cat-right

Gabian ‘mouette’

Gabian « mouette » est attesté en provençal,  à Nice et  en languedocien de l’est,  entre autres au Grau-du-Roi. Cotgrave, un lexicographe anglais de la fin du XVIe siècle et excellent connaisseur de l’occitan,  le mentionne dans son dictionnaire en 1611. Il l’écrit gavian et cette graphie passe en 1845 dans le dictionnaire de Bescherelle et il reste ensuite dans les Larousse jusqu’en 1930 sans qu’il soit vivant en français!

A Hyères et à La Ciotat ainsi que dans le département Bouche-du Rhône,  Edmont (l’enquêteur pour l’Atlas Linguistique de la France, ALF) a noté au début du XXe siècle le dérivé gabino  « mouette », mot déjà attesté en 1300 en Provence.  A Nice  une gabino  est une « mouette à 3 doigts » (Rissa tridactyla; Wikipedia).

D’après Wikipedia  le gabian  est le Goéland leucophée (Larus michahellis)

gabino tridactyle

 

 

 

           gabian goeland

goéland

L’abbé de Sauvages (S1)  écrit que gafêto  est synonyme de banêlo « une mouette de la grosseur d’un pigeon. Elle a le  plumage d’un cendré clair. Le bec qui a un pouce de longueur, a le bout noir, le reste est jaunâtre.  »  ( Si vous pouvez me fournir plus de détails, contactez-moi!).

Je constate avec le web que le mot est très vivant. Par exemple ici « On y trouve une majorité de mouettes rieuses, les plus répandues sur nos côtes ; en Provence, on les appelle des  » gabianolo « , puisqu’elles sont parentes des goélands.  » et surtout les Gabians de Marseille.

Deux gabians  en action.

L’étymologie est le latin gavia   « mouette » qu’on retrouve en  Sicile, et sous forme du dérivé  gavina  « mouette (Larus canus) » en italien, catalan et espagnol. Les étymologistes ne sont pas d’accord sur l’origine du mot gavia. Faut-il le rattacher à gaba « gorge, goître » ou à gava  « cours d’eau ».

Le FEW fournit aussi pour Marseille et Nice le sens au figuré de gabian  « mortier où l’on voit de gros morceaux de chaux non délayée »,  image qu’il explique par le fait que ces morceaux  ressemblent aux ailes blanches des mouettes.   Par contre  gabian  avec les sens de « employé de fermier général » (Marseille); « douanier » (Nice) et  « gabelou » (Puisserguier)   donnés dans le même article  font à mon avis partie de la famille gabela  « gabelle ».

Un visiteur me signale un Entretien avec Pierre Meynadier,  auteur et réalisateur du film Marius Gandolfi, le gabian paru dans le blog de France 3 Provence le 8 avril 2013.

 

Gabieu, Engabier,

Gabieu : « cage, espace entre quatre ceps, mais aussi rangée de vigne, espace entre deux rangées .  « Gabia (A.). Gàbi (M). (Domergue écrit « espace entre deux rangées » est le sens propre à la bouvine camarguaise!).

Engabier « prendre la gabieu« . Engabiar (cl). Engabia (mis).

L’étymologie semble  être la même que celle du français cage, à savoir le latin cavea « cavité, creux; cage » .

La forme languedocienne gabia, gabio pose quelques problèmes de phonétique historique. En France comme en Italie on trouve des formes avec c- et avec g- à l’initiale. En langue d’oïl ca-  dans cage  n’est pas devenue cha-, en occitanle -v- est devenu -b- , et -be- devient normalement – ž- . Je laisse les différentes explications aux phonéticiens.

Dans mon dictionnaire latin j’ai trouvé aussi les sens suivants de cavea : « ruche; haie, buissons à l’aide desquels on protège les jeunes arbres » et « les gradins du théâtre« . Je pense que le sens  « rangée de vigne, espace entre deux rangées » donné ci-dessus et qui n’est mentionné dans le FEW que pour l’Aveyron, s’explique à partir  des derniers.

Le sens de gabio varie bien sûr suivant les localités, tantôt une « cage pour des oiseaux, des poules », tantôt une cagette pour faire égoutter les fromages.

