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Garriguette, la benjamine de la famille Garric

Garric « chêne kermès; chêne blanc; chêne nain; chêne en général » (Alibert). Garriga « garrigue, terre inculte où poussent les garrics; chênaie rabougrie ». Garriguettes, gariguettes  « variété de fraises créée en 1978 ».  L’étymologie est une base préromane *karr« chêne » ou  *karri- « pierre » sur laquelle les avis des étymologistes divergent.

Garric « chêne kermès » est attesté en occitan depuis 1177  en Rouergue(TLF).  Son dérivé garriga « (terrain avec) des taillis de chêne »  se trouve  en latin médiéval dans tout le domaine occitan. La première attestation vient d’un texte de 817  fait dans le  Couserans, une province gasconne dans l’Ariège.

Extrait de Niermeyer, Jan Frederik, Mediae latinitatis lexicon minus;  2 vol. Leiden, 1976. Vous pouvez consulter des extraits, dont la suite de celui-ci,  avec Google Livres.

Une comparaison de la carte de l’Atlas Linguistique de la France (ALF)  avec l’article de Mme J. Ubaud  sur les noms des chênes en occitan, montre clairement l’effet catastrophique de la normalisation voulue par les  « occitanistes ». Un exemple.  Même les rares  occitanophones dont l’occitan est la langue maternelle, doivent chercher dans un dictionnaire pour savoir comment appeler un « chêne kermès ». Mme Ubaud veut imposer  avaus, mot plutôt rare.  Le mot garric  ne se trouve même pas dans son article.  Pour connaître la réalité, mieux vaut de consulter le Thesoc s.v. chêne.

Carte extraite des   Lectures de l’ALF  de Gilliéron et Edmont. Du temps dans l’espace. par G. Brun-Trigaud, Y. Le Berre et Jean Le Dû. Voir Sources, liens, s.v. ALF 

Ces données sont à compléter par celles, incomplètes hélas, du Thésoc, qui montre que la zone garric   est ou était plus étendue. Il y a  une attestation de garric  pour la Charente!  L’article *karra  du FEW a été publié en 1940 et beaucoup de données manquent bien sûr.

Plus sur l’étymologie de garric et  garriga  dans le TLF s.v. garrigue.

La garriguette par contre n’a rien de préroman. Sa naissance date de 1978. Son histoire romancée :

Ou et quand est née la première gariguette?

– La première gariguette a vu le jour en 1978 dans les laboratoires de l’INRA à Avignon après 16ans de mise au point.1

se trouve dans le blog « Les Végétaliseurs ».  Cette histoire montre que la recherche peut créer du travail et de  la richesse. Intéressant dans la situation économique et politique actuelle.

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  1. Pour éviter que la suite se perde, je l’ai copiée et vous pouvez la  lire ici gariguette tirée_de Les Vegetaliseurs.

Gasa, gasar, gasaire

Gasar « passer à gué, agiter le linge dans l’eau, guéer, promener un cheval dans l’eau »; v.intr. « se baigner »; ga « gué »; gasaire « qui passe à gué » (Alibert). Etymologie : germanique *wad  « un endroit peu profond ». FEW XVII,438a.

Le Midi Libre du 14 oct.2009 consacre un article à la gasa à Aigues Mortes. Dans le Thesoc gasier (Corrèze) et gassotier (Creuse) « flaque d’eau ».

Je pense qu’il faudra ré-étudier l’histoire des mots gasar et gafar « guéer », parce que je ne peux pas croire qu’ils aient une origine différente.

Waddenzee, Pays Bas

Le  Waddenzee  est la mer entre les îles et le continent.  Une réserve naturelle importante pour les oiseaux.

 

Gasanhar "gagner"

Gasanhar, guasanhar « gagner ».  Article écrit  en septembre  2011 avant les élections présidentielles !

Bertrand Boysset, géomètre à Arles au XVe siècle,  demande conseil à Dieu, qui lui donne le conseil suivant :

A quascun son dreg donares
La destra non ulh(as rem)-embrar
Per la senestra guasanhar
1

Gasanhar   a été remplacé dans la majorité des parlers occitans par la forme française gagner, occitanisé en ganhar.

