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Abrivado, abrivar

Abrivada, abrivado s.f. « fête traditionnelle camarguaise pendant laquelle les taureaux sont amenés aux arènes » ; autrefois « poisson d’avril ».

abrivado

L’abbé de Sauvages donne comme sens d’abrivado : « élan, ou mouvement subit avec effort de celui qui saute ou qui court », mais le prieur Seguier connaît à la même époque le sens  « attraper quelqu’un le 1er avril »   (SeguierI f.90r qui conjugue: l’ant abbriva; s’est laissa abbriva; l’abbriveront; vous abbrivara) et pour lui l’abrivado est un « poisson d’avril » .

En 2011 une visiteuse me confirme : « J’ai entendu cette expression  s’es fach abrivar  « il s’est fait attraper » dans le Tarn, Monts de Lacaune et il me semble que mes cousins de l’ Aveyron (limitrophe) le disaient aussi.
Pour Louis Rouquier (2e moitié 19e siècle) l’ abrivado est une « farce »(Rouquier1).

Abrivado est un dérivé du gaulois *brivos « force, courage, vivacité » , attesté dans les langues celtiques et en ancien occitan briu « impétuosité, empressement ; valeur, force ; court espace de temps ; attaque ».  En languedocien moderne briou signifie  « espace de temps », dans l’Aveyron brieu « espace de temps assez long »  ou briu « étendue, espace ». A Manduel em briou signifie » longtemps » et on en fait un bravo briou.

Le verbe ancien occitan abrivar, ou s’abriva signifie  « (se) hâter, (s’) élancer ».  Ce sens s’est spécialisé  en provençal de Barcelonnette : abriva « goulu » et le verbe s’abrivar « se jeter brusquement sur quelque chose, sur des aliments en particulier. »

La tradition camarguaise veut que  des jeunes font tout ce qu’ils peuvent pour écarter les chevaux afin de voir s’échapper les taureaux ; tout ou presque est permis : jet de farine, feu, pétards, banderoles qui sortent de nulle part pour essayer d’effrayer les chevaux. Ce sens se rattache bien au sens « mouvement subit  » et  » poisson d’avril « .
Dans la Notice des Travaux de l’Académie du Gard pendant l’année 1807 (!!) numérisée par Google, j’ai trouvé une description en vers par Madame Verdier de la Course camargaise 1807. C’est très amusant à lire.

La famille de mots *brivos est bien implantée dans le Midi, (cf. Alibert, s.v. abrivar et briu pour les sens et les nombreux dérivés). Français, espagnol, portugais et italien brio ont été empruntés à l’occitan. Les patois d’oïl ont surtout repris le verbe abriver, embruer « lancer, mettre en train » .

Par hasard je suis tombé sur le site www.herodote.net qui explique le pourquoi des  » poissons d’avril  » :

Depuis près d’un demi millénaire, le 1er avril donne lieu en France et dans quelques autres pays à d’aimables farces surtout pratiquées par les enfants et leurs parents. Cette tradition semble remonter au roi Charles IX. Avant lui, en France, l’année calendaire commençait le 25 mars et, de ce jour jusqu’au 1er avril, les Français avaient coutume de se faire des cadeaux pour célébrer le passage à l’année nouvelle. Par l’Edit de Roussillon du 9 août 1564, le roi de France décida de reporter le début de l’année au 1er janvier, sans doute pour s’aligner sur les pays voisins. Cette décision fut généralisée à l’ensemble des pays catholiques en 1582 par la papauté.
En souvenir des temps anciens, les Français n’en continuèrent pas moins à se faire des cadeaux « pour rire » à l’occasion du 1er avril. Comme le 1er avril coïncidait aussi avec la fermeture de la pêche, la période étant réservée au frai, des plaisantins auraient eu la bonne idée de lancer dans les rivières des harengs pour tromper l’impatience des pêcheurs d’eau douce ! De là, croit-on, l’origine des « poissons d’avril ».

Mais il y a d’autres explications : « On appelle Poisson d’Avril, un poisson de figure longue & menuë dont on fait une pesche fort abondante en cette saison, qu’on nomme autrement Maquereau : & parce qu’on appelle du même nom les entremetteurs des amours illicites, cela est cause qu’on nomme aussi ces gens-là Poissons d’Avril.  » (Dictionnaire d’Antoine Furetière (1690.)

