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Mondin ‘Toulousain’

Mondin, Moundin « Toulousain, de Toulouse ».  Etymologie : Raimond « Raimond, comte de Toulouse ».

Un article Ă  l’occasion de la commĂ©morations des  LIBERTATS COMUNALAS 2014 : double page dans le Journal Toulousain : Centrale_JT595

Au XIIe siĂšcle il y avait aussi le raimondene « denier Ă  l’effigie d’un comte de Toulouse ».

sagel ou sceau de Raymond VI

Certains prĂ©noms, dont  Raimond, Ă©taient tellement frĂ©quents qu’ils sont devenus des substantifs.  Dans l’HĂ©rault le ramounet  a pris le « maĂźtre-valet, rĂ©gisseur d’une ferme », sa femme est la ramouneto et sa maison le   ramounetage.  Raymond  Jourdan de Montagnac (1976) donne une dĂ©finition trĂšs prĂ©cise: « Ouvrier habitant la ferme, nourissant les mĂ©sadiers et dirigeant les laboureurs ». Sa femme est la ramounette.

Dans le Bas-Quercy  ce n’est pas pareil, le  ramounet  est « le dĂ©mon », ce qui s’explique peut-ĂȘtre par l’histoire :

 En 1188, Richard, fils d’Henri II, organise une cruelle expĂ©dition dans le Quercy, rafle dix-sept chĂąteaux acquis Ă  la cause toulousaine.

Le roi, Philippe-Auguste riposte en occupant le Bercy et le Bourbonnais. Jusqu’en 1189, les terres quercynoises resteront anglaises.    Le soulĂšvement de la population toulousaine soutenue par les consuls et par Richard conduit Raymond V Ă  accorder plus d’autonomie en signant l’acte du 6 janvier 1189 dans l’église Saint-Pierre-des-Cuisines sous l’autoritĂ© arbitrale de l’évĂȘque Fulcran : le comte reconnaĂźt son Ă©chec, dĂ©savoue ses initiatives pour diviser la population, accepte les conditions de la paix sociale proposĂ©es par les consuls Ă  qui il concĂšde la juridiction criminelle.    Le 26 janvier 1190, Raymond V et Alphonse d’Aragon concluent une nouvelle paix. Un an aprĂšs, le vicomte Roger II Ă©change avec le comte de Toulouse des serments de sĂ©curitĂ© et d’entraide mutuelles.

Raymond V meurt à Nßmes en décembre 1194 et est inhumé à Notre-Dame de Nßmes..( plus dans ce site)

En suivant le lien vous pouvez lire l’acte du 6 janvier 1189 en occitan + traduction. jurament0k .

Ci dessous l’article moundin  de Mistral.

Lien direct vers l’article du FEW. Juste au-dessus il y a l’article Robert, un autre nom trĂšs frĂ©quent.

bĂ«aba ‘croix de Pardieu’

BĂ«aba « abĂ©cĂ© ou la Croix de Pardieu » Ă©crit l’abbĂ© de Sauvages en 1756 dans son Dictionnaire languedocien.  La simple curiositĂ© m’a poussĂ© Ă  chercher le sens de « croix de pardieu ». Comme tout le monde je demande Ă  Google:

croix depardieuGooglequi se moque de moi et  donne Gérard Depardieu et Paul La Croix..

Pourtant MoliĂšre connaissait l’expression ;dans Monsieur de Pouceaugnac  ScĂšne 4, l’apoticaire dit:

croidepardieuMoliĂšreJe continue mes  recherches et sans le Dictionnaire de Pierre Richelet (1680)jz trouve que la  croix de par Dieu est : Alphabet marquĂ© d’une croix au commencement, qu’on donne aux enfants pour apprendre Ă  connoĂźtre les lettres.

 

Registrre duConsistoire GeneĂšve au temps de Calvin TomeV

Croix-Depardieu

Description de cette croix de pardieu:

Croix de Pardieu

Extrait du site expossitions de la BNF: http://expositions.bnf.fr/livres-enfants/arret/03_3.htm

http://expositions.bnf.fr/livres-enfants/arret/03_3.htm

Pour conjurer l’hĂ©ritage paĂŻen, l’apprentissage des lettres doit se faire une Ă©cole de vĂ©ritĂ©, c’est-Ă -dire une initiation Ă  l’ordre sacrĂ© du Verbe, l’Alpha et l’OmĂ©ga, dĂ©but et fin de toutes choses.