Un gabiaire est un « fabricant de cages », engabiar « mettre en cage, enfermer, emprisonner ».

Le dérivé gabion est en ancien occitan « une petite chambre qui sert de poste d’observation », et en languedocien une « guérite ».

gabion, mur —

Mur gabion. Dans le journal je lis que des éléments peu recommandables utilisent les « murs gabions » pour caillasser les bus municipaux dans le quartier de Valdegour à Nîmes. Le mot français gabion m’était inconnu et un grand article très élaboré et intéressant dans Wikipedia m’a bien éclairé.

L’étymologie de gabion est l’italien gobbione » grand panier cylindrique rempli de terre  qui sert à protéger les soldats et les travailleurs dans la tranchée »  devenu gabion en français. Gabbione est dérivé du latin cavea « cage ». 1

Cavea est devenu cage en français, gabia, dzabia en occitan; Voir les attestations dans le FEW II, 552-553. Vous trouverez plusieurs significations dans mon article gabieu.

 

Des paniers gabions

Des paniers gabions de l’artillerie au XVIe s.

Les murs gabions sont très à la mode et sont au service des caillasseurs-casseurs.

gabionJardin

Un mur gabion pour jardin (plus joli que les quérons).

Voir le Thesoc ‘cage’  pour les attestations récentes de gabja « cage ».

En provençal et langedocien existe le verbe engabia « mettre en cage ».

Un ami photographe Thomas Zumbiel a publié une belle photo de autos engabiadas:

Casse de Manduel vue du ciel

Aucune description de photo disponible.

En ancien occitangabion signifie  « petite pièce », ce qui semble être un emprunt aux parlers piemontais ou ligures voisins. Voir FEW II, 554

 

  1. Je n’essaie pas de résumer les différents essais d’explication de l’évolution phonétique. Si cela vous tracasse consultez les le FEW II, 554

Gafa

Gafa « gué »

……..gafar dans une gafa

En occitan, principalement en provençal, et en franco-provençal existe le verbe gafar « patauger », un dérivé du mot gafo « gué ».  L’origine serait le gaulois *wasto « gué » devenu régulièrement *wafo dans la bouche des habitants de nos régions et plus tard gafo comme tous les mots dont la première lettre est un w-.

Le verbe gafar « patauger » est  attesté en provençal depuis le XVe siècle (Avignon, 1484). En  languedocien il y a quelques attestations comme  gaf m. « gué » (S) et le Gaffe-de-Goyran dans le Gard (où?),  La Grange de la Gaffe à Villeneuve d’Avignon et le Pont de la Gaffe à Barbentane. En dehors de ces quelques attestations gafar et les dérivés ne se trouvent qu’à l’est du Rhône.   En français régional provençal : gafe « gué »: On va devoir passer la rivière à la gafe ; faire la gafe, c’est tracer le chemin, donner l’exemple. Et un dérivé: gafouia « guéer patauger » On va encore gafouiller ! Le nistoun adore gafouiller dans l’eau ! (Lexilogos).

Pont La Gaffe

L’origine serait un mot gaulois *wasto « gué » devenu régulièrement *wafo dans la bouche des habitants de nos régions et plus tard gafo comme tous les mots dont la première lettre est un w-.

A l’ouest du Rhône c’est le type gasar « « passer à gué« ,  gasa  qui domine.  Je me demande s’il faut supposer une origine celtique pour le provençal et le franco-provençal et une origine germanique pour le langue docien.  Voir mon article  Marche Nîmoise à propos de cette  limite linguistique, politique, ecclésiastique et géographique.

Dans l’article gafar « accrocher, etc. » d’Alibert nous trouvons le dérivé gafarot « passeur de rivière » qui fait partie de ce groupe, comme peut-être gafa « rat de cave » puisqu’il patauge dans la boue.  Il mentionne aussi le verbe gafolhar et ses dérives avec le sens « patauger » qui sont nés d’une combinaison de la racine gafa avec  verbe fouilla « mêler, remuer » provenant d’une racine *fodiculare (TLF s.v. fouiller)  Mais il ne fournit aucune indication de localisation.

Voir aussi l’article gasar .

