-ouest  le Chemin de Prat de Rais, 11590, à Cuxac-d’Aude.

A première vue, j’avais l’impression que le Raïs,  Gamal Abdel Nasser, avait acheté  dans les années ’60 un petit refuge pour se retirer  à la campagne audoise, en cas de problème.

Heureusement j’ai pu consulter le Dictionnaire Topographique du département de l’Aude  par l’abbé Sabarthes, Paris 1912, qui me donne les noms anciens.  Ce n’est pas  le Raïs  mais un ou plusieurs Juifs qui étaient  propriétaires du pré, nommé en latin pratum judaicum. 

L’histoire des Juifs en Languedoc nous explique l’histoire du nom du pratum judaicum.

Le XIIe siècle est une période de prospérité pour le judaïsme provençal et languedocien qui profite de l’esprit de tolérance qui règne alors dans les cours de Toulouse et de Béziers. Armand Lunel peut écrire : « Sous le ciel des troubadours et par la douceur native des tempéraments, l’âpreté des rapports entre l’Église et la Synagogue put peu à peu se réduire et le poids de la réprobation théologique s’alléger jusqu’à rendre pacifique la cohabitation des chrétiens et des juifs. »

Benjamin de Tudèle, le rabbin voyageur du XIIe siècle, cite certaines communautés du midi, évoque leurs nombreuses écoles talmudiques et leurs maîtres de l’époque. Les Juifs peuvent s’adonner à l’agriculture comme au commerce. Une des plus importantes communautés juives est alors celle de Narbonne, forte de trois cents personnes et où les Juifs disposent d’un hôpital.

Après la mort de Raymond VII en 1249  ses terres passent  sous la possession d’Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis et mari de l’héritière de Ryimond VII. Dès lors, les Juifs sous sa domination souffrent d’un arbitraire semblable à celui qui règne à leur égard dans le royaume de Saint Louis. Alphonse de Poitiers ne manque pas de les pressurer : taxes pour dispense de rouelle ; fonds pour la croisade en 1248 puis nombreuses extorsions de fonds avec menaces d’expulsion et imposition forcée qui lui rapporte autant que celle sur les chrétiens pour la Huitième croisade. Les Juifs émigrent alors vers la Provence, sous la domination de la maison d’Anjou. (Wikipedia)

Deux siècles  plus tard on écrit en languedocien  Prat Jusayc, mais les Narbonnais ne connaissait plus le sens du nom  Jusayc.  Les Juifs étaient partis en Provence. Quelques années plus tard ils l’écrivent Jurayc,  ou avec un –t final Jurait.  Ensuite le -t  final de prat « pré »a fondu avec  le j-  initial (prononcé dzj-)  de  Juraic  pour devenir  PratDuraic.    Au XVe siècle déjà on hésitait sur la consonne finale:  -t  ou –c ?   La finale ne se prononçait plus, peut-être sous l’influence du français, obligatoire  dans les documents administratifs depuis l’ordonnance de Villers-Cotterets  (1539).  Ainsi le   Prat Juraic  devient  le Prat Durais.

Le nom  Durais  n’avait pas de sens non plus, alors pourquoi pas du Raix avec un -x  comme dans  Cuxcac. Au XVIIIe siècle on simplifie dans les archives communales et écrit du Ray, mais l’ancienne graphie Prat du Rais  reste dans le cadastre napoléonien, probablement copié du compoix.

Ce nom est resté à Cuxac d’Aude, mais à Coursan on a voulu continuer et donner un sens au nom Rais  en y mettant un tréma Raïs « le chef » en arabe,  peut-être en souvenir des l’invasion du Languedoc par les  Sarrasins.

Dans les Annales du Midi de 1896, p.195-199,  Alphonse Blanchet a écrit un article  intitulé « Les transformations du latin judaicus  à Narbonne. »

Ribiera 'bord de l'eau'

Ribiera « bord de l’eau ». En latin a été créé un adjectif  riparius « qui se trouve sur la rive », qui en combinaison avec un substantif comme terra  est devenu substantif  *riparia avec le sens  » bords d’un cours d’eau, terrain qui borde une rivière; rive de la mer »,  en ancien occitan  ribièra, ribèira, ribera. 

Ribièra  a donné des dérivés comme ribeyrolo « airelle des marais » à Chavanat (Creuse), ribeiròu « celui qui habite sur la rivière »,  « portefaix » à Marseille, ribeiroun « habitant des terrains le long d’une rivière » ribairés « variété de châtaignier » dans les Cévennes (Alibert), rabeireso (d’Hombres-Firmas en 1819).