« Abécés » manuscrits
Durant le Moyen-Âge, rares sont les enfants alphabĂ©tisĂ©s. Cette Ă©ducation, rĂ©servĂ©e Ă  l’élite, est gĂ©nĂ©ralement assumĂ©e par la mĂšre pour les rudiments. L’enfant s’instruit dans son psautier ou son livre d’heures, qui consacre alors un feuillet Ă  l’alphabet, sous forme de synopsis, de frise ou de jeu de lecture. Mais l’enfant peut aussi possĂ©der son « abĂ©cé » de petit format et richement enluminĂ©. En outre, l’Église dispense pour un petit nombre un enseignement gratuit qui forme de futurs clercs, avant de s’ouvrir au monde laĂŻc au XIIIe siĂšcle. Les abĂ©cĂ©daires scolaires, plus modestes, sont calligraphiĂ©s en grosses lettres rehaussĂ©es de rouge.
Tous dĂ©butent par une croix qui rappelle aux enfants qu’il faut se signer et dire « croix de par Dieu » avant de lire l’alphabet. L’apprentissage des lettres se fait en six jours, comme les six jours de la CrĂ©ation. Suivent les priĂšres, parfois quelques fragments de la GenĂšse. Les textes en latin doivent ĂȘtre sus « par cƓur » pur s’ancrer profondĂ©ment dans l’ñme de l’enfant et l’informer.

« Abécés » manuscrits
Durant le Moyen-Âge, rares sont les enfants alphabĂ©tisĂ©s. Cette Ă©ducation, rĂ©servĂ©e Ă  l’élite, est gĂ©nĂ©ralement assumĂ©e par la mĂšre pour les rudiments. L’enfant s’instruit dans son psautier ou son livre d’heures, qui consacre alors un feuillet Ă  l’alphabet, sous forme de synopsis, de frise ou de jeu de lecture. Mais l’enfant peut aussi possĂ©der son « abĂ©cé » de petit format et richement enluminĂ©. En outre, l’Église dispense pour un petit nombre un enseignement gratuit qui forme de futurs clercs, avant de s’ouvrir au monde laĂŻc au XIIIe siĂšcle. Les abĂ©cĂ©daires scolaires, plus modestes, sont calligraphiĂ©s en grosses lettres rehaussĂ©es de rouge.
Tous dĂ©butent par une croix qui rappelle aux enfants qu’il faut se signer et dire « croix de par Dieu » avant de lire l’alphabet. L’apprentissage des lettres se fait en six jours, comme les six jours de la CrĂ©ation. Suivent les priĂšres, parfois quelques fragments de la GenĂšse. Les textes en latin doivent ĂȘtre sus « par cƓur » pur s’ancrer profondĂ©ment dans l’ñme de l’enfant et l’informer.

ABC imprimés
À partir du XVIe siĂšcle, la RĂ©forme puis la Contre-RĂ©forme s’appuient sur l’invention de l’imprimerie pour lancer de vastes campagnes d’alphabĂ©tisation.
Des livrets de huit Ă  seize pages, bon marchĂ© mais peu soignĂ©s, sont publiĂ©s en grand nombre par les Ă©diteurs provinciaux et diffusĂ©s par colportage auprĂšs des Ă©coles paroissiales. Ils prennent le nom de « Croix Depardieu » car leur conception s’inspire directement des abĂ©cĂ©daires mĂ©diĂ©vaux. L’alphabet peut ĂȘtre moralisĂ© : Ă  chaque lettre est alors associĂ©e une vertu chrĂ©tienne. AprĂšs une Ă©ventuelle table syllabique suivent les priĂšres majeures, les psaumes de pĂ©nitence, les commandements et parfois un petit catĂ©chisme. La multiplication des ordres enseignants au cours des XVIIe et XVIIIe siĂšcles et leur solide implantation expliquent que, jusqu’à la fin du XIXe siĂšcle, l’État ait fait appel Ă  eux pour assurer en partie l’instruction publique.
La « Croix Depardieu » s’est ainsi perpĂ©tuĂ©e, n’innovant que par le dĂ©veloppement du syllabaire (table, mots et textes syllabĂ©s), le recours Ă  des caractĂšres de taille dĂ©croissante, l’usage dominant du français sur le latin. La gravure se cantonne au frontispice. La rĂ©citation reste de mise.

