cat-right

Tartonraira "tartonraire"

Tartonraira « passerina tartonraira » (Marseille) Nom scientifique actuel : Thymelaea tartonraira subsp. tartonraira (Tela Botanica). Une modeste contribution au site Plantuse  dans le domaine des noms populaires de la flore,  est l’occasion de revoir mes articles sur les noms occitans des plantes.

La coordination avec Michel Chauvet, ethobotaniste (Plantuse) a donné la première attestation de tartonrare :  Pena et Lobel, Stirp. advers., 1570. voir page 160

Ci-dessous une photo de la tartonraire  prise à Marseille Marseille (13) le 14 avril 2010.
Un abonné à ma « Lettre de nouvelles » a eu la gentillesse de m’envoyer le lien vers le livre  téléchargeable de Ludovic Legré, La botanique en Provence au XVIe siècle. Louis Anguillara, Pierre Bellon, Charles de l’Ecluse, Antoine Constantin.  Marseille, 1901qui m’a permis de retrouver l’origine du nom botanique et populaire de la tartonraire. En le feuilletant je lis que l’ amateur-botaniste provençal Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (né le 1 déc. 1580) correspond régulièrement avec Charles de l’Escluse, appelé Clusius1 , qui enseigne à l’université de Leyde aux Pays Bas. Peiresc  lui envoie des colis avec des fleurs, feuilles, semences et racines de plantes de Provence, notamment de Marseille.  Les lettres de Peiresc témoignent du zèle avec lequel il s’efforça de donner la plus complète satisfaction aux desiderata du célèbre professeur de Leyde.

Voir en bas de cette page l’inventaire de la boîte que Peiresc à envoyée à Clusius.  Les lettres conservées à Leiden ont été numérisées. Une trouvaille.

En 1603 Clusius lui envoie son portrait et un exemplaire de son  Rariorum plantarum historia : Fungorum in Pannoniis observatorum brevia historia (1601),  et lui demande en même temps des graines de l’Astragale marseillais.

Charles de l'Escluse                                  

                        Clusius                                                       illustration extraite de Rariorum Plantarum Historia

Peiresc lui répond le 25 février 1604 :

En plus de l’astragale il lui envoie

une autre plus rare que les mariniers appellent tartonraire  et de  laquelle ils se servent  pour se purger d’autant qu’elle faict une merveilleuse opération tant par le haut que par le bas.

Dans le tome IX de RollandFlore, qui n’est pas numérisé hélas, il doit y avoir une attestation de 1570 du nom tartonraire.

L’étymologie  est d’après le FEW l’onomatopée trant- « balancer, vaciller ».  Voir aussi  l’article trantanelCette étymologie n’est pas 100% justifiée. C’est Mistral qui l’a suggérée à von Wartburg.  Un visiteur m’a signalé une correspondance entre Mistral et Ludovic Legré à propos de l’origine de tartonraire.  Cette correspondance que vous pouvez consulter ici contient les autres propositions plus ou moins fantaisistes qui ont été proposées depuis le XVIe siècle.

Il faudrait savoir ce que Peiresc veut dire exactement par « une merveilleuse opération tant par le haut que par le bas »  pour pouvoir expliquer le lien sémantique entre « vaciller » et l’effet  de la tartonraira  sur les mariniers marseillais. Michel Chauvet (Plantuse) m’explique « son sens est clair quand on lit Cazin : c’est un purgatif violent, qui purge par le haut et par le bas ! »

Voici les autres attestations de tartonraire  dans le volume des mots d’origine inconnue du FEW:

Vous constatez que le premier  lexicographe à le mentionner est l’Anglais Cotgrave, un excellent connaisseur de l’occitan.  Les autres dictionnaires l’ont simplement copié.

Le dernier est Pierre Larousse:

TARTONRAIRE s!’ in. (tar-ton-rè-re). Bot.
Nom Vulgaire d’un arbrisseau du ‘genre
dàphne.  On dit aussi TÀRTONAIRE.

 

 

 Le deuxième partie de cette fiche se trouve dans l’article aliboufier « styrax officinalis ».