RABEIRESO très bonne grosse près des ruisseaux moyenne très productive. Tire son nom des rivières, au bord desquelles elle réussit à merveille.

Source1

Il est difficile de déterminer le sens des noms de lieux comme Ribeyrolles qui ont  *riparia comme origine.  Cela peut être  un  « mur de soutènement de terrasses le long d’un rivière » ou un « terrain où poussent des airelles ou des châtaigniers », mais on peut supposer que dans des cartulaires et autres documents ribeire  est synonyme de condamine, abstraction faite de la notion fiscale.

Le toponyme Riviera  a été emprunté à l’italien, qui l’avait emprunté à l’ancien français ou occitan.

Allemand revier  « quartier », basque erribera.   Anglais riverain, espagnol  ribereño  « riverain »; néerlandais  rivier  « rivière, fleuve ».

Riviera

  1. Source: « Recueil de Mémoires et d’observations de Physique, de Météorologie, d’Agriculture et d’Histoire Naturelle » par le Baron Louis-Augustin d’HOMBRES-FIRMAS, Nismes, 1838, volume 3, page 81: Mémoire sur le châtaignier et sur sa culture dans les Cévennes (1819).

Ribeyrolle et condamine

Riba « terrain qui borde une rivière, un lac, etc. »  est  le mot courant dans tout le domaine occitan.  Riba  prend des sens secondaires comme « bord du chemin, lisière d’un champ ».  Le dérivé ribàs   désigne un « talus, talus couvert de ronces, une planche de jardin le long d’un mur; bord du fromage gras »; ribéjà est  » confiner, limiter » à Alès.  Toute cette famille de mots a le latin ripa « rive »  comme origine. En latin a été créé un adjectif  riparius « qui se trouve sur la rive », qui en combinaison avec un substantif comme terra  est devenu substantif  *riparia avec le sens  » bords d’un cours d’eau, terrain qui borde une rivière; rive de la mer »,  en ancien occitan  ribièra, ribèira, ribera.   Ribièra  a donné des  dérivés comme ribeyrolo « airelle des marais » à Chavanat (Creuse), ribeiròu « celui qui habite sur la rivière »,  « portefaix » à Marseille, ribeiroun « habitant des terrains le long d’une rivière » ribeirés « variété de châtaignier » dans les Cévennes. Il est difficile de déterminer le sens des noms de lieux comme Ribeyrolles qui ont  *riparia comme origine.  Cela peut être  un  « mur de soutènement de terrasses le long d’un rivière » ou un « terrain où poussent des airelles ou des châtaigniers », mais on peut supposer que dans des cartulaires et autres documents ribeire  est synonyme de condamine, abstraction faite de la notion fiscale.

Condamine « terre alluvionnaire » . Etymologie *condominium « domaine commun » ( composé de con + dominium ) une expression qui vient de la constitution féodale.  Dans le latin médiéval on le trouve dans la forme condamina, condemina,  etc.  probablement créée à partir du pluriel.  Le terme est courant dans le Midi et en catalan.  Le sens est en général « terre affranchie de charges » , en occitan « terres fertiles » ou « bonne terre réservée dans un domaine » (Nant dans l’Aveyron, Paulhan dans l’Hérault, Ladern et Axat dans l’Aude; quatre attestations dans le Supplément de l’ALF p.217). En catalan le sens de conomina, coromina a évolué jusqu’à «  »péninsule dans une rivière ».  Condamine  est surtout conservé  comme toponyme. O. de Labrusse  donne  dans UN ESSAI de GEOHISTOIRE du FONCIER des GARRIGUES du GARD et de l’ HERAULT la description suivante :

Condamine: au moyen-âge, terres lourdes, « grasses », alluvionnaires, en général situées près de cours d’eau, particulièrement fertiles consacrées, essentiellement, à la céréaliculture intensive. Très présentes encore dans la toponymie, elles témoignent de l’appropriation seigneuriale ainsi que de l’aménagement et de la mise en valeur des « rives » des cours d’eau entre l’an Mil et le XIIIe siècle. Ce sont, le plus souvent de très grandes parcelles avec des moyennes d’une trentaine d’hectares au XIIe et XIIIe siècles, alors que les parcelles « ordinaires » n’ont des moyennes que de 0,25 hectares. Elles jouxtent souvent les ortales* et les ferragines*(d’après A.Durand, 2003, p.259-256). Elles sont travaillées à l’araire tractée par des boeufs, ce travail étant 15 fois plus productif que le labour à la main à l’aissade (la houe coudée) (A.Durand, 1999, p.1).