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Mastra 'pétrin'

Mastra « pétrin »en provençal et est-languedocien,    l’étymologie  est  comme pour  mats, mèit   et français  maie  un mot d’origine  grecque : μακτρα « pétrin ».

pétrin provençal.

La première attestation date de 1351  à Maguelone dans l’Hérault. Le FEW donne sa source « ARom3, 371 ».  J’ai voulu vérifier, ce que je ne fais pas toujours parce que cela m’occuperait des journées entières.  J’ai « googlé « Archivum romanicum 3 »  et en effet en 3e position je le trouve.  Un certain Gulio Bertoni a dépouillé le livre de A. Germain,  Maguelone sous ses évêques et ses chanoines.  Montpellier, 1869. Aux  pp.219-288 se trouvent les  Statuts de l’Eglise de Maguelone.   Dans ces statuts il y a de nombreux mots occitans mélangés au latin.  Si cela vous intéresse,  suivez ce lien .   A la page 271 du livre de Germain est noté notre mastra:  Extrahere pastam de mastras

Quand je vois cela, je me rends compte du travail de moine que von Wartburg a dû faire  pour le FEW et la chance que nous avons de disposer d’Internet.

Pratiquement toutes les attestations actuelles de mastra viennent du domaine provençal, plus une de St-André de Valborgne (Gard), mais l’attestation de Maguelone prouve qu’autrefois cette zone était plus étendue.

Les signifcations secondaires restent proches du sens « pétrin ».  Dans la Drôme mastro  « huche de cuisine, armoire, auge à porcs », à Allos (près de Barcelonnette) « caisse dans laquelle on échaude les cochons » 1. A Nice une  mastra  est aussi un « gros derrière ». La mastro ou  la grande mastro est un terme du jeu de la pierrette, qui consiste à lancer des cailloux en l’air pour les recevoir dans le creux ou sur le dos de la main ». 2

L’étymologie μακτρα >  mastra pose un problème phonétique.  La suite –κτ- n’aboutit pas régulièrement à –st-. Dans le sud de lItalie, la Magna Graecia,  où le grec était la langue courante, la suite –κτ-  a abouti régulièrement à –tt-.   Cette forme mattra  « pétrin » est toujours vivante dans le sud de l’Italie et a conquis du terrain jusqu’en Toscane. Dans le nord de l’Italie  par contre , de Venise jusqu’au Piemont, est attestée la forme mastra,  qui doit venir d’une forme grecque régionale *μακξτρα  avec un –xsi-.  Ce changement n’est pas un cas isolé.  L’explication de la différence entre la forme du sud mattra  et celle du nord  mastra   se trouve dans l’histoire politique.  Beaucoup de dialectalismes grecs ont été adoptés dans le nord de l’Italie pendant la période de l’Exarchat. Dans Wikipedia je trouve ceci

L’exarchat est une organisation de certains territoires périphériques de l’empire byzantin, mise en place au VIe siècle pour faire face à la menace d’envahisseurs. L’exarchat est dirigé par un « exarque » qui concentre les pouvoirs civils et militaires. Cette organisation visait à réagir de façon optimale aux dangers menaçant l’empire dans ses régions périphériques, sans avoir à attendre les ordres venus de Constantinople. Ils bénéficiaient d’un plus grand degré d’indépendance que les autres gouverneurs provinciaux….Seuls deux exarchats furent constitués, à Ravenne contre l’invasion des Lombards

C’est l’Exarchat de Ravenne qui nous intéresse.

La forme provençale mastra s’explique donc par  l’influence des parlers du nord de l’Italie, le piémontais et le ligure.

Ce n’est pas uniquement dans la langue que le grec byzantin  a eu une influence à Ravenna.  Voir ci-dessous une mosaïque du Palais.

Détail d’une mosaïque faite dans un  atelier italo-byzantin  à Ravenna, achevée en  526 après JC par le «Maître de Saint-Apollinaire». Après la défaite de Théodoric, les mosaïques murales dans le Palais et la cathédrale ont été refaits par les Byzantins pour enlever des éléments gothiques. Les chiffres dans cette mosaïque ont été remplacés par des rideaux, probablement en raison du manque de temps. Plusieurs vestiges des premiers travaux sont visibles, comme une partie d’un bras sur le troisième pilier de la gauche.

L’étymologie peut mener très, très loin! De Maguelone à Istambul par exemple.

