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Zobarga

Zobarga s.f. ‘talon de timon’. Mot de la Guyenne d’aprĂšs Alibert. A CamarĂšs dans l’Aveyron (12360) est attestĂ© le mot zoubargo s.f. dont le sens est donnĂ© avec beaucoup de prĂ©cision: « le talon de timon, partie saillante mĂ©nagĂ©e vers le bout du timon pour arrĂȘter les anneaux attachĂ©s au joug et permettre de faire reculer le char ».

L’Ă©tymologie Ă©tait  inconnue, mais en feuilletant le FEW je trouve sous jugum (V,61b) deux formes qui s’en rapprochent: Ă  Caraman dans la Haute Garonne : subrejougcheville de fer enfoncĂ©e dans la partie supĂ©rieure du joug pour y attacher les liens » et Saurat (AriĂšge) sĂŒberzjou. Des formes correpondantes se retrouvent en Aragon. L’Ă©tymologie pourrait ĂȘtre un composĂ© de super ou sub + jugum. Dans l’article jungere (V,71b) dans la LozĂšre la forme soubredzouñeyro s.f. ‘morceau de fer recourbĂ© qu’on met sur le joug pour y attacher les anneaux’.

Un spĂ©cialiste m’a renseignĂ©:

Je pense que ce nom de zoubargo correspond Ă  un :

  – crapaud de timon : douille mĂ©tallique emboĂźtĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© avant d’un timon et muni de 2 anneaux destinĂ©s Ă  recevoir les chaĂźnettes.
Lorsque les chaßnettes sont en cuir, les anneaux sont fixes, en forme de dé ou ovoïdes.
Lorsque les chaßnettes sont métalliques, les anneaux sont mobiles et de forme circulaire.
Ces infos sont sur : EncyclopĂ©die de l’attelage, Ă©ditions Belin, par Bernard Lecointe.
Si je crois les dĂ©finitions donnĂ©es par les dictionnaires occitans, la zobarga  fait partie du timon et ce n’est pas la mĂȘme chose que le soubrejoug. Il y a le crampon de brancard et le crapaud de timon.
    crampon    crapaud de timon

Pour ĂȘtre sĂ»r de l’Ă©tymologie, il faut que je trouve quelqu’un qui puisse me la montrer et en prendre une photo.

OĂč est la zobarga?

Mocar

Mocar signifie  « moucher; frapper sur le nez, pincer un bourgeon ou un lumignon ». L’Ă©tymologie est bien sĂ»r la mĂȘme que celle du verbe français moucher , latin tardif muccare  « moucher ».  Voir Ă  ce propos le TLF.

En occitan et en français régonal mocar, moucher, moquer  signifie  aussi « boire, chopiner ».

Plus loin dans cet article, Mistral donne trois exemples : Mouca ‘n veire de vin « sabler un verre de vin » (= boire d’un trait)  et moucho pas mau « il boit bien ». Se mouca v.r. « chopiner,boire ». Comment expliquer cette Ă©volution sĂ©mantique? Alibert suit Mistral, mais ni l’un ni l’autre s’est posĂ© la question.

On pourrait  s’imaginer l’Ă©volution sĂ©mantique suivante : « (se)moucher » (pour se moucher on lĂšve le coude!) > « lever le coude » > « boire » ; ou bien « pincer un lumignon » > « émousser » > « émousser la soif » > « chopiner, boire ».

Un article de Jacques BruyĂšre  dans le Midi Libre du dimanche 22 fĂ©vrier09, intitulĂ© « Moque Cabanel, quelle histoire » m’a mis une puce Ă  l’oreille.  Jacques BruyĂšre a relevĂ© qu’il y a un mot moque s.f. avec le sens « chope » en français rĂ©gional. Le TLF dit : « RĂ©gion. (littoral de la Manche et de l’Atlantique). Petit pot de terre en forme de tasse avec anse, servant Ă  boire, ou gobelet en fer-blanc servant Ă  mesurer des denrĂ©es. »  J’ai vĂ©rifiĂ© dans le FEW. Le mot moque , mouco se trouve en effet en galloroman dans une bande Ă©troite le long de la cĂŽte atlantique, qui va de Boulogne-sur-Mer (Nord) jusqu’Ă  Teste (Gironde).

En effet moque est attestĂ© Ă  Boulogne-sur-Mer, mock « pot pour la boisson Ă  bord du bateau », en normand moque « tasse sans anse, servant Ă  boire » dans le Dictionnaire du patois normand de E.et A. DumĂ©ril; Caen, 1849 ! dans le Calvados « godet pour le cidre », dans le Bocage, dans l’Ăźle de Guernesey mogue « vase Ă  boire », Ă  St-Malo, dans l’Ile-et-Vilaine moque « tasse, mesure pour les boissons (1/2 l) », dans le Poitou, Ă  La Rochelle en 1780, dans le Saintonge, dans la Charente Maritime, et enfin Ă  Teste dans la Gironde   mouco  » gobelet en fer blanc des matelots ». Cette rĂ©partition gĂ©ographique montre clairement qu’il s’agit d’un mot de marins.  (FEW)

Moque a traversĂ© l’Atlantique pour arriver au Canada (TLF) et en Louisiana (J.BruyĂšre).

Je ne suis pas NĂ©erlandais pour rien, et il n’y a aucune raison pour s’arrĂȘter dans le dĂ©partement du Nord!  En passant la frontiĂšre, en Flandres et aux Pays Bas mok est le mot courant pour une grosse  de tasse avec anse, ainsi qu’en bas-allemand mukke « chope », SuĂ©dois. mugg « mug,, » norvĂ©gien et danois  mugge « tasse pour boisson chaude », anglais mug. Nous avons donc affaire Ă  un mot europĂ©en! Il y pas de collectionneurs de mugs. 

 un mok avec ta photobas-allemand: mukke

Le seul problĂšme qui nous reste Ă  rĂ©soudre est de savoir comment moca, mouca, mouco est arrivĂ© Ă  Palavas. Par la mer ou par la terre?  A la suite de l’article du 22 fĂ©vrier, Jacques BruyĂšre a eu beaucoup de rĂ©actions qu’il a publiĂ©es dans le Midi Libre du 15 mars. (La consultation est hĂ©las payante). L’expression Moque Cabanel est bien vivante en Languedoc, mais les sens donnĂ©s par Mistral Ă©galement. Il y a certainement eu des contacts entre les marins de l’Atlantique et ceux de la MĂ©diterranĂ©e.
Je ne crois pas que dans Moque Cabanel!, moque soit un verbe . A Laval dans la Mayenne,on appelle une « tasse de cidre » mok-mok. Je les vois bien lever le coude et dire mok-mok, comme on dit chin chin.

Etymologie :  moque, mouca « chope » vient d’un germanique mokke « chope ». Si moque est un verbe dans l’expression donnĂ©e, il s’agit d’un verbe  moquer crĂ©Ă© Ă  partir du substantif, comme chopiner de chope.

Le nouveau dictionnaire Ă©tymologique du nĂ©erlandais (EWN), suit le FEW en supposant un lien entre mok « sorte de tasse » et l’ancien nĂ©erlandais mokka* « motte (de terre), morceau ». On aurait comparĂ© la chope Ă  une motte Ă  cause de sa forme grossiĂšre. Les reprĂ©sentants de cet Ă©tymon germanique *mokka sont absents de l’occitan, mais assez frĂ©quents dans le Nord. Voir Ă  propos de *mokka le TLF s.v. moche et moque et le DMF s.v. l’Ă©tymon ou le mot moquet « motte ».