Gafa, gafar

Gafa « davier de tonnelier »c’est-à- dire une sorte de tenaille pour faire entrer les cerceaux du tonneau, appelée aussi « tirtoir »ou « chien ».

Gaf- « crochet », gafar signifie « gaffer ; mordre, harper; accrocher, suspendre; attraper; coller ». Alibert donne plusieurs dérivés avec des sens qui s’y rattachent, comme par exemple gafarot  « grateron, glouteron ;  les graferots   « fruits de la bardane » sont  nommés ainsi parce qu’ils s’accrochent aux vêtements ou aux poils des bêtes. D’autres formes: galafot (Puisserguier), galafoch (S). Gafarot  signifie d’après Alibert aussi « passeur de rivière » , mais ce gafarot  fait partie d’une autre famille de mots; cf. gafa « gué »

  gafa « crochet » gafarot   crochets

La famille de mots gaf- avec le sens « saisir » et ses dérivés est indigène dans le sud de la France jusqu’à la Loire.  Nous retrouvons cette famille de mots en catalan et espagnol gafa « crochet », esp. et portugais gafar « saisir ». La zone de répartition correspond à celle où la langue des Goths a influencé la langue romane indigène. Nous pouvons donc supposer un lien avec les mots germaniques Gaffel « fourche », anglais gaffle,  néerlandais gaffel .  Il faudra supposer un verbe   germanique *gaffon « saisir avec un crochet » créé à partir d’une racine *gaff-.

En allemand moderne le mot pour « fourchette » ou « fourche » est Gabel, mais aussi Gaffel dans certaines régions, qui a la même origine, comme Gaffelseil un type de voile de bateau et un Gaffelschoner un type de voilier. Cf. aussi anglais gable roof  « toit à pignon ». Dans le grand dictionnaire de l’allemand fait par les frères Grimm au XIXe siècle  est écrit que dans l’histoire du mot gab-, gaf-  nous trouvons un élément important de la préhistoire européenne! En effet on retrouve cette famille dans le celtique et dans le finlandais et les objets à base du crochet qu’ils désignent  sont essentiels dans beaucoup de métiers. .

gaffelaar       gaffel
Un gaffelaar du Brabant ou de Zeeland (NL).             Le gaffelzeil « voile gaffel » tient au mât par une fourche.

Le sens « maladresse » dans l’expression faire une gaffe , attestée depuis Larousse 1872, a été emprunté au langage des matelots pour qui la gaffe est « une perche garnie d’un crochet latéral pour pousser une barque, tirer quelque chose à bord etc. » et fait donc partie du même groupe. Peut-être qu’un matelot peut nous renseigner sur cette évolution sémantique?? Une gaffe utilisée maladroitement , c’est comme un croche-pied! Et si une gaffe peut servir à « pousser » comme à « tirer à bord », faire une gaffe peut bien devenir le contraire de ce qu’on veut faire  « une maladresse ». Dans le site du ‘TLF je trouve la suggestion suivante: « peut-être par allusion aux brimades auxquelles sont soumis les débutants ou les mousses. »

Le sens du mot anglais gaffe  « a silly mistake » (XIXe s., comme l’expression française ) correspond exactement au sens du mot français faire une gaffe « maladresse ». Il est difficile à admettre que l’étymologie proposée par les dictionnaires anglais gab « bavarder » soit juste, d’autant plus qu’il s’agit d’une expression marine!   Douglas Harper   écrit : « gaffe – « blunder, » 1909, from Fr. gaffe « clumsy remark, » originally « boat hook, » from O.Fr. gaffe, from O.Prov. gaf, probably from W.Goth. *gafa « hook, » from P.Gmc. *gafa. Sense connection is obscure. The gaff was also used to land big fish.  »

En restant dans le domaine maritime, le PDG de BP, Tony Hayward, est un gaffe-proner d’après le NewYork Times du 4 juin 2010 . Proner est probablement un emprunt au moyen français prone « porté vers, enclin » attesté depuis l’ancien français vers1173, du latin pronus  » penché en avant; enclin à ».

gaffe_proner
gaffe-proner

Faire gaffe  Le mot français gaffe dans l’expression faire gaffe par contre est d’origine argotique. La première attestation date de 1455, gaffre « gardien, sergent » , mais il ne réapparaît dans les textes et les dictionnaires qu’au XIXe siècle : le gaffe  » le guet », être en gaffe « aux aguets » et  le verbe argotique gaffer « guetter »,  en français moderne faire gaffe.

