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ravanet, rabet, rafet ‘radis’

Ravanet,rabanet, rabe, rabeta, rabet, rafe, rafet  « radis » vient du latin   raphanus qui l’a emprunté au  grec ράφανοσ. FEW X,65.

Ce type est vivant dans les langues romanes voisines, comme par exemple ravaneta  en catalan. Il n’est pas impossible que la forme avec -f- vient directement du grec. Les formes avec –f- sont fréquents dans les dialectes du sud de l’Italie, où la langue grecque s’est maintenue jusqu’à nos jours dans certains endroits. Cela me rappelle mon article sur  petas/pedas, une histoire de Grecs et de Romains.

On peut aussi supposer que les moines avaient gardé le nom latin  raphanus pour le radis, qu’ils cultivaient dans les jardins des abbayes et que la forme rafe, rafet a été adopté dans les villages environnants. Ces formes avec  –f- se trouvent dans les parlers de l’Aveyron et la Lozère jusqu’aux Landes, mais ell es sont inconnues en provençal. (Voir le FEW et le Thesoc radis).

D’après le Thesoc,  le type rafec désigne le « raifort », mais la forme avec  –c final n’est attestée que dans un texte albigeois du XVIe siècle; par contre d’autres dérivés comme ravanasso ou gascon raflà désignent bien le raifort.

Le dérivé ravanello désigne souvent le « radis sauvage » ou la « ravenelle, giroflée des jardins »

Un dérivé spécial  ravaniscle « ravanelle » est attesté dans le Gard par Pouzols de Manduel. (Rolland, Flore 2,130)

Cf. Rolland Flore, 2 p.129 ss pour les noms des différentes espèces de raphanus.
L’ethnobotanique  n’est pas une science simple. Rolland fait les deux remarques que voici:

Tome II, p.69

RollandFl2_69

Tome II, p.129

RollandFl2_129

Français radis « raphanus sativus » est un emprunt à l’italien radice qui date du XVIe siècle, du latin radix  FEW X,27 radix . En ancien et moyen français le radis s’appelait rafle, ravene, rave du latin raphanus.

sinapis arvensis

sinapis arvensis

raifort

raifort

ravanet

ravanet

 

mentastre

Mentastrë « baume sauvage ». (Mentha arvensis L.)

On comprend sous le nom de mëntâstrë le pouliot ou la mente aquatique, dont l’infusion est un fébrifuge; le pouliot est aussi très bon pour tuer les vers des enfants. (Sauvages S1).

Etymologie: latin mentastrum « menthe sauvage », attesté chez Pline. les attestations dans le domaine galloroman sont très anciennes, de sorte qu’on peut supposer qu’il s’agit  d’un mot indigène et non pas d’un emprunt. FEW VI/1, p.731

Mentha_arvensis_2005.08.28_09.49.00 Mentha arvensis L.

Mento « baume des jardins ou simplement baume, et non mente qui se dit des autres espèces de ce genre qui croissent dans les champs ». Il y a deux sortes de baumes, celui qui est à feuilles rougeâtres qui a une odeur de basilique et qu’on met dans les salades; l’autre espèce est le baume ordinaire qui a une odeur très suave. (Sauvages S1), et Solerius en 1549:

menta_Solerius

menthapulegiummentha pulegium L. pouliot

Etymologie : latin menta « menthe ».  La graphie avec –h- date du XVIe siècle, pour rapprocher la langue française de la langue grecque : μινθη  et compliquer l’orthographe.  Le latin et le grec ont repris ce nom  à une population non-indoeuropéenne qui vivait autour de la Méditerranée.FEW VI/1,p.730  Le même  mot se retrouve dans toutes les langues romanes et dans beaucoup de langues germaniques.

Les moteurs de recherche sont tellement pollués par la publicité pour toutes sortes de médicaments à base de menthe, que j’ai dû avoir recours à RollandFlore vol IX p.41 pour savoir quelle espèce de menthe est le « baume des jardins ». Il s’agit de la mentha sativa L. qui s’appelle maintenant mentha verticillata:

mentha verticillata

mentha verticillata

Pour terminer une tradition gardoise, tirée du Rolland Flore:

MentoGardRlFl9

Gamá, gamat ‘goîtreux’

Gamá « goîtreux »; il est formé de gâmo « goître » écrit l’abbé de Sauvages (1756). Pour lui le mot gamá s’applique principalement aux pauvres Savoyards qui en hiver boivent de l’eau de neige; les Paysans des hautes montagnes languedociennes qui font pareil, ne souffrent pas de cette maladie.  Il n’y a que les femmes qui en souffrent. Dans la deuxième édition cette remarque est supprimée, mais il ajoute le verbe se gama « avoir quelque langueur ».  Dans le style familier on dit à quelqu’un en désignant quelque chose qu’on ne veut pas lui donner  të gamera pa « tu n’en tâteras pas ».