Pegar, pégasse, pego, pegous

Pegar « coller », du latin picare « enduire de poix, coller, goudronner ». Le sens « marquer sur la toison des brebis le chiffre du propriétaire » (Alès)  est déjà attesté dans les Basses Alpes en 1535. empegar « poisser » (SeguierI), s’empega , se sont empegas toutes dous en parlant par exemple d’un mauvais mariage de part et d’autre (SeguierI).

Pégasse fr.rég. « plat de pommes de terre » (Bernadette Lafont dans ‘La patate en fête. Edition 2004’ Edité par Germicopa , p.72 : « la recette m’a été indiquée par Jean Pellet, un berger cévenol. Je pense que ça vient du point de cuisson qui est atteint quand les patates et les oignons commencent à coller (péguer) au fond du poëlon ». Dérivé de pegar du lat. picare.

Pego « poix » dérivé du verbe pegar du latin picare « enduire de poix, » remplace en occitan et en catalan le mot petz, mot courant en ancien languedocien (13e s.) et qui était le représentant régulier du latin pix, picem. Anglais pitch, néerlandais pek allemand Pech viennent directement du latin.

Français poix a donné le verbe poisser « enduire de poix » d’où le dérivé poisse. L’allemand Pech haben est littéralement « avoir la poisse » une expression qui en français vient de l’argot des coureurs cyclistes et date du début du 20e siècle d’après le TLF. L’expression allemande Pech haben par contre date du 18e siècle. Elle est passée en néerlandais pech hebben. Grimm l’explique à partir du composé Pechvogel « malchanceux » littéralement « oiseau pris avec de la poix ». Je ne serais pas étonné si l’expression « avoir la poisse » n’est pas une création des coureurs cyclistes, mais un emprunt-traduction de l’allemand. En allemand elle a été créée dans le milieu des étudiants.

                          poisse                                                      quelques morceaux de pego naturelle

Pego-souleto « post-it » en bon français! composé de pego + souleto dérivé de latin solus. Néologisme recommandé. Pegassolet repris par Panoccitan.

A Marseille on connaît des Suce-Pègue : individu « pot de colle ». « Oh dis à ton frère qu’il me lache un epu. Que suce-pegue! » Tiré du site: http://www.marseillais-du-monde.org/dictionnaire.php3
Un visiteur de la région biterroise me signale : aquello empego! « c’est un peu fort de café ».

Pégot, le  «cordonnier,  savetier» est celui qui se sert le plus de la pègo.
Pegoumás, pegomas  « emplâtre ou cataplasme de poix; croûte sur la tête; torchon sale ». D’après Alibert pegomàs  signifie à Toulouse « rhume de cerveau; importun ».

Pégoulade « défilé avec des torches enduite de pego » Nîmes et Camargue

    

Pegous « gluant, fâcheux »; camparol pégous pour « Suillus granulatus » (champignon collant, Durieu); au figuré « qqn de collant » (Andolfi). Alibert s.v. pega ne mentionne que les sens figurés « fâcheux, geignard » etc. et « poisseux ».

 

Escagassar

Escagassar, v.tr. « fienter avec effort » escagasser en fr. rég., v.r. s’escagassar « s’efforcer pour aller à la selle »,  « écraser, aplatir » (Alibert) est devenu français depuis 1902 voir le TLF. L’évolution sémantique en français vers

L’étymologie de la forme, latin ex + cacare ne pose pas de problèmes.

Le verbe escagassar était limité à l’ouest-provençal et l’est-languedocien. avec comme sens principal « s’accroupir ».  Louis Rouquier l’utilise pour dire « se pâmer de rire ». Il a été introduit en français à l’aide de l’argot, probablement à partir de Marseille.

Cacare est une onomatopée qu’on trouve dans beaucoup de langues indo-européennes, catalan, espagnol, portugais cagar, allemand kacken, néerlandais kakken, etc.  La forme française chier a perdu par l’évolution phonétique tout consonance onomatopéique, de sorte que dans le langage des enfants elle a été remplacée par caquer, caguer.

Faisso

Faïsso, s.f. « bande dont on enveloppe un enfant, maillot; intervalle entre les rangées de ceps, plate-bande de jardinage, sole de terrain, bande de terre soutenue par un mur ».(Mistral), et en  languedocien faisso « lange d’enfant » (S), « bande de terre , terre de forme allongée » = traversier (Andolfi).