L’étymologie est d’ailleurs la même : un ancien francique*waidanjan  « faire paître le bétail » un dérivé de waida « pré » qui existe toujours en allemand et en néerlandais weide « pré » et  comme le verbe weiden ‘faire paître le bétail’.

gasanhar pour un berger

L’emprunt doit être très ancien puisque le -d- intervocalique a suivi l’évolution typique de l’occitan, le dintervocalique qui passe à -s- , prononcé -z-. Il est même possible que le mot n’a pas été emprunté au français mais directement aux gotique. Il a également  été introduit en Italie par les Longobardes : guadagnare. Les formes catalan guanyar, espagnol ganar et portugais ganyar viennent peut-être du français, mais vu les très anciennes attestations, il est plus probable qu’elles viennent également du gotique ou ont été emprunté même avant les Grandes Invasions  (400 – 600 après J.-C).

L’évolution sémantique est intéressante. Comment arriver au sens « gagner » à partir du sens « faire paître le bétail »? C’est Charlemagne, qui ne s’est pas uniquement occupé de l’école, qui a joué un rôle important.  A l’époque de l’introduction de la charrue,  au début du IXe siècle, il a donné ordre d’appliquer l’assolement triennal ( Wikipedia) sur les terres impériales.  Après une année de repos, la terre devait être utilisée comme pré et l’année suivante elle était labourée. Cette troisième année waidanjan prenait le sens « cultiver la terre, labourer »‘ ensuite « semer ».  Ces sens sont  conservés en ancien occitan et jusqu’à nos jours en franco-provençal. En ancien français gagnable signifiait « cultivable, labourable ». Michel Chauvet, ethnobotaniste, me rappelle que le sens originel subsiste dans le mot regain, qui en agriculture désigne la repousse de l’herbe en été dans un pré après une première fauche au printemps.

gasanhar pour un fermier

Quand plus tard ce sont pas des paysans mais des soldats qui vont gagner il y a un changement radical de sens qui devient : « faire du butin, piller » attesté depuis 1140. Pour d’autres métiers plus pacifiques gagner, occitan gazanhar prend à partir du XIIIe s. le sens « acquérir de l’argent ou une récompense par son travail, par son initiative » et à la même époque « l’emporter au jeu ».


gasanhar pour un soldat .

                                          

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  1. A chacun tu rendras son droit. Tu ne léseras pas la droite, Pour faire gagner la gauche… Arles XVe s. voir le poème s.v. destre

Gaubi

Gaubi s.m. « adresse, aptitude, savoir faire » (Trièves), « esprit, adresse, bonne grâce, savoir-faire » (Die). Mistral donne une colonne de mots qui appartiennent à la même famille.  Les sens sont assez abstraits et difficiles à classer.

D’après le FEW l’étymon est le verbe gotique *garwon « arranger, préparer, décorer ».

La grande majorité des attestations vient du provençal et du languedocien, mais on le connaît aussi en béarnais gaubi « aisance naturelle, maintien ». D.Martin, Dictionnaire du patois de Lallé. Gap,1907-1909, donne plusieurs composés: gaoubi   « biais, l’habileté des mains ». – deigououbiar  » se dégourdir, se débrouiller » .- deigououbia , deigoubiaire, deigoubieira » . J’ai cherché l’attestation dans le texte, parce que le sens « biais » m’intriguait. L’abbé de Sauvages (S2) me fournit l’explication en  donnant  trois mots différents :

  1. gâoubi « adresse, etc. »
  2. gâoubi ou galbé « maintien »
  3. et le dernier qui correspond à  « biais » :  gâoubi  « tortu [sic!], de travers, déjété » et gâoubià  « se dit du bois qui se tourmente pour avoir été mis en oeuvre avant d’être bien sec ». Il rattache ce troisième sens à l’italien gobbo « bossu ».

Le mot biais a également un très riche développement en occitan. Dans quelques significations  il est passé au français, mais il est difficile de saisir l’élément sémantique  central  comme pour le mot gaoubi .  L’article est à approfondir.

Pour le Panoccitan on a inventé le mot gaubissen « soutien-gorge ». Encore un effort et plus personne ne comprend l’occitan.

