cat-right

Espantar

Espantar « épouvanter, surprendre, impressionner, étonner ». Tu m’espante! en français régional. Espantar a la même étymologie que français épouvanter. latin *expaventare qui n’est pas attesté mais qui a dû être formé très tôt en latin parlé puisqu’on le retrouve en italien spaventare, en catalan, espagnol et portugais espantar. Les formes espand, espantable ont également existé en ancien et moyen français :

Nouveau et important: Voir le Dictionnaire du Moyen Français (DMF) ! avec de nombreux exemples, des liens, bibliographie, les etyma, etc. Vous arriverez sur la page où la recherche se fait à partir d’un étymon. Pour *expaventare cliquez dans la première ligne sur E, dans la deuxième ligne sur X et dans la troisième sur P, ensuite choisissez *expaventare. Vous trouverez les 38 articles.

En occitan moderne et en français régional le sens s’est plus ou moins affaibli par l’ usure comme cela arrive souvent aux mots expressifs. D’autre part espanter devient de plus en plus courant dans des blogs, forums etc.

En occitan moderne on trouve à côté des formes espantar des formes avec –v- : espaventá, espraventá, espabenta, qui sont probablement refaits à partir du substantif espavent « épouvantail ». Voir aussi le Thésoc, s.v. « épouvantail » pour l’ouest-occitan. En provençal comme dans des localités du Gers, Haute-Garonne et des Hautes- Pyrénées on trouve un autre dérivé en ale : espaventau.

Emprunté au français: breton spount et spoñtus « épouvantable ».espaventau

Esparcel ‘sainfoin’

Esparcel  » sainfoin. » l’Étymologie est le participe passé latin sparsus du verbe spargere « répandre ». L’explication de cette étymologie se trouve dans le fait que l’esparcel est semé à la volée.

Semeur_à_la_volée

Christine Becikowski  a consacré un article au Manuel d’agriculture et de ménagerie, avec des considérations politiques, philosophiques & mythologiques, dédié à la patrie, par le citoyen Fontanilhes, à Toulouse, de l’imprimerie de la citoyenne Desclassan,  1794-1795. Fontanilhes  se proposait d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne. Il utilise (consciemment ?) plusieurs mots issus de l’occitan que l’on peut considérer comme du français régional, dont esparcel.

C’est l’agronome Olivier de Serres  originaire de l’Ardèche qui  a introduit le nom  esparcet  en français au XVIe siècle.

Voir  FEW XII,134b

sainfoin

Espargoule ‘pariétaire; asperge’

Espargoule « pariétaire; asperge » vient d’un latin médiéval des botanistes spergula « plante du genre Galium« (?). Les botanistes du Moyen Âge, qui étaient en général médecins et pharmaciens, ont latinisé le mot provençal espargoulo un dérivé  du latin asparagus « asperge ».  Le nom espargoulo  est limité au provençal + le département du Gard, attesté notamment à Saint-André de Valborgne. Voir Le FEW XXV, 464 pour les attestations, colonne à gauche, à partir de 2aα. En  languedocien espargola, espargou(l) désigne « l’asperge » ! Attestations dans la même page, en bas à partir de 2aβ.

L’histoire de ce mot provençal se trouve à la page 466 et est rédigée en FRANÇAIS.  Il suffit de cliquer sur le lien !

parietaire    pariétaire Parietaria_officinalispariétaire.      asperge-sauvage asperge sauvage

Spergula a été adopté par Linné (1753) comme nom d’un genre de plantes herbacées de la famille des Caryophyllacées. (Wikipedia)

spergula arvensis spergula arvensis

Espatarrar

Espatarrar (s’) « s’étendre de tout son long, écarquiller les jambes, se mettre à l’aise ». s’espatarrer en français régional (Midi Libre juillet 2005).