Pour les nombreux sens et dérivés voir aussi Alibert s.v. fais, où il réunit tous les mots qui proviennent de fascis « faisceau, fagot » de fascia « bande, bandelette » et de fascina « fagot de sarments ». Presque tous les mots donnés par Alibert s.v. fais « faix, fagot, fardeau, paquet, embarras d’estomac » comme dérivés représentent en réalité le latin fascia. Fascis et fascia étaient en effet assez proches du point de vue de la forme et du sens: fascia désignait une bande de tissus pour envelopper et le résultat était souvent un fascis un « paquet ».

            Images du  Gafiot

L’ancien occitan faisa et le verbe faisar « envelopper, bander, serrer , Aude  faisa v.a. « enmailloter », représentent le verbe latin fasciare « bander, envelopper de bandes ».
Etymologie: pratiquement toutes les significations qu’on trouve dans les parlers modernes existaient déjà en latin : fascia « bande, lien, sangle, etc.». Fascia avec le sens « bande de terre » se trouve déjà dans des inscriptions latines en Gaule. Cf. aussi catalan faxa, espagnol haza, portugais faxa  comme en  ancien occitan faissa, surtout en provençal et en auvergnat. Le sens exact du mot s’adapte bien sûr à la configuration du terrain, p.ex. Aveyron faïsso « carré d’un jardin, petit champ » mais en Camargue c’est « une partie des terres labourables d’une exploitation, affectée à l’une des cultures de l’assolement ou à la pâture, parties généralement séparées par desroubines « .
Un visiteur originaire du Vaunage m’écrit que pour lui « les faïsses sont les cultures en espalier dans les côtes, vignes, oliviers … ». Les espaliers  sont des bandes de terre.

    
faïsso
à gauche en Camargue et à droite dans les Cévennes.

Voir pour une étude approfondie et très documentée de ce mot au sens « bande de terre » consulter l’etude de : Michel Rouvière, » A propos de faysse et escayre : l’indispensable « remise à plat » terminologique , dans www.pierreseche.com/faysse_et_escayre.html / 9 février 2002 « 

ac, dans les noms de lieux

Article revu et complété.le 29/06/2019

-ac est un suffixe de nom de lieu d’origine gauloise que nous retrouvons dans toutes les régions ,  -ac dans le Midi, -ai ou -y dans le Nord.

Le mieux que je puisse faire est de citer: Walther von Wartburg, Evolution et structure de la langue française. 6e éd., Berne, 1962. Page 24:

« Le type le plus caractéristique pour la Gaule c’est celui des noms en -ac dans le Midi, en -ai ou en -i dans le Nord. Juillac, Savignac; Juilly, Savigny:ich en allemand Jülich;1
Le suffixe gaulois -acus exprimait, à l’origine, de façon assez générale, appartenance. On l’ajoutait p. ex. à des noms d’arbres pour désigner une forêt composée de telle espèce d’arbres, p. ex. Betulacum, de betula ‘bouleau. Par la suite il fut employé aussi pour dénommer une propriété rurale d’après son possesseur: Brennacus, d’après le nom d’homme gaulois Brennos. Cette formation fut en vogue particulièrement sous la domination romaine. Voilà pourquoi la plupart des noms de lieux en -ac, en -ai et en -y contiennent dans le radical un nom de personne romain. Rien ne montre mieux l’amalgame des deux éléments en présence, le latin et le gaulois. Aurillac et Orly sont donc des propriétés d’un certain Aurelius: fundus Aureliacus. Beaucoup de nobles gaulois prenaient des noms romains; il est donc à peu près impossible de faire le tri des établissements d’origine gauloise et des fondations romaines dans l’ensemble de ces localités.

Conclusion: le suffixe est d’origine celte mais le nom auquel il est attaché est le plus souvent romain, du  latin.

Pour en savoir plus il faut comprendre l’allemand, comme c’est souvent le cas dans le domaine de la linguistique romane. Voici le titre d’un livre incontournable:

Skok, Peter. Die mit den Suffixen -ACUM  -ANUM  -ASCUM UND -USCUM  gebildeten südfranzöschen Ortsnamen. Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie. Heft 2. Halle, Niemeyer, 1906. (https://archive.org/stream/zeitschriftfrr0102tbuoft#page/n159/mode/2up)

Voici la table des matières de la deuxième partie:

Skok2ePartie

Les celtomanes s’intéressent surtout au group B « noms propres celtiques ». C’est du sérieux! Voici un exemple tiré de ce livre de la catégorie de Noms propres celtiques:

Taleyrac hameau de Valleraugue, :

SkokTaleyrac

Cette attestation de  TALARIUS vient d’un livre de H.Holder, Altceltischer Sprachschatz Bd2, colonne 1709  (Leipzig, 1896)qui contient en effet  un Tall-arius en Allemagne comme nom d’une montagne.

