La valeur des noms vernaculaires et patois des plantes.
Un article de Jacques Rousseau, Le champ de l’ethnobotanique dans le Journal d’agriculture tropicale et de botanique appliquée Année 1961 Volume 8 Numéro 4 pp. 93-101, a attiré mon attention parce qu’il y a un grand nombre de noms de plantes dans ce site. Dans Plantnet vous trouverez une liste de noms de plantes en français suivis des noms occitans liés aux articles dans mon site. Ensuite les mêmes à partir des noms scientifiques. Voici le paragraphe concernant les noms:
Un bon exemple dans l’article de R.A.A .Oldeman « Sur la valeur des noms vernaculaires des plantes en Guyane française« de 1968 qui ouvre un large horizon sur la valeur des noms patois et la compréhension des variations. En patois les plantes ont des noms qui correspondent à des critères qui n’ont aucun rapport avec le concept scientifique de species. Oldeman écrit :
La classification des arbres en Guyane est basée entre autres sur le critère « l’écorce se détache en larges bandes textiles« . Ces arbres sont classés dans la catégorie mahot.
L’ethnobotanique ne se limite pas à l’ethnopharmacologie ! Un exemple intéressant Les noms des plantes des femmes
1. Intéressé par la botanique et l’occitan ?
Il y a dans le même site une Introduction au Flore Populairee ou histoire naturelle des plantes dans leurs rapports avec la linguistique et le folklore. Paris 1896-1914 d’Eugène Rolland avec des liens vers 11 tomes de ce travail de géant.
Dans le site de Plantnet vous trouverez aussi une application d’aide à l’identification des plantes pour téléphones mobiles. Ajoutez-y le nom en occitan de votre région ainsi que des informations complémentaires comme utilisations, traditions, jeux, médicaments, etc. Par exemple l‘afatou (origine inconnue FEW 21, 299) ou prunier de Briançon sert à faire Huile de marmotte . Wikipedia : En patois on dit l’arbre l’Afatoulier et le fruit l’Afatous ou « abrignons ». Le fruit, proche de l’abricot, est comestible. Ils sont de petite taille, 2,5 cm , arrondis, à peau jaune, à chair verdâtre, consistante et acide et arrivent à maturité en septembre-octobre.
Boudéflá, bodiflar « s’enfler ». L’abbé de Sauvages écrit que boudëfla signifie aussi « tourner = mûrir en parlant des figues uniquement ». Un emploi du verbe tourner qui doit être du français régional de l’époque.
Il connaît toute une série de mots qui font partie de la même famille *bod– « gonflé, renflé, lippu », (voir boudego « cornemuse ») comme boudëna « crever d’embonpoint », Boudiflo, boudouflo « vessie urinaire d’un animal ».
Au pluriel boudouflos sont « les cloches ou ampoules qui s’élèves sur l’eau par la chute des grosses gouttes de pluies ». Avez-vous un nom pour ça? J’ai cherché des images sur internet des boudiflos , mais je n’en ai pas trouvé! Peut-être parce que je n’en connais pas le nom.
Un boudoli « un nabot; un outre ou un bouc à huile »; boudougno « une loupe = une excroissance sur le bois; une bosse, enflure »; boudissou « terme d’injure: grosse et petite femme » ; boudoul « ventru ».
Boudégo, bodega s.f. « grande cornemuse de la Montagne noire languedocienne faite dans une peau de chèvre entière » m’écrit une visiteuse. Cliquez sur le lien pour beaucoup plus d’informations! « cornemuse » (Aude); « personne ventrue » (Alibert). Mistral donne aussi le sens « vessie » et boudeo, boudegoú « petite cornemuse »: boudegaire « joueur de cornemuse ».
Ci-dessous, à gauche: Les peintures du plafond datant du XVe s. du château de Capestang. Crédit photo : Association de sauvegarde du patrimoine capestanais. A droite : Un tambourinaïre et un bodegaïre entament peut-être une « carole » sur un des chapiteaux polychrome de Villardonnel . Crédit photo : JL Matte.