_______________________________________________

 

  1. Un  article intéressant sur Clusius, médecin et botaniste, un des plus fameux du XVIe siècle,  dans Wikipedia

Boulechou

Boulechou « filet de pêche utilisé sur l’étang (sc. de Thau), tiré par deux nacelles » (Covès). Alibert boleg, bolieg « boulier (filet de pêche); pêche à la traîne. Dérivé bolejon « filet de pêche à mailles étroites ». Catalan bolitx.  Bouletchou  vient du grec  βολος (bolos) emprunté par les Romains  > latin bolus « coup de filet ». Une vidéo sur la pêche au bouletchou. à Mèze.

Le boulechou [boulétchou] qui s’appelle ailleurs boulié, bouliech (Mistral) et en ancien occitan bolech (Levy) a subi une métamorphose en passant au français pour devenir un »boulier« .

  

Pourtant le boulechou « boulier »  n’a rien à voir avec la pétanque.

L’histoire de ce mot est assez amusante et montre l’ignorance des Français de la langue occitane. En occitan existe le mot bòu « coup de filet; produit d’une pêche par bateau; poste que doit occuper un pêcheur pour ne point endommager les filets des autres ». Mistral donne les formes bòu, vol et bol pour le languedocien. Tira lou bòu « lever le filet ». L’étymologie de ce mot est le latin bolus « coup de filet » ou directement le grec βολος .

Mais il y a un autre bòu ou buou en occitan. Il faut dire que ce bòu venant du latin bovem « boeuf », est plus  connu  et les francophones ont confondu bolus > bòu « coup de filet » et bovem > bòu « boeuf » de sorte que nous trouvons dans le TLF s.v. boeuf « Bateau-bœuf, chalut-bœuf.  Le chalut-bœuf est un filet tiré par deux bateaux opérant comme une paire de bœufs traînant une charrue«  (A. BOYER, Les Pêches mar., 1967, p. 54). »  Cette explication de A.Boyer est erronnée bien sûr. Il s’agit d’une forme d’explication qu’on appelle étymologie populaire, mais l’image est tellement forte qu’on a appelé le même type de filet tiré par un seul bateau une vache.(Je n’ai pas encore retrouvé l’attestation). Voir pour une histoire analogue l’article ser volant.

une vache

D’après le TLF le boulechou s’appelle en français la « dreige », le « gangui », la « drague » ou « chalut » (…) et est constitué par une poche conique ou quadrangulaire fabriquée en filet, qui est traînée sur le fond, l’ouverture béante (BOYER, Pêches mar., 1967, p. 53).


Mon texte et l’image ci-dessus viennent de Henri de la Blanchère, La pêche et les poissons. Paris 1868. Vous voyez qu’en 1830, bien avant les décrets de Bruxelles, il y avait déjà une réglementation très stricte concernant la pêche avec lou boulechou.

Le contrôle n’a pas été assez sévère, puisque de nos jours le Chalut pélagique ou le boulouchou ou boulier ou gangui est un piège à cétacés. Prises accessoires de cétacés, une menace pour la biodiversité.La flotte française de chalutiers pélagiques est, de loin, la plus importante d’Europe. Voir le site de  Greenpeace pour plus d’information.

Le mot français boulier « long filet à poche traîné par bateau le long des côtes ou tendu aux embouchures des étangs salés » est un emprunt à l’occitan. Le dictionnaire de Bescherelle de 1845 hésite entre différentes graphies : boulier, boulièche, boullière, bouillette, bouliche, boulèch. Voir à ce propos le TLFboulier.

Le fils de Raymond Jourdan de Montagnac  m’a envoyé en commentaire :

Bonjour,
dans ses souvenirs, mon père évoque un bateau, au Grau d’Agde, qu’il appelle « mourré dé porc »(bateau à l’étrave camarde) qui servait pour la pêche avec un filet tiré par deux bateaux appelés en français bateaux-boeufs.
Dans Mistral (page 1078), je trouve à l’article VACO, BACO, BAQUE, VACHO la définition suivante :
« faire la vaco » : se dit d’une tartane qui traîne un filet de pêche, par opposition à « faire lou buou », qui se dit de deux tartanes qui traînent un filet de conserve.
On retrouve donc la vache et le boeuf comme vocabulaire de la pêche en Méditerranée.