L’origine est probablement le mot allemand Gaffer « quelqu’un qui regarde la bouche et les yeux grand ouverts », du verbe gaffen « regarder fixement la bouche ouverte ». L’expression faire gaffe veut bien dire « bien regarder, les yeux grand ouverts ».  Il n’est pas improbable que le mot a été emprunté une deuxième fois au XIXe siècle au lieu de continuer l’ancien gaffre.

Le mot anglais gaffer « supervisor » gaffer – 1589, « elderly rustic, » apparently a contraction of godfather; originally « old man, » it was applied from 1841 to foremen and supervisors, which sense carried over 20c. to « electrician in charge of lighting on a film set. »  pourrait bien avoir la même origine.  Je ne vois pas très bien comment godfather  peut être prononcé  gaffer  en anglais comme le propose  Douglas Harper et autres.

Le sens moderne s’est spécifié dans le monde du cinéma : « le chef de l’éclairage dans un film ou studio TV ».  Vous le verrez dans les génériques. Un faux ami pour les Français.

Gag, gatch, gay

Gag, gatch, gay,etc. « geai » vient probablement du prénom latin Gaius. Le geai est un oiseau qu’on peut apprendre à « parler », comme le perroquet. A la campagne, il était souvent tenu en cage. Comme nous, les Romains donnaient un nom propre à leurs animaux domestiques. Gaius était un prénom très commun chez eux. Dans les parlers français le geai porte d’autres prénoms, comme Richard, Jacques ou Colas. Le type Gaius se retrouve dans les parlers nord-italiens, en catalan gaig, anglais jay et en néerlandais gaai.

Galafata

Galafatà v.tr. « boucher avec de l’étoupe un vaisseau, un tonneau qui fuit » (S), calfater en français devenu calfeutrer par altération de calfater avec développement d’un -r- épenthétique par croisement sémantique avec feutre, le feutre ayant servi de bourre.

Etymologie: calafata est attesté en ancien occitan depuis le XIIIe siècle, avec le sens « boucher les fentes et les joints d’une embarcation avec de l’étoupe goudronnée ». Le calfat (1455), galafat (Marseille) est l’ouvrier qui fait ce boulot, galafataire en ancien occitan, et le galefat « le coin pour calfater ». On a longtemps cru que le mot venait du grec kalaphateiv, mais l’éminent linguiste espagnol Juan Corominas a découvert que le mot arabe galfat, qalfat ou qalafa « calfater » est attesté depuis le VIIe siècle. Il est donc probable que le grec l’a emprunté à l’arabe. Il semble d’après le TLF que le mot arabe a été emprunté au bas latin *calefare ou *calefectare (lat. class. calefacere,  » chauffer »  ce qui s’explique par le fait qu’on chauffe du goudron pour calfater un bateau.

galafataires
et galefat

Il est probable que le mot s’est répandu en langue d’oïl à partir des ports méditerranéens. Galafataire est passé en français  en devenant galefretier « coquin, vaurien » grâce à Rabelais, plus tard « va-nu-pieds ». Dans le TLF galfâtre « goinfre; propre à rien ». Le FEW pense que le sens péjoratief qu’a pris le mot avec un g- initial est dû à l’influence de la famille de galafre « goinfre », mais cela n’explique pas pourquoi néerlandais kalefateren, et allemand kalfatern sont également plus ou moins péjoratifs. Je pense qu’il s’agit du même phénomène qu’on constate dans le mot bricolage qui peut prendre le sens péjoratif de « travail d’amateur’. Un  galafataire bouche des trous.