Holder1709TallariusTaleyrac est attesté dans le Gard en 1202 avec la graphie Talairac.  Le Taleyrac est aussi attesté comme le nom d’un ruisseau dans le Gard.

L’abréviation Sp.briv. renvoie vers   Chassaing, Spicilegium brivetense. Paris,1886 (consultable en ligne avec Gallica). Là dedans est mentionné un autre Talairac, une villa mentionnée en 1247 dans la commune de Brioude, Hte Loire.

Si vous êtes passionné de toponymie, vous pouvez continuez la recherche.  De nombreux documents et études ont vu le jour depuis le livre de H.Holder.

  1. -ik au Limbourg (NL) Blerik, Melik.

Fenestroun

Fenestroun,  « petite fenêtre » 1750 Séguier1,feuillet 43v: « espinçave per lou fenestron  » (Job., Mathon), un dérivé du latin  fenestra« fenêtre ». Il n’y a pas beaucoup d’attestations mais il doit exister partout, comme, par exemple, dans le Nord Velay avec le sens « lucarne ». Mistral s’adresse à Magali: :

« O Magali, ma tant amado,
Mete la tèsto au fenestroun !
Escouto un pau aquesto aubado
De tambourin e de viouloun. »

……………………………………..……
Le fenestron
des Archives de Mirepoix (Photo C.Belcikowski) ….….….….

On peut se poser la question pourquoi le mot latin fenestra est commun à toutes les langues romanes et germaniques : italien, catalan finestra, allemand Fenster, néerlandais venster, etc..La réponse se trouve dans l’histoire de la construction. Les constructions des Gaulois et des Germains étaient en bois et ils n’avaient pas de fenêtres. C’est aussi simple que cela.

Je ne peux pas m’empêcher de vous renvoyer vers un blog qui décrit le chemin des Fenestrelles : « Aux alentours de Saint Guilhem il y une balade à ne pas manquer qui grimpe sur le flanc du Cirque du Bout du Monde … » avec de très belles photos et un poème. Eldorad’Oc

L’occitan a créé l’adjectif fenestrièro dont témoigne le dicton suivant:

(RLR6,306)

Cabessaou "coussinet"

Cabessaou « tortillon, bourrelet, coussinet qui sert à porter un fardeau sur la tête ». Une image d’un cabessaou  par René Domergue (Montpezat).  L’étymologie est  capitium  qui en latin signifie « ouverture pour la tête dans une tunique ». Mistral donne les formes suivantes:

La forme la plus courante est cabessaou  avec un –e-.   

Il y a un autre groupe de mots qui y ressemble beaucoup, dont le verbe cabussar « plonger avec la tête  en avant ».  Ce verbe   et ses dérivés, qui sont très fréquents dans tout le domaine occitan, sont  classés par le FEW dans l’article caput « têtepour des raisons d’ordre phonétique.

Dans le Thesoc je trouve s.v. « tortillon » les formes cabessal, cabessala, cabelhada, capelada et capeluda  dans lesquelles il y a manifestement de l’influence du mot caput  et de ses nombreux dérivés.

Un visiteur originaire de la  Vaunage m’écrit:

Bonjour,
Je ne trouve nulle part le mot cabusaou ou cabusau.
Le cabusaou était confectionné avec un « sac à patates  » bourré de paille.
Il enserrait la tête et portait sur les épaules du porteur pendant les vendanges.
Il fallait bien sûr quelques coutures pour lui donner la bonne forme.
La comporte était posée dans un rang, le porteur (qui ne portait rien à ce moment là) ou les coupeurs vidaient les seaux dans la comporte. Une fois pleine, un vendangeur aidait le porteur à poser la comporte sur la tête du porteur (d’où le nom comporte, porter avec), ou plutôt sur le cabusaou. Le poids était donc réparti sur la tête et les épaules du porteur.
Double avantage par rapport à la hotte, on ne porte que quand c’est plein ou vide; on porte sur la tête et les épaules.
Ici, en Vaunage, 10 km à l’ouest de Nîmes.
J’ai été porteur en 1969, et le tombereau été encore tiré par un cheval.