Je me rappelle que j’ai appris l’alphabet Ă  l’aide d’un petit livret avec les lettres, des images et un petit texte. En nĂ©erlandais bien sĂ»r, comme celui-ci:

A_is_eenĂšaapjeL’histoire de ces livrets abĂ©cĂ©daires dans les pays europĂ©ens reflĂšte spĂ©cificitĂ©s de chaque pays. En France , pays laĂŻque, les croix depardieu ont Ă©té  o,terdits aprĂšs 1789.  Avec Wikipedia vous pouvez faire le tous de l’Europe !

 

Cardabella

Cardabella « carline Ă  feuilles d’acanthe » est maintenant la forme la plus connue de cette fleur des rĂ©gions sĂšches du Midi, grĂące aux paysans militants du Larzac, qui ont appelĂ© leur association la Cardabella.

 

Cardabello est le composĂ© de carduus « chardon, artichaut » et bellus « joli, gracieux » en latin classique. Vous allez me dire, une histoire peu intĂ©ressante. Pourtant elle montre que la dĂ©marche du FEW c’est-Ă -dire de partir de l’Ă©tymon, Ă©claire autrement l’histoire des mots.

dipsacus sativa

Vers le IVe siĂšcle latin classique carduus a abouti dans la langue parlĂ©e Ă  deux formes: cardus, -i et cardo, -onis. La premiĂšre forme cardus se retrouve en italien, catalan, espagnol et portugais cardo « chardon » et en français avec changement de sens carde, occitan carda « planchette garnie de pointes de fil de laiton pour carder la laine ». Cette utilisation ne peut provenir que du fait qu’anciennement on utilisait des chardons pour carder la laine. Plusieurs exemplaires d’une variĂ©te speciale, la dipsacus sativa, liĂ©s ensemble servaient de carde (Weber Karde en allemand, c’est-Ă -dire carde des tisserands, en nĂ©erlandais kaarde) . A partir du moment que carda dĂ©signe l’outil de travail, on utilise l’autre forme, cardone(m) pour nommer la plante. C’est ce qui s’est produit en français chardon et en occitan cardon.

Quand on a remplacĂ© la plante par une planchette, le nom de l’outil et de l’activitĂ© carder est restĂ©.

                                                    

Les formes cardoulo, cardoulho etc. sont dérivés de carduus, comme cardaire « cardeur », Cardonel,cardounilho « chardonneret » sont dérivés de cardone(m).
Le maintien du c+a dans la forme française carde, est certainement dĂ» au fait qu’au Moyen Age l’industrie de la laine Ă©tait particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©e en Picardie et en Flandres oĂč cette forme est rĂ©guliĂšre.

Embonilh, emboriga "nombril"

Embonilh « nombril » est la forme la plus rĂ©pandue d’aprĂšs le Thesoc; emboniga  se trouve dans l’ArdĂšche, le Gard et l’HĂ©rault, et devient emborigo  Ă  Fourques et  Villeneuve d’Avignon, comme  en provençal  de l’autre cĂŽtĂ© du RhĂŽne.

On a bien le sentiment que les formes occitanes ont quelque chose en commun avec le nombril  du français , sans qu’on sache exactement quoi. Eh bien c’est l’Ă©tymologie,  le latin umbiliculus  « nombril ». Il faut dire que la forme du français serait bien mĂ©connaissable pour un Romain. L’extrĂȘme variĂ©tĂ© des formes issues de  umbiliculus provient  Ă  mon avis du fait  qu’il s’agit d’un mot qu’on n’utilise qu’avec des proches ou des enfants. Le nombril  ne joue aucun rĂŽle social ou « sociĂ©tal »  pour parler XXIe siĂšcle. D’autres exemples de ce phĂ©nomĂšne, comme  les noms du sureau,  se trouvent avec le mot clĂ© phonĂ©tique.