La forme avec g- reste mystérieuse. Je me demande pourquoi personne n’a pensé que Marseille ou un autre port méridional pourrait avoir emprunté la technique et le mot directement à l’arabe galfat ? et que les galafataires au début étaient des techniciens immigrés ? Il semble que les calfats étaient très estimés; voir le site archeoprovence  :

« Il est dit, dans les statuts des calfats de Marseille et de Nice, statuts qui s’appliquaient à tout le littoral méditerranéen, que lorsque des patrons voudront « brusquer pour radouber », ils devront recourir aux seuls maîtres calfats et à leurs « fadarins » (apprentis) qui seront conduits par un « cap d’obre » (contremaître). En lisant les statuts de 1489, on constate que leur corps de métier est doté d’un monopole et qu’il constitue une sorte de service public [20] . Trois prud’hommes étaient nommés et élus « cap d’obre » pour un an. Ils devaient protéger les calfats et servir d’arbitres lors des différents survenus entre les capitaines ou patrons de bateaux et les calfats et fadarins« .

Ensuite le mot galafataire a pris en occitan un sens péjoratif. La forme occitane a gardé ce caractère péjoratif quand Rabelais l’a mis dans ses bagages en rentrant de Montpellier. Il faut encore noter que les formes avec g- se trouvent surtout à l’ouest du Rhône; est-ce un hasard?

Engarrafata   a le sens : « s’emmitoufler avec beaucoup de choses » d’après mon témoin de Manduel. Sens  confirmé par un dictionnaire du patois d’Ales.

Italien calafatare , portugais calafetar, espagnol calafatear, catalan calafatar

Galampian "gamin coquin"

Galampian « gamin coquin, qui fait des bêtises » . Google trouve plusieurs attestations dont une qui vient du Nimes journal, ( Furet Nimois et Nimois réunis)  de 1902, (E-corpus). La page du journal est difficilement lisible . Le titre :  La vie comique. Souvenir de Barnum.  

« Tout à coup est-ce qu’un grand galampian ne s’écrie-t-il pas … « 

Le même sens chez Lhubac pour le « francitan » à Gignac : « Tu en as quelques-uns dans le village, ce sont de drôles de galampians! ». Alibert ne connaît pas cette forme, mais il cite le verbe  galapiar « manger ou boire goulument » et les dérivés galapian  « goinfre », glapiana, glapianas  « gros goinfre ».

Parmi  les variantes régionales dans le Trésor de Mistral, qui ne veut pas uniformiser les parlers occitans ,  connaît la forme avec un -m-  pour le languedocien:

Le TLF écrit à propos du français  galoupiat:

Dans les patois, galapiat présente de nombreuses var. phonét. concernant aussi bien la voyelle du rad. de laper (on a indifféremment -i-/-a-/-(o)u-; cf. FEW t. 17, p. 478a) que le suff. -iat, à côté de -iau(d), -in; ibid. Ces flottements qui s’expliquent dans la grande majorité des cas par un croisement de galapiat avec un terme de sens voisin (cf. l’ang. galopias et le niçois galapin qui ont tous deux subi l’infl. de galopin) avaient amené Dauzat à voir dans galapiat une altération du prov. mod. galapian, empr. déformé de galopin*.

Le mot patois dans le commentaire du TLF a provoqué la colère de Florian Vernet:

Les patois ? Quels patois ? Le TLF pourrait être « politiquement » (et hypocritement) correct tout de même ! DAUZAT a sans doute raison. En effet la prononciation de Galapian diffère selon que le locuteur est provençal (« n » nasalisé) ou languedocien (« n » » effacé) ».

Il reproche aux chercheurs français de ne pas avoir dépouillé les documents occitans, mais il fallait adresser ce reproche plutôt aux chercheurs occitans. Le  Dictionnaire de l’Occitan médiéval  par exemple se fait à Munich, l’auteur des  Dictionnaires onomasiologiques de l’ancien gascon et de l’ancien occitan   (DAG et DAO) s’appelle  Kurt Baldinger, les parlers occitans du Piemont sont bien présentés dans Vivaldi, élaboré à Berlin,  mais rien dans le Thesoc qui d’ailleurs n’avance plus du tout…..

M. Vernet a oublié de consulter la source du TLF, à savoir le FEW. Il aurait constaté que les formes sans -n final se trouvent un peu partout dans le Nord de la France, par exemple à Givet  galapiat  « individu sans vergogne », à Verdun galipia « rodeur, qui ne travaille pas » et les formes avec  -n final   galapian en Normandie,  à Bayeux, dans le Jura, etc .

Etymologie.

