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Desfata

Desfatà  « effacer » (Valleraugue), cf.fataire.

Fataire

Fataire “chiffonnier”


Gargalhau, crida deforo:
« Pelharot, ferre vielh,
Pel de lebre, pel de lapin »

Rouquier2, p.10

vient du gotique et burgond fatt-. Il existe encore en néerlandais: vod «  chiffon » et en allemand Fetze « chiffon » et le verbe fetzen « déchirer en chiffons » qui d’après le Dictionnaire des frères Grimm viennent d’un ancien fat. Le mot burgond se retrouve en franco-provençal fato « sac, pochette », en suisse-allemand et en alsacien fëtze. Espagnol hato « vêtements », et portugais fato , basque atu « bagages, meubles » appartiennent à la même famille..

Fataire  et sa racine fato « chiffon, guenille ; linge à panser une plaie » (S) se trouve surtout dans une zone qui comprend le Gard, l’Ardèche et le Velay. A Manduel ‘lavette’ a été traduite avec fata (Thesoc). Le languedocien est particulièrement riche en dérivés : fatá v.a. « envelopper d’un linge ; étouper une futaille qui fuit » (S), fatéto « petit chiffon, pécule d’une femme » ; Nîmes esfata « défricher » ; esfataire « celui qui déchire ; défriche » Valleraugue defata v.a. « effacer ».
(Je suis le FEW qui maintient l’étymologie proposé par Brüch (Z 38,1917,p634), contre Corominas (2.888) qui propose une origine arabe.)

Descaucelar

Descaucelar « niveler le terrain après le passage de la charrue; déchausser la vigne » (Lhubac). Cette dérivation du latin calceare « chausser », (de- ou ex- +) calceare + ellu + are est limité au ouest-languedocien, les dép. de l’Aude et de l’Hérault et quelques attestations dans le Cahors et à Agen. Il semble bien vivant dans le français régional de la moyenne vallée de l’Hérault, vu le témoignage de Gilbert Lhubac, qui cite en plus l’ escaucel  » l’outil qui sert à déchausser les pieds de vigne ». Cf. le commentaire.

 

………….………….

……………………..…….. descaucelar d’après Diderot …….………………Lequel est l’escaucel?

Desbrando

Desbrando se v.r. « se regimbe »  cf.brandado

Deneiròla

Deneiròla « tirelire » est dérivé du latin classique denarius « denier » une pièce en argent des Romains qui valait 10 as. Wikipedia : Le denarius est aussi la monnaie à l’origine du dinar, encore utilisé aujourd’hui en Serbie depuis 1920 et dans de nombreux pays du Maghreb et du Moyen-Orient.

denarius
denarius

Degun

Degun, negun « aucun, personne ». Pour dire « non » ou « ne…pas » les Romains utlisaient le mot non avec un –o- long. Par exemple: bella est? Non! « Est-elle belle? Non!. » Mais aussi dans des phrases comme Non bella est « Elle n’est pas belle. » Dans la vie de tous les jours, ils renforçaient ce non en ajoutant des petits mots, comme vero, minime, mica. etc., ou ils disaient Nec non avec l’accent sur nec. Pour plus d’exemples d’emploi voir Gaffiot en ligne.

Dans une grande partie de la Romania ce nec, neque combiné avec unus « un » a été utilisé comme pronom ou adjectif indéfini négatif : « personne; aucun ». Nous le trouvons en ancien français negun « aucun, personne », catalan negú, degú, dengú, negú, espagnol ninguno et en occitan negun, degun, dengun, etc. En occitan la forme a subi une dissimilation des deux n- et –n : negun > degun. (Ronjat 2, p.376). Ancien français negun « personne » a assez tôt disparu de la langue; il n’y a pas d’attestation dans le DMF. Pourtant nous le retrouvons au sud de la Loire, en Franche-Comté et en Bourgogne. La normand l’a connu aussi et le prêté au breton nikun.

Degun connaît une nouvelle période de gloire dans l’argot parisien et le langage des ados. Une étude sur L’argot dans les chansons de Renaud Séchan donne une liste de mots d’argot utilisés par Renaud d’origine provençale, dont dégun.