Le problĂšme pour les Ă©tymologistes dans des cas analogues est qu’il faut trouver une explication pour chaque forme. Je ne vais pas faire cela, ce serait trop long, mais je vous donne  les formes occitanes. Vous comprendrez aussi pourquoi mon Index Oc  est incomplet!

  • Ancien occitan : ombrilh,  Haute-Garonne  oumbrih
  • Gers, Landes  lumbrilh, lumbrik, lumbris
  • Ancien occitan emborigol, Aix embourigou, Gard  embounigo
  • Ancien occitan  embounilh  (Quercy), embounil   la forme la plus rĂ©pandue.
  • Aveyron  demounil
  • HĂ©rault, Aude etc.  mounil
  • Provençal  embourilh, embouriou

Le nom de certaines plantes  est plus facile à expliquer, surtout si on peut présenter des images:

ambourgueto dans le Var     ambourgueto à Nice

Umbilicus pendulinus ambourgueto  dans le Var.      Une morille comestible  ambourgueto  (?) à Nice.

 

La forme  bedije  « nombril » est surtout attestĂ© dans l’Aude

olva ‘balle; Ă©tincelle’

Olfa, olva,olvas au pluriel signifie « balle de cĂ©rĂ©ales, de blĂ© ou d’avoine ». Le Thesoc donne les attestations des  Atlas linguistiques:  olfa dans ARIEGE, AUDE , olva dans AVEYRON, CANTAL, HAUTE-LOIRE, LOT, LOT-ET-GARONNE, LOZERE, TARN-ET-GARONNE. olvas  dans DORDOGNE, LOT, LOT-ET-G

Ce qui m’a intriguĂ© est le fait que dans plusieurs endroits le mot  signifie « étincelle(s) » mais le Thesoc n’indique pas s’il signifie Ă©galement « balle de blĂ© etc; » dans ces villages. Pour le savoir il faut les comparer  aux donnĂ©es des des articles « étincelles » dans les dĂ©partements ALLIER, ARDECHE, AVEYRON, HAUTE-LOIRE, LOZERE.  et surtout consulter l’article Ć«lwo, Ć«lwa du FEW XIV,16-17.

olva--paille-d-avoine-de-plan-rapproché      olva-Étincelles

L’Ă©tymologie de cette famille de mots nous a Ă©clairĂ©. Il s’agit du mot gaulois Ć«lwo, Ć«lwa « poussiĂšre » qu’on retrouve entre autres dans le breton ulfenn « duvet qui s’Ă©lĂšve du lin, en le peignant ».

En ancien rouergat est attestĂ© olpha avec le sens  « paille d’avoine dont on se servait pour garnir les paillasses et les traversins ». D’aprĂšs le FEW XIV,16-17 le sens « balle » se trouve principalement dans les Alpes de l’Ouest et en languedocien central, mais les attestation du Thesoc montrent que la rĂ©partition gĂ©ographique va jusqu’Ă  la Garonne.

Le sens « étincelles » qui s’est dĂ©veloppĂ© Ă  partir de « cendre, poussiĂšres qui s’Ă©chappent du fer chauffĂ© Ă  blanc »,   est beaucoup plus rĂ©pandu et se retrouve en Gascogne, en franco-provençal et dans le domaine d’oĂŻl.  Le Thesoc ne nous fournit que des attestations dans les dĂ©partements ALLIER, ARDECHE, AVEYRON, HAUTE-LOIRE, LOZERE.  Allez revoir l’article du FEW.

Rudo ‘rue’ plante

Rudo « rue du jardin » (ruta graveolens L.), vient du latin rĆ«ta  mĂȘme sens, peut-ĂȘtre empruntĂ© au grec ρυτη, plus prĂ©cisĂ©ment au PĂ©loponnĂšse.   La rue a jouĂ© un rĂŽle important dans la mĂ©decine de l’AntiquitĂ© et du Moyen Age1 .