Le FEW réunit une infinité de dérivés dans l’article wala  « bon, bien »  (XVII, 473-484) mot d’origine francique, dont galapiat, galapias, galapian  et les autres formes donnés par Mistral. Il suppose une influence du verbe  laper ou de galoper (de l’ancien francique  *wala hlaupan)  pour le suffixe.

 

Galavar "gourmand"

Galavar  « gourmand (& non groumand), glouton, goulu; tous les trois mangent avec excès » écrit l’abbé de Sauvages en 1756. Un fidèle visiteur  m’écrit:

Robert, n’ayant pas trouvé le mot « galavar » dans ton site, je te raconte ce que me disait ma grand-mère quand j’étais gamin, et que je me précipitais sur les friandises ou les gâteaux: – Tu es un galavar, ce qui voulait dire un gourmand un peu goinfre.
En vieillissant, on devient moins galavar, car on apprend à apprécier les bonnes choses et on prend son temps pour les déguster….

Galavar, galavard se trouve en franco-provençal et en occitan  dans la partie provençale et languedocienne jusqu’à Castres; il y une attestation en béarnais galabar  avec le sens « gros gaillard ». En franco-provençal le sens est plutôt péjoratif : « fainéant, dissolu, tapageur », à Lyon « vaurien, vagabond ». A Die on a créé le dérivé galavardise « fainéantise ».

La première attestation date de 1356 dans un texte écrit à Castres, mais le sens de ce  galavart  est « boudin » , sens conservé à  Pézenas et Puisserguier jusqu’aux temps modernes.

D’après le FEW,  galavar  fait partie d’une très,très  grande famille de mots d’origine franque wala « bon », attesté en ancien néerlandais  wal, wel « bon, bien », dont est dérivé un verbe en ancien français galer « s’amuser, mener joyeuse vie », en occitan moderne  se galar  « se réjouir ».  Le sens de galavar  va bien avec celui de ce verbe.

Voir aussi l’article galopastre  « bergeronnette ».

Galinetta

Galinetta « coccinelle; clavaria flava (champignon) » est un dérivé de galina « poule » du latin gallina « id ». D’après ma source le claviaria jaune est le flava, le rouge est le botrytes. Mes connaissances en mycologie sont très limitées, mais je ne serais pas étonné si la galinetta est le « clavaria botrytes ».

 galineto dâou bon Diou (S) galinolo « coralloïde » (S)

L’histoire de gallina est un excellent exemple des avantages de la méthode du FEW.  Gallina « poule » est conservé dans presque toutes les langues romanes : roumain gaina, italien gallina, catalan et espagnol galina, portugais galinha, et en gallorman geline (ancien français), galino (languedocien). A partir du XIIIe siècle, on commence, notamment à Paris, à utiliser le mot poule au lieu de geline. La raison est probablement ce que nous appelons aujourd’hui le « marketing » : une poule « jeune geline » se vend mieux qu’une geline dont on connaît pas l’âge.

De nos jours l’histoire se répète. La poule a vieilli. C’est bon pour la soupe. Il n’ y a que des poulets sur la broche! Il est abattu entre 42 et 45 jours, c’est la loi. Pourtant dans la tradition la geline reste poulet jusqu’à 70 ou même 90 jours.

Un poulet  est « Petit de la poule et du coq, mâle ou femelle, entre le moment où il perd ses duvets au profit des plumes, et le moment de sa maturité sexuelle.  » TLF.

Dans les menus des restaurants néerlandais par contre on vous propose des kip(petjes)« petites poules » ou des haan(tjes) « coquelets », en Allemagne des Hänchen etc. En Espagne toujours un pollo.

Le pourquoi du transfert du nom de la poule sur la coccinelle ne m’était pas clair. On le retrouve en picard galline, à Nice galineta et en Italie dans le Valle Anzasca galining della madona. Il n’est pas impossible que la couleur rouge ya joué un rôle . Le mot coccinelle vient du latin coccinus adj. « d’écarlate » dérivé de coccum « kermès, espèce de cochenille qui donne une teinture écarlate; écarlate », en raison de la couleur des élytres de l’insecte. (TLF). Et bas latin coccus signifie « coq » animal caractérisé par sa crête rouge. Une association du sens « rouge » et de la forme « coc- » a pu être à l’origine de galino. Il est à noter que galino désigne à Marseille et à Nice le poisson rouge « trigla lyra », galinetto en provençal.