Alibert donne comme étymologie : Occitan es + pata + ar, mais sans spécifier de quelle pata il s’agit. En occitan il y a pata « patte » mais aussi pata « chiffon » et il n’ont pas la même étymologie. Je pense qu’il s’agit du second : pata « chiffon » qui fait partie d’une famille de mots vivant dans le nord de l’Italie, par exemple piémontais pata « chiffon », en rhétoroman ainsi que dans le sud-est du galloroman et en Lorraine.

Espeisses

Espeisses, Bois des – . Nom du poumon vert et lieu de promenade de Nîmes. Etymologie.

Espeisses vient du latin spissus « épais, touffu, gros »; utilisé comme substantif spissus prend le sens « fourré, broussailles », synonyme de garrigue dans notre région. Pégorier donne Espesse « bois touffu » en ancien français.

Le Bois des Espeisses
Au Nord-ouest de la ville, à moins de deux kilomètres du centre, ce site boisé de 83 hectares est considéré comme le « poumon vert » de Nîmes. Quatre parcours découverte, fléchés et balisés sont proposés aux promeneurs.
Cliquez!

Le mot Bois dans le nom actuel Bois des Espeisses a une histoire spéciale. La première mention date de 1144, d’après le dictionnaire topographique  de Germer-Durand : Divisia d’Espeissal. La graphie change au cours des siècles : Devesia de Speissas en 1195 > Devesia de Espeissas en 1463 > Devois des Espeisses en 1671 > Les Espeisses en 1704 > Bois des Espeisses sive Puech Mazel, Puech Mézel en 1706.

Le nom Bois  est très récent.  Avant le XVIII siècle le nom dans la langue parlée  était Devois, Debois, en languedocien v et b sont confondus.  Dans les textes en latin nous trouvons  Devesia.  La forme Devois est une francisation de Devesia ( le –e- long latin devient -oi- en français). Les plus anciennes attestations Divisia, devesia sont une latinisation de la forme occitane deveza « terrain réservé »  qui vient du latin defensum « interdiction » (voir ci-dessous), que le premier copiste a compris comme ancien occitan deviza « division », dérivé d’un verbe *divisare « partager ».

Devèze, devèse; deveso, debes en Rouergue, defès en Périgord, est un toponyme très courant; voir par ex. pour le Gard Germer-Durand. Ancien occitan deveza signifie « terrain réservé ». D’après Pégorier devèse s.f. « défens, réserve, jachère, friche » dans les noms de lieux. Dans l’Aude (cf. Thesoc) et le Cantal debezo « jachère », dans le Cahors debéso « pâturage ». La forme féminine est limitée à l’occitan et désigne le plus souvent une jachère. L’étymon est latin defensum « interdiction » > ancien occitan deves.

La devèse était une jachère, du terrain où le bétail ne pouvait paître qu’avant le labourage et qui lui était interdit après cette période de l’année.

Conclusion : une mauvaise interprétation au XII siècle du mot occitan Devese a abouti au nom actuel Bois des Espeisses.

Puech Mazel, Puech Mézel. La remarque dans le Dictionnaire topographique du Gard, m’a poussé à jeter un coup d’oeil à ce nom : « Montagne commune de Nîmes, dans le bois des Espeisses. Première attestation date de 1144 : Medium leprosum c’est-à-dire le « domaine des lépreux », plus tard le Medium Mezel et depuis 1596 le Puech Mazel. A partir d’ici, c’est aux historiens de révéler l’histoire.

Espelir

Espelir « éclore »; espelido « naissance »  Gni aghet uno bel ëspelido  « un nombreuse naissance lorsqu’on parle des poussins ou des vers à soie  » (Sauvages).  Une visiteuse m’écrit « si on met l’énergie à faire des projets ils espeliront « .

L’étymon, latin expellere « pousser dehors, chasser, bannir »  est devenu  espelir  en ancien occitan avec le même sens. Mais  déjà à cette époque est attesté le sens  » faire éclore » spécialement en parlant des oeufs .   Les attestations dans les parlers modernes viennent surtout du domaine occitan et franco-provençal.   Là où on faisait la sériciculture le verbe et les dérivés  s’appliquaient surtout aux vers à soie.   L’espelidouiro  est le « cabinet où l’on les fait éclore ».