J’ai quelques problèmes à admettre les évolutions sémantiques et par conséquence les étymologies données pour ces mots.

Gavach, gavatch, gavot

Gavot « paysan haut cévenol ou lozérien » , gavatch, gavach désigne toujours des habitants des montagnes1 . L’étymon est une racine *gaba« gorge, jabot, goitre » qui vit en Italie et dans les parlers galloromans. (FEW IV, p.4)  Dans le TLF gavache  est défini comme « vieux » ou « régional ». Dans le DMF est signalé un sens spécifique pour la Provence : « celui qui fqit le métier de portefaix ».

Pour l’abbé de Sauvages un gavo est un « montagnard du Gévaudan » et il dit que les

Espagnols appliquent le mot gavacho aux montagnards du Gévaudan qui vont faire leur moisson et à tous les François.

Un visiteur me signale: « En Roussillon un gavatch est un habitant de l’Aude. Il semble donc qu’un Gavatch vienne toujours du nord et pas nécessairement de la montagne. » Je pense que c’est la nuance péjorative qui a pris le dessus. C. Achard donne une dizaine de sobriquets provenant de plusieurs départements dont gaba est la base .

Nous retrouvons gaba dans les parlers du nord de la France p.ex. en picard gave « jabot de volaille ». En ancien provençal existe le dérivé gavaych « goitre » qui existe toujours dans les parlers modernes, p.ex.  à Aix gavagi « gosier » et languedocien s’engavachà « s’obstruer en parlant de la gorge » (S), à  Manduel c’est « avaler de travers » (ALLOr 1181).

Le dérivé gavaych orthographié gavach en occitan et français régional est très vivant, nommé par ex. dans  le  ML 8-2004 comme son cousin gavot, mais le sens a bien changé! Au XVe siècle il y a des attestations de l’occitan gavag ou gavach « ouvrier étranger ». Le mot est même passé dans les dictionnaires français gavache « injure que les Espagnols adressent aux Français des Pyrénées et du Gévaudan, qui vont exercer en Espagne les emplois les plus vils ». Nous voyons que les temps changent!

Je ne peux m’empêcher d’énumérer les autres définitions données, parce que cela vaudrait une étude sociologique approfondie! A Lasalle (Gard) gavache « montagnard, homme grossier », à Puissergier « montagnard de la Lozère, du Tarn, de l’Aveyron »; dans l’Aveyron « un habitant du Gévaudan », et dans le Gers « une personne étrangère au pays ». Dans les vallées de la Seudre et de la Seugne dans le dép. de la Charente on appelle gavache « l’idiome saintongeais des environs de Blaye » qui est peut-être Occitan ???. A La Réole gavache est  « la population de langue d’oïl installée dans le pays du bas Dropt , la Gavacherie ».

Le dérivé gavot désigne depuis les premières attestations en provençal du XIVe siècle « un habitant de la partie montagneuse de la Provence » et en languedocien « un montagnard » avec une nuance péjorative de « homme grossier, individu gauche » etc.

Ménard traduit gavotus par « montagnard » dans son Histoire civile, ecclésiastique  et littéraires de la ville de Nismes, vol.IV, p.332

Un texte du XVe siècle, dit simplement que M. Claude Lantelme  est un gavot:

La  relation sémantique entre la racine  *gaba « gorge, goître » et gavot, gavache « montagnard »  est la maladie du goitre.  Le goître étant plus fréquent en montagne que dans la plaine: « On parle d’endémie goîtreuse lorsque 10 % au moins de la population est goîtreuse; Certaines aires géographiques sont électivement représentées notamment mais non exclusivement les zones de montagne). Les facteurs étiologiques sont multiples et peuvent être associés : – carence iodée surtout ( mais non constante) avec iodurie inférieure à 50µg/jour ». Les exemples donnés  par le TLF comme illustration du mot goitre  montrent que le  goitre endémique est souvent associé au crétinisme.

Un gavot ou gavach est donc littéralement « un goitreux » et ensuite un « crétin ».

S’egargavatšar, s’engavachà « Avaler de travers ». Dans les villages autour de Montpellier les témoins pour l‘ALLor ont traduit « avaler de travers  » par  s’egargavatšar, s’engargalhar etc. probablement par confusion avec le type garg-; dans le Gard c’est le type s’engavachà qui domine presque partout.

