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Escarrafi ‘rider’

Escarrafi « rider, froncer », s’escarrafi « faire la grimace en mangeant ou buvant une chose acide ou amère » (Mistral),  escarafir  chez Alibert,   est composé de deux étyma d’origine germanique *skarrôn « râcler  » et raffen « recueillir, saisir rapidement ».

Le gotique *skarrôn  a donné le gascon escarrá « râcler, ratisser’, et plusieurs dérivés comme escarrat « individu qui n’a plus le sou », escarragná « érafler » qui vivent surtout en béarnais. Voir FEW XVII, p.102a-b.

L »étymon raffen a donné une grande famille de mots, dont nous parlerons dans l’article languedocien  rafi « rider, froisser ». Vous pouvez aussi jeter un coup d’œil sur l’article du FEW XVI, p.654-656, spécialement note 7

 

 

Escaume ‘dame de nage, tolet’.

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Escaume « tolet » ou « dame de nage » vient du grec σκαλμος  emprunté par les Romains scalmus   toujours avec le même sens. Le mot se retrouve dans tous les parlers marins de la Romania, sauf en normand qui a gardé un mot ancien nordique  þollr « arbre; poutre »,  cf. le danois et le norégien toll, le suédois tull « tolet ». (CNRTL tolet). Le type nordique a gagné du terrain sur la côte atlantique au détriment du type scalmus ( FEW scalmu XI,272b)

escaumo escaumos    escaumo2

Dans le travail inestimable du Commandant Noël Fourquin et de Philippe Rigaud :

De la Nave au Pointu

Glossaire nautique de la langue d’oc

Provence-Languedoc

Des origines à nos jours

Dans l’Édition sur CD de 2010, je trouve plusieurs attestations comme celui-ci:

1510: « …pour bois employe a faire pedagnes et escalmes… » Archives Départementales BdR. B 2551 f°148v°

et des dérivés :

Escaumado s.f « bordage qui porte les tolets et les toletières d’un bateau. »; Escaumot s.m 1636: « Plus en rombauds, encentes, escaumots… » A.D. BdR. 14 E 403 (n. fol.).

Cotgrave écrit dans son dictionnaire de 1611 scalme « a thowel »=  thole  en  anglais moderne1 c’est-à-dire « tolet ».

scalme_Cotgrave

et qu’en provençal un peis escomé est un « brochet de mer ».

peis_escomeCotgr

peis escomépeis escomé

Palavas escan « tolet » (faute de lecture  u>n ?), et escaumieira « petite pièce de bois placée sur le plat-bord pour recevoir le tolet »  sont placés par erreur  dans l’article  scamnum 11,278a 

  1. Contrairement au français, l’orthographe de l’anglais a bien évoluée.

Esclafidou

Esclafidou  « seringue d’enfant en sureau »(Puisserguier); Place des Esclafidous » « une placette à Nîmes », L’Esclafidou « gazette de Colognac ».

Michel Massol, auteur de « L’esclafidou et autres bélicoques » (Nîmes, Lacour), m’écrit:

« Il est évident que pour nous, habitants de Vauvert et de la région bas gardoise, l’esclafidou était une arme d’enfant à laquelle nous jouions encore dans les années 60. mais plus tard, terminus…Ce n’était pas une sarbacane, mais une espèce de pompe à vélo en sureau creusé et lorsqu’on emmanchait une branche dans ce cylindre préalablement garni de 2 petites boules provenant d’un micocoulier ( les bélicoques), sous l’effet de la compression, l’une des 2 partait, projetée par l’air ainsi comprimé dans un « pop » de bon aloi. L’arme avait une portée d’une quinzaine de mètres et, à bout portant, dans le lobe de l’oreille par exemple, ça faisait pas du bien !!! Arme saisonnière par excellence (il fallait attendre que le micocoulier veuille bien sortir ses fruits de la taille d’un petit pois), elle a été abandonnée rapidement, de sorte que la génération de mon petit frère (6 ans de moins que moi ne l’a pas utilisé ). »

Ci dessous un chasseur qui lance des projectiles d’argile sur les oiseaux avec un esclafidou. Dans un texte d’Avignon de 1646 est attestée la forme esclafadou avec le sens « mousquet ».

sarbacane

L’abbé de Sauvages connaît plusieurs expressions: « esclafi la parâoulo « articuler distinctement »,  lou lià tout esclafi « il lui a tout découvert » (S) et un esclafidou est « une bonde d’un bassin d’une pièce d’eau », la bonde étant un bouchon de bois.   Sous la forme esclafidor Alibert donne aussi le sens « canonnière de sureau ». Le premier sens donné ci-dessus doit être oublié puisque les enfants ne jouent plus à cela.  L e nom de la placette à Nîmes doit faire référence à une vanne.

esclafidou à Plantiers(Gard)

et le nom de la gazette de Colognac témoigne d’un esprit d’ouvert.