N’ayant pas trouvé cabussaou  avec  ce sens dans l’Alibert, ni dans le Trésor de Mistral1, je me suis adressé à Gérard Jourdan, qui m’avait envoyé la description de la  Culture de la vigne ne Languedoc  au début du XXe siècle faite par son père. Il m’a donné la réponse détaillée que voici:

Bonjour Robert,
hé non ! ce terme de cabusaou n’est pas dans le vocabulaire de Montagnac ; chez moi, donc, les ustensiles de la vendange étaient les suivants :
un seau (d’environ 8 litres) rempli par le coupeur ( lou coupaïré),
le leveur de seaux récupérait le seau plein (lou farrat) et le vidait dans une comporte en bois (environ 100 litres) la semal dans laquelle lou quichaïré, avec lou quichadou, comprimait cette vendange.
Quand la semal était pleine, elle était soulevée par deux porteurs avec deux gros leviers : les sémaillés et transportés jusque sur la charrette équipée de ridelles en fer (vous avez un schéma de cette charrette dans le document de mon père).
Donc chez nous rien de ce cabusaou.

Mais j’ai quelques souvenirs qui s’apparentent un peu à cet objet.
Lors de vendanges dans la région de Lunel ( donc pas très loin  de la Vaunage), dans les années 1970, je me souviens d’avoir utilisé le seau comme chez moi mais on le vidait dans une comporte en zinc, plus petite que la nôtre, emportée vers le tombereau par un porteur qui la plaçait sur sa tête protégée par un tortillon de jute et de ficelle.
Je me demande d’ailleurs comment le porteur de la Vaunage portait une comporte même plus petite que la nôtre, ou alors c’était plutôt une hotte qu’il portait sur les épaules.

De la même façon, je me souviens d’avoir vu ma grand-mère espagnole ( native de la région de Murcie) transporter un cuvier plein de linge de sa maison au lavoir du village ( à Montagnac) sur la tête qu’elle protégeait avec le même tortillon que pour les vendanges.
Enfin, toujours à Montagnac, je me souviens d’avoir « badé » (regardé curieusement) l’ouvrier du fournisseur de charbons, François Carminati ( qui était un copain à mon père) en train de transporter des sacs de boulets de charbon (qui devaient faire au moins 50 kg) sur la tête et les épaules qu’il protégeait avec un sac de jute qui lui couvrait la tête et les épaules, mais je ne me souviens pas s’il était rempli de paille.

Grâce à la coopération de mes visiteurs, nous apprrenons que non seulement les formes variaient beaucoup, mais aussi l’utilisation du tortillon. La description de la vendange à Montagnac par Raymond Jourdan  est très instructive.

  1. J’avoue avoir mal cherché

Rodo, roudou, redoul

Rodo, rodor

  • 1. Coriaria myrtifolia (cf. Wikipedia) utilisé pour le tannage comme le sumac.. L’espèce contient de la coriamyrtine, alcaloïde qui frappe les moutons d‘intoxication alcoolique lorsqu’ils les consomment.Voir ebriago.
  • 2. Sumac.   Cf fustet  pour les caractéristiques et l’utilisation de cette arbrisseau.
  • (regardez le commentaire de H;Boyer avec des précisions botaniques)

Etymologie : latin rhus, rhoris; rore; ros. Un emprunt au grec. Les Grecs l’utilisaient déjà pour le tannage. Les formes de l’ancien occitan ros, rou reposent directement sur le nominatif rhus >ros.

 

Mistral, Trésor.                                                                                                  emborracha cabras   « coriaria »

Le grand étymologue Corominas suppose pour expliquer certaines formes occitanes et catalanes (ancien languedocien rodor, Aveyron roudoù , languedocien roudourié « lieu planté en roudoul ») un nom composé rhustyrius = rhus de Tyrus turius remplace syriacus (de Syrie) parce que Tyrus, Tyr est le port le plus important de la Syrie. Dans l’Antiquité la Syrie était le producteur le plus important de sumac pour le tannage. Rhus-tyrius > rorem tyrium à l’accusatif , > *roreturium et par dissimilitaion des deux -r– > *rodeturiu, qui par l’évolution phonétique régulière a abouti à rodor, ancien catalan roudor, raudor, etc.
Les formes occitanes rodor etc. ont abouti à rodo et par changement de suffixe > rodoul,  et ensuite par dissimilation des deux voyelles > redoul. Voir aussi le TLF s.v.roudou.