TĂČra, toro ‘aconit; chenille’

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Toro « cormier des oiseleurs » (sorbus aucuparia) dans la premiĂšre Ă©dition du Dictionnaire de Sauvages.(1756, S1). Dans la deuxiĂšme Ă©dition il ajoute 3 autres significations de toro: « aconit Ă  fleur jaune ou le Napel », « la chrysomelle de l’osier-franc; scarabĂ©e rouge tachetĂ©e de rouge qui rĂ©pand au loin une odeur forte et puante »; toro ou canilio « chenille » voir Erugo.  Il ajoute la remarque suivante:

Toro_S2

 aconitfleurjaune

   sorbier_oiseleurs

 

 

L’Ă©tymologie de toro ou tora est le mot latin tĆ­ra « aconit’ qui l’a empruntĂ© au grec Ï†ÎžÎżÏÎ± (phthora). Ce nom a Ă©tĂ© adoptĂ© par les mĂ©decins au IVe siĂšcle.  Marcellus Empiricus , un aristocrate et haut fonctionnaire impĂ©rial en retraite,  a composĂ© un traitĂ© mĂ©dical pour ses fils vers 360  et il mentionne la tora  : turam et anturam herbas virentes (tora et antora des herbes verdoyantes). Dans un glossaire appelĂ© Alphita du XIIIe siĂšcle, les deux plantes sont Ă©galement mentionnĂ©es:

anthora_alphitaD’aprĂšs le FEW XIII/2,p.419  tora et anthora sont deux espĂšces d’aconit et le nom anthora a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ© comme anti-thora , contre-poison.  Si vous voulez en savoir plus1 suivez les indications dans la note12 de l’Alphita

Tora, tora « aconit » est attesté en ancien occitan (XIVe siÚcle) en en moyen français tore depuis1544. Dans les parlers provençaux nous trouvons la forme touero, touara « aconit (napel) ».
Dans la langue des mozarabes2 l’aconit s’appelle touera, en catalan tora, comme en piĂ©montais et en portugais herba toura].

Il reste  Ă  expliquer la seconde signification de tora Ă  savoir « chrysomĂšle » et « chenille ».  Or, aprĂšs les 4 dĂ©finitions, l’abbĂ© de Sauvages a ajoutĂ© une remarque trĂšs intĂ©ressante:

« Il parait qu’on a donnĂ© en gĂ©nĂ©ral le nom de toro aux plantes et aux insectes en qui on a soupçonnĂ© une qualitĂ© malfaisante dont il fallait se dĂ©fier. C’est probablement ensuite de cette idĂ©e dĂ©favorable que pour exprimer l’amertume de quelque chose, on dit, ama coumo la toro , amer comme  le fiel.

C’est le spĂ©cialiste des parlers gascons Gerhardt Rohlfs qui y consacre un article dans la Zeitschrift 56, p.386-387 (ToraRohlfs0015906_PDF_409_411DM)  Il ne mentionne pas notre cher abbĂ©, mais je crois qu’il est bien l’inspirateur.  J’ai traduit la partie la plus importante de cette explication.

Dans les parlers montagnards des PyrĂ©nĂ©es centrales, qui appellent l’aconit toro, la chenille s’appelle brĂ© (Ă  Gavarnie, GĂšdre, BarĂšges). Le mĂȘme mot sert Ă  dĂ©signer le « venin ». BrĂ© est une contraction d’un ancien berĂ© (c’est ainsi qu’il se prononce dans les Basses-PyrĂ©nĂ©es) qui vient d’une dissimilation du latin venenum ( cf. l’ancien occitan verĂ©, verĂ©n « venin »). La chenille est donc considĂ©rĂ©e comme un animal vĂ©nĂ©neux, de sorte que « chenille » et « venin » sont devenus des concepts identiques. Ainsi tout devient clair. L’aconit est une des plantes les plus vĂ©nĂ©neuses connues des botanistes,, ce qui explique Ă©galement son nom en moyen haut allemand eitergift (gift « venin »). La signification d’origine (comme tertio comparationis) des deux noms a dĂ» ĂȘtre « venin ».

Avec cela nous entrons dans le domaine de la mĂ©dicine et de la pharmacologie. L’ensemble des faits suggĂšre de penser Ă  l’ arabe comme source Ă©tymologique, ce qui est encore renforcĂ© par la rĂ©partition gĂ©ographique du mot (le Sud de la France et l’Espagne). Le professeur Paret de Heidelberg me confirme sur ma demande qu’un mot arabe

thora arabe  existe, attestĂ© dans le dictionnaire de Dozy avec le sens « aconit ». Ce mot arabe est comme l’a vu dĂ©jĂ  Dozy est un emprunt au grecÂ Ï†ÎžÎżÏÎ± (phthora) « anĂ©antissement; corruption » qui dans la forme thora avec le sens « venin » est passĂ© dans des documents en latin tardif. Par exemple dans le Ducange VIII, 102  un texte du XIVe siĂšcle : Dixit publice quod ipse vellet thoram vel aliud mortiferum comedisse ad finem ut breviter expiraret. (Il a dit publiquement qu’il voulait manger de la tore ou un autre venin mortel de sorte qu’il expirerait dans le plus bref dĂ©lai.)

 

Alibert  donne encore plus de signifucations Ă  tĂČra :

  1. cormier des oiseleurs (sorbus aucuparia). Crus, ses fruits ne sont pas comestibles pour les humains, puisqu’ils contiennent de l’acide parasorbique (acide du sorbier) au goĂ»t Ăąpre et amer, pouvant provoquer des vomissements Ă©ventuellement.
  2. aconit (Aconitum)
  3. chlora perfoliée (chlora perfoliata L.)
  4. scrofulaire (Scrofularia canina L.)
  5. Chenille; chrysomĂšle du peuplier
  6. Gerçures circulaires Ă  la queue du porc et d’autres animaux
  7. Chancre des arbres
  8. paresse, fainéantise

RĂ©my Viredaz m’Ă©crit le commentaire suivant fĂ©vrier 2020 :

Merci pour votre excellent article en ligne sur tĂČra, bien documentĂ©, qui m\'a empĂȘchĂ© d\'Ă©crire des bĂȘtises sur ce mot…
Une remarque cependant: la voyelle ou la diphtongue des rĂ©sultats occitans, catalan et espagnols (dialectaux) ne permet pas de les tirer d\'un bas latin *tĆ­ra (malgrĂ© la graphie de Marcellus Empiricus et malgrĂ© l\'avis de Rohlfs), ni, en gĂ©nĂ©ral, du mot mozarabe. Il faut partir d\'un bas latin *tƏra empruntĂ© directement au grec phthorā.
Vous connaissez dans doute le Diccionari etimolĂłgic i complementari de la llengua catalana de J. Corominas, qui cite une partie des formes (au mot tĂČra).
Cordialement,

Je l’ai remerciĂ© et je l’ui ai rĂ©pondu, aprĂšs avoir relu l’article du FEW XIII/2, 419 bien sĂ»r:

Bonjour, Merci beaucoup de votre intĂ©rĂȘt  et remarque. Je ne travaille plus beaucoup Ă  mon site Ă  cause de problĂšmes de santĂ©.. Je vais ajouter votre observation Ă  l’article. J’ai regardĂ© briĂšvement le FEW  et j’ai vu que von Wartburg ne prend pas position pour les formes de la opĂ©ninsule ibĂ©ro-romane. Il ne s’exprime que sur les formes galloromanes et italiennes. Je ne connais pas assez bien le phonĂ©tique historiue des parlers catalane et espagnoles. Il serait bien si vous pouvez donner des preuves concrĂštes. Cordialement,

Et RĂ©my Viredaz explique:

En catalan, le mot a o ouvert et non o fermé. Dans les formes espagnoles citées par Corominas, le mot présente des diphtongues oa, ua, ue et non un simple o. Dans les deux cas, cela suppose en latin un o bref et non un u (ou un o long).
Il n’est pas trĂšs important de donner plus de preuves puisque, d’une part, comme vous le notez (en citant le FEW), la graphie tora est Ă©galement attestĂ©e en latin, et que, d’autre part, la phonĂ©tique des voyelles en Catalogne et en Espagne est bien connue des romanistes, au moins dans ses grandes lignes.
Cordialement.