Un peu partout  espelir  prend aussi le sens  « s’ouvrir, germer » en parlant des boutons de fleurs , « poindre » (le jour) , « s’épanouir ».

     

A partir du part.passé d’ expellere : expulsum   a été formé le verbe expulsare emprunté par le français au XIVe siècle :  expulser, ce qui empêche certains de s’épanouir….

  

Esperar

Espéra(r) « patienter » espérer en fr.rég.(Camargue) vient  du latin sperare « attendre, s’attendre à ».

Cette évolution sémantique s’est produite principalement dans le Midi et plus spécialement dans le milieu des chasseurs, où « attendre le gibier » est souvent synonyme de « patienter ». On n’y fait pas la chasse à courre (du verbe courrir!). Être à l’espère « être à l’affût » (Camargue), a l’espéro « à l’affût »(S); espére étant le « lieu où on l’attend un gibier »(Camargue). Dans la région d’Uzès un esperaire est devenu un « braconnier ».

Grâce à Stendhal (Chartreuse, p.52) l’expression est entrée dans le TLF : comme régional « Midi et Lyonnais »  :

« Il était presque nuit; il lui (Fabrice) semblait être à l’espère, à la chasse de l’ours, dans la montagne de la Tramezzina.. »

Atger donne le dicton : (écoutez espere) Cal bol de bel tens, cal qué l’espèré : « Celui qui veut du beau temps doit l’attendre »

 

                    

L’Esperou (Valleraugue, Mont Aigoual), était autrefois un endroit où les chasseurs ou braconniers étaient à l’affût, mais maintenant c’est un endroit où les skieurs patientent au pied du téléphérique.

Voici les plus anciennes attestations du nom de l’Espérou. A l’époque le  –final était peut-être encore prononcé.

(E.Germer-Durand, Dictionnaire topographique du Gard)

Espic, aspic 'lavande mâle'

Espic, aspic, « Aspic ou spic. Nom vulgaire de la grande lavande ou lavande mâle (lavandula spica) de la famille des labiées . » (TLF). L’étymologie est le latin spica « épi » espigo s.f.  parce que les fleurs sont rangées en épi.  Mais il y a un petit problème; spica  ou  spica nardi   ne désigne pas la lavande, que le Romains connaissaient certainement1, mais le nard indien.

Le parfum du nard indien,  très apprécié dans l’antiquité (écrits de Théophraste, Pline, e.a.), est extrait du rhizome et du bas de la tige de la plante.

nard indien

Pendant le haut Moyen Age le commerce avec l’Orient avait fortement diminué ( fin de la globalisation !)  et on a remplacé le nard par la lavande tout en gardant le nom, au masculin cette fois: espic au lieu d’espiga,  comme en italien  spigo  et le catalan  espic.  L’origine de la forme avec a- répandue depuis la Renaissance  n’est pas tout à fait clair, mais elle est également d’origine occitane.  Le TLF suit le FEW :

la forme avec initiale a- est due sans doute a) à l’influence (par étymol. pop.) de aspic, désignation du serpent ou de la vipère dans nombre de dialectes cf. FEW t. 1, p. 157b, s.v. aspis (du point de vue de l’usage : la plante pouvant être utilisée contre les piqûres d’aspic − ou du point de vue de la forme : la feuille lancéolée pouvant être comparée à un aspic); b) peut-être aussi influence du syntagme lat. sav. lavandula spica.