La consĂ©quence de cette popularitĂ© a Ă©tĂ© que le nom  rĆ«ta a Ă©tĂ© conservĂ© dans toutes les langues romanes (italien ruta, espagnol ruda) et a Ă©tĂ© empruntĂ© au latin par l’allemand Raute, nĂ©erlandais ruit, et empruntĂ© au galloroman  en anglais rue, basque erua, et  breton ruz.

Dans les Commentaires tres excellens de l’hystoire des plantes, composez premierement en latin par Leonarth Fousch medecin tres renommĂ© :  Paris, 1549 (Gallica)  chapitre 236 (CCXXXVI) vous pouvez lire Ă  quoi servait la rue.

Il  restait encore beaucoup de recettes populaires  à la fin du XIXe siÚcle.  Voir Rolland Flore IV, p.7 et suivantes, dont:

Extrait de la p.8 Roland flore IV,8.

Plus d’informations sur les effets de la rue

C’est grĂące Ă  un membre de la SociĂ©tĂ© des Etudes scientifiques de l’Aude, qui a eu la gentillesse de m’envoyer une photocopie d’un manuscrit de la fin du XIXe siĂšcle sur les Noms patois des plantes dans les environs de Carcassonne  que j’ai pu relever l’effet curieux de la rue que voici:

Dans un site sur les agrumes, l’auteur Ă©crit :

Dans le jardin, la rue est un trĂšs bon compagnon pour le framboisier et les rosiers (eloigne ses principaux parasites). La plupart des chats n’apprĂ©cient pas la rue. Si des chats viennent anĂ©antir vos nepetas (menthe et herbe a chats), plantez une rue Ă  cotĂ©! On peut aussi obtenir une teinture rouge a partir de la plante.

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  1. En tapant je dĂ©rivĂ© « rutine » dans mon moteur de recherche, je vois que c’est toujours le cas.

Blette

N’ayant jamais vu la blette avant de m’installer dans les CĂ©vennes, j’ai cru qu’il s’agissait d’un lĂ©gume  mĂ©ridional et d’un nom occitan. On me disait  blette, bette  c’est pareil.  Mais Wikipedia a Ă©clairĂ© ma lanterne, et le

 

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

beta vulgaris L. subsp.vulgaris

le TLF s.v. blette  donne la description que voici:

Ac. 1798 et 1932 donnent la forme blette (cf. aussi LittrĂ©, Rob. qui renvoie Ă  bette). Ac. 1835 et 1878 admettent blette ou blĂšte (cf. aussi Lar. 19e, Nouv. Lar. ill., Pt Lar. 1906, Lar. encyclop., GuĂ©rin 1892, DG et Quillet 1965). Besch. 1845 Ă©crit : ,,blette mieux que blĂšte« . La forme blite se trouve dans Ac. Compl. 1842 (qui renvoie Ă  blette), Besch. 1845 et Lar. 19e(qui la traite comme un synon. de blette). La majoritĂ© des dict. signale que la plante de la famille des chĂ©nopodĂ©es a Ă©galement le nom de Ă©pinard-fraise (cf. par ex. Lar. 19eet LittrĂ©). Elle signale aussi que blĂšte ou blette est le nom que l’on donne dans certains pays Ă  une variĂ©tĂ© de carde ou ,,poirĂ©e qu’on nomme plus souvent carde poirĂ©e«  (Ibid.). Homon. et homogr. Cf. blet. Étymol. et Hist. 1379 (Jean de Brie, Bon Berger, 149 dans T.-L.); 1790 blete ou blite dans Encyclop. mĂ©thod. MĂ©d. Empr. au lat. mĂ©diĂ©v. bleta, forme citĂ©e dans AndrĂ© Bot., attestĂ©e aux ixexies. (Glossae latino-theodiscae, III, 549-50 dans Mittellat. W. s.v., 1507, 68) croisement du lat. bēta « bette, poire » (Pline, Nat., 19, 113 dans TLL s.v., 1942, 45) et blitum de mĂȘme sens (gr. ÎČ Î» Îč ́ τ Îż Îœ) le rapprochement entre les deux mots est trĂšs anc. en lat. (Plaute, Pseud., 815, ibid., 1942, 30); blite serait un empr. dir. au lat. blitum; v. aussi bette.