Dans le FEW le mot est classé dans les Incognita, vol.23, p.147a., mais l’auteur ajoute qu’il fait probablement partie de la famille de mots qui sont sortis d’une racine onomatopéique *bod-, ce qu’il avait fait d’aiulleurs 50 ans plus tôt dans le vol. I, p.423a : « boudego « cornemuse » Toulouse, Aude id. M. » Il a dû l’oublier.
La racine *bod– a le sens de quelque chose de « gonflé, renflé, lippu ». A ce groupe appartiendraient des mots comme français boudin, languedocien boudeno « ventre », occitan boudenfla « enfler », français bouder, etc. L’article *bod– du FEW a paru en 1926 et ne fait pas partie des articles revisés. 1
Je pense que les représentants de buttis « tonneau », principalement ancien occitan bot et bouto « outre » ont joué un rôle important dans l’histoire de ce mot. ( Voir bout « outre, tonneau » ci-dessous. Le FEW classe le verbe boudenfla « enfler » dans l’article *bod mais boutenfla dans l’article buttis. Il est évident que dans l’evolution les deux familles de mots se sont mutuellement influencées. Il est impossible de distinguer les représentants de *bod- des représentants de buttis « sorte de vase » voir bout.
En Catalogne il y en a d’autres: El sac de gemecs « le sac des gémissements « est un des noms de la cornemuse catalane. Suivant les lieux d’autres vocables seront utilisés, dont bot et cabreta (< capra « chèvre »). Cette cornemuse possède trois bourdons pendant vers le bas. On la trouve en Catalogne nord (Pyrénées Orientales), en Catalogne sud (Principat de Catalunya), et à Mallorca, avec de faibles variantes chaque fois. El bot aranès vient du Val d’Aran, cette partie de l’état espagnol qui est en réalité de langue occitane mais qui a coutume d’utiliser également le catalan. Le bot est une cornemuse rustique qui possède au moins deux particularités :
Bot aranes et el sac de gemecs
Dans Wikipedia catalan il y a une page sur les cornemuses en Europe!
Voir aussi l’article bout « tonneau, outre ».
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Boufadou, « soufflet rustique en sarbacane », dérivé de l’ancien occitan bufa « soufflet de forge ». Un bouffadour à Murat (Cantal) était un « canon de fusil avec lequel on allume le feu en soufflant dedans ». Un des nombreux représentants d’une onomatopée *bouf– ou *pouf- qui désignent quelque chose de « gonflé », puis « souffler », aoc. bufar, bofar « souffler ». Bouffer, fr.rég. « souffler » dans l’expression « le vent n’arrête pas de bouffer. » (Mathon,2003).
Boufounados « facéties » dans le titre du livre du nîmois Roustan, Boufounados en vers patois ounté y a dé qué riré é dé qué ploura, Nîmes, Durand-Belle, 1829, fait partie de la même famille de mots, mais le sens a été emprunté à l’italien buffone comme le français bouffon.
En néerlandais existe le mot bof « oreillons, maladie des enfants ». Le sens le plus ancien de bof est « coup, baffe » (ca.1350). Cf. EWN. Le résultat d’un coup est souvent que la partie du corps frappée *boffe « gonfle », sens attesté en moyen néerlandais. Mais à la fin du XIXe siècle l’évolution du sens a pris une tournure inattendue > « chance », et le verbe boffen « avoir de la chance » a été créé, probablement sous l’influence d’expressions een slag slaan comme français réussir un coup.
Boufarèou « santon de la crèche, l’ange boufarèou » Ce dérivé de bouf– est déjà attesté dans S. avec le sens « joufflu ». Dans la chanson des santons : « L’ange Boufareou qui sonne la trompette ».
Boufaire, « jeune lapin ». Le sens attesté est « grand mangeur », du verbe boufa « manger gloutonnement », dér. de l’onomatopée *bouf– « gonflé ».