Voir aussi Nerta « myrte »

Un vrai connaisseur de la botanique, Henri Boyer m’écrit  un commentaire:

OK pour l’étymologie, mais le référent ( le signifié) pose problème. Il y a confusion dans le texte ( y compris Mistral mais non Corominas) entre le sumac, fauvi,ou fustet = Rhus coriaria et le nertàs, ebriago = Coriaria myrtifolia, toxique.
Rhus coriaria n’est pas présent en Rouergue, mais Coriaria m. oui.
Mistral écrit « rodo » au lieu de « rôdou » paroxyton, car il n’admet jamais de finale en « ou » atone, même attestée.

Je lui ai répondu: « Merci beaucoup. Mes connaissances en  botaniques sont très limitées; en plus dans les parlers  régionaux il y a beaucoup de variantes sémantiques et phonétiques., » Sur quoi il me répond:

merci pour votre réponse Monsieur Geuljans.

Il existe dans le cas de « redoul » un noeud de confusion peut-être inextricable.

2 espèces locales ayant le même usage en tannerie, une comestible Rhus coriaria l’autre extrêmement toxique Coriaria myrtifolia, portant donc presque le même nom linnéen…

La confusion s’observe dans nombre de publications anciennes et modernes,  et particulièrement dans les dictionnaires de langue d’oc anciens ( dès Boissier de Sauvages XVIIIème siècle ) et modernes.

Peut-être les deux espèces sont-elles homonymes dans la langue vernaculaire… c’est tout à fait courant en effet, mais j’ai un doute.

L’étymologie de Coromines concerne uniquement le lexème latin « rhus, rhus tyrius » donnant rôdou, rôdoul, avec un référent initial botanique Rhus coriaria L.

Je me demande si la confusion n’est pas d’origine littéraire par effet de compilation de lexiques en lexiques peu rigoureux.

Le « rodo » de Mistral est possiblement inexistant, pour des raisons pas claires il rejette toute forme avec /u/ atone final y compris en niçard et gascon ou elle sont typiquement idiomatiques.

Moi: >https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/lire/100/383

Dans l’article du FEW  (suivez  le lien), l’auteur écrit dans la note 1 qu’il  suit surtout Rolland Flore.
Je vais mettre le lien dans l’article ainsi que votre complément qui n’apparait que quand on clique sur lle titre de l’article.
Cordialement,

Pour finir:Bonjour,

se lancer dans la Flore de Rolland, c’est plonger dans un autre océan…

D’après se que je comprends de la note, Rolland a perçu qu’il s’agit de plusieurs espèces au sens botanique, mais Coriaria myrtifolia n’est pas du tout une  « espèce » du genre Rhus… C’est l’usage en tannerie qui est commun d’où homonymie en langue vernaculaire ( probablement).

A lire le FEW ( hélas j’ai du mal avec l’allemand) j’observe que la confusion peut s’étendre à « roure, rouve, roube » c.à.d à diverses espèce de Quercus, plutôt à Quercus coccifera L. très utilisé pour le tanin aussi…

Pas sortis de l’auberge donc…

Henri Boyer

Dommage qu’il n’y a eu pas davantage d’échanges comme celui-ci,; cela aurait enrichi beaucoup le site.

 

grola, groule ‘savate’

Grola groula, groulo « savate, pantoufle, souillon » . L’étymologie est une racine *grolla non attestée. (Alibert donne comme étymologie latin grullus « bateau » que je n’ai pas retrouvé).

Des Groules détournées:

groules_Tcheques

Le type grola se trouve dans les départements ARDECHE, AVEYRON, GARD, HERAULT, LOZERE. d’après le Thesoc, et le type grolha, groulha  dans les départements AUDE, HERAULT, PYRENEES ORIENTALES. Mais ces données sont très incomplètes. Le type grolla se trouve dans tous les parlers occitans et franco-provençaux, ainsi que dans les régions voisines, dans les parlers de l’Ouest, en normand et en piémontais groula « ciabatta ».  Il est  vivant dans le français régional du Gard groule, attesté ce matin chez une amie. Lhubac mentionne  groulle  pour Gignac avec le double –ll- bien prononcé.

Le verbe dérivé grolassier signifie « trainer des pieds, marcher lentement », ou à St-Etienne « s’arrêter dans les cabarets, se débaucher ». Une groulassou  est  une « traineuse de savates » à Castres. Le groulié le « savetier » en Aveyron et ailleurs.