L’étymologie est une histoire ancienne et compliquée parce qu’il s’agit de mots qui viennent

  • 1) d’une onomatopée qu’on trouve dans les langues romanes et ouest-germaniques : klapp qui signifie « coup, claque ».De cette onomatopée viennent des mots comme ancien occitan clap « clapet’, et clapar « frapper »; par métonymie ancien languedocien clapa « tache »; français éclabousser. Voir aussi le mot clapo « sonnaille » et le lien vers néerlandais klappen « frapper, applaudir »/ le flamand klappen « parler, bavarder ». En allemand existe un groupe de mots avec des sens proche de « coup, claque; bavarder etc. » dont la base est une forme klaff, voir Grimm . Il n’est pas impossible que cette forme allemande klaff   soit à l’origine des mots franco-provençaux et occitans comme esclafar « écraser, giffler qn » et esclafir « éclater » et notre esclafidou.
  • 2) L’autre possibilité est qu’esclafidou  vient  de la racine préromane klappa « pierre plate ».  L’esclafidou des Plantiers ci-dessus est en fer, mais j’en ai vu beaucoup dans la Vallée d’Aoste qui étaient des simples pierres plates. Il me semble qu’une évolution sémantique « bonde, vanne » > « sarbacane » qui fonctionne avec un bouchon est  convaincante. L’étymon serait  plutôt la racine préromane klappa « pierre plate » , qui a donné aussi   esclapo « éclat de bois »; esclapa « fendre du bois » ancien languedocien esclapaire « bûcheron ».

Le fait que les dérivés de l’onomatopée klaff et ceux de la racine préromane klappa ont souvent des sens très proches rend le solution difficile.

Toutes les formes avec un  –f– comme esclaffar se trouvent dans le FEW dans l’article klapp onomatopée FEW II,734;

L’article  suivant klappa « pierre plate » est l’étymon d’une grande famille de mots commune aux langues ouest-germaniques et romanes. L’esclafidou des Plantiers pose donc un problème. La place des Esclafidous à Nîmes aussi?

Esclapaire

Esclapaire « celui qui fabrique des sonnettes » ou , »fendeur de bois; crabier vert, ardea virida » (Alibert), en ancien languedocien « bûcheron »et en français régional « personne de malhabile qui casse tout » (And), qui donne aussi le verbe s’esclaper « se blesser aux membres ».

Dans la course camargaise un barricadier est un biou qui se déchaîne et esclape tout dans l’arène. Cf. clapo et esclapeta ci-dessous.

ardea pupurea

Ceci est « ardea purpurea » et non pas le « virida »

Je n’ai pas (encore)  d »explication de ce nom du « crabier vert » et de « l’ardea virida » .  Un crabier est une  : « Espèce de héron d’Amérique qui se nourrit de crabes. « ,  cela nous n’avance pas.

Esclapeta

Esclapeta « petit éclat de bois; varicelle »; esclapeto « petite vérole volante » (S).

esclapeto

Etymologie : un dérivé » du verbe esclapar v.tr et intr. « briser en éclats, fendre du bois ». Voir Alibert pour d’autres dérivés de la même racine onomatopéique *klapp « coup, claque » et par métonymie ( cause>effet) « tache »,   clapar « frapper ». ou bien de la racine préromane  klappa « pierre plate » > « éclat de bois »

Voir ci-dessus esclafidou. Cf. aussi clapo. Déjà en ancien languedocien (1370)on trouve le mot clapa « tache » et en ancien provençal (1300) clapat « tacheté ».

Esclapo

Esclapo « grand quartier de bois ». Etymologie comme esclapeta. L’abbé de Sauvages donne un sens qui semble perdu:

« aki une bel esclapo de filio »  voilà un beau brin de fille

Esclop

Esclop « sabot » et ses dérivés sont limités à l’occitan et le catalan. Très vivant en Catalogne où il y a beaucoup de restaurants appelés « L’Esclop« .

Les étymologistes ne sont pas d’accord sur l’origine de cette famille de mots. Le dictionnaire étymologique catalan propose un vulgair latin scloppos qui serait le résultat d’un croisement du latin scloponeus « sabot » et de scloppus ou stloppus « bruit qu’on fait en frappant sur une joue gonflée ». Le FEW (II,795a-b) le range dans l’article cloppus « paralytique » un mot qui n’est attesté que très tardivement et qui a donné clop « boiteux » en ancien occitan et ancien français, ainsi que le dérivé esclope « boiteux » (DMF). Dans le commentaire l’auteur ajoute que l’origine d’esclop peut aussi être stloppus.