A ne pas confondre avec  gamas  « taillis ».

Le mot courant pour goitre, goitreux en occitan est gavach.

Etymologie. Le FEW (FEW XVII, 497) a rangé une grande famille de mots dans l’article   wamba « panse, gros ventre », un mot gotique ou ancien francique,  wampe en allemand moderne « fanon; gros ventre en langage familier ».   Gamo et les dérivés comme gamat, vamà, bomàt (Aveyron) désignent toutes sortes de maladies; la définition la pus fréquente dans les dictionnaires est « cachétique » et « cachexie », définie par le TLF comme « État caractérisé par une maigreur extrême et une atteinte grave de l’état général« .   (Jetez un coup d’œil sur l’article du FEW !).  Dans le commentaire von Wartburg  résume les différentes propositions étymologiques faites par Ronjat, Dauzat et d’autres.

gama

esquisso ‘ébauche’

Esquisso  ‘ébauche, premier crayon d’un ouvrage » (Marseille, Achard C.-F) a bien sûr la même étymologie que le mot français.  J’y reviens parce que cette histoire mérite de une place à part. Elle était un peu perdue dans  l’article esquicher, mot occitan que tout le monde connaît.

Dans les parlers italiens, occitans et catalans  existe une grande famille de mots qui ont tous comme origine une onomatopée skits, skitš qui imite  le bruit que fait un liquide quand on le fait sortir par pression1. Pour le riche développement de ce mot voir l’article esquicher.

A cette famille appartient le mot italien schizzare qui signifie « faire jaillir un liquide sous pression » et le substantif schizzo qui désigne cette action. . Schizzo signifie également « la tache qui naît en faisant jaillir un liquide ». Puis  au XVIe siècle   Giorgio Vassari2  peintre, architecte et écrivain  utilise schizzo  avec  le sens « premier plan d’un ouvrage d’architecture ».

A cette époque la langue italienne jouait en France le rôle que l’anglais joue de nos jours. La première fois que le mot apparaît en français c’est sous la forme esquiche « premier plan d’un ouvrage d’architecture » en 1567, ensuite c’est  esquisse depuis 1611 dans le dictionnaire de Cotgrave, qui donne quand-même le verbe « esquicher » pour « tracer le premier plan etc. ». Le sens du mot s’est généralisé en passant dans les autres arts plastiques, dans la littérature et enfin   depuis la deuxième moitié du XIXe siècle esquisse devient pratiquement synonyme de « ébauche ».

esquissoesquisso ?

Plusieurs dictionnaires proposent schedium comme étymologie, mais von Wartburg écrit que cela est peu probable sinon impossible  pour des raisons d’ordre phonétique. FEW XII, 6

 

  1.   En allemand il y a le verbe spritzen qui a exactement le même sens.
  2. « Le vite de’ piu eccelente architetti, pittori e scultori italiani »  1550

paoumoulo, poumélo

Pamoûlo « escourgeon ou paumelle, espèce d’orge à deux rangs de barbes dont le grain sert pour les tisannes d’orge et pour faire de la bière » « (S 1756).  Etymologie : latin palmŭla « petit palmier », mais le mot n’a survécu dans les langues romanes qu’avec le sens « paumelle ». Le nom botanique est Hordeum distichum (L.).

pamoulo

pamoulo

La première attestation vient de la région nîmoise  palmola, XIIe siècle.  Dans les parlers occitans modernes nous trouvons plusieurs variantes comme paoumoulo, paoumouro (Marseille), palmoulo, etc. en provençal et en languedocien. En gascon et en limousin c’est le type balearicus > bailharc, balhart et balharga qui domine1 (FEW I, 214). Cette répartition géographique qui existait déjà au moyen âge s’explique par le fait que l’orge espagnol avait depuis l’Antiquité une excellente renommée. Pline parle de l’orge de Cartagena2

Les recherches archéologiques ont montré que l’Hordeum distichum  était inconnu dans le Nord de l’Europe. Il n’y a été introduit que beaucoup plus tard. Le nom français paumelle ne date que du XVIe siècle et a été emprunté au provençal ou le languedocien, avec une adaptation:  la finale –oulo étant pris pour un diminutif a été transformée en –elle.