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  1. voir la decription et le dessin dans l’article mats, meit
  2. Impossible de trouver une description sur le web.

Matado

Matado « touffe, cépée » voir mato

Mateusalem

Mateusalem « très vieux ». D’après la Bible, le patriarche Mathusalem aurait vecu 996 ans (Mos.5,27). Dans toutes les langues européennes son nom est synonyme d’une longue vie, « vieux comme Mathusalem« . Voir TLF.

L’incompréhension du mot a causé des changements de la forme : Valleraugue Motusolen (Atger p.59); Var martin-sara, lang. matieu-sarel et marti-sarellos, où par étymologie populaire le début du mot est remplacé par un saint connu : St. Martin ou St. Mathieu et la fin par un autre suffixe.

L’origine du sens  en français de Mathusalem « grosse bouteille de champagne » qui ne date que de 1962 ne m’est pas claire. Le publicitaire qui a inventé ce nom était  versé en histoire de la Bible:

1 – 10 L Magnum (1,5 L) · Jéroboam (3 L) · Réhoboam (4,5 L) · Mathusalem (6 L) · Salmanazar (9 L)
10 – 100 L Balthazar (12 L) · Nabuchodonosor (15 L) · Melchior / Salomon (18 L) · Souverain (26,25 L) · Primat (27 L) · Melchizédec (30 L) ·

Wikipedia.

    

Mato

Mato s.f. « touffe serrée ; buisson », en   fr.rég. matte (Camargue). Autour du bassin occidental  méditerranéen jusqu’en berbère vit une famille de mots dont la base est une forme *matta  avec le sens « buisson », d’origine prélatine. En galloroman nous le trouvons jusqu’à la Loire.

En languedocien mato est une « touffe d’herbe ; cépée de jeunes arbres » (S) au Caylar une  « haie ».

Matado « touffe, cépée ».   et  s’amata  « se cacher derrière une touffe, se dissimuler, s’accroupir » sont dérivés de mato.

En catalan il y a  matoll   » formation végétale constituée par des buissons et arbustes plutôt bas , assez clairsemés ».

Mats, mait, meit "pétrin"

Mats, mait, meit « pétrin » nous vient du grec  μαγις , μαγίδος «pâte, sorte de pain; plateau rond de balance; pétrin», qui était le nom usuel dans le sud de l’Italie, la  Magna Graecia. Ensuite ce nom a gagné Rome et les Romains l’ont latinisé  sous deux formes : magis, magidis et plus simple en  magida.

Grande Grèce         

maït provençal

Dans la région de l’Ile de France et par conséquent en français c’est le type pétrin (< petrinus) qui domine mais en province c’est le type maie de magidem.  Dans les parlers du Nord de la France  le type maie  est concurrencé par  huche (< hutica ) et par  arche (< arca), dans le Midi par les dérivés de pasta  et par mastra en provençal et est-languedocienun autre mot d’origine  grecque : μακτρα « pétrin ».  Cf. le Thesoc s.v. pétrin 1 Vous y verrez e.a. que le type  arche  est aussi présent dans le Sud-ouest (Creuse, Hte-Vienne) et que le type pétrin  a gagné du terrain.

2. Le pétrin, ou « maits à paîtrir », était une pièce essentielle du mobilier paysan, comme en témoignent les inventaires successoraux et les estimations des apports dotaux dans les contrats de mariage. p.1454 note ² dans   L’alimentation paysanne au Gévaudan

A Castres est attesté le composé  raymatch « coupe-pâte dont se sert le boulanger pour détacher la pâte du pétrin ».

Dans le sud-ouest mèi, mèit  s.f. désigne aussi le « support pour tuer le porc, consistant en règle générale, en un pétrin, mais retourné » d’après les dictionnaires locaux.  Dans les Hautes-Pyrénées le dérivé mèitéto sert à la même action, mais il est creusé dans un tronc d’arbre. Si vous avez une photo faites me la parvenir s.v.p.

A ma demande La vieille chouettespécialiste de la cuisine locale et régionale, m’a donné tous les renseignements sur la mèi telle qu’elle est utilisée dans la région de Montauban quand on va « far lou tessou ». Je joins sa description savoureuse en format pdf.  la maie du tessou.  D’après elle la maie  sert à « faire la toilette du tessou« . Pour le saigner on le suspend! Ci-dessous son dessin.