FEW I, 410 :

FEW blitum

DĂ©jĂ  en latin bēta « beta vulgaris vulgaris » et blitum « amaranthe » sont confondus. Le FEW a rangĂ© dans l »article bēta  « blette » toutes les formes avec –l-    qui dĂ©signent les « bettreraves » ou la « poirĂ©e » comme par exemple l’ancien occitan blet et bleda.   Le maintien du -t- intervocalique  dans les parlers galloromans  n’est pas expliquĂ©.  On a pensĂ© Ă  une origine celtique, mais il n’y a pas  d’attestations.

FEW I,  344    beta « mangold » (= blette).  Lien direct.

La premiĂšre attestation de bled « betterave »  vient de l’ancien occitan. On  trouve blet, blette « betterave, poirĂ©e » surtout dans les parlers de l’Est de la France, de la Meuse jusqu’au  franco-provençal et l’occitan. Pour le sens « amarante, blette »  voir ci-dessus.  Le mot n’est bien attesté  en français que depuis le XVIe siĂšcle. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une influence des parlers occitans ou de ceux de l’est.

Dans de nombreux parlers occitans  la betterave s’appelle la blĂ©tarabo, blĂ©torabbo  (beta rapacea L.). Voir Rolland Flore 9, 142-148

 

 

ravanet, rabet, rafet ‘radis’

Ravanet,rabanet, rabe, rabeta, rabet, rafe, rafet  « radis » vient du latin   raphanus qui l’a empruntĂ© au  grec ÏÎŹÏ†Î±ÎœÎżÏƒ. FEW X,65.

Ce type est vivant dans les langues romanes voisines, comme par exemple ravaneta  en catalan. Il n’est pas impossible que la forme avec -f- vient directement du grec. Les formes avec –f- sont frĂ©quents dans les dialectes du sud de l’Italie, oĂč la langue grecque s’est maintenue jusqu’Ă  nos jours dans certains endroits. Cela me rappelle mon article sur  petas/pedas, une histoire de Grecs et de Romains.

On peut aussi supposer que les moines avaient gardĂ© le nom latin  raphanus pour le radis, qu’ils cultivaient dans les jardins des abbayes et que la forme rafe, rafet a Ă©tĂ© adoptĂ© dans les villages environnants. Ces formes avec  –f- se trouvent dans les parlers de l’Aveyron et la LozĂšre jusqu’aux Landes, mais ell es sont inconnues en provençal. (Voir le FEW et le Thesoc radis).

D’aprĂšs le Thesoc,  le type rafec dĂ©signe le « raifort », mais la forme avec  –c final n’est attestĂ©e que dans un texte albigeois du XVIe siĂšcle; par contre d’autres dĂ©rivĂ©s comme ravanasso ou gascon raflĂ  dĂ©signent bien le raifort.

Le dérivé ravanello désigne souvent le « radis sauvage » ou la « ravenelle, giroflée des jardins »

Un dérivé spécial  ravaniscle « ravanelle » est attesté dans le Gard par Pouzols de Manduel. (Rolland, Flore 2,130)

Cf. Rolland Flore, 2 p.129 ss pour les noms des différentes espÚces de raphanus.
L’ethnobotanique  n’est pas une science simple. Rolland fait les deux remarques que voici:

Tome II, p.69

RollandFl2_69

Tome II, p.129

RollandFl2_129

Français radis « raphanus sativus » est un emprunt Ă  l’italien radice qui date du XVIe siĂšcle, du latin radix  FEW X,27 radix . En ancien et moyen français le radis s’appelait rafle, ravene, rave du latin raphanus.

sinapis arvensis

sinapis arvensis

raifort

raifort

ravanet

ravanet

 

Sarga

Sarga « serge ». L’Ă©tymologie est  la mĂȘme que du mot français serge: serica ou *sarica « tissu en soie » empruntĂ© par les Romains au grec sĂšrikos [1. Le TLF Ă©crit:  Du lat. pop. *sarica (d’oĂč aussi roum. sarica « bure », esp. et a. prov. sarga « serge »), altĂ©r. du lat. class. sērica, fĂ©m. pris subst. de l’adj. sēricus « de soie », lequel est empr. au gr. συρÎčÎșÎżÌÏ‚ de mĂȘme sens, dĂ©rivĂ© de ÎŁÎ·ÌƒÏÎ”Ï‚ « les SĂšres », peuple d’Asie qui produisait de la soie.  TLF. ]  AttestĂ© en LozĂšre sarga  avec un sens gĂ©nĂ©ralisĂ© « drap » (Thesoc).