Boufigue « ampoule dans les mains » . Dér. de *bouf- En occitan le sens va de « petite enflure » jusqu’à « vessie ».
Boufounados « facéties » voir bouf-
Les bouirons sont les toutes petites anguilles, en français les « civelles : Jeune anguille, de la taille d’un gros ver, ainsi nommée à la fin de sa période larvaire,…TLF). En cherchant des attestations du mot arabic « espèce de moustiques », j’ai suivi les indications de E.Rolland Faune et j’ai retrouvé l’article du baron de Rivière sur les anguilles en Camargue intitulé :
Le baron de Rivière1, un homme très cultivé, donne un aperçu de l’histoire de la pisciculture depuis l’antiquité. Il fait des propositions pour développer l’élevage des anguilles en Camargue. Il a beaucoup voyagé et il conseille aux pêcheurs camarguais de suivre l’exemple des Hollandais. En effet l’élevage et la consommation de l’anguille y est/était importante. Mais la capture des civelles pour le marché asiatique et la pollution menacent la reproduction de l’anguille. Voir l’article dans Wikipedia. Plusieurs copains qui connaissent bien la Camargue, m’ont dit qu’il n’y en a plus pratiquement. Dans le cadre de l’Europe, il y a actuellement des tentatives de faire revivre l’aquaculture ou pisciculture des anguilles. Voir cet article en anglais.
Dans ses Considérations2 , le baron nous fournit plusieurs mots locaux camarguais.
Bouirons
L’ennemi le plus dangereux a été l’homme. Il n’y en a presque plus.
L’étymologie de bouiron est le latin botryo, botryonem « grappe de raisins », mot emprunté au grec. L’image ci-dessus explique bien l’évolution sémantique « grappe de raisins » > « grappe de civelles ». Antoine Thomas nous fournit une signification analogue et une explication plus précise:
Le FEW (I, 467a) suit Mistral et classe birounado comme dérivé de bouiron. Comme il s’agit d’un article du FEW qui ne sera pas revu ni corrigé, j’ai consulté le LEI s.v. botryo, -onem. Là, il y a une remarque intéressante concernant l’influence du grec dans la Gallia Narbonenis . Le grécisme botro se serait répandu à partir de la colonie phocéenne en Asie Mineure et le type botryone aurait été créé dans le latin parlé dans la Gallia Narbonensis, ce qui expliquerait la survivance de bouiroun « grappe de vers enfilés pour la pêche des anguilles » en occitan (cf. ci-dessous Mistral) et botiro avec le même sens en catalan.
A plusieurs reprises nous avons constaté qu’un mot grec a été introduit en occitan et notamment en languedocien, directement par les Grecs et non pas par les Romains. Si cette explication vaut également pour bouiron c’est le grec βοτρυων évolué en botryon en latin languedocien de l’époque, qui est à son origine. Voir aussi l’article petas ou pedas.
Fréderic Mistral a plusieurs significations et deux dérivés dans son Trésor:
Les autres mots camarguais que j’ai trouvés dans les Considérations du baron de Rivière, sont:
Les pougaou « anguilles de 500 gr environ ».
Les bomarenques « anguilles de 125 gr »
Les pounchurotes « petites pointues » synonyme de lufru.
Les margagnons ou lachinans, qu’on appelle soufflards dans quelques localités.
Le cod « filet à anguilles »
Les boutiques ou bascules, appelés serves dans le Midi. Ce sont des bateaux percés de trous en communication avec l’eau.
Les anguilles de dégout et dégoutter les anguilles. Degouttar avec le sens « égoutter » est un dérivé de goutte du latin gutta qui avait le même sens. Le verbe et le substantif dégou(t) sont assez courants en est-occitan.
En languedocien il y a un dicton sé noun plóou dégouto « se dit par rapport à tous ceux à qui échoit une chance au-dessous de leurs prétentions, mais encore passable »
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