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  1. La distinction faite par le Thesoc entre le type mag  et le type maid  ne m’est pas claire. Pour les deux formes l’étymon est le même.

matto ‘touffe’

Mato, matado  Matto  « touffe, fanes, bouquet, pied d’une plante; cépée de pousses sur le pied d’un arbre coupe » ‘touffe’ (Sauvages). Rayond Jourdan de Montagnac  excellent connaisseur du languedocien, l’utilise dans son autobiographie.   Cette famille de mots est enracinée autour de la Méditerranée occodentale, Italie, le Midi, Catalan,  Espagnol et Portugais et dans le berbere du Nord africain.

Cette répartition géographique et l’ancienneté des premières attestations permet selon von Wartburg (FEW VI/1, 505-507)  de supposer qu’il s’agit d’une racine préromane:*matta « touffe » .,

Au XIXe s. français mattes ‘banc de poissons, volée d’oiseaux ».

matado

 

Mauro

Mauro « truie » du latin maurus « habitant de l’ancienne Mauritanie, le royaume berbère, qui à l’époque romaine s’étendait de l’actuelle Tunisie jusqu’à la rivière le Moulaye au Maroc.

En  ancien provençal mor, moro  signifie « africain adj. et subst. ; musulman » et « basané, marron, noir ».  En occitan moderne moure , morou (Alès) c’est le deuxième sens qui s’est maintenu et développé:  A blanchi un moure se perd soun tems et soun saboun (Mistral). Aoc. maur « noir » est attesté en 1240 et la Roca Mauro près de Carcassonne  déjà  en 1034.  Il y a de nombreux dérivés comme lang.  neit maurello « nuit sombre » et Gard agneu mouret « qui a le poil noir »(M). A Valleraugue (30) La Jasse du Mouret , toponyme.

Le sens « brun, noir » a été transféré sur toutes sortes d’animaux et de plantes, comme « truie, vieille truie » (Hérault), provençal  mouret  « sagre, poisson de mer »,  des salamandres, têtards, canards, oiseaux, insectes et des noms de plantes  comme languedocien mouro « variété d’olea europea sativa » Nîmes 1793, et oulivié mourau (M). Ce dernier  est même entré dans l’ Encyclopédie de Diderot sous «  moureau  en Languedoc ». Il y a aussi les morilles et les cerises morelles

             

comme en  néerlandais  morellen  et moriaan « père fouettard, un serviteur noir qui accompagne St. Nicolas lors de sa fête le 6 décembre). Anglais morel « morille ».  Le maïs et le sarrasin est appelé blamauro à St André de Valborgne, et il s’appelle blasarrasin  en gascon.

Mayrial, Marinade et Bellemaire

Bellemaire, au Mayrial, à la Marinade, à la Condamine, à Mirepoix .

Il y a quelques semaines la dormeuse a donné la description que voici:

Situé au-delà de Cariou, i. e. à l’ouest, sud-ouest du moulon, le hameau de Bellemaire, ou Bellemayre, s’étage sur la pente des collines qui bornent sur sa rive gauche le cours de l’Hers. Il doit sans doute son nom de Bellemaire, “belle maire” ou “belle mayre”, au caractère riverain de sa situation géographique, qui est ici celle de bord ensoleillé du “lit d’un fleuve”4, bord depuis lequel, abrité de ici de l’inondation, l’on jouit d’une “belle” vue sur les rives de l’Hers et sur la colline de Terride ainsi que sur le château du même nom. Au pied du hameau de Bellemaire, le lieu dit “La Marinade” se trouve, lui, plus directement riverain du territoire de divagation de l’Hers, ou, conformément à l’acception plus large du mot “maire, mayre”, plus directement riverain du “fossé principal qui reçoit l’eau de ruissellement des collines environnantes”5. A noter qu’au bord du cours actuel de l’Hers, on trouve au nord, nord, est de Mirepoix, le moulon du Mayrial, dont le nom renvoie lui aussi au sens de “rivage”. Bellemayre, La Marinade, le Mayrial -, ensemble les trois toponymes se souviennent des divagations qui furent au cours des âges celles d’une rivière connue pour l’amplitude de ses divagations et pour ses crues dangereuses, dont celle qui emporta en 1289 la première ville de Mirepoix.

Photo de la Dormeuse

Pégorier: maire, mayre  « lit ou source d’un fleuve » prov. et lang.