Mais il y a deux questions.

  • La premiĂšre : d’oĂč vient le mot grec  συρÎčÎșÎżÌÏ‚?  comment le nom d’un tissu trĂšs noble et trĂšs cher a-t-il pu dĂ©gringoler Ă  ce point pour dĂ©signer une « étoffe grossiĂšre dont la chaĂźne est de fil et la trame de laine »; far de sarga veut dire « faire de la mauvaise besogne » d’aprĂšs Alibert. Tous les reprĂ©sentants   de serica  dans les parlers galloromans  ont subi cette dĂ©gradation. On se sert de la sarga pour transporter le foin ou couvrir un cheval.
  • La deuxiĂšme question concerne l’histoire et l’origine du mot soie.  Le TLF Ă©crit:  Du lat. pop. sēta, lat. class. saeta « poil (rude) d’un animal; crins » d’oĂč « tout objet fabriquĂ© en soie ».  Pourquoi le français a-t-il aussi bien le mot soie « soie »  et crĂ©Ă© d’autre part Ă  partir de  serica  le mot « sĂ©riciculture »? 

Pendant ses conquĂȘtes vers l’Asie, Alexandre le Grand 1 , a explorĂ© les routes que mille six cents ans plus tard, Marco Polo appela « la route de la soie ». Pour les Grecs de l’Ă©poque la soie venait  d’un peuple lointain, les SĂšres, qui habitaient la Serica, un pays au delĂ  de la Terra Incognita !  Sur la carte ci-dessous « Scythia et Serica ».

A gauche sur la carte la mer Caspienne.

Ci-dessous : Les   « Routes de la soie ». si- lĂč ( n.) en pidgin

Depuis quelques annĂ©es les savants savent que les SĂšres sont les  « Tokhariens », c’est-Ă -dire les authentiques Ars’i-Kuci et que le pays des SĂšres est l’actuel Sin Kiang Pour en savoir plus! .

                  
            Sin-Kiang actuel                                             en pidgin si « soie ».

Il semble que le mot grec sÚrikos ou surikos est un dérivé du mot chinois si.

L’anglais silk a peut-ĂȘtre la mĂȘme origine, mais le mot a fait un autre voyage. Dans le site Etymonline l’ auteur cite les formes Manchourian sirghe, Mongolien sirkek.  Les mĂȘmes formes sont donnĂ©es dans  dans le  Saga book of the Viking Society for Northern Research : 

 Sagabook of Vikingclub 7

La forme balto-slave shelku ou silkai est passĂ© en anglais par les relations commerciales et peut reflĂ©ter une forme dialectale chinoise.  Cela veut dire que l’importation de la soie  dans le Nord de l’Europe est passĂ©e par l’ Est de l’Europe.  Mais les critĂšres linguistiques ne permettent pas de dĂ©terminer le chemin par oĂč le  silk est arrivĂ© chez les Vikings  Il est Ă©galement possible que le mot   silk  est une altĂ©ration slave de la forme grecque, introduit par les marchands arabes dans l’Est de l’Europe.  Pour en savoir plus cliquez sur les miniatures.

  

 

Le mot sĂ©riciculture a gagnĂ© la bataille et ne s’est imposĂ© qu’au XIXe siĂšcle. Voir mon article magnan.

  1. IVe siĂšcle avant J.C.

Tapenade

Sans cĂąpres pas de tapenade!

tapenade(Wikipedia)

Cette prĂ©paration traditionnelle servie en hors d’Ɠuvre est trĂšs Ă  la mode. On la retrouve de plus en plus souvent sur le buffet des rĂ©ceptions, des plus simples aux plus mondaines. Beaucoup de recettes sur le Web.