J’aimerais connaître la source de Mistral.  Dans son article boulier, boulietch  il écrit que le bouliech est une méthode de pêche sétoise.

     

La forme  bòu du latin bovis  « boeuf » est très, très rare en occitan, et même  inconnue en languedocien où on dit biou  (Voir le Thesoc).   Bòu, bol signifie « coup de filet » et vient en effet du grec βολος comme il écrit.  A un moment quelqu’un, un estranger ?, a confondu  le bòu  et le biou,  pour rigoler,   ce qui a abouti au chalut-boeuf, et la vache.   Faire un bòu blanc « ne rien prendre »  (Mistral).  

 

 

 

Trule

Trule  s.m. 1. viscère; 2. boyau; 3. boudin; trulet (1) s m. boudin; trulet (2), truleta  « enfant ventru ». (Panoccitan); trullé « homme ventru » (S); trunle « boudin; homme gros, goinfre » (Die); trular « avaler avec précipitation des quantités énormes de liquide » (Queyras); estrular « faire des efforts ou porter des coups au ventre au point de faire sortir les boyaux »; plusieurs dérivés dans le dép. des Hautes Alpes, comme estrulà « éventré, égorgé, dont les boyaux sortent ». Les attestations sont limitées à l’Est du domaine occitan, jusqu’au Rhône, plus une à Alès. La première date de 1411 d’un texte des Alpes maritimes.

Cette famille de mots est d’origine inconnue (FEW XXI, 470) (si vous avez une idée ??) et aucun des informateurs des Atlas linguistiques ne donne une forme qui y ressemble. (Thesoc).

Pourtant Google me donne « La trulle est une variante niçoise du traditionnel boudin noir. Il reprend un des ingrédients de base de la cuisine niçoise à savoir la blette. La farce est additionnée de blette et de riz. Elle se mange chaude ou froide. » Wikipedia. Une recette de La trulle niçoise. Le plus intéressant linguistiquement parlant  est  le trulet als cebas attesté à Montauban, dans le Tarn et Garonne,   D’après le site http://lavieillechouette.com/, bourré de bonnes recettes et d’expressions locales, trulet  signifie « boyau » et « boudin » dans cette région. Comme ce site est en pleine transformation, j’ai imprimé la page en PDF concernant les différents types de trulet, que vous pouvez consulter ici: trulet_Montauban , qui fait partie des CARNETS DE LA « VIEILLE CHOUETTE », plus spécialement de Lou darriér viatge de Mossiur lou Tessou.

trulle niçoise

Paradelle "oseille des champs"

Paradelle  « oseille des champs, rumex des prés » Un visiteur m’écrit:

 je me souviens aussi qu’ils (les gens de Brive-la-Gaillarde) appelaient les Rumex dans les prés padarelles ou paradelles. Quand j’ai demandé si c’était l’un ou l’autre, on m’a répondu : c’est pareil…

En français cette plante s’appelait autrefois  parelle « Plante fort commune, & qui croît par-tout dans les terres incultes. Ses feuilles ressemblent à celles de l’oseille, mais elles sont plus longues. Sa racine est grosse comme le doigt, jaune & d’un goût amer. On l’emploie contre la jaunisse, le scorbut, & les maladies de la peau.  »  Ce nom a disparu depuis le XVIIIe siècle.  La définition donnée ici vient de la 4e édition du Dictionnaire de l’Académie française (1762) s.v. patience vers lequel il renvoie sous parelle.