Etymologie : latin mater « mère », et « lit de rivière » à partir du Ier siècle.  Dans le domaine galloroman le sens « lit de rivière » est limité au provençal et  au languedocien, mais il a dû exister aussi en gascon, parce que le verbe desmayrà « déborder, sortir de son lit » est attesté en béarnais. Nous retrouvons le sens « lit de rivière » en catalan mare,  espagnol et portugais  madre.  Les rares attestations en moyen français viennent d’Olivier de Serres et de Cotgrave, connus pour leurs occitanismes.

Le rièu meirau, rec mâiral (S2) ou  la mayre del riu est « l’égout collecteur, fossé mère ».   La  mayre   est aussi la « source d’un cours d’eau ». Dans l’Aveyron un « endroit où se cache le poisson ».

Les 3 toponymes cités par la dormeuse : Mayrial, Marinade et Bellemaire  sont  bien occitans1, mais ils ne sont pas (encore?) attestés comme substantifs.

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  1. Il y a des toponymes comme Bellemare   en Normandie, mais leur étymologie n’est pas la même

Mazet, maset, mas

Maset « petite maison de campagne, petite ferme; maisonnette rustique où l’on va passer le dimanche » est un dérivé  en –ittu de  mas « ferme, maison, demeure ». D’après les dictionnaires de français, entre autres par Littré, ce dérivé est caractéristique pour la région de Nîmes – Avignon. Un visiteur me signale le sobriquet mazetié pour les Nîmois qui allaient chaque dimanche dans leur mazet‘. Cette photo vient du site de G. Mathon qui consacre une  page intéressante au maset nîmois.

Lou Maset du Jardin de la Fontaine

L’origine est le participe passé mansus du verbe latin manere « rester, habiter » qu’on trouve comme substantif dans des textes et des inscriptions depuis le Ve siècle avec le sens « maison  » et « domaine ».

Le mot a également existé dans le nord de la France, comme en témoignent de très nombreux noms de personnes (Dumas, Delmas) et de noms de lieu (Metz, Meix, Mas), mais il y a perdu beaucoup de terrain depuis la disparition du système féodal concernant la propriété (un sujet à approfondir!) Mas n’est vraiment indigène que dans le Midi, où il s’est maintenu jusqu’à nos jours avec le sens « ferme ».  Il faut dire que les agents immobiliers  en abusent depuis que les prix ont flambé.

En français il a été emprunté à l’occitan au XIVe siècle.

Le  mas du Valdeyron à Valleraugue où j’ai habité pendant 20 ans

Autres dérivés: masada, masaria « tour d’une ferme, hameau »; masatgier « campagnard »; masièr, masièra « qui habite un mas »; masuc « petite construction montagnarde où les bergers d’Auvergne s’abritent et font leurs fromages en été »;  masagé « campagnard  » forme rencontrée par un visiteur dans un état civil du XIXe siècle de la région d’Albi : masagé de Rafialou, d‘Ambialet.

mécanique ‘frein’

Il y a une dizaine d’années avant les réglementations et quand les vide-greniers étaient encore des vrais marchés aux puces, je chinais des objets curieux  qui me plaisaient du point de vue « design » et j’en ai acheté plusieurs « machins, trucs ou bidules » dont les vendeurs ne connaissaient pas non plus l’utilité ni le nom:

mécanique2 mécanique1Pas mal comme sculpture, mais je n’avais aucune idée de sa fonction, jusqu’à ce que je l’ai proposé à la vente et qu’un connaisseur m’a éclairé « Mais c’est un mécanique », pour freiner; sur les charrettes ».

Le Trésor de la langue française le mentionne, mais il faut bien chercher dans un long article :

En partic., vieilli. ,,Mécanisme qui sert de frein à une voiture à cheval. Serrer la mécanique«  (Ac. 1935).

Il s’agit en effet d’un mot du XIXe siècle, qui était vieilli en 1935, mais reste connu par certains

Lucien Hergot a publié  dans LINX Année 1991 H-S 3 pp. 61-69    un article  intitulé Mécanique et Tavelle, deux éléments du vocabulaire hippomobile.

Il y donne des détails sur les expressions « serrer la mécanique », « enrayer » et  » frein, freiner ».  Il cite le FEW mais il l’a probablement mal lu, parce qu’il ne cite que quelques attestations. Voici l’ensemble des attestations dans le FEW VI/1, 568 colonne a

mecaniqueFEW61p568Etymologi: latin mechanicus « de machine », emprunté au grec.

 

terebellum FEW XIII/1, 234