Le mot tapenade est dĂ©rivĂ© de l’occitan tĂ pera « cĂąpre ». Le cĂąprier  est un arbuste Ă©pineux du  bassin mĂ©diterranĂ©en originaire de l’Orient.  Il semble que  les Romains s’en servaient dĂ©jĂ , puisqu’ils  ont empruntĂ© le mot capparis au grec.  Mais  l’utilisation des cĂąpres comme condiment a dĂ» se perdre  au dĂ©but du moyen Ăąge puisqu’on ne retrouve le mot  dans sa forme indigĂšne dans aucune des langues romanes (en français cela aurait dĂ» donner quelque chose  comme  * chapre ).

La cĂąpre n’est pas un fruit mais le bouton floral du cĂąprier cueilli tĂŽt le matin avant que les fleurs ne s’ouvrent, confit dans l’huile, le vinaigre ou  la saumure .Les boutons floraux de moins de 1.5 cm sont appelĂ©s « nonpareilles » ou « surfines» , les plus grands « capucines » ou «communes ». Le fruit, appelĂ© cornichon de cĂąpre, plus gros, est rarement utilisĂ© car son goĂ»t est trĂšs fort .(Si vous voulez tout, vraiment tout savoir sur les cĂąpres et une centaine d’autres Ă©pices et condiments, demandez Ă  votre moteur de recherche de trouver « Gernot Katzer’s Spice Pages ». Impressionnant . Deux photos tirĂ©s de ce site.

   

           Les premiĂšres attestations en français du mot caspre  datent du XVe siĂšcle, empruntĂ© Ă  l’italien : cappari.  La graphie hĂ©site entre  caspe, caspre  et enfin cĂąpre depuis  la fin du XVIIe siĂšcle. Dans la pĂ©ninsule ibĂ©rique ce sont les Arabes qui ont rĂ©introduit la cĂąpre : en espagnol et en portugais alcaparra est issu de l’arabe kabbar  qui  vient Ă©galement du grec. Presque toutes les langues europĂ©ennes ont un reprĂ©sentant du mot grec pour dĂ©signer les cĂąpres, par exemple allemand Kapern, nĂ©erlandais kapper ou le diminutif kappertjes, estonien torkay kappar etc. Le site de Gernot Katzer fournit le nom en 57 langues dont le Provençal.

Mais il y a une exception : en occitan nous avons une forme tĂ pena avec un t– au  lieu du c– initial ce qui n’est pas expliquĂ©. On la trouve dĂ©jĂ  en ancien provençal   tapera  et en provençal moderne tapeno ou languedocien tĂ pero. Larousse 1874 donne fr. tapĂšne comme mot du Midi pour « cĂąpres ». La forme avec t– initial se retrouve dans l’Italie du nord, piemontais : tapari, à  GĂȘnes : tapani, Ă  Menton : tapanu, en corse : tappanu, et en catalan : tapara ou tapera.

Le fait que cette forme est propre Ă  la rĂ©gion  mĂ©diterranĂ©enne, c’est-Ă -dire la rĂ©gion oĂč  cette plante est naturelle, et le fait que ce mot ne se retrouve dans aucune autre langue romane, suggĂšre que  la forme tapera  nous provient d’une langue prĂ©-romane comme le ligure, une langue italo-celtique d’un peuple installĂ© autour de la MĂ©diterranĂ©e et dont nous avons gardĂ© quelques mots  comme calanque et  surtout des noms de lieux qui se terminent par un suffixe en –oscu , –ascu  ou –uscu, comme  Flayosc (83) Aubignosc (04)  Venasque (  ),  Greasque (13), Blausasc (06). (Voir W. von Wartburg, « Evolution et structure de la langue française« . 6e Ă©d. Berne,  Francke,1962).

L’accent circonflexe de cĂąpre n’a aucune raison d’ĂȘtre. Peut-ĂȘtre un scribe mĂ©diĂ©val  a rapprochĂ© cĂąpre de l’adjectif Ăąpre  oĂč l’accent circonflexe reprĂ©sente Ă  juste titre le s du latin asper. Une idĂ©e pour la prochaine rĂ©forme d’orthographe?