Etymologie. Une première attestation date du Xe siècle et se trouve  dans un glossaire qui explique des mots difficiles  1: lapacinum parada. Lapacinum  est une sorte d’oseille. Dans mon dictionnaire latin est mentionné lapathium « patience, sorte d’oseille’ et lapathum  du grec λαπαθον de λαπαζειν « relâcher le ventre »; le lapathum « patience »  est un remède pour les estomacs fatigués.  J’en parle parce que d’après une recette de grand-mère  les paradelles ont des propriétés purgatives et reminéralisantes.  Le TLF écrit s.v. patience « Plante voisine de l’oseille (rumex vulgaris) utilisée pour ses propriétés toniques et dépuratives. » D’autres patiences sont utilisées dans l’homéopathie et la phytothérapie.  Ces connaissances nous viennent de loin! Le sens du mot grec le prouve.  Dans une note le FEW cite le médecin italien Matteo Silvatico (1285-1342) qui dans son Opus Pandectarum Medicinae décrit entre autres les bienfaits du lapathiumLe fait qu’il écrit lapatium … vel parella prouverait que  Matteo Silvatico  est passé par l’Université de Montpellier parce que le mot parella  est inconnu en Italie.   J’ai cherché (longtemps) le texte de Silvatico et je l’ai trouvé! Je suis toujours émerveillé par les vérifications qu’on peut faire grâce à Internet.  Ici vous trouverez la page de  Silvatico_parella de l’édition de 1526. C’est la chapître ccclxxvii (337).

Michel Prodel, spécialiste de la toponymie de la Corrèze,  s m’envoie le complément  que voici:

« On peut également consulter Macer Floridus « des vertus des plantes » – de viribus herbarum ; Chapitre LXIII ; « Herba solet lapathi volgo paratella vocari, «Le lapathum est appelé communément parelle ».« Herba solet lapathi volgo paratella vocari, «Le lapathum est appelé communément parelle ».v Disponible sur : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/floridus/plantes.htm

Le jardin botanique de Matteo Silvatico

A partir de parada  a été formé  un dérivé *paratella qui n’est pas attesté en latin classique, mais  il se trouve  dans des textes en latin médiéval dès le XIIIe siècle.   Le type paradelle  est répandu dans tout le domaine d’oïl, dans l’ouest de l’occitan,  en catalan paradella, panadella  et dans des parlers flamands néerlandais  pardelle.

Les formes occitanes sont assez disparates: paradelo, panadelo (Castres), porodèlo, poryèlo, padriel, et même un pornozyélo  à Meyronne (Lot). Les habitants de Brive-la-Gaillarde avaient donc raison. Le  Thesoc ne  connaît pas le type paradelle,  mais atteste une   forme sanadelles qui a dû naître grâce à l’emploi de la plante dans la médecine populaire.

Les variétés de rumex  désignées par le type paratella   sont en général celles qui,  hâchées et cuites, servaient  comme aliments pour les animaux.  Ce qui ne se fait plus du tout.  La plante pose plutôt de gros problèmes.

Michel Prodel,

____________________________________

  1. Le vol.3 du Corpus Glossariorum Latinorum publié par Georg Götz; Leipzig 1888-1901,  est consultable sur Internet Archiv

Bouler ‘mesurer’

Boulá, bolar, (a)bouler  « mesurer  les coups au jeu de boules ». (Voir René Domergue, Avise, la pétanque!).    A Die bolar « mesurer la distance entre les palets et boules » Schook, bolaire « but, cochonnet (pétanque) »  Schook.  boulá « mesurer la distance entre les boules et le but » (Schook, Trièves).

 

Dans le Midi la racine, probablement celtique, est  *botina L’étymologie de boulà, bolar mériterait des recherches approfondies1  *Botila  est attestée comme bodula dans des textes en latin médiéval de Toulouse et du Limousin. Plusieurs pages avec les variantes dans Ducange , dont:

En ancien occitan existaient existaient : borna, boina, bozola, bodne et bola.Ce dernier surtout en Auvergne. Bola  « borne » est attesté chez Borel en 1655.