L’emploi constant de degun, negun avec un autre mot négatif comme ne, sans a affaibli son sens négatif à tel point que degun l’a carrément perdu dans certains contextes. Par exemple dans un texte de 1366 de Fribourg (Suisse) se nyon porte pesson purrix au marchié ..  » si quelqu’un porte du poisson pourri au marché… ».Un autre exemple se trouve chez Arnaut Vidal de Castelnaudary (1318) qui est l’auteur de Guillaume de la Barre, un roman d’aventures en occitan. Dans sa critique d’une édition par Paul Meyer , A propos du vers Per trabalhar a negun for traduit par « en aucune façon ». C.Chabanau écrit dans son compte-rendu : Je crois que c’est le contraire qu’il faut entendre. On sait que negun n’a pas toujours et nécessairement le sens négatif  » (RLR 40(1897)p.582). Cet emploi de degun, negun avec un sens positif est donc très ancien aussi bien en franco-provençal qu’en occitan. Mais de là à en faire toute une famille de mots comme le fait le dictionnaire Panoccitan me semble une erreur. Aucun des mots suivants n’existe évidemment en dehors de ce dictionnaire et des textes éventuels des pauvres néophytes qui s’y laisseraient prendre : «degun nom m. personne nom f. […] degunal, degunala adj. personnel degunalament adv. individuellement degunalejar verbe / verbe pr. personnaliser degunaletat nom f. personnalité degunament adv. aucunement degunatge nom m.».

(Citation de Jean-Pierre Cavaillé avec qui je suis parfaitement d’accord).

Un visiteur catalan me donne le complément d’information suivant:

je tiens à préciser que en catalan ANCIEN : negú, degú, dengú, negú.
En standard c’;est NINGÚ (et dialectalement negú/nigú/negun, nengú/ningun/nengun, dengú/dengun/DINGÚ(S)(avec S roussillonnais, entre autres)

Visetta

Visetta ou Vizette « escalier tournant extérieur ». Tiré du Compoix de Valleraugue(1625) :

«Maison de Sire Adam CARLE, maison à deux membres en partie crotte 23 cannes 1 pan compris vizette » (tome 1 page 150).(Crotte est une cave voûtée, sur laquelle on trouve à l’étage l’habitation).

L’origine est le latin vitis ‘vigne, sarment, pampre’, plus le suffixe diminutif -itta. Latin vitis est encore vivant dans presque toutes les langues romanes, italien vite, espagnol vid, portugais vide, mais a été remplacé par vinea ‘vigne’ dans une grande partie du galloroman. Vitis a survecu tel quel en rouergat abit ‘cep de vigne’; Millau obise ‘pampre’; au figuré dans l’Aveyron bit ‘cordon ombilical’.

Principalement dans le domaine occitan des dérivés désignent la ‘clématite’, dans le Gard c’est vissano, avissano et rabisano, parce que comme la vigne elle fait deux lianes qui montent en s’enroulant systématiquement à la recherche du moindre support.

sarment                               escalier à vis                          clématite

Partout la vis est la pièce de métal. Limité au galloroman est le sens ‘escalier tournant’, vis en ancien français comme en ancien occitan. Dans les dictionnaires de 1567 jusqu’à Trévoux 1771, la vis saint Gilles est un « escalier qui monte en rampe et dont les marches semblent porter en l’air » d’après le fameux escalier de St Gilles (Gard), appelé ensuite vis  saint Gilles, jusqu’au grand Larousse de 1867 qui écrit : « Escalier à vis dont les marches, soutenues par des voûtes d’une coupe particulière, semblent être suspendues dans les airs. Il en existe un modèle célèbre dans le prieuré de Saint-Gilles, en Languedoc. »


     

« C’est dans l’épaisseur du mur nord de l’ ancien choeur que se trouve la vis. Il s’agit d’un escalier hélicoïdal, datant du XIIème siècle.Il porte une voûte annulaire appareillée à 9 claveaux. Cet assemblage s’appuie sur le noyau central et les murs intérieurement cylindriques, et l’art du tailleur de pierre apparaît dans la double concavité et convexité de chaque voussoir. Elle a été très tôt une oeuvre célèbre, étape des Compagnons Tailleurs de pierre qui vinrent graver leur surnom ou leur devise lors de leur passage. »texte et les 2 photos  tirés du site http://perso.orange.fr/erwan.levourch/stereotomie.htm

Photo que j’ai prise en haut de la  vis  et qui montre bien la structure et le travail des tailleurs de pierre.