Le nom occitan espic, ou aspic  s’est répandu assez tôt vers le Nord avec la plante: ancien français  espig, escpic (Godefroy) depuis 1190, aspic en moyen français.  Solerius écrit en 1542 que la lavande est un pseudonardus :

aspic   (ligne 4)— le nardus celtica pousse sur les hauteurs des alpes et il est encore appelé aspic par les paysans.. Et il y a deux sortes de faux (nardus) : un masculin appelé spigo par les Italiens: par les Gaulois et chez nous aspic; un féminin appelé lavande par tous les peuples de la Gaule: lavanda par les Italens. —

Le nom scientifque du  nard celtique est Valeriana celtica L. Voir RollandFlore la Valeriana celtica L. nardus celtica, nardoceltica,  ou spica celtica , spic celtique , saliunce, salvince, fr. du xv« s., J. Camus, et Cf.Valeriana celtica dans Telebotanica

Dans la page Pl@ntuse intitulée Noms populaires des plantes je retrouve une remarque que j’ai faite à plusieurs reprises, mais qui vaut aussi pour d’autres domaines:

Les plantes sauvages utilisées localement tendent à avoir des noms populaires très diversifiés, qui peuvent varier d’un village à un autre. Par contre, les plantes qui font l’objet d’une culture, d’un usage bien établi ou d’un commerce, tendent à avoir des noms plus stables, et des noms savants. Quand elles voyagent, elles le font souvent avec leur nom. Ceux-ci s’avèrent être des indices précieux pour reconstituer le cheminement de nos plantes usuelles.

_______________________________________________

  1. Nous ne connaissons que le mot stoechas « variété de lavande »; le mot lavande est un emprunt à l’italien

Espiga

Espiga s.f. « épi ». Grosso modo on peut dire que dans le Sud de la Galloromania nous trouvons la forme féminine, basée sur le pluriel spica, perçue comme un féminin, tandis que le Nord a la forme du sg. spicum > épi. Le féminin se retrouve en italien spiga, cat. esp. et port. espiga.

Il y a plusieurs dérivés occitans : espigou « scion » (Grau-du-Roi), espigoun « pièce qu’on ajoute au timon de la charrue, quand il n’est pas assez long », espian « les épis dont le grain n’est pas tombé en battant les gerbes » espigaou « criblures de blé », espigau « laîche » (Marseille). En languedocien espigoular est « glaner » ou « grapiller ».

Un visiteur me signale qu’en provençal on appelle « l’orge des rats ou l’orge des murs » ( hordeum murinum L.) l’espigoun. Je pense qu’il fait partie de cette famille. D’après Wikipedia c’est l’espigau (??)

       espigoun
espigau
(Marseille)                      espigoun

Espinchar

Espinchar « lorgner, épier, observer, regarder du coin de l’oeil », espincher en français régional.

Etymologie : germanique, probablement la forme francique *spehôn « épier, guetter, regarder », croisé avec le représentant d’un autre mot germanique, le verbe *wenkjan « chanceler » > occitan guinchar « gauchir, pencher », ancien occitan far ganchia  » recourir à des subterfuges, refuser » (environ 1190).

Espinchar
est limité au provençal et à l’est-languedocien. D’après le Thesoc espinchar « regarder », dans le Gard, l’Ardèche et la Lozère. En francoprovençal nous le trouvons dans le Lyonnais et le Forez. A Nîmes il est très vivant en fr.rég. Joanda, journaliste à la Gazette de Nîmes, y a consacré un paragraphe, où il écrit que le verbe guinchar est un synonyme d’espinchar. D’après lui, una espinchada est « un coup d’oeil rapide » et l’espincha « la vue; les yeux ».
Il y a un village Espinchal dans le Puy de Dôme, dont l’étymologie doit être le même  que celle de  espincher  « épier, guetter, regarder » un endroit qui permet de surveiller les environs.

Néerlandais spieken « copier » utlisé uniquement dans le langage scolaire, où il faut regarder obliquement ! Français epier, espion etc. voir TLF; allemand spähen. Pour 30 autres langues suivez ce lien.

NOUVEAU : Il y a maintenant des vidéos étymologiques (!!!) e.a. espincher sur le web!