Dans beaucoup de parlers occitans le -p final est tombé ou remplacé par un -t. Dans plusieurs villages , par ex. Lavel (Ariège) le singulier esclop donne esclots au pluriel. La forme esclot « sabot » a été emprunté par le français (Rabelais, Daudet) et par quelques parlers du Nord.

Le FEW donne un sens technique d’ esclot e.a.pour Castelsarrasin « instrument en forme de sabot, par lequel le grain tombe de la trémie sur la meule ». Je l’ai retrouvé dans le site « Le Moulin de la Mousquère » riche en images.

  

L’abbé de Sauvages cite le mot l’escloupé « phaseole, espèce de haricot », nom probablement inspiré par la forme de l’haricot. Dans la deuxième édition de son dictionnaire (S2) il ajoute le verbe clopar « frapper », sans autre explications . Ce verbe doit donc être rangé avec l’ esclopet Voir ci-dessous.

Esclopet. Un visiteur me raconte un souvenir de jeunesse quand il passait ses vacances à Marvejols dans les Cévennes :

« mon grand père utilisait un morceau lisse et bien droit de sureau pour me faire un jouet, oun escloupét ou esclopét, enlevant la moelle du sureau et taillant une bagette de frêne pour en faire un piston qui, en le poussant vivement dans le sureau bouché avec, je crois un morceau de ficelle de chanvre, produisait une forte détonnation. « .

Cet esclopet est rangé dans l’article stloppus « bruit d’une détonation » dans le FEW (XII, 278a). S’agit-il d’un mot voyageur? La famille de mon informateur vit depuis des siècles en Lozère. Il faut en conclure que l’aire de esclopet était bien plus étendue que ne pouvait savoir l’auteur duFEW.

Escoubilles

Escoubilles « balayures », vient du latin scopiliae « balayures » mais en fr. rég. de Gignac on fait un « ragoût d’escoubilles ». Ce ragoût est très proche de celui qu’on appelle le quincarlotat. La différence ?? J’ai l’impression que dans le « ragoût d’escoubilles » il y a des restes. Si cette dernière supposition s’avère, on doit admettre que ces restes sont considérés comme des « balayures » qu’on jette normalement. Confirmé dans un blog : « quant au ragoût d’escoubilles, il s’agit d’un plat cuisiné avec des restes (les escoubilles) de viande et de saucisse, accompagnés de légumes et servi en ragoût ou en croustade. »

A Cabrières (Hérault) le mot DAUBE « daube » a été traduit par fricòt* d’escobilhas° (Thesoc)

Ici vous trouverez une recette du ragoût d’escoubilles. Pour la quincarlotte on coupe du mouton en lamelles, ce n’est pas pareil.

L’ Image concerne une autre recette (cliquez ici)

Ailleurs dans d’autres  localités (et d’autres blogs)  les escoubilles sont maintenant les « poubelles » ou même la « décharge ».

Escoubo

Escoubo « balai » (S), escoba « balai; genêt » ainsi que les dérives comme escobar « balayer », escobadura « balayures », escobaire « balayeur » etc.viennent du latin scopae « balai » du singulier scopa « petite branche d’arbre, brindille », scoparius « balayeur », scopare « balayer ». Le type escouba se trouve partout dans le Gard, excepté Avèze et Camprieux dans les Cévennes qui ont le type boladzo, baladzo, d’origine celtique, probablement gaulois *banatlo « genêt » (FEW I, 232b), que nous retrouvons dans l’Aveyron. En Lozère l’escoubo sert dans la maison, et le type balag un balai grossier à l’extérieur! Pour plus de détails voir l’Atlas linguistique du Languedoc oriental. s.v. balai

                                                                                                                                                                        

Voir aussi  escoubilles

Escoussieres à Mirepoix

Christine Belcikowski , autrefois La dormeuse  est revenu à son cher Compoix de Mirepoix:

J’ai cherché à localiser dans Mirepoix cette « maison avec chartreuse et jardin contigu, le long de la promenade du nord anciennement appelée les Escoussières, confrontant en corps de levant les héritiers Estupui, de midi la dite promenade, du couchant Victor Commelera, d’aquilon rue dite de la Tinité ». La promenade du nord, aussi appelée promenade Saint-Antoine, c’est l’actuel cours du Colonel Petitpied. La rue de la Trinité, c’est aujourd’hui la rue Vidal-Lablache.

En 2017 je reçois d’Alain Marmion nous fournit les compléments d’information1 et un lien vers son blog dans lequel il nous fournit un plan de la ville de Mirepoix établi d’après les données du compoix de 1661. http://aline.marmion.free.fr/mirepoix_terrier.htm Allez-y !