D’après Alibert grola est aussi le nom d’une plante le « caucalide à feuilles menues », mais je n’ai rien trouvé1

Orlaya-grandiflora-Bridesmaid-agratéou, grapoun, grampoun, goussés, cagnots, laputs

Voici l’article de Mistral, avec les différentes formes et sens:

groulo MistralL’abbé de Sauvages connaît aussi le jeu de savates: jhouga a passo groûlo « jouer à la savate ». Pour en savoir plus j’ai demandé à Google qui me renvoie vers les Oeuvres complètes de Sterne:

jeu_de_savateSi vous voulez lire ce qui arriva à sa fille ainée, cliquez sur le lien ci dessus.

En 2009 il y avait encore quelqu’un qui connaissait cette expression et qui l’utilisait à propos d’un match:

pêche dit :

  • merki….la seule sertitude c’est que j’irai pas niquer des 51 sur leurs terres!!!!!
    on va finir par se facher avec tout le monde!!!! mais pas grave!!!!!!!
    patoche pour jouer à la savate , il faut être souple des adducteurs…

 

Depuis le XIXe siècle existe la Savate (sport de combat); Voir Wikipedia.

FEW IV, 272

  1. Michel Chauvet me signale: « Il existe un Caucalis tenuifolia, qui est un synonyme de Orlaya grandiflora (voir Tela Botanica). Rolland a une page sur cette espèce, mais pas le nom que tu indiques.  »  Dans cette page Rolland donne les noms occitans suivants: gratéou en provençal, grapoun à Aix-en-Provence, grampoun dans la Vaucluse, goussés (= »petits chiens ») à St-Pons (Hérault) et dans l’Aude, cagnots (= »petits chiens ») dans la Hte-Garonne et laputs dans le Tarn-et-Garonne.  Il y a encore du boulot pour les étymologistes

Acantonar

Acantonar 1. v.tr. « rencoigner, cantonner » 2. v.r. « se tapir, se blottir dans un coin » est dérivé du latin canthus 1) bande de fer qui entoure la roue. 2) « angle, coin de l’oeil ».

Ces deux significations se retrouvent dans le grec kanthos, mais il semble que le grec a emprunté le mot au latin.   Quintilien (1er siècle) écrit que c’est en Afrique ou en Espagne qu’on appelle la bande de fer autour d’une roue cantus, mais il y a peu d’attestations.  Cant(h)us pourrait être d’origine préromane. Peut-être y a-t-il un lien avec le celte. Il y a par exemple le mot  breton kant « cercle ». Le TLF  cite le Thesaurus Linguae Latinae : « Du lat. canthus « bande de fer qui entoure la roue » prob. d’orig. celt. plutôt qu’esp. ou africaine comme l’indique Quintilien (Inst., 1, 5, 8 ds TLL s.v., 282, 83). »  Je ne peux pas consulter le TLL, si quelqu’un a la possibilité, contactez moi.

Le passage du premier sens de canthus vers « côté, le côté le plus étroit d’une planche », qui est conservé en ancien occitan can « côté, bord », et à Pézenas de cantels « posé de chant »,  est facile comprendre, surtout si on pense à des roues pleines. Ce sens a été conservé en italien, espagnol et portugais canto, et dans les langues germaniques : le néerlandais kant « côté, bord; dentelle », l’allemand Kante et l’anglais cant  « côté; bord; angle ».  Sur l’histoire de ces mots dans les langues germaniques voir par exemple le dictionnaire des frères Grimm ou cherchez pour l’anglais le site de « The American Heritage Dictionary of the English Language ».

Le français décanter, attesté depuis 1690 seulement a probablement été formé sur le latin des alchimistes decantare. La forme régulière qui se trouve dans le mot chant, le chant d’une brique, d’un livre, une scie à chantourner etc. est attestée depuis 1155.