Mistral nous fournit toute une série de formes des différentes langues d’oc:

En occitan moderne nous retrouvons les mêmes variantes  d’après les données très incomplètes du  Thesoc : boina* CORREZE, CREUSE DORDOGNE, HAUTE-VIENNE. bòla ALLIER, CORREZE  LOT-ET-GARONNE, PUY-DE-DOME. bolièra TARN-ET-GARONNE. bosòla TARN-ET-GARONNE

et le dérivé  « borner » : boinar* CREUSE, HAUTE-VIENNE. bolar CORREZE, PUY-DE-DOME. bornar CORREZE, CREUSE
DORDOGNE, HAUTE-VIENNE, PUY-DE-DOME. botar CORREZE.

Une  racine gauloise   *bodina a été reconstruite à partir du vieux irlandais buden,buiden « troupe, groupe armée », et le gallois  byddin.  Il reste le problème sémantique; on voit mal  le sens « troupe, armée » passer à « borne ».  Il y a d’autres racines celtiques qui sont phonétiquement proches  comme boduo « combat » et bodio « jaune, brun », mais  le passage au sens « borne, limite » n’est pas non plus facile à expliquer.

_______________________________

  1. Nous le trouvons  dans le  FEW , une fois dans l’article bulla  « bulle, petite boule »,  et ensuite  dans l’article  *botina  « borne » où il cite l’abbé de Sauvages (S1)  boulejha ou voulejha « être limitrophe, être contigu, se toucher ».  D’après J.-P. Chambon il faut corriger : Die boular   de  bulla  I, 611a vers  botina  I, 466a(1. TrLiPhi n° 664).

Metge, mege ‘médecin’

Metge « médecin ; guérisseur, rebouteux » mege (Camargue) est la forme régulière du latin medicus. FEW VI/1,604.  Le Donatz proensal traduit mezinar « medicinam dare »  donner des médicaments.

Le mot actuel medecin , dérivé de medicina n’apparaît en ancien occitan et en ancien français qu’au xve siècle quand le médecin devient quelqu’un qui a un statut scientifique et social. C’est à partir de cette époque  que le mot metge  prend le sens de « guérisseur, charlatan » ou « vétérinaire », mais pas partout.  En 1451 le conseil municipal d’Apt  décide de résoudre le problème de la désertification médicale ainsi:

(Extrait de l’article de F.Sauve, Les Services publics communaux et les abonnements en nature au Moyen Age dans la région Aptésienne.  Annales de la Société d’Etudes provençales 5 (1908). Aix-en-Provence. )pp.1-22;89-110.

 Encore plus savant que le médecin est le docteur qui a le droit d’enseigner, ou qui a soutenu une thèse. Tout médecin n’est donc pas docteur. Attention avec le mot doctor en anglais. Le verbe to doctor signifie « falsifier, bricoler, trafiquer, bidouiller » en slang. Ce n’est pas très éloigné de notre mege. En Angleterre doctor a dog veut dire « castrer un chien »!

charlatan

On reconnaît un médecin au stéthoscope.;;;;

Une amie me signale qu’en Provence il y avait lou mégé  de l’estélan « le médecin des étoiles »   .   L’  Estelan est le « ciel étoilé » d’après Mistral. Estelan est un dérivé rare de stella « étoile ». Voir FEW XII,253b en haut de la page.

En ancien wallon est attestée l’expression celestis mede avec le sens « Dieu ».  S’agit-il du même emploi au figuré?

Trenco, trinca ‘pioche’

Trinquo forta, trinca forta (Raymond Jourdan, Montagnac) « pioche ouverte à angle de 75° à 85°, pesant 2 à 4 kg. 

ArpaRJourdan

Etymologie :  voir FEW XIII/2, 278a  *trincare « diviser en trois » . Aveyron trinqua « biner une terre » A la page suivante du FEW un grand nombre d’attestations surtout de l’occitan de trenca « pioche, houe » etc. principalement dans le domaine languedocien.  Voir aussi le Thesoc s.v. houe

Lisez l’article arpa de rompuda sur le travail pénible du défoncement d’une vigne avant 1914.

Tranchée, anglais trenche.

Lisez l’article consacré à la Grande Guerre dans le New York Times.