Dans un site en espagnol, il y a un résumé d’autres explications : http://www.1de3.com/2004/12/29/Gabacho/

Un visiteur, bon connaisseur de l’espagnol, a suivi le lien et m’écrit: Sur le site espagnol que vous donnez en lien, je découvre la locution « hablar en gavacho« . Il me semble que les Français ont rendu aux Espagnols la monnaie de leur pièce ! L’étymologie de « parler [français] comme une vache espagnole«  est donnée comme une corruption de « parler comme un basque espagnol » ; mais il me semble qu’il est plus convainquant de dire que c’est une adaptation de l’espagnol « hablar en gavacho » ! Une explication plus convaincante que celle qui propose le confusion de basque et vache.

Les dernières compléments d’informations viennent du Chili! gabacho

A mon avis il n’y a pas de contradiction entre le toponyme Gave, anciennement Gaba « rivière » en Béarn, et le sens « goitre ». (Voirgaba) Surtout en montagne, les rivières passent souvent par des gorges. Cf. Wikipedia  Gave  .  Mais d’après le TLF des recherches récentes montrent qu’il s’agit plutôt d’un mot préroman gabatro* :

D’apr. leur forme et celle de leurs dér. Gabarret, Gabarrot (v. Raymond, op. cit.), ces mots semblent reposer sur une base préromane *gabaru, *gabarru (Rohlfs Gasc.3, § 69, 479; cf. fin viiie-début ixes. lat. médiév. gabarus Théodulfe d’apr. Dauzat Topon. éd. 1971, p. 138); v. aussi J. Hubschmid, Pyrenaënwörter vorrom. Ursprungs, § 42 qui rapproche les termes pyrénéens de l’a. prov. gaudre « ravin, ruisseau » reposant sur une base préromane *gabatro à laquelle il rattache le lat. imp. gabata, gavata « jatte, écuelle » [v. jatte] – et Id., Sardische Studien, § 23. Une base préromane *gava « cours d’eau » (FEW t. 4, p. 83a) paraît moins satisfaisante. Bbg. Pégorier (A.). À travers le Lavedan. Vie Lang. 1962, p. 468.

 

  1. D’après René Domergue, les Gardois disent gavot. Du côté de l’Hérault le mot gavach ou gabach est préféré. (article à paraître

Gavèla, gabel

Gavèla « fagot de sarments » dans les dép. de la Charente et de la Dordogne (Thesoc). « javelle, poignée de blé, gerbe » (Alibert), a la même étymologie que français javelle (TLF). Suivant les régions et l’agriculture locale, *gavèla  signifie « javelle de blé » ou « botte de sarments » et peut prendre enfin un sens très général « monceau », qui à son tour se spécifie dans « tas de sel retiré du marais salant (Larousse depuis 1877).

Gavèla appartient à une famille de mots d’origine gauloise *gabella « javelle » reconstruit à partir de la racine irlandaise gabal « saisir », et gabalus « javelot ». Les représentants de *gabella se retrouvent dans le Nord de l’Italie, en catalan gavella, espagnol gavilla « gerbe »,  portugais gavela « gerbe » et a été emprunté par le basque gabila « fagot ».

(et anglais gavel « ce qu’on coupe en une fois avec la faux » d’après le FEW, mais je n’ai retrouvé ce sens dans aucun dictionnaire anglais: un gavel est un « petit marteau d’un président d’une réunion »).

Gazeta, gaseta, gazette

Gazeta s.f. « journal ». Il y a deux propositions concernant l’étymologie du mot gazetta.   Mais  voyons d’abord l’histoire de la première Gazetta « journal ».

Au milieu du XVIe siècle, avant 1580 en tout cas (TLF), les gouvernants de Venise décidaient d’éditer une fois par semaine un petit journal avec des informations sur les voyages des bateaux qui se trouvaient en haute mer un peu partout dans le monde. Le port de Venise était à l’époque un des ports les plus importants du monde occidental.  Ci-dessous  une image d’un chantier naval  à Venise qui date du XVIe siècle.