A partir du sens  de cantoun « côté étroit » , s’est développé en occitan le sens  « angle, coin (surtout en parlant d’une maison, d’une rue) »  que nous retrouvons dans de nombreux dérivés : ancien occitan canton « coin » (12e s.), languedocien cantou « coin » , ancien languedocien cantonier « pierre qui lie deux murailles à l’angle »  (Millau 1415), Aveyron contounat « ce qui est entassé dans un coin » , recantoun, ricantoun « petit réduit dans une habitation » (Andolfi) et provençal /lang. acantouna « garder le coin du feu, se blottir dans un coin « . L’abbé de Sauvages parle du cap de cantou « coin de rue ».
Antoine Bigot, le poète et conteur nîmois, écrit  s’assétè ou cantoun dou fiô, Pér nous ésclarci la visto, …(Voir le site de Georges Mathon pour le texte complet.)
A Montpezat un canton est une « pierre d’angle » , comme en témoigne l’adage « Per un bon maçon toti li pèiras fan canton ». Une variante à Valleraugue : Sap y faïre, touto peiro li fo contou ».  Je crois que c’est une expression très répandue en occitan. (Domergue).

A partir du sens   « angle d’une rue »  nous arrivons à languedocien canto « carrefour » et trescantou « carrefour de 3 rues » . La Place des Treize Cantons à Marseille est un trescantou, dont le nom a été mal compris et mal traduit en français.  Tres  « trois » est devenu « treize ».

Place des 13 cantons de Marseille

A partir du sens cantou, canton « coin », on est passé au sens « partie d’un pays » et ensuite à  « bout de terre, champ »;    en fr.rég. a été créé le mot péjoratif cantounailles « recoins de terre peu propices » (Domergue)

Français canton « sous-division d’un département » introduit depuis 1789 est un emprunt à l’occitan plus spécialement au languedocien.   C’est une extension de sens de canton « ensemble de sections de route » . Canton et cantonnier ont été empruntés au languedocien ou formés sur cantou « partie d’un pays » , au 18e siècle. Il semble que c’est le marquis Henri de Carrion Nisas (1660-1754) de Pézenas (actuellement château Ormesson) qui a organisé l’entretien des routes par canton dans le Languedoc et que ce système avec le mot a été ensuite adopté dans la capitale et la langue française. La proposition de loi qui divise la France en cantons (appelés vigueries jusqu’à cette date), a été faite en 1790 par Sieyès, un Provençal. Le seul doute qui subsiste c’est que les mots français n’apparaissent que bien plus tard dans les dictionnaires.

Allemand Kanton vient de l’italien de Lombardie cantone à travers la Suisse.

Le mot néerlandais kanton a une autre histoire.  Pendant l’occupation française des Pays Bas et de la Belgique à partir de 1795 et l’annexation pure et simple de 1810 à 1813,

la répartition administrative française y a été imposée, notamment les départements, arrondissements, cantons et communes. Cette répartition est partiellement maintenue aux Pays Bas jusqu’à nos jours :

  • dans le domaine de la justice où nous trouvons des kantons et des kantonrechters littéralement « juge du canton », et des arrondissements et des arrondissementsrechtbank littéralement « cours de justice de l’arrondissment ».
  • au niveau des communes et des circonscriptions de l’entretien des eaux et des digues, le nom kantonnier est encore utilisé dans certains endroits, pour le responsable de l’entretien des routes , ou des digues etc. Dans le patois de Maastricht un kanton est une « partie d’une route, d’environ 5 km » et un kantonneer c’est celui qui a la pelle ou le balai à la main et doit l’entretenir

En Belgique par contre, l’organisation adminitrative en cantons, arrondissments etc. a été maintenue dans beaucoup d’autres domaines.

Un paradoxe ou l’ironie de l’histoire.  La  Republiek der Zeven Verenigde Nederlanden ( République des Sept Pays Bas Unis) a existé de 1581  jusqu’à 1795, c’est-à-dire jusqu’à l’invasion par les troupes françaises.  Sur la carte ci-dessous vous voyez aussi que le Limbourg, avec sa capitale Maastricht, a été annexé à l’empire français dès 1792. Vingt ans d’occupation française ont laissé pas mal de traces dans les patois limbourgeois, notamment dans le patois de Maastricht.

Napoléon l transforme la République  en  Koningrijk Holland,  Royaume de Hollande et nomme son frère  Louis Napoleon Bonaparte roi.  Louis appelé Lodewijk de goede (Louis le bon)  défendait trop bien les valeurs  des républicains néerlandais et les conflits avec son frère  l’amènent à abdiquer le 9 juillet 1810. Le  Royaume   de Hollande est  alors annexé. Après la Bataille de Waterloo et la  libération en 1815, l’ancienne  République des Pays Bas est restée le  Royaume des Pays Bas jusqu’à nos jours.

Royaume de Hollande en 1810

Pays Bas en 2011