Mèlsa

Mèlsa s.f. « rate » organe lymphoïde situé dans l’hypocondre gauche. Les Romains appellaient la rate splen, mot qu’ils avaient emprunté aux Grecs et qui a donné en français spleen « État affectif, plus ou moins durable, de mélancolie sans cause apparente et pouvant aller de l’ennui, la tristesse vague au dégoût de l’existence ». Spleen a éte emprunté au milieu du 18e siècle à l’anglais, qui l’avait emprunté à l’ancien français esplen « rate ».  Au moyen âge la rate était considérée comme le siège de la mélancholie. (TLF). Voir aussi hypocondriaque dérivé de hypocondre « Chacune des parties latérales de l’abdomen, situées sous le bord inférieur des côtes, de part et d’autre de l’épigastre » (TLF)

Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits

.suite….

Charles BAUDELAIRE

Le nom latin splen a abouti à esplen en ancien français (voir Godefroy) et ‘a été conservé en sarde et en rétoroman. Ailleurs dans la Romania il a été remplacé par un représentant du germanique miltia, néerlandais milt, allemand milz, en moyen anglais mylthe. Italien milza, catalan et occitan melsa.

Pour l’occitan les données du Thesoc sont loin d’être complètes, mais elles montrent que dans les départements de ouest de l’occitan nous trouvons les deux mots rata et melsa pour « rate du porc ». Le type mèlsa domine dans un grande partie de l’occitan, à l’exception de l’auvergnat et du périgourdin, en fancoprovençal, en franc-comtois, en lorrain et en wallon. Là où le mot plus ancien rata ou son dérivé ratella s’est maintenu, le type melsa désigne la rate des animaux de boucherie. Il n’est pas improbable que le prestige de la langue nationale à contribué à cette évolution, comparable à celle du metge qui de « médecin » est devenu « vétérinaire ». Voir metge.

L’étymologie de rata ou ratella est inconnue. Le rattachement au néerlandais raat « rayon » dans honingraat « rayon de miel » (FEW XVI, 673) semble très douteux. Un type germanique (h)rata avec le sens « rayon de miel » est déjà attesté dans les Gloses de Reichenau comme explication du latin favum : « favum frata mellis » (Source). Ce type germanique a abouti régulièrement à rée « rayon » en ancien français (Gdf). Rate serait donc un emprunt récent, mais le germanique rata ne signifie nulle part « rate ».

Troublant est la définition de Uno mèusso de porc « une raie de cochon » par Mistral. Quelle est sa source? Ou s’agit d’une faute de frappe?? rate > raie.
Il reste d’autres mystères à élucider. Pourquoi et comment le mot germanique a-t-il pu se substituer au mot latin, non pas dans le domaine d’oïl, mais dans le domaine d’oc? La première attestation en ancien occitan date du XIVe siècle, une période où les Gothes avaient disparu depuis longtemps. Comment expliquer la forme meufo qu’on trouve en francoprovençal mais aussi à Marseille?

Melsat  » espèce de gros saucisson fait avec de la viande de porc, de la mie de pain, des oeufs, des assaisonnements nécessaires »(Sauvages S2) est dérivé de melsa.

Luchet, luquet

Luchet, lutsè, litsè, likè « bêche » (départements . 07, 11, 30, 34, et 84  d’après le Thesoc). Première attestation dans Du Cange : Luquet, in Inventar, ann. 1449. ex Tabul. D. Venciæ : Unum Luquet de metallis. Lucet. vero ligonem, vulgo Pioche, sonat in Lit. remiss. ann. 1394. ex [] Reg. 146. Chartoph. reg. ch. 353 : Un oustil à pionnier, nommé Lucet... Icellui varlet hauça ledit Lucet et voult férir le suppliant. (Lien vers Gallica).

Le FEW XVI, 484 rattache la forme occitane à l’étymon *lotja, qui a donné français louche, louchet(cf. TLF louchet), mais il n’y a pas d’explication pour le -ü- occitan.