               

Un chantier naval à Venise au XVIe s.                                                                                 Andrea Gritti, doge de Venise

Dans ce journal étaient  publiées aussi  les nouvelles réglementations et les décisions prises par le doge et ses conseillers . Le titre de cette « feuille volante d’information » était la Gazeta de le novite (TLF).1.

On suppose que le nom Gazeta a été choisi parce qu’elle était vendue une  gazeta ou gazzeta qui valait deux soldi (sous), frappée depuis 1538 par le doge Andrea Gritti .  J’ai trouvé une description de cette pièce de monnaie : Côté face il y a la représentation d’un lion ailé  et côté pile celle de la Justice assise sur deux autres lions, avec la devise Justitiam diligite.   Le titre de la pièce était de 452 carats par marc2.  (Source)  Sur le côté pile est écrit SANCTVS MARCVS VENETVS. Elle était en argent.

gazeta de Venise

Gazeta en argent, frappée de1559-1567

Voici des extraits de deux dictionnaires du vénitien du XIXe siècle:

gazeta    Gaza

(Source de 1821; c’est la 3e éd.)                                                                                     (Source de 1829)

Ensuite le nom  gazetta, gazette   a eu beaucoup de succès depuis  le XVIIe siècle en français, anglais, allemand etc. et a été adopté par beaucoup d’éditeurs.

Voilà pour l’histoire de l’objet.

L’étymologie du mot gazette  la plus répandue3   est gazeta  « petite pie », un dérivé du vénitien gaza « pie ».    Le lien sémantique entre  gaza  « pie » et gazeta « pièce de monnaie »  serait la représentation d’une pie sur la gazeta « monnaie »La linguiste Henriette Walter écrit   « du vénitien gazeta,  piécette sur laquelle se trouvait  représentée une petite pie » (p.170) . D’autres ont écrit qu’il y avait l’image d’une pie sur l’entête du journal, mais  dans les plus anciens numéros conservés  à Florence il n’y en a pas. (Harper)

Pourtant une  gazeta  n’est pas une piécette et il n’y pas de représentation d’une petite pie dessus.  De plus, la renommée de la pie est qu’elle est très bruyante et qu’elle jacasse et bavarde.  Il est inimaginable que les doges de Venise aient approuvé comme  titre de leur bulletin un nom qui signifie quelque chose comme La Bavarde. Ce n’est que plus tard que le mot gazette est devenu péjorative. Selon le Dictionnaire universel de Antoine Furetière (1688-1689),

« Gazette est un mot qui désigne «un petit imprimé qu’on débite toutes les semaines, qui contient des nouvelles de toutes sortes de pays. On appelle figurément Gazette, une femme qui scait toutes les nouvelles de son quartier & qui les va publier en tous lieux de sa connoissance. En ce sens, il ne se prend qu’en mauvaise part. Ce mot vient de gazetta, qui signifie une espèce de monnaie de Venise, qui estoit le prix ordinaire du cahier des nouvelles courantes, Ce nom a été depuis transporté au cahier même. »

L’évolution du contenu des Gazettes,  de « bulletin d’information » vers « un petit imprimé qu’on débite toutes les semaines, qui contient des nouvelles de toutes sortes de pays » a entrainé un jeu de mots avec gaza  « pie », un oiseau qui jacasse.  Ensuite  la comparaison a été complétée par la  transformation  fantaisiste du  leone alato (le lion ailé) de la gazeta vénitienne  en pie.  Les étymologistes avant internet n’avaient pas la possibilité de vérifier l’image frappée sur la gazeta vénitienne. Cette étymologie est donc fausse.

La deuxième étymologie proposée par Devoto et reprise par le TLF  est le latin classique gaza « trésor, richesse » emprunté au grec γ α ́ ζ α (gadza ) « trésor du roi de Perse ».  Le nom gazetta  « petit trésor » aurait plu  à Andrea Gritti.  Quand ses successeurs ont décidé d’éditer un bulletin d’information, ils ont choisi le nom Gazetta  et fixé le prix de ce petit trésor d’information  pour les Vénitiens qui étaient restés sur le quai à  1 gazeta.


leone alata        gaza in bagno

 

  1. Je n’ai pas encore réussi à trouver un exemplaire numérisé, mais je pense que la Gazeta était rédigée en vénitien, puisque destinée aux Venitiens.
  2. Aveva impresso un leone alato  in piedi e la immagine della Giustizia seduta sopra altri due leoni col motto Justitiam diligite Il suo titolo a peggio era di carati 452 per marca  »
  3. Le FEW l’a classé dans l’article gajus « geai ».