 

 

  1. Anthora_AlphitNote
  2. Le nom donnĂ© aux chrĂ©tiens vivant sur le territoire espagnol conquis Ă  partir de l’an 711 par les armĂ©es musulmanes , l’Andalousie actuelle. Les mozarabes avaient dans la sociĂ©tĂ© arabe le statut de dhimmi, statut d’infĂ©rioritĂ© inscrit dans la loi. Ils partageaient ce statut avec les juifs, en tant que non-croyants Ă  l’Islam. C’est seulement dans la pratique, et non dans la loi, que leur culture, leur organisation politique et leur pratique religieuse Ă©taient tolĂ©rĂ©es.

tĂš ‘thĂ©’ 茶

TĂš « thé » vient du chinois  茶.

Un article intĂ©ressant dans le NewYork Times que j’ai traduit pour illustrer et montrer  la globalisation / mondialisation qui ne date pas d’hier. Jetez occasionnellement un coup d’Ɠil sur mes listes de mots en d’autres langues et vous verrez que vous ĂȘtes polyglotte

« Thé » si par mer, »cha » si par terre.

carte du New York Times

carte du New York Times

Lien vers cette carte « Tea id by sea ..« en grand

Le mot cha (茶) est « Sinitique », ce qui signifie qu’il est commun Ă  de nombreuses variĂ©tĂ©s du Chinois. Son histoire a commencĂ© en Chine et il a fait son chemin Ă  travers l’Asie centrale, devenant « chay » (Ú†Ű§ÛŒ) en persan. Il es certain selon une dĂ©couverte rĂ©cente, que grĂące aux routes commerciales de la Soie, le thĂ© a Ă©tĂ© Ă©changĂ© depuis  plus de 2 000 ans. La forme cha s’est rĂ©pandue au-delĂ  de la Perse, devenant chay en ourdou, shay en arabe, et chay en russe, entre autres. Il a mĂȘme fait son chemin vers l’Afrique subsaharienne, oĂč il est devenu chai en swahili. Les termes japonais et corĂ©ens pour le thĂ© sont Ă©galement basĂ©s sur le cha chinois, bien que ces langues aient vraisemblablement adoptĂ© le mot avant mĂȘme qu’il ne s’Ă©tende vers l’ouest en persan.

Mais cela n‘explique pas le mot «thé». Le caractĂšre chinois pour thĂ©, 茶, est prononcĂ© diffĂ©remment par diffĂ©rentes variĂ©tĂ©s de chinois, bien qu’il soit Ă©crit de la mĂȘme maniĂšre partout. Dans le mandarin moderne on prononce chĂĄ. mais dans la variĂ©tĂ© chinoise min nan , parlĂ©e dans la province cĂŽtiĂšre du Fujian, le caractĂšre 茶 se prononce tĂ©. Le mot clĂ© ici est « cĂŽtier ».

La forme utilisĂ©e dans les langues des cĂŽtes chinoises a Ă©tĂ© rĂ©pandue en Europe par les Hollandais, qui sont devenus les principaux commerçants de thĂ© entre l’Europe et l’Asie au XVIIe siĂšcle1. Les principaux ports hollandais d’Asie de l’Est se trouvaient au Fujian et Ă  TaĂŻwan, les deux endroits oĂč les gens utilisaient la prononciation tĂ© . L’importation massive de thĂ© par la VOC en Europe a donnĂ© le te en occitan, thĂ© en français, le Tee en allemand et le tea en anglais.
Pourtant, les Hollandais n’Ă©taient pas les premiers en Asie. Cet honneur

revient aux Portugais, qui Ă  l’Ă©poque coloniale ont donnĂ© le nom Formosa Ă  l’Ăźle de Taiwan. Et les Portugais ne nĂ©gociĂšrent pas via Fujian mais via Macao, oĂč la forme du mot est chĂĄ . C’est pourquoi, sur la carte le Portugale prĂ©sente un point rose dans une mer de bleu.

Quelques langues ont un mot spĂ©cial pour parler du thĂ©. Ces langues se trouvent en gĂ©nĂ©ral dans des endroits oĂč le thĂ© est indigĂšne, ce qui a conduit les habitants Ă  garder leur propre façon de s’y rĂ©fĂ©rer. En Birmanie, par exemple, les feuilles de thĂ© s‘appellent lakphak.

La carte montre deux aires diffĂ©rentes de la mondialisation en action:d’abord,  d’un cĂŽtĂ© la propagation millĂ©naire des biens et des idĂ©es vers l’ouest depuis la Chine ancienne, ensuite de l’autre cĂŽtĂ© l’influence vieille de 4 siĂšcles de la culture asiatique sur les marins EuropĂ©ens de l’Ă©poque des explorations. Un mot de presque toutes les langues de la planĂšte.

  1. Voir Ă  ce propos l’Atlas mondial des structures linguistiques

Les noms du chĂȘne

Cassanus, robur, quercus, carra, blaca ,etc.

Le nom du chĂȘne cassanus  est-il  gaulois?   Von Wartburg Ă©crit dans le FEW (je rĂ©sume) :

  1. *cĂĄssanus (la petite Ă©toile signifie que le mot n’est pas attestĂ©, mais reconstituĂ©!), est peut-ĂȘtre d’origine celtique , mais le mot peut aussi bien ĂȘtre rerpris par les Gaulois aux peuples prĂ©-celtiques. Le problĂšme est que *cassanus ne se retrouve dans aucune autre langue celtique, et d’autre part que la rĂ©partition gĂ©ographique du mot ne correspond pas non plus Ă  celle d’un peuple prĂ©-celtique.
  2. *cåssanus est indigÚne dans toute la France, sauf dans les départements provençaux
  3. La rĂ©partition gĂ©ographique du type *cassanus et des concurrents gaulois *derua, le prĂ©roman (?) carr et le latin robur n’est pas restĂ©e immuable au cours des siĂšcles. Dans le Midi et notamment dans le Languedoc, le type *cassanus a Ă©tĂ© concurrencĂ© et remplacĂ© par des mots du type *carr- qui dĂ©signaient Ă  l’origine des « taillis de chĂȘnes ». LĂ  oĂč nous trouvons le type *cĂĄssanus dans les patois modernes, il s’agit d’un emprunt aux patois nord-occitans, comme par exemple l’auvergnat.

Le professeur Henriette Walter Ă©crit dans son « bestseller » L’aventure des mots français venus d’ailleurs », (Paris,Robert Lafont, 1997) p. 42 « Le nom du chĂȘne Ă©tait cassanos en gaulois, quercus en latin. » Elle a oubliĂ© de consulter le FEW , contrairement Ă  Alain Rey pour son « Dictionnaire historique »Le chapitre que Mme Walter consacre Ă  « Le chĂȘne gaulois: prĂ©sent partout » (p.42) demande quelques remarques.

MĂȘme si le chĂȘne Ă©tait « un objet de culte chez les Gaulois », cela n’implique pas que le nom *cassanus est d’origine gauloise. Le « service publique » est un objet de culte chez les Français, mais cela n’implique pas que les mots service et publique sont d’origine francaise. Et comment expliquer que les Gaulois de la Provence n’ont pas conservĂ© ce mot? ou qu’on le retrouve dans des patois ibĂ©ro-romans, lĂ  oĂč les Celtes ne se sont jamais installĂ©s?

Pourquoi rattacher la Provence au pays de chassaigne, si le mot n’y est pas indigĂšne, mais un emprunt?. D’ailleurs la conclusion de Mme H. Walter, quand on regarde sa carte, que ca- est devenu cha- en Provence est fausse. La ligne qui sĂ©pare la zone oĂč ca- s’est maintenu de la zone oĂč ca- a Ă©voluĂ© en ts-, ch- suit approximativement la ligne qui sĂ©pare le provençal et le languedocien des parlers nord-occitans. Voir la carte ci-dessous, couleur lavande = provençal , ocre foncĂ©= languedocien. Ocre clair = nord occitan. La limite ca-/tsa a Ă©tĂ© dĂ©crite trĂšs prĂ©cisement par Ronjat. ( BDP, voir aussi NVelay).

Lire l’article carr dans FEW!!! = prĂ©roman, peut-ĂȘtre basque!