Il y a des années qu’elle m’a demandé de chercher l’étymologie du nom Escoussières, mais n’ayant rien trouvé, j’ai abandonné, mais j’ai gardé quelques images: EscossierePhoto  escossieresMirepoix escossieresMirepoixP

J’avais trouvé 2 autres attestations, une dans le site Le Patrimoine bâti du  vendredi 6 janvier 2006, par Geneviève Durand sur Clermon-le-Fort, qui écrit:

La cour du Fort et son puits

Un très petit nombre de maisons ont aujourd’hui une porte s’ouvrant dans cette cour. Mais cela devait être très différent lorsqu’une muraille les enserrait : il y avait toujours un espace, l’escoussière, entre la muraille et les maisons qui devaient alors s’ouvrir vers la cour intérieure. Le puits, avec la corde enroulée sur le tour, a servi jusque dans les années soixante. Il a plus de 20 m de profondeur.

et la deuxième intitulé « Un siècle d’administration communale  à Aucamville (Tarn et Garonne ») d’après les comptes consulaires (1346-1446), par F. Galabert et publié dans les Annales du Midi de 1908, pp.313-350 . A la p. 320 il écrit:

Les auvents construits, il fallut, un peu plus tard, s’occuper des escossières ou chemins de ronde que l’on répara durant plusieurs années. Cela coûta 5 moutons d’or en 1435,4 moutons d’or et 4 pegas de vin en 1441. On verra par les citations ci-dessous que ces chemins de ronde étaient couverts :

Item fesem repara xiiii brassas he xvii de las cossieras que héron casudas… he costeron de la ma des maistres v escutz d’aur, 1435 (f» 8).

Cette graphie, cossiera  un endroit couvert, permet de supposer par exemple qu’il servait à écosser les légumes (cossier « tiges et cosses sèches de pois » de cochlea « escargot; cosse ») FEW II,826b;

Le FEW range ce groupe de mots dans l’article cursus  FEW II, 1576

Pourtant le plus probable me semble être le latin excussorius « qui sert à battre et enlever », bref le « fléau », qui dans l’Aveyron a abouti à escoussouyro « aire », attesté depuis 1514 et à Barcelonnette à escoussouiro « chacune des planchettes mobiles qui forment le devant du coffre à grains ».

Excussorius  a pratiquement disparu des parlers galloromans et a été remplacé par fleau, mais le verbe excuter avec le sens « battre le blé » s’est maintenu dans beaucoup d’endroits. En ancien occitan escodre, eyscoyre , en occitan moderne escoudre, escoure toujours « battre le blé ».  FEW III, 286 ss.

Tout à fait au nord du domaine galloroman, en wallon, le mot escoussière existe également et là il désigne une meule spéciale dans les moulins pour l’épeautre, décrite ainsi:

Le grain était conservé dans ses enveloppes. La présence d’enveloppes tenaces autour du grain constituerait une protection contre les déprédations (oiseaux et charançons) et protégerait le grain contre les micro-champignons lors des conditions défavorables à la germination. Dans la zone de culture de l’épeautre en Belgique, les moulins à moudre les céréales possédaient un équipement particulier destiné à décortiquer l’épeautre, c’est-à-dire à débarrasser le grain de ses enveloppes, avant de le broyer1. Les moulins possédaient en général trois meules dont une servait uniquement à monder la céréale. Les parties travaillantes étaient des meules grossières, fortement trouées et plus écartées que celles destinées à moudre la farine. Les moulins que nous avons pu encore visiter possédaient des meules provenant du célèbre centre de production de pierres meulières de La Ferte -sous -Jouarre en France. Cette meule spéciale portait un nom particulier : l’esqueure  (charte de Nismes 1451), ou plus récemment l’escoussière  (enquêtes). (http://civilisations.revues.org/1425#tocto2n2)

Ces meules faisaient donc le travail pour lequel on utilisait  le fléau pour les autres céréales.  L’étymologie est donc probablement  la même.

  1. Dans le glossaire de langue romane (google book) p508, on peut lire :
    ESCOUSSIEIROS Remparts d’une ville sur lequel on se promène,
    ESCOUSSOUR Fléau à battre le blé
    2) concernant les propriétés du compoix de Mirepoix de 1766, tout est en ligne sur le site des AD09. Le livre 1, débute par un index alphabétique des propriétaires, avec un fol de renvoi. Sur le fol on trouve les biens tenus, avec pour chaque un numéro de parcelle qui renvoie au plan terrier également en ligne… Il n’y a donc aucune difficulté à localiser le bien d’une personne.
    3) Les escossières n’existaient plus en 1766, elles sont utilisées comme confronts dans le compoix de 1675, qui est en ligne mais sans plan. Pour la ville, j’ai donc réalisé un plan terrier de 1675, à voir en ligne sur mon site.