Geek

Geek « fou d’informatique » n’est pas encore  occitan mais international. Les puristes trouveront certainement un autre  mot comme alfi que personne n’utilisera.

Geek  est un emprunt à  l’anglais geek qui l’a emprunté au bas allemand, peut-être le néerlandais. En néerlandais le mot gek, écoutez la prononciation ici , est très courant comme substantif  « fou » mais surtout comme adjectif ou il a pris le sens de « fou de quelque chose; curieux, étrange », par exemple « il est fou de chocolat »  hij is gek op chocola.

Dans le nouveau dictionnaire étymologique du néerlandais (EWN), je trouve dans l’article gek  « fou » qu’il y a peut-être un lien avec le substantif gek « extracteur de fumée sur une cheminée » qui tourne au gré du vent1


 et il  relie le norvégien gek au verbe geiga  « chanceler, tituber » et l’allemand geigen « vaciller, flageoler » de l’ancien allemand giga « instrument de musique à trois cordes ». En bas-allemand le gek était le « fou du roi ».

Bien sûr, il y a d’autres explications, mais celle-ci est assez séduisante. Elle nous raconte que des musiciens ambulants allemands, à une époque ancienne, probablement pendant les Carolingiens (750-1002), venaient jouer de la giga, Geige en allemand moderne, dans les cours en France. A partir du substantif gigue a été formé en moyen français le verbe giguer « gambader, folatrer » ou dans la région de Verdun et Châlons-sur-Saone « sauter, remuer les jambes; s’amuser bruyamment ».

La suite de cette histoire dans l’article giga 1 et 2.

Dave Wilton, dans le site Wordsorigin.org décrit l’évolution du mot en anglais et en américain.

  1. Pour les chercheurs germanophones il y a pas mal d’attestations  dans  Köbler, Gerhard, Mittelniederdeutsches Wörterbuch, 3. A. 2014  :

    gek (1), geck, jeck, mnd., M.: nhd. „Geck“, drehbarer Deckel eines Gefäßes, Narr, Tor (M.), Wahnsinniger; Vw.: s. erse-; Hw.: vgl. mhd. gec; E.: s. mhd. gec, st. M., Geck, alberner Mensch, Narr; wohl lautmalerisch; s. Kluge s. v. Geck; R.: de gek plāget ēne: nhd. „der Geck plagt ihn“, er ist verrückt, er ist toll; L.: MndHwb 1/2, 46 (gek), Lü 111b (geck)

    gek (2), geck, jek, mnd., Adj.: nhd. verdreht, töricht, närrisch, toll, wahnsinnig, wild; Hw.: s. geklīk; E.: s. gek (1); L.: MndHwb 1/2, 46 (gek), Lü 111b (gek)

gerbo baude ‘fête’

Gerbo baude . Etymologie germanique bald « hardi ».

A La Rochette

La Gerbaude à  La Rochette

Un visiteur m’écrit:

BAUDE – : de l’ancien français « baud » = joyeux – ardent, (a rapprocher aussi de Ebaudir).
Origine probable de la mythologie Balte.
Du dieu LAUKOSARGAS, gardien des champs et protecteur du blé, auquel il convenait d\'offrir la dernière gerbe fauchée.