Ci- dessous la carte Ă  gauche : la ligne cassagne/chassaigne.(Mme Walter)                  A droite: au sud de la ligne blanche ca– > ca- en provençal, languedocien et gascon

Gascon: garric. Un des nombreux noms que peut prendre le chĂȘne suivant la rĂ©gion et la variĂ©tĂ©. DĂ©rivĂ©s : garrigar (ne pas prononcer le « r » final), et bien sĂ»r « garriga » (prononcer « garrigo« ), mais ce dernier est plutĂŽt languedocien. Voir l’article  Garriguette, la benjamine de la famille Garric

escĂłs chĂȘne ou autre arbre Ă©tĂȘtĂ©. Prononcer « escous ou escoup

surrĂšr « chĂȘne liĂšge » Prononcer « surrÚ »; surrĂšda (prononcer entre « surrĂšde » et « surrĂšdo ») : endroit plantĂ© de chĂȘnes liĂšge

cassi est plutĂŽt girondin, l’autre forme gasconne est casso (prononcez [cassou] en accentuant la premiĂšre syllabe), cassiar (masc.), cassia o cassiĂšra (fem.), et cassanha « chĂȘnaie ».

tausin « chĂȘne tauzin » variante : taudin. DĂ©rivĂ©s tausiar (prononcer « tawzia »), taudinar, tausiĂšda (prononcer entre « tawziĂšde » et « tawziĂšdo »)…, qui sont les forĂȘts de chĂȘnes tauzins

Languedocien

Garric « chĂȘne; chĂȘne kermĂšs ». Voir l’article Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Le chĂȘne blanc lo rore, lo roire, lo rove (prononcez [rourĂ©], [rouirĂ©], [rouvĂ©]) « Quercus humilis subsp. lanuginosa, autrefois Quercus pubescens »

Comme nom de lieu le type robur est trĂšs rĂ©pandu. Dans le site de l’IGN (Les chiffres donnent le nombre de lieux en France; en consultant le site vous pouvez retrouvez tous les dĂ©tails : dĂ©partement, commune, coordonnĂ©s) j’ai trouvĂ©:

116 noms de lieu pour roure: roure 66 rouré 3 rourebean 1 rourebeau 3 rourebel 6 rourebet 1 roureda 1 rouregros 1 rourelas 1 roures 4 rouressol 1 rouresson 1 rouret 14 rourette 1 rourÚda 1 rourÚde 3 rourÚdes 1 rourÚtrie 1 rouréa 1 rourée 1 rouréou 1 arrourets 1 auroure 2 et

21 pour roire: au rouire 1 bergerie de la rouire 1 col d’al rouire 1 col de rouire 1 en rouire 2 la rouire 1 le bois de rouire 1 le rouire 3 pech de rouire 1 puech de rouire 1 rouire 3 rouire ouest 1 rouire verdal 1 ruisseau de rouire 1 ruisseau du col de rouire 1 ruisseau du rouire 1

et beaucoup plus pour rouve : rouve 15 rouvé 1 rouveau 4 rouvecau 3 rouvegade 1 rouvegros 1 rouveillat 1 rouveille 1 rouveirac 1 rouveiret 3 rouveirette 1 rouveirole 1 rouveiroles 1 rouveirolle 2 rouveirolles 1 rouveirÚte 1 rouveix 8 rouvel 4 rouveladas 1 rouvelade 1 rouvelades 1 rouvelane 1 rouvelet 3 rouvelias 1 rouvelines 1 rouveliniÚre 1 rouveliÚre 1 rouvellac 1 rouvelle 1 rouvelliÚre 1 rouvelon 1 rouvelong 1 rouvelot 1 rouvenac 3 rouvenaie 2 rouvenaz 1 rouvenet 1 rouvenoz 1 rouvenÚdes 1 rouverade 1 rouverades 1 rouveral 1 rouverat 2 rouveray 3 rouverdal 2 rouvereau 1 rouvereaux 1 rouverel 1 rouveret 2 rouverets 1 rouverette 1 rouvergne 1 rouvergue 4 rouvergues 1 rouverieux 1 rouveroi 1 rouverol 3 rouverolles 1 rouverot 2 rouverou 1 rouveroux 2 rouveroye 1 rouvert 1 rouvery 1 rouves 7 rouvet 3 rouvets 2 rouvette 1 rouveure 3 rouveurette 1 rouvey 7 rouveya 1 rouveyrac 1 rouveyrasse 1 rouveyre 6 rouveyrenque 1 (à CongéniÚs prÚs de VergÚze dans le Gard) rouveyres 1 rouveyret 2 rouveyrette 5 rouveyrieux 1 rouveyrol 4 rouveyrole 1 rouveyroles 1 rouveyrolle 4 rouveyrolles 4 rouveyrols 1 rouvÚde 1 rouvÚgues 1 rouvÚre 1 rouvÚs 2 rouvÚze 1 rouvéreide 2 anrouve 1 bellerouveroye 1

blacha, blaca, blacĂ s, souvent aussi employĂ©s pour dĂ©signer le chĂȘne blanc. s’applique Ă  divers espĂšces : le chĂȘne vert en plaine, le chĂątaignier en CĂ©vennes, le chĂȘne blanc un peu plus dans l’arriĂšre-pays.

avaus « Quercus coccifera (chĂȘne-kermĂšs) »

roviĂšira, roveda, rovereda, roireda (en languedocien) /roviera (en provençal), »chĂȘnaie blanche »

roret, roet « un petit bois de chĂȘnes »

Blaca « chĂȘne blanc ».  Dans le premier volume du FEW blaca est considĂ©rĂ© avec beaucoup d’hĂ©sitations comme d’origine gotique dans l’article blakk- « reluisant, brillant »1, mais cet Ă©tymon n’est pas repris dans les Ă©lĂ©ments d’origine germanique.

 D’aprĂšs les gĂ©nĂ©alogistes le nom de famille  BlachĂšre dĂ©rivĂ© de blaca 

 est frĂ©quent dans l’ArdĂšche, oĂč l’on trouve aussi la forme Blacher. C’est un toponyme dĂ©signant un bois de chĂȘnes blancs (occitan blaca). Le chĂȘne blanc (ou Quercus pubescens) est considĂ©rĂ© comme un des meilleurs chĂȘnes truffiers. De nombreux hameaux s’appellent (la) BlachĂšre dans l’ArdĂšche et la LozĂšre. Formes voisines : Blacheyre (42), Blachier (07), Blache (26, 38), Blacas, Blachas (83, 84, 34, 48), Blachette (07, 26)

Google  me fournit 2 autres sources:

Dans MĂ©langes de philologie romane offerts Ă  Charles Camproux: Volume 2

BLACAS, spĂ©cialement nom noble, est un augmentatif provençal de blaca, mot du Sud-Est, d’origine prĂ©-gauloise, dĂ©signant originairement un taillis de chĂȘnes. BREA. Ludovic Brea : in « Theatrum Statuum Sabaudiae Ducis », Amsterdam, 1682.

et dans la Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie vol.79(1963)

J. Ubaud  ne dit rien sur l’Ă©tymologie  du mot  mais prĂ©cise la rĂ©partition gĂ©ographique :

blacha, blaca, blacĂ s, souvent aussi employĂ©s pour le (sc. le rore)  dĂ©signer, ces noms semblent concerner Ă  l’origine des baliveaux (donc des jeunes arbres, nous l’avons dĂ©jĂ  signalĂ© dans l’article prĂ©cĂ©dent) s’appliquant Ă  divers espĂšces : le chĂȘne vert en plaine, le chĂątaignier en CĂ©vennes 2 , le chĂȘne blanc un peu plus dans l’arriĂšre-pays.

blaquiĂšira (ou plus au nord blachiĂšira) ou blacareda un collectif, dĂ©signerait un taillis de jeunes chĂȘnes blancs, mais il nous semble plutĂŽt employĂ© dans les zones de l’arriĂšre-pays (pied du Larzac, Larzac, Haute Provence) oĂč les toponymes dĂ©rivĂ©s abondent : BlaquiĂšres, Saint Jean de la BlaquiĂšre, La BlacarĂšde, La BlachiĂšre, Les Blaquettes.

