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Robert Geuljans le 24 Avr 2015 dans
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Laïer ou layer, fr.régional, laguiar, laïar « fatiguer, ennuyer, barber » fait partie d’une famille de mots que nous trouvons surtout en languedocien avec des attestations à l’ouest, par exemple en Limousin alai « fatigué, harassé, débile » et en Bigorre alayat « affaibli, fatigué, exténué », mais pratiquement pas à l’est du Rhône.
La première attestation a la forme laguiat, participe passé, avec le sens « accablé, souffrant » dans La chanson de la Croisade contre les Albigeois, qui date du début du XIIIe siècle.
La page de titre du manuscrit.
L’abbé de Sauvages le connaît bien: laghia « chagriner » ainsi que le substantif lagui qu’il traduit avec « peine, chagrin, inquiétude, souci ».
J’ai l’impression que les formes avec un -y- se trouvent surtout dans l’ouest langedocien, et les formes avec -gu- dans l’est, mais à Alès la forme est laguià « causer de la peine, donner du chagrin, se tourmenter, s’inquiéter » et ici dans la région nîmoise, j’entends de nos jours layer en français régional comme attesté dans l’Aveyron loya « fatiguer, ennuyer ».
L’abbé de Sauvages donne encore un autre dérivé: alaguia « lasser, ennuyer, déplaire par trop d’importunité » qu’on retrouve jusqu’en Gascogne.
Dans un site consacré à l’occitan de Montpellier, je retrouve également les deux formes:
laguiant (=) ennuyeux
laguiar (=) inquiéter
laguiar (se) (=) s’inquiéter, se démoraliser (syn.: s’alassar, se laiar)
laguiat (=) fatigué, las
laguiós (=) soucieux, tourmenté
laguis (=) soucis
laiant (=) ennuyeux laiar (se) (=) fatiguer (se) (syn.: s’alassar, se laguiar)
laiar, segar la gueta (=) casser les pieds « veses pas que me laias? »; »nos an ja segat la gueta amb aquela istòria »
laiat, -ada (=) épuisé, -ée « enfin, a la lònga, laiada de tant d’esfòrç ».
Au cours des siècles la valeur affective du mot s’est légèrement affaiblie, ce qui est normal. Ecoutez le proverbe de Valleraugue : Lo bigno dis : poudo mi doban qué plouré, fouï mi doban qué bouré, bino mi et agués pa lagui dé bi. « La vigne dit : taille-moi avant que je pleure, laboure-moi avant que je bourgeonne, et n’aie pas peur de manquer de vin ».
N’aies pas lagui « Ne t’inquiète pas » en français régional (Lhubac)
L’étymologie de cette famille de mots est inconnue. L’ancienneté des attestations et l’étendue du territoire languedocien et rouergat dans lequel on le trouve, suggèrent qu’il s’agit d’un mot indigène, mais nous n’avons trouvé aucune racine latine ou autre à laquelle la rattacher.
Un visiteur qui connaît bien les langues celtiques m’envoie les mots celtiques suivants: Gaél. écos. lag, weak (faible, fragile, délicat, médiocre) , Irish lag, Early Irish lac, Middle Irish luice (pl.), Welsh llag, sluggish(léthargique) : *laggo-s, root lag; Latin langueo, English languid; Greek laggázw, slacken (lâcher) , lagarós, thin (mince, maigre) ; English slack (mou), also lag (à la traîne), from Celtic. (MB) (Ce terme paraît bien coller au sens du fr. rég. Layer, ainsi qu’à l’occitan laguiar).
Cette étymologie me semble probable, mais je ne dispose pas des moyens ni des connaissances pour le vérifier.
Plus de formes dans le FEW vol.XXII/1, p.114 s.v. fatigue et vol XXII/1,p.27 s.v. chagrin.