Le diminutif viseta, vizeta ‘escalier tournant’ attesté depuis le XVe siècle est limité au provençal et l’est-languedocien. L’attestation du Compoix est intéressante pour la précision de la définition « extérieur » :  la langue s’adapte à l’environnement!


vizette cévenole

Quand j’ai acheté un masà Valleraugue en 1979, il n’y avait pas d’escalier entre le rez-de-chaussée et l’étage et comme estranger ignorant j’ai installé la cuisine/ salle à manger  au rez-de-chaussée, dans la crotte , pour la déménager vers l’étage quelques années plus tard.

      
anglais vise                  neerlandais vijzel d’un moulin

Degra

Degrà « échelon; degré » (Alibert), mais dans le Compoix de Valleraugue, degré signifie « escalier droit » en opposition à lavisette ou vizette qui est un escalier tournant. Dans le site Panoccitan « escalier » est traduit en occitan par escalièr; on dirait un emprunt au français. Eh bien, c’est le contraire! Français escalier qui remplace l’ancien français degré, est attesté depuis 1531 seulement; mais en occitan depuis 1188 (scalerium dans une charte latine de Montpellier) et vient d’un du latin tardif scalarium« escalier », attesté dans des inscriptions.

Ducange

Revenons à notre mouton, degré, degrà en occitan qui est un dérivé du latin gradus qui signifie en latin classique « pas; marche », dérivé du verbe gradior « marcher ». Dans son sens le plus concret gradus a été remplacé par passus dans les langues romanes. Par contre le sens « dégrés d’un temple; d’une église, devant un édifice public » a été conservé en ancien occitan: gra(s) et en occitan moderne graso « degré en pierre, large dalle » (Mistral). Les Romains utilisaient le mot scala pour désigner un « escalier ». Quand à la suite de l’évolution de la construction on sentait le besoin de distinguer le grand escalier en pierre ou en bois de la simple échelle (< scala ), les Français du Centre et de l’Ouest ont choisi le mot degré « marche d’escalier, escalier », tandis que dans l’Est, de la Wallonie jusqu’en franco-provençal nous trouvons gre(s) ou, à partir du pluriel les grés, la forme l’esgré. Le double sens de ces mots prêtait pourtant à confusion. Pour cela on a préféré distinguer la marche de la montée.

Ceci devrait intéresser les architectes parmi mes lecteurs! Le mot escalier a été introduit pendant la première moitié du XVIe siècle. L’architecte Sebastiano Serlio, qui est largement inspiré par Vitruve, un architecte romain qui vécut au Ier siècle av. J.-C, publie I Sette libri dell’architettura de 1537 à 1551; Il est appelé à la cour de France par François Ier, pour la construction du chateau de Fontainebleau. La traduction du Ier livre d’Architecture de Serlio par Jehan Martin apparaît en 1545. (Vous pouvez le consulter sur le web grâce à l’université de Tours, voir aussi Wikipedia).


Je n’ai pas retrouvé le passage mais il semble qu’il utilise le mot escalier pour désigner une grande montée.
D’après le TLF le mot escalier, emprunté à l’occitan où il est toujours bien vivant, apparaît déja en 1531 dans les Comptes des bâtiments du roy pour désigner les escaliers en pierre caractéristiques de la Renaissance et il remplace les mots degré et montée.

Degré dans le Compoix de Valleraugue est donc un gallicisme. Depuis l’introduction de l’escalier, degré prend le sens de « petit escalier derrière la maison », ou comme à Valleraugue « escalier extérieur droit ».  Un degré est moins prestigieux qu’une vis, comme une femme de ménage est moins prestigieuse qu’une technicienne de surface.