 

Le FEW Ă©crit que  blakk-    est peut-ĂȘtre une forme du germanique  blank  « blanc ». On trouve en effet des formes dĂ©nasalisĂ©es de blank  dans les langues germaniques  comme le norvĂ©gien blakr  « chatoyer ». Les feuilles du chĂȘne blanc sont en effet chatoyants.

Rore ramiĂšr (de rama feuillage ) utilisĂ© pour le fourrage pour les bĂȘtes

rore aglaniĂšr, destinĂ© Ă  fournir des glands aux bestiaux); engalar un teissut, c’était passer un tissu Ă  la noix de galle.

Dans http://www.ulb.ac.be/philo/spf/langue/exam.htm (sauf gardé sous Divers) :

9. Les Lat. disaient quercus pour « chĂȘne », d’oĂč l’italien quercia. Ils avaient aussi robur « chĂȘne rouvre, sorte de chĂȘne trĂšs dur » > it. rovere, esp. roble. ChĂȘne doit venir d’un *cassanus, mot prĂ©-latin. Pourquoi pense-t-on qu’il soit celtique? a) Il serait conservĂ© Ă  cause du rĂŽle religieux du chĂȘne dans le druidisme; b) On trouve en esp. quejigo, sans doute de la racine cax- > cassanus/. *Cassanus, aurait dĂ» donner en fr. *chĂąne, *chasne comme dans asinus > as’nus > Ăąne; *mĂątrastra > marĂątre « femme du pĂšre »; *salmaster > saumĂątre. La forme rĂ©guliĂšre est du reste fournie par le wallon tchĂągne. *Cassanus a donc Ă©voluĂ© en chaisne par rĂ©fection analogique sous l’influence de fraisne, frĂȘne < fraxinus. *Cassanus + suff. -eta pour dĂ©signer des « collectifs d’arbres » > top. ChĂȘnĂ©e. En France, on trouve Casseneuil, Chasseneuil (= Cassano+ ialo « localitĂ© des chĂȘnes »).

Catalan roure (DE)

Une liste des noms du chĂȘne en galloroman et en catalan.

Tuaillon, Gaston (1971), “ ‘ChĂȘne‘ et ‘frĂȘne‘ en gallo-roman“, Revue de Linguistique Romane 35: 196-230.
(L: French, Occitan, Gallo-Romance; C: oak, ash tree)

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  1. Petite erreur dans FEW 1: westhĂ€lfte doit ĂȘtre osthĂ€lfte
  2. Je n’ai pas retrouvĂ© l’attestation de « chĂątaignier ». Il n’y a que Mistral qui Ă©crit « taillis de chĂȘne ou de  chĂątaigner »

Petas ou pedas. Une histoire de Grecs et de Romain...

ΠÎčτταÎșÎčÎżÎœ (pittakion) «petit morceau de cuir ou d’étoffe»


 

En languedocien le petas (subst. masculin!) est un « morceau d’étoffe pour raccommoder ». VoilĂ  un mot dont les formes et la rĂ©partition gĂ©ographique nous racontent l’histoire de l’influence grecque et romaine dans le Midi.

La limite nord de l’extension du mot est une ligne qui suit la Loire et passe par la Bourgogne. L’occitan s’Ă©tendait autrefois jusqu’Ă  cette ligne; le Poitou et la Saintonge faisaient partie du domaine occitan. Voir Ă  ce propos l’extrait de Evolution-et-structure-p-64

Nous trouvons en Occitanie deux formes:

1) pedas « vieux linge » ou « langes » avec des dĂ©rivĂ©s comme en marseillais repedassagi « rapiĂ©cer ». Cette forme se trouve d’une part en provençal, Ă  l’est du RhĂŽne dans une rĂ©gion qui va de Marseille jusqu’à la Franche-ComtĂ© (dans le nord de cette zone le -d– entre voyelles a disparu au cours des temps et en franc-comtois *peĂĄs est devenu pas « langes »), et d’autre part dans le Nord de l’Espagne dans le Roussillon (une amie catalane vient de me le confirmer quand elle Ă©tait petite elle avait des « culs pedassĂ©s » c’est –à-dire des raccommodages sur les coudes de sa veste ) et dans une bande Ă©troite qui va du dĂ©partement de l’Aude jusqu’au sud de la Gascogne et Ă  Bayonne. En catalan pedas, en espagnol pedazo, enportugais pedaço et mĂȘme en basque pedaĆĄou. signifient« morceau de cuir ou de tissu »,Alibert donne les deux formes pedaçet petaç Ă©galement pour les dĂ©rivĂ©s sans localisation.

2)A l’ouest du RhĂŽne nous trouvons la forme petas dĂ©jĂ  attestĂ©e dans des textes du 14e siĂšcle provenant de Toulouse, Albi et Montauban. Dans les patois modernes, on la trouve en Poitou, Anjou, et dans le Languedoc, notamment Ă  AlĂšs, Lasalle, Valleraugue, BĂ©ziers, PĂ©zenas, dans le Tarn etc. etc. toujours avec le mĂȘme sens de « morceau de cuir ou de tissu pour raccommoder ». Et bien sĂ»r, il existe de nombreux dĂ©rivĂ©s comme en languedocien petassĂĄou « grand morceau ( p.ex. pan d’un mur )» et le petassou « un boutis que les mamans mettaient sur le bras pour le cas oĂč le bĂ©bĂ© ferait pipi » (Manduel) ou petassar « rapiĂ©cer ». En français rĂ©gional cela donne petasser « raccommoder » et au sens figurĂ© « faire la paix » (Andolfi ), aussi repĂ©tasser, rapetasser (ML) Ă  SĂšte

Depuis les inondations les rues de Nßmes sont toujours petassées.

EugĂšne Rolland connaissait une devinette qui date bien d’avant l’utilisation du goudron pour petasser les rues et les routes.

rue petassée

 

L’histoire de ce mot a longtemps Ă©tĂ© un casse-tĂȘte chinois pour les Ă©tymologistes. Le mot grec a deux -tt- Suivant l’évolution phonĂ©tique normale la forme petas est rĂ©guliĂšre. Comment expliquer la forme provençale pedas ? C’est Walther von Wartburg qui nous a donnĂ© l’hypothĂšse la plus satisfaisante:

Nous savons qu’ en grec ancien par l’évolution phonĂ©tique rĂ©guliĂšre la prononciation des consonnes doubles s’est affaiblie au 3e siĂšcle avant JC, et les deux –tt– sont devenus –t- , donc pittakion est devenu *pitakion. Le parler de Marseille a suivi l’Ă©volution du grec ancien. A partir de Marseille, le mot avec un seul –t– qui plus tard est devenu –d- ou a mĂȘme disparu, s’est rĂ©pandu dans tout le sud de la Gaule et dans le nord de l’Espagne.

Mais dans d’autres colonies grecques, et spĂ©cialement celles de la Grande GrĂšce (Magna Graecia), c’est-Ă -dire la Sicile et le sud de l’Italie (dans quelques villages comme Calimera dans les Pouilles on parle encore grec de nos jours) cette Ă©volution n’a pas Ă©tĂ© suivie, on continuait de prononcer les deux –tt-.

Au premier siĂšcle avant J.-C. les Romains ont empruntĂ© le mot pittacium avec deux –tt–, Ă  la langue grecque telle qu’elle Ă©tait parlĂ©e dans le sud de l’Italie. Nous trouvons pittacium dans diffĂ©rents textes latins Ă  partir de 50 avant J.-C. Au temps des CĂ©sars le mot Ă©tait trĂšs Ă  la mode et servait Ă  dĂ©signer entre autres « des compresses, des morceaux de cuir pour rĂ©parer les sandales, des billets de loterie, des Ă©tiquettes » etc. et la forme avec un –t- existe toujours en italien : petaccia « chiffon », pettacciare « rapetasser », Ă  Milan petaĆĄ « tripes ».