Il semble que français louche est emprunté au néerlandais loet « outil pour puiser; racler », moyen néerlandais lote « rateau ». Le problème est que les attestations anciennes du type louche ne se trouvent que dans le Nord de la langue d’oïl : picard, normand, wallon. A la même famille appartient à mon avis :
Luquet « loquet » Dans les langues germaniques il y a souvent des alternances vocaliques appelées « Ablaut », par ex. en allemand moderne ou<>ü dans Buch « livre » Bücher « livres ». Il semble que la racine *lotja a donné une forme loc, loch « trou » d’un coté et avec alternance vocalique lüka « ouverture dans un mur ». Par la suite lüka a pris le sens de « panel mobile devant l’ouverture dans un mur » > « volet ». En néerlandais nous trouvons les deux formes : loket « guichet » et luik « volet » et luiken « fermer » participe passé geloken « fermé ».
Mais en languedocien le verbe gotique *-lukan a gardé le sens de  » faire des trous (dans la terre) » > » bêcher » et que lou luquet « bêche » est l’outil. Ailleurs dans une zone beaucoup plus étendue occitane et franco-provençale, luquet avait pris le sens « loquet », (attestée depuis la moitié du 14e siècle à Agen Carcassonne, Arles), à partir du sens « volet ».  Un « volet » sert à fermer le trou dans un mur.
Un emprunt au néerlandais par l’occitan me semble peu probable. Le problème qui reste est le fait que les premières attestations de ces mots sont relativement récentes.
Remarque : Le Thesoc rattache Lafitte-sur-Lot (dep.47), Puynormand et Velines (33) au type français loquet, mais les formes présentent bien un -ü-.

Loupe triplet 20x

PB-5033_web

Mats, mait, meit "pétrin"

Mats, mait, meit « pétrin » nous vient du grec  μαγις , μαγίδος «pâte, sorte de pain; plateau rond de balance; pétrin», qui était le nom usuel dans le sud de l’Italie, la  Magna Graecia. Ensuite ce nom a gagné Rome et les Romains l’ont latinisé  sous deux formes : magis, magidis et plus simple en  magida.

Grande Grèce         

maït provençal

Dans la région de l’Ile de France et par conséquent en français c’est le type pétrin (< petrinus) qui domine mais en province c’est le type maie de magidem.  Dans les parlers du Nord de la France  le type maie  est concurrencé par  huche (< hutica ) et par  arche (< arca), dans le Midi par les dérivés de pasta  et par mastra en provençal et est-languedocienun autre mot d’origine  grecque : μακτρα « pétrin ».  Cf. le Thesoc s.v. pétrin 1 Vous y verrez e.a. que le type  arche  est aussi présent dans le Sud-ouest (Creuse, Hte-Vienne) et que le type pétrin  a gagné du terrain.

2. Le pétrin, ou « maits à paîtrir », était une pièce essentielle du mobilier paysan, comme en témoignent les inventaires successoraux et les estimations des apports dotaux dans les contrats de mariage. p.1454 note ² dans   L’alimentation paysanne au Gévaudan

A Castres est attesté le composé  raymatch « coupe-pâte dont se sert le boulanger pour détacher la pâte du pétrin ».

Dans le sud-ouest mèi, mèit  s.f. désigne aussi le « support pour tuer le porc, consistant en règle générale, en un pétrin, mais retourné » d’après les dictionnaires locaux.  Dans les Hautes-Pyrénées le dérivé mèitéto sert à la même action, mais il est creusé dans un tronc d’arbre. Si vous avez une photo faites me la parvenir s.v.p.

A ma demande La vieille chouettespécialiste de la cuisine locale et régionale, m’a donné tous les renseignements sur la mèi telle qu’elle est utilisée dans la région de Montauban quand on va « far lou tessou ». Je joins sa description savoureuse en format pdf.  la maie du tessou.  D’après elle la maie  sert à « faire la toilette du tessou« . Pour le saigner on le suspend! Ci-dessous son dessin.

Share

__________________________

  1. La distinction faite par le Thesoc entre le type mag  et le type maid  ne m’est pas claire. Pour les deux formes l’étymon est le même.