Mais l’histoire de la coccinelle est beaucoup plus complexe que je ne croyais. A ma demande Mme Jeanine Medelice, professeur à l’université de Grenoble, m’a envoyé une copie de son article Les désignations de la coccinelle dans les dialectes romans de France: commentaire des données retenues pour le dossier 08.126 de l’A.L.E. paru dans le Bulletin du centre de dialectologie, II (1986),119-136. Je la cite:

« La coccinelle est un petit animal bénéfique auquel les croyances populaires prêtent de nombreux pouvoirs : prévision du temps, prédiction de mariage … Favorite des enfants, elle est présente dans de nombreuses comptines et de nombreuses formulettes qui ont fait l’objet de tout aussi nombreuses études. » Plus loin : « l’élément primordial dans la dénomination de la coccinelle est son lien avec tout un ensemble dont le dénominateur commun est le notion de « sacré ». Coccinelle = bête à bon Dieu.

Les deux éléments de bête à bon Dieu , néerlandais lieveheersbeestje, peuvent être remplacés par des éléments sémantiquement proches: bête devient poule, petit pinson, mouche, perdrix ou galinette; le bon Dieu devient le paradis, Sainte Cathérine, catarineta (Fourques,Gard)etc. Allemand Marienkäfer. Par raccourci la galinette du bon Dieu devient la galinette tout court.

Mme J.Medelice ne disposait pour l’occitan que de l’ALF, de l’Atlas linguisique du Massif central, celui de la Gascogne et celui de l’Auvergne et du Limousin. Maintenant nous pouvons consulter les autres grâce au Thesoc. Mme Medelice a établi 5 catégories:

  • 1) La coccinelle et le sacré
  • 2. Les prénoms
  • 3. Les métiers féminins
  • 4. Le monde animalier
  • 5.Les désignations incantatoires [onomatopéïques] : a) pures [comme bab-, barb-] b) l’impératif incantatoire [ type nom + vole].

En consultant les données du Thesoc, vous verrez qu’elles rentrent (presque) toutes dans une de ces catégories. Je retrouve par exemple l’élément incantatoire dans le nom devinola (Aveyron, Thesoc).

D’après un artcile dans Wikipedia,  la coccinelle était l’oiseau de la déesse Freya : Freyafugle, ce qui a donné en allemand après la christianisation: la bête à Marie > Marienkäfer, anglais ladybird. De nombreux noms dialectaux flamands et néerlandais dans cet article de Wikipedia. L’article allemand est encore plus complet. Dans le chapitre Der Marienkäfer und der Mensch l’auteur donne beaucoup de variantes.Et il raconte que la plus ancienne attestation de la coccinelle comme porte-bonheur date de 20.000 ans . Il s’agit d’une coccinelle de 1.5 mm taillée dans de l’ivoire de mammouth , trouvée à Laugerie Basse en Dordogne.

trygla lyra _galine   
galine(tto
) en provençal         et                       galino ou dourmiliouso en languedocien

Je dois avouer qu’il n’est pas toujours évident de retrouver les motivations des noms d’animaux et de plantes. Par exemple à Barcelonette et ailleurs la gelineta est la « Lampsane commune, appelée aussi Grageline, Herbe aux mamelles, Graveline ou Poule grasse » (Voir ce site. )  

D’après le dictionnaire Panoccitan, l’occitan aurait conservé la situation ancienne galina « poule » et  pol « poulet » mais d’après le Thesoc c’est plutôt le mot  pola  que les gens utilisent. D’ailleurs le FEW a constaté en comparant les données de l’ALF aux dictionnaires plus anciens,  que  le progrès de poule « poule » au détriment de galina était déjà remarquable au début du XXe siècle . J’ai vérifié avec le Thesoc, pour le Gard. Dans ce département galino est largement gagnant, mais il est curieux que des villages comme St-André de Valborgne et Camprieux qui sont très conservateurs en général, présentent le type polo. Une explication sociologique à trouver? S’agit-il d’une reconquête de l’occitan ou d’un gallicisme?