Les Romains ont occupĂ© la Septimanie correspondant aux dĂ©partements des PyrĂ©nĂ©es-Orientales, de l’Aude, de l’HĂ©rault et du Gard) Ă  partir de 118 avant J.-C. 1.

Politically, Narbonne gained importance as a competitor to Marseille. Julius Cesar settled veterans from his 10th legion there and attempted to develop its port while Marseille was revolting against Roman control.

ils ont introduit leur forme pittacium devenue petas, et le mot a suivi les armĂ©es romaines en supplantant la forme pedas au moins jusqu’à la Loire. La forme marseillaise avec un –d- n’a pu se maintenir que dans l’arriĂšre pays marseillais et dans la pĂ©ninsule ibĂ©rique.

En français nous trouvons le verbe rapetasser Ă  partir du XVIe siĂšcle notamment chez Rabelais. Il est probable qu’il a Ă©tĂ© introduit dans la langue officielle Ă  partir de Lyon et qu’il s’est propagĂ© ensuite dans les patois du nord de la France, Ă  partir de la capitale et il est restĂ© dans le français rĂ©gional:

« Quand Bretomié danse,
Danse Bretomié,
AnvĂ© ta chemiz’ blanche
Toute petassée! »
(Extrait de « Contes populaires du Bourbonnais » de Paul Duchon)

Avec l’histoire de ces deux formes d’un mot, petas et pedas, l’étymologie et la gĂ©ographie linguistique nous font comprendre le pourquoi de ces formes dans les patois actuels. C’est l’évolution phonĂ©tique des mots qui contraint l’étymologiste Ă  expliquer la disparition ou le changement d’un son ou d’un groupe de sons qui n’entrent pas dans le cadre des changements rĂ©guliers.

Bien sĂ»r, l’histoire des formes pedas et petas ce n’est pas le Pont du Gard, mais les vestiges des Romains et des Grecs se rencontrent aussi dans la langue de tous les jours.

 

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  1. Modern-day Narbonne was the first Roman colony outside of Italy. It was established in Gaul in 118 BC, as Colonia Narbo Martius. It was located on the Via Domitia, the first Roman road in Gaul, built at the time of the foundation of the colony, and connecting Italy to Spain. Geographically, Narbonne was therefore located at a very important crossroads because it was situated where the Via Domitia connected to the Via Aquitania, which lead toward the Atlantic across Toulouse and Bordeaux. In addition, it was crossed by the Aude River. Voir ma Source

Zeneto, genette

Zeneto « espÚce de civette » fr. genette. »

Originaire d’Afrique du Nord, ce petit carnivore farouche au corps allongĂ© – d’une longueur totale de 90 cm dont la moitiĂ© pour la queue – se distingue par un pelage gris tachetĂ© de noir et une queue annelĂ©e gris noir. Il est difficile d’apercevoir la genette car elle a une activitĂ© nocturne ; pourtant elle est bien prĂ©sente dans les CorbiĂšres depuis plus de 1000 ans. En effet elle fut introduite en Espagne et en France lors des invasions sarrasines. Les musulmans l’avaient apprivoisĂ©e pour chasser les souris dans les habitations. C’est pourquoi elle figure sur certains tableaux mĂ©diĂ©vaux du Languedoc avant que n’apparaisse le chat domestique.

De nos jours « la genette bĂ©nĂ©ficie d’une protection totale sur le territoire national qui favorise son expansion au nord de la Loire et vers l’est du RhĂŽne. » m’Ă©crit Patrick Valette, technicien forestier de l’Office National des ForĂȘts. Un site intĂ©ressant sur la genette : http://www.carnivores-rapaces.org/Genette/population.htm

L’histoire de l’animal nous donne l’histoire de son nom qui est venu par le catalan geneta, l’espagol jineta ou le portugais. gineta qui proviennent de l’arabe ğarnait « civette ». Je cite le mot parce que dans les dictionnaires dialectaux on ne le trouve que pour le Gard et l’HĂ©rault. Pourquoi ? Si vous pouvez me renseigner, n’hĂ©sitez pas ! Il est dĂ©jĂ  attestĂ© par l’abbĂ© de Sauvages  chĂąinĂš au debut du XVIIIe siĂšcle.!  Il ajoute que « la fiente  sent le Musc. Merdo da chĂąinĂš .

        

                                        La genette.                                         Répartition géographique

Dans le site http://sarah.vanden.free.fr/pages/historique.html  il y a une image provenant de « La Dame Ă  la licorne : six tapisseries exĂ©cutĂ©es Ă  la fin du XVe siĂšcle par l’un des plus grands artistes, le MaĂźtre de Moulins, qui imagina cet ensemble Ă  la demande de Jean IV Le Viste, prĂ©sident de la Cour des Aides Ă  Paris. »

La plupart des animaux y vont par couple prĂ©dateur-chassĂ© ; par exemple, la genette et le lapin. La genette symbolise l’inconstance et la rouerie. Le lapin, qui a l’Ă©poque s’appelait connil du latin cunniculus, est le symbole sexuel fĂ©minin par excellence au Moyen Age; il est associĂ© Ă  la lune et Ă  la fĂ©condation. (Le mot connil a Ă©tĂ© remplacĂ© au XVIIe siĂšcle par lapin parce que les gens en avait marre d’entendre les mĂȘmes blagues depuis des siĂšcles. Par contre ancien occitan conilh, conil a survecu jusqu’au XXe siĂšcle.  Conilh, conilha « lapin, lapine », est considĂ©rĂ© comme « vieux » mĂȘme dans l’Aveyron . Alibert)

Dans un site consacré au tombes égyptiens  (site disparu) vous trouviez en grand format cette représentation de la genette.

Pour ceux qui sont prĂšs d’une bibliothĂšque universitaire et lisent l’allemand, il y a l’article de:Elke Grab-Kempf, Heidelberg : « Zur Etymologie iberoromanischer Bezeichnungen fĂŒr die ‘Genette, Ginsterkatze (Genetta genetta L.)’: sp. jineta (asp. gineta, geneta), kat. geneta (akat. janeta), val. gineta, pg. gineta (mlat./apg. janeta), gal. xeneta, xineta « . Zeitschrift fĂŒr romanische Philologie. Volume 122, Issue 4, Pages 679–687.

Ase, ay

Ase s.m. « ùne » du latin asinus. Les deux fomes latines asinus ou asilus se retrouvent dans presque toutes les langues européennes. Voir à ce propos par exemple le dictionnaire allemand des frÚres Grimm. 

L’anglais ass « bĂȘte de somme », probablement par l’ancien celte *as(s)in « ùne », dans les composĂ©s asshead « tĂȘte d’Ăąne » = « personne stupide; jackass « personne stupide » vient Ă©galement du latin asinus.. Ne pas confondre avec ass « cul » qui vient d’un prononciation rĂ©gionale de arse. !! A propos de l’Ă©lĂ©ment jack- qui vient du français Jacques, cf.l’article Jacouti . Allemand Esel et nĂ©erlandais ezel « ùne; chevalet » (> anglais easel « chevalet).

Un Ăąne Ă  la recherche d’ amourous d’ase ou de pam blan d’ase pour se farci l’ase ?

La forme ase s’est maintenue dans le languedocien et le catalan. En provençal il y a eu une Ă©volution ase > ay attestĂ©e depuis 1530.Voir pĂšbre d’aĂŻ.  Dans les patois de la langue d’oĂŻl, le franco-provençal et le nord-occitan on ne trouve que la forme asne devenu Ăąne.

L’Ăąne jouait un rĂŽle trĂšs important dans la vie de tous les jours. De nombreux sens se sont dĂ©veloppĂ©s par mĂ©taphore ou mĂ©tonymie. Pour ceux qui s’y intĂ©ressent je ne peux que renvoyer au FEW vol.25, pp.437-457 (en français !). Je me contente de donner ici quelques expressions et mĂ©taphores languedociennes puisĂ©es dans la documentation extrĂȘmement riche du FEW.