Cette forme française paumelle a d’ailleurs influencé dans certains endroits le nom local, comme par exemple à Valleraugue (Gard) poumélo.
FEW VII, 517

  1. Ce mot a été emprunté par l’anglais barley, d’après le FEW, mais le Online Etymology Dictionary  cite un ancien anglais baerlic  adjectif  « d’orge » , dérivé de bare « orge ».
  2. La ville catalane dont le nom a été donné à la cartagène.

bourdoulaigo ‘pourpier’

Bourdoulaigo ‘pourpier’ vient du latin pŏrtŭlāca « pourpier ». L’abbé de Sauvages le nomme pourtoulaigo  et il y a quelques autres attestations de cette forme en languedocien depuis 1549,chez Solerius1 :

portulacaSolerius

mais ailleurs en occitan ce sont des formes avec sonorisation de l’initiale bourtoulaigo, bourdoulaigo qui dominent2. Cette forme se retrouve en catalan berdolaga, espagnol verdolaga et portugais beldroega.
Des formes italiennes et allemandes se trouvent dans le commentaire du FEW IX,226-227

Dans le Nord du domaine galloroman  c’est porcelaine et pourpier qui dominent.

bourdoulaigo

bourdoulaigo comestible

Voir RollandFlore vol.VI,p.55-56 pour plus de noms.  J’en prélève le pes pulli littéralement « pied de poule » qu’on trouve dans des textes en latin médiéval et qui est conservé en ancien français poulpied, poullepied devenu pourpier en français moderne. Dans des cas pareils on ne peut savoir si le texte latin est une simple traduction du français ou l’inverse.

  1. Cf. mon article barigoulo à propose de cet auteur provençal
  2. L’abbé ajoute que le pourpier sauvage est astringeant & raffraichissant; on le met infuser dans les bouillons pour les pertes & pour les inflammations d’entrailles

gerbo baude ‘fête’

Gerbo baude . Etymologie germanique bald « hardi ».

A La Rochette

La Gerbaude à  La Rochette

Un visiteur m’écrit:

BAUDE – : de l’ancien français « baud » = joyeux – ardent, (a rapprocher aussi de Ebaudir).
Origine probable de la mythologie Balte.
Du dieu LAUKOSARGAS, gardien des champs et protecteur du blé, auquel il convenait d\'offrir la dernière gerbe fauchée.

Normalement la « Gerbe baude » est le nom de la fête qui termine les moissons.
Les gros travaux des champs étaient faits en commun avec l’aide de tous les habitants du village. A la fin des moissons, si tout s’était bien passé, on hissait la dernière gerbe du dernier gerbier au sommet de celui-ci. C’était l’offrande au ciel, de la gerbe la plus belle et la plus grosse en guise de remerciement pour sa protection.
Il est probable que dans les temps anciens, la gerbe dernière était brûlée sur un autel et devenait ainsi cette gerbe ardente, à la fois gerbe d’or et gerbe joyeuse qui assurait la bienveillance des dieux.
Cérémonie païenne à l’origine, la tradition s’est maintenue au fil du temps et s’est transformée en fête religieuse avec la bénédiction des blés puis en fête populaire pour marquer la fin des moissons.
Avec la mécanisation et dans certaines régions où le blé ne représente qu’une culture minoritaire, la fête de la gerbe « baude » s’est déplacée vers d\’autres saisons et d’autres gros travaux. Dans les pays de vignes, par exemple, la gerbe baude (dite aussi gerbaude) sanctionne la fin des vendanges. C’est l’occasion de réunir tous les participants autour d’une table bien remplie avant la dispersion des ouvriers saisonniers.

Dans l’article *bald- « hardi » du FEW XV/1,30 je trouve le paragraphe suivant:

Gerbo_baudeFEW

Le message de mon visiteur m’a suggéré de chercher aussi la combinaison de deux mots gerbaude dans le FEW et en effet dans le volume XVI,p.14 je vois que l’extension géographique est bien plus importante, elle va de Nantes jusqu’à Villefranche-de-Rouergue:

FEW XVI,14 garba

FEW XVI,14 garba

Le mot gerbe est aussi d’origine germanique.
L’étymologie de ce baude est la même que celle de baudo « grosse pierre », mais les deux significations sont tellement éloignées l’une de l’autre que la gerbe baude mérite cet article à part.  Les noms de rue  de la Baude, que j’ai trouvés  à Saint-André-d’Apchon (42370), à Rochefort sur mer (17300), à Sainte Colombe (77650) et à Albi doivent être étudiés de plus près. Il me semble même probable qu’il faudra les rattacher à ce sens de « fête de moisson » et non pas à baudo « grosse pierre ».   A Manduel dans le Gard par contre il n’y a pas de culture de blé, c’est un village vinicole et la Baude y est un pont ou une rivière ou autre chose.
Aujourd’hui je reçois un message de M.Honoré de Saint Amans de Pellagal dans le Quercy qui m’écrit :
Dans mon village, Saint Amans de Pellagal, se trouvent quatre lieux-dits comportant le mot Baoudo qui a été traduit par Baude, dont Tuquo de Baoudo, lieu d’une ancienne motte castrale. Mes recherches vont dans le même sens que les vôtres et m’amènent à cette conclusion : La jierbo baoudo ou garbo baoudo  (la gerbe joyeuse) est la traditionnelle fête et le régal (repas) offert à la fin de la moisson. La francisation donne baude qui a donné s’esbaudir « rire, s’amuser ». Mais pourquoi appeler ainsi cette « colline de la joie »? Peut-être parce que c’est sur cette éminence que se déroulait la fête païenne où il était d’usage dans certaines régions de brûler la dernière gerbe récoltée sur un autel.
J’en suis arrivé à cette conclusion en consultant une ancienne chronique locale du début du XVIIème siècle, parlant d’anciennes traditions, traduite par un habitant.
Je vous remercie infiniment de partager vos connaissances dans votre page.
Cela fait énormément plaisir, une réaction comme celle-ci.

Voir aussi l’article Baude nom d’une rue à Manduel

Bertoul ‘panier cévenol’

Bertoul « cueilloir »  s.m. « petit panier à anse tissu d’osier ou d’éclisse, qui sert à cueillir les fruits et à ramasser les châtaignes » (S1, 1756). Etymologie latin   vĕrtĭbŭlum « vertèbre, colonne vertébrale » », qui en galloroman a subi un changement de suffixe et est devenu vĕrtŭbŭlum, qu’on retrouve en catalan bertrol, bestrol  qui désigne « une sorte de filet avec des cerceaux comme armature »(source).  En Italie et dans l’ouest-languedocien il y a des formes qui reposent sur une autre formation, vĕrtŭbĕllumbertovello, bertoello en italien,  bertouel en languedocien.   FEW XIV, 321

Le mot bertoul semble vivant. Dans le site consacré à Ispagnac je trouve des spécifications:

En Lozère il y en a deux : les Cévennes qui fabrique le bertoul panier avec des bridoules, tresses de chataignier. L’autre partie qui produit une vannerie en côtes de chataignier et en tresses d’amarines et de viorne. La paille de seigle sert à fabriquer des paillassous et la paille jaune de blé était utilisée pour les ruchettes . Ces deux pailles sont encore utilisées pour le rempaillage des chaises.

bertoulIl y a aussi des photos sur le procédé et des adresses de stages de vanneries.

Le même étymon avec le suffixe –ibella  > vĕrtĭbĕlla pris pour un féminin a pris des sens techniques comme  en ancien occitan bartavela « loquet », en dauphinois bartavè « claquet du moulin » = Petite latte qui est sur la trémie d’un moulin et qui bat continuellement avec bruit. Dans le site du village Sailhan j’ai trouvé la description et des images du claquet:

IF    IF

Dans les moulins de montagne, l’auget ou claquet avait autrefois une forme de sabot, « l’esclop ». L’auget se termine par une sculpture de tête de cheval : « eth cabalet », c’est la note artistique du moulin. Le cheval était l’animal que l’on rencontrait le plus souvent au moulin. Une pièce verticale, le cornillet ou quenouille, tourne en même temps que la meule. Ce mouvement agite le cheval qui – en raison de la forme octogonale du cornillet – vient taper régulièrement sur ce dernier et permet au grain de s’écouler dans le trou central de la meule tournante , l’œillard.

Le bruit que fait le claquet est à l’origine du sens « bavard, personne qui parle beaucoup » à Briançon , Barcelonnette et ailleurs de bartavel, bartaveou, bartavela.  Une évolution comparable  dans le verbe cascalhar ou barjà. Cette évolution sémantique est d’ailleurs international : angl. chatter, chat , Oc., fr.régional casquailler, latin *quassicare, esp. cascar, d. Klatsch, Quatsch, plappern, dreschen, nl. kletsen, flamand klappen le sens qui est à la base de tous ces verbes  est « faire un bruit répétitif ».

Bartavela « perdrix rouge » à cause de ses cris, a même réussi à monter dans le dictionnaire de l’Académie  en 1740.

 

 

« verveux’ panier en osier de forme conique » d’après les dictionnaires patois.