Normalement la « Gerbe baude » est le nom de la fête qui termine les moissons.
Les gros travaux des champs étaient faits en commun avec l’aide de tous les habitants du village. A la fin des moissons, si tout s’était bien passé, on hissait la dernière gerbe du dernier gerbier au sommet de celui-ci. C’était l’offrande au ciel, de la gerbe la plus belle et la plus grosse en guise de remerciement pour sa protection.
Il est probable que dans les temps anciens, la gerbe dernière était brûlée sur un autel et devenait ainsi cette gerbe ardente, à la fois gerbe d’or et gerbe joyeuse qui assurait la bienveillance des dieux.
Cérémonie païenne à l’origine, la tradition s’est maintenue au fil du temps et s’est transformée en fête religieuse avec la bénédiction des blés puis en fête populaire pour marquer la fin des moissons.
Avec la mécanisation et dans certaines régions où le blé ne représente qu’une culture minoritaire, la fête de la gerbe « baude » s’est déplacée vers d\’autres saisons et d’autres gros travaux. Dans les pays de vignes, par exemple, la gerbe baude (dite aussi gerbaude) sanctionne la fin des vendanges. C’est l’occasion de réunir tous les participants autour d’une table bien remplie avant la dispersion des ouvriers saisonniers.

Dans l’article *bald- « hardi » du FEW XV/1,30 je trouve le paragraphe suivant:

Gerbo_baudeFEW

Le message de mon visiteur m’a suggéré de chercher aussi la combinaison de deux mots gerbaude dans le FEW et en effet dans le volume XVI,p.14 je vois que l’extension géographique est bien plus importante, elle va de Nantes jusqu’à Villefranche-de-Rouergue:

FEW XVI,14 garba

FEW XVI,14 garba

Le mot gerbe est aussi d’origine germanique.
L’étymologie de ce baude est la même que celle de baudo « grosse pierre », mais les deux significations sont tellement éloignées l’une de l’autre que la gerbe baude mérite cet article à part.  Les noms de rue  de la Baude, que j’ai trouvés  à Saint-André-d’Apchon (42370), à Rochefort sur mer (17300), à Sainte Colombe (77650) et à Albi doivent être étudiés de plus près. Il me semble même probable qu’il faudra les rattacher à ce sens de « fête de moisson » et non pas à baudo « grosse pierre ».   A Manduel dans le Gard par contre il n’y a pas de culture de blé, c’est un village vinicole et la Baude y est un pont ou une rivière ou autre chose.
Aujourd’hui je reçois un message de M.Honoré de Saint Amans de Pellagal dans le Quercy qui m’écrit :
Dans mon village, Saint Amans de Pellagal, se trouvent quatre lieux-dits comportant le mot Baoudo qui a été traduit par Baude, dont Tuquo de Baoudo, lieu d’une ancienne motte castrale. Mes recherches vont dans le même sens que les vôtres et m’amènent à cette conclusion : La jierbo baoudo ou garbo baoudo  (la gerbe joyeuse) est la traditionnelle fête et le régal (repas) offert à la fin de la moisson. La francisation donne baude qui a donné s’esbaudir « rire, s’amuser ». Mais pourquoi appeler ainsi cette « colline de la joie »? Peut-être parce que c’est sur cette éminence que se déroulait la fête païenne où il était d’usage dans certaines régions de brûler la dernière gerbe récoltée sur un autel.
J’en suis arrivé à cette conclusion en consultant une ancienne chronique locale du début du XVIIème siècle, parlant d’anciennes traditions, traduite par un habitant.
Je vous remercie infiniment de partager vos connaissances dans votre page.
Cela fait énormément plaisir, une réaction comme celle-ci.

Voir aussi l’article Baude nom d’une rue à Manduel

Gèrla

Gèrla « cuve, jarre, seau, hotte ». Le latin a créé un adjectif gerulus « portable » en partant du verbe gerere « porter ». Gerulus était le plus souvent utilisé en combinaison avec tina « cuve » : gerula tina.

De la même façon que  de nos jours un ordinateur portable est devenu un portable, et un téléphone mobile un mobile, la gerula tina est devenue une gerula « une cuve ». L’accent étant sur le –e-, gèrula > gèrla. Le sens reste assez flou et le mot s’applique à toutes sortes de récipients. Dans certaines régions gerla désigne un récipient spécial, par exemple à Barcelonnette la géarla est un « seau en bois, avec queue, pour traire les vaches ». D’après le Thesoc, gèrla peut être un « récipient à l’huile » ou « un récipient à porter à boire aux champs ». A Nîmes est attesté en 1300 le dérivé girlon « seau pour traire les vaches ».

                 

gèrla, girlon ancienne                         gerla moderne                        gerulus ordinator

  
           gerulus telephonicus