Lhomme pense qu’un Ăąne est stupide : bĂšstio coumoun ase ; AlĂšs ase « sot, ignorant, imbĂ©cile, butor »  asnas  « grosse tĂȘte (au fig.) »  ; en LozĂšre asenå » faire l’Ăąne »  ( voir aussi mon article viĂ© d’ase ) et obstiné : Gard testo dase  » tĂȘte dure ».

Un visiteur m’envoie les renseignements suivants sur lase de Basacle;

le Basacle, lieu situĂ© sur la Garonne Ă  Toulouse. (Wikipedia) et fameux par son moulin mĂ» par les eaux du fleuve. Alasan de Basacle, alezan du moulin, un Ăąne (Jean DOUJAT, Dictiounari moundi, 1638, rĂ©imp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 298). Rossin del Basacle, Ăąne (G. VISNER, Dictiounari moundi, 1638, rĂ©imp. Toulouse, 1895, 242 pages ; p. 212). Es un ase del Basacle, c’est un crĂ©tin qui ne comprend rien. Es estudiant al Basacle, c’est un garçon meunier, un Ăąne, un ouvrier posant pour l’Ă©colier, etc. Enfin, mĂČl pas tant qu’al Basacle, il n’y a pas tant de travail que ça – on n’y moud pas autant qu’au B. (G. VISNER, Id., p. 36). Que s’enane al Basacle, qu’il s’en aille paĂźtre 119.I.238. Trimar coma l’ase dal Basacle, travailler dur comme l’Ăąne du B. (A. MIR, Glossaire des comparaisons populaires du Narbonnais et du Carcassez, 1882, rĂ©Ă©d. Carcassonne, GARAE, 1984, XV + 133 pages ; p. 18). AquĂČ sembla lo Basacle, c’est une cohue, un bruit Ă©tourdissant. Veja aquĂ­ tot son basacle, voilĂ  tout son mobilier. N’i a un basacle, il y en a une grande quantitĂ©. (AbbĂ© VAYSSIER, Dictionnaire Patois-Français du dĂ©partement de l’Aveyron, Rodez, SociĂ©tĂ© des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron, 1879, 656 + XLIII pages ; p. 44). Ce moulin disparut dans un incendie en 1814.

Mounta sus l’ase « chevaucher l’Ăąne »  par contre est ridicule :  « cĂ©rmonie infamante qui consiste Ă  monter une personne sur un Ăąne, la figure tournĂ©e vers la croupe et tenant la queue dans les mains en guise de bride  ce qui se faisait surtout pour des maris battus par leur femme! Cette cĂ©rmonie s’appelait asenado.


Sagit-il dune vieille tradition romaine ? Ci-dessus une mosaïque de Meknes au Maroc (de quel siÚcle?.)

Pour « remettre Ă  sa place » les membres d’un couple, les villageois n’hĂ©sitaient pas promener le mari sur un Ăąne, placĂ© Ă  l’envers, comme le rappelle R.M. Lacuve ou Jol Thezard, le tout avec force bruit et commentaires. Un autre site

Corre l’ase. Un visiteur m’envoie ses notes trĂšs documentĂ©es sur une tradition du Lauraguais, corre l’ase: « A Castelnaudary nous constaterons, depuis le XVIe siĂšcle, la fĂȘte du Corre-l’ase qui s’est perpĂ©tuĂ©e presque sans interruption jusqu’en 1870. Le Corre-l’ase avait lieu le jour du Mardi gras. On promenait sur un Ăąne un mannequin de paille que l’on brĂ»lait, le lendemain… Jusqu’en 1870, les organisateurs de la fĂȘte du Corre-l’ase formaient une confrĂ©rie parfaitement organisĂ©e… L’usage des Corre-l’ase Ă©tait trĂšs rĂ©pandu dans le Lauraguais ». 99.10. « …divertissement en usage le jour du mardi gras appelĂ© corre l’ase, quand un mari se laisse maltraiter par sa femme » Revue Folklore, Carcassonne,1971.2. n° 142, p. 12, RenĂ© NELLI, L’essai historique de Castelnaudary de Jacques de Gauzy (1780) ; Cf. idem, 1949.4. n° 57, p. 77, AndrĂ© AZAÏS, SociĂ©tĂ© asinienne Ă  Castelnaudary en 1867 ; Ibid., 1950.1. n° 57, pp. 13-17, H. AJAC, Courses de l’Ăąne en Lauragais, Exemples pour 1680 et 1775 au quartier de la Baffe, Ă  Castelnaudary.

« A TOULOUSE les Corre-l’ase firent fureur ; Vestrepain, dans la premiĂšre moitiĂ© de ce siĂšcle [le XIXe], Ă©crivit souvent des chansons de Corre-l’ase« . (JOURDANNE Gaston, Contribution au Folk-Lore de l’Aude, deux tomes 1899 et 1900, rĂ©Ă©d., Paris, Maisonneuve et Larose, 1973, 243 pages ; p. 10, note 2. Cf. Cansou al suchet d’un courri d’azi, in-8°, Toulouse, 1828).

LECTOURE (Gers).
Lo carnaval es prĂČche
. (Le carnaval est proche.)
Lo jorn de dimarts gras
, (Le jour du mardi gras, )
Julherac, Julheraca, (Jullierac, femme Jullierac,)
L’ase que correrĂ … (L’Ăąne courra… )

(Jean-François BLADÉ, PoĂ©sies populaires de la Gascogne, Paris, Maisonneuve, 1881-1882, II.288-294. Cançon de Brenada.)

OS-MARSILLON (PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques). L’asoada d’Òs, Il Ă©tait d’usage de faire monter sur un Ăąne, la tĂȘte tournĂ©e vers la queue et de promener ainsi, par les rues, un mari qui s’Ă©tait laissĂ© battre par sa femme. Affaire en 1704, ceux qui avaient fait cĂłrrer l’ase ont Ă©tĂ© condamnĂ©s.(Vastin LESPY, Dictons du pays de BĂ©arn, rĂ©Ă©d. par la lib. Limarc AndrĂ© Cadier, Bayonne, s.d. – la premiĂšre Ă©d., est de 1875 -, XVI + 285 pp. ; p. 121).

L’Ăąne a une grosse tĂȘte: languedocien ase  trĂšs petit poisson de riviĂšre Ă  la tĂȘte large et plate du genre des malacopterigiens ; chabot  (abbĂ© de Sauvages) Il semble ne plus exister . Une attestation pour le Gard ase  » lotte ».

cap d'ase pĂš d'ase

tĂȘtard    cap d’ase   pe d’ase

Ase signifie galement  » tĂȘtard « (S). Le sabot de l’Ăąne ressemble aux feuilles du : cap dase  « centaure noire ou jace »

L’Ăąne est une bĂȘte de somme : AlĂšs ase de ressare  « un banc trois pieds sur lequel les scieurs de long lĂšvent et placent horizontalement leur bogue ».

L’Ăąne doit travailler dur : pati coumo lous ases de la jhipieiro  « souffrir comme les Ăąnes des mines de gypse »  (S).

Farci l’ase. Enfin Ă  Toulouse, Ă  Foix et dans le BĂ©arn il y avait l’expression farci l’ase  » remplir la panse, manger copieusement », sĂ©mantiquement Ă  partir de la notion « charger ». De lĂ  , notamment dans le Gard et l’HĂ©rault ase  « gros boyau farci, estomac du porc, caecum du porc »  Ă  partir de la notion « sac Ă  charger ».

Pour des raisons phonĂ©tiques et de rĂ©partition gĂ©ographique il me semble peu probable que le verbe aĂŻsinĂĄ  » prĂ©parer » du latin adjacens soit Ă  l’origine de ce mot, mĂȘme si par-ci par-lĂ  aĂŻsinĂĄ devient asinĂĄ notamment dans le pays de Foix, Vicdesssos. Mais partout ailleurs c’est la forme ai- ou ey- qui domine. Dans la rĂ©gion de Foix on pourrait rattacher le mot ase dans l’expression farci l’ase Ă  azinat « mets fait de choux et de pommes de terre’ soupe » qui provient de l’Ă©tymon adjacens, contrairement Ă  FEW 25,448b, mais certainement pas dans tout le domaine occitan.

Un visiteur m’a fait parvenir des tĂ©moignages du mot ase « gros boyau farci  » Ă  ROQUEBRUN (HĂ©rault). Los manja ases, les mangeurs d’Ăąnes. « On les accusait de tuer et de manger un Ăąne pour la fĂȘte du village ». Cette accusation vient de Cessenon (M. Roger Delher). Le suivant donne l’explication: SAINT-JEAN-de-CORNIÈS (HĂ©rault). Les habitants ont pour sobriquet Los manja l’ase, les mangeurs d’Ăąne. L’ase, « l’Ăąne » Ă©tant le foie du porc boucanĂ© ou un gros boyau farci. Et : SAINT-JEAN-de-MARUÉJOLS (Gard). Manja ase blanc, amateurs de boudin blanc. Rien Ă  voir avec un Ăąne albinos comme le croit AndrĂ© BERNARDY (Les sobriquets collectifs. Gard et pays de langue d’Oc. Anecdotes, dictons, lĂ©gendes, UzĂšs, Ateliers Henri PĂ©ladan, 1962, 273 pages ; p.100).

LabbĂ© de Sauvages qui en 1756 a notĂ© le dicton suivant : l’ase de la coumuno fough toujhour mou embast.  l’Ăąne de la commune est toujours le plus mal bĂąti , ce qui donne Ă  Valleraugue (30570) : Un asĂ© omĂ©djiorat es toudjour mal bostat. (omĂ©djiorat est Ă©crit amejairat par Alibert, et veut dire « qui est possĂ©dĂ© par moitié »).

Un emploi trĂšs local: MARGERIDE (LozĂšre). FORTUNIO. « UĂši matin « FortuniĂČ » a cargat l’ase… tranarĂ  davant miĂšgjorn (ce matin, Fortunio (point le plus Ă©levĂ© de la Margeride, 1552 m.) a mis son bonnet de nuages… il fera orage avant midi ).

 

 

 

 

Ranconner "hésiter, trainasser"

Renconner ou ranconner « hĂ©siter, tourner, trainasser » verbe nĂźmois qui se trouve dans plusieurs lexiques des Ă©ditions Lacour, mais il est absent de l’Alibert. Le verbe est absent du FEW mais je crois pouvoir le rattacher Ă  l’adjectif ranc « boiteux ».

L’occitan connait l’adjectif  ranc, ranco « boiteux, cagneux » et l’expression fa la ranco galino « affecter d’ĂȘtre boiteux, hĂ©siter, faire la sourde oreille ». Nous le retrouvons en italien  ranco « boiteux » = dalle gambe storte, claudicante. (TLIO)

D’aprĂšs le FEW1  l’Ă©tymon de  ranc, ranco  est le gotique *wranks « tordu, tourné ». En ancien occitan le mot  ranc « boiteux » est  attestĂ© depuis le XIIe s. Le verbe ranquejar, ranqueirar « boiter »  arranqueja  en gascon,   Ă©galement attestĂ© depuis le Moyen Age.

Dans les parlers franco-provençaux  et  occitans modernes ranc  et les dĂ©rivĂ©s se trouvent  jusqu’Ă  la ligne Loire-Vosges2. En gascon c’est la forme aranc. 

C’est le mot valdĂŽtain   rangot, rangota « qui est lent, bon Ă  rien », qui me suggĂšre de rattacher le verbe nĂźmois ranconner  Ă  la mĂȘme famille.    L’Ă©volution sĂ©mantique s’explique facilement. Un boiteux ou un cagneux n’est pas un rapide, il traine.

a pÚ ranquet     

D’autres mots qui viennent du gotique  *wranks:

L’expression a pĂš-ranquet  « à cloche-pied » qui est courante dans la rĂ©gion de Toulouse.  A Puisserguier c’est le nom du « jeu de la marelle ».

Dans l’article  du FEW  il y a quelques attestations du dĂ©rivé  rancou  « (cheval) dont les testicules ne sont pas descendus , qui ne peut pas ĂȘtre chĂątré », rĂĄngou « qui n’a qu’un seul testicule » Ă  Barcelonnette. D’aprĂšs le ThĂ©soc le « chĂątreur » s’appelle ranzĂšr dans plusieurs villages du Puy-de-DĂŽme.   Han Schook, a notĂ© Ă  Die rancos  « stĂ©rile (un testicule seulement); boiteux »
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  1. XVII, 621a-622b
  2. Pas mal d’attestations dans le Thesoc  s.v. « boiteux »

BarĂ ou, barral

BarĂ ou, barĂ ou d’AlĂšs, barral,. s.m.  L’abbĂ© de Sauvages Ă©crit:

« un barau; un barau de vin: mesure qui change d’une ville Ă  l’autre. Elle contient Ă  Alais 17 pintes,oĂč il Ă©gale un solide de trois pieds cubes & un tiers Environ huit de ces baraux font le muid de Paris. De mĂȘme que 4 baraux en font le demi-muid ou la feuillette ».

Cette dĂ©finition trĂšs prĂ©cise ne nous avance pas beaucoup. J’ai trouvĂ© pour le muid de Paris des contenus de 288 litres Ă  18 hectolitres….. Il faudra chercher dans les archives d’AlĂšs …. Pour le moment je ne peux pas dĂ©terminer le volume exact du barĂ ou d’Alais.   Dans le site http://krettly.yves.free.fr  il y a les mesures de vin dans le dĂ©partement de l’HĂ©rault et le voisinage. Cela se prĂ©sente ainsi:

Le MUID de SAUVE ( Gard) de 18 setiers subdivisés en 4 quartals ou en 32 pots. Le muid : 778,95 l. Le setier : 43,27 l. Le pot ou piché : 1,35 l. La feuillette : 0,68 l.
Le MUID d’OCTON de 12 pagelles, la pagelle subdivisĂ©e en 25 quartons. Le muid : 740,52 l. La pagelle : 61,71 l. Le quarton : 2,47 l. La feuillette : 0,62 l. Pour l’abbĂ© de Sauvages la feuillette est bien plus volumineuse.

BarĂ ou, & baralĂ«. : « Le baril, le barillet Ă  l’usage des journaliers, qui portent dans ces vaisseaux, sans aucun risque, le vin de leurs repas.
Il donne aussi l’espression suivante : Li parlas dĂ« bouro, vou rĂ«spon dĂ« barĂ ou ‘ il tourne la truie au foin’. Cela veut dire ‘changer brusquement de discours’ expression utilisĂ©e par Rabelais. (bouro ‘masse de fer’)

Une racine prĂ©romane *barrest probablement Ă  l’origine d’un grand nombre de dĂ©rivĂ©s dont le sens de base est « sorte de tonneau », comme barril, barral, barrica, etc. (FEW XXII/2, 114b)

Les dĂ©rivĂ©s en -ale de cette racine *barr- sont attestĂ©s trĂšs tĂŽt, XIIIe siĂšcle, en ancien occitan et en ancien catalan.  Dans des textes en « latin rĂ©gional » sont nommĂ©es des barralia (Arles) dĂ©jĂ  au XIIe siĂšcle . Dans les parlers modernes cette famille de dĂ©rivĂ©s se trouve surtout dans le Midi et en franco-provençal. Barral est mentionnĂ© dans les dictionnaires de TrĂ©voux et de l’AcadĂ©mie jusqu’Ă  1838 avec le dĂ©finition: « mesure de choses liquides d’usage en Languedoc, en Provence ».
Le mot baralĂ« « petit baril en bois » se trouve dans un texte d’Avignon de 1397.

Les significations barralet « fraise des bois » et « muscari racemosum » (Alibert) s’expliquent par la forme:

barralet fraise