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Bagassa 'putain, morbleu'

Bagassa « prostituée, imbécile; interjection peste, morbleu » (Alibert) Etymologie pré-indo-européen  *bakassa

J’ai rencontré ce mot par hasard dans les Coutumes de Seix-en-Couserans1

Un mot de la même origine a existé en langue d’oïl en ancien et moyen français mais le sens est  « serveuse » et ensuite « jeune fille », avec de nombreux exemples dans le Godefroy et un exemple dans le DMF

Au XVIe siècle le mot occitan  bagassa  « prostituée »  a éte introduit en français mais il est considéré comme « vieux » actuellement. Le TLF écrit « juron provençal »! Bougre de bagasse.  Il semble être vivant en occitan. Pierre Gastal, l’auteur de  Nos racines celtiques,  me fournit les compléments que voici:

bagassa, terme méprisant (femme aux mœurs légères, prostituée) resté vivant comme interj. et insulte, bagassar (mener une vie de débauche), bagassièr (qui fréquente les prostituées). Dans l’Ain il y a un Bois de la Bagasse.  catalan bagassa (prostituée).

Dans l’article  *bacassa  du premier volume du FEW publié entre 1922 et 1928, von Wartburg énumère plusieurs pistes étymologiques sans tirer une conclusion. Hubschmied, spécialiste du pré-indo-européen,  y revient dans le volume XXIII,p.1402 publié en 1968, avec beaucoup d’attestations  dans les autres langues romanes et en conclut qu’il faut postuler une racine pré-indo-européenne *bak- avec un suffixe également pré-indo-européen -assa , *bakassa « serveuse ».

 

 

 

  1. Source: Bulletin de la Société Ariégoise…p.253 ss  Coutumes municipales de Seix-en-Couserans. datée de 1280 (?)
  2. mots d’origine inconnue

Bagnà

Bagnà « mouillé » du latin balneare « baigner ». Le glissement de sens, qui est évident,  se trouve surtout dans le Midi. La recette d’origine du pan bagna telle qu’elle est  donnée par Andolfi  correspond à celle du « pain perdu » et n’a rien à voir avec les sandwichs qu’on trouve de nos jours dans les snack-bars.

. pan bagnat ?

Bagnaduro «  mouillure, sauce », est dérivé de bagnà.  Bagnaduro  signifie aussi « rosée »  dans les départements 13, 30 et 11 d’après les données de l’ALF.

Baiasse, badasso 'lavande fine'

Baiassa « lavande fine » en dauphinois,  bayáso  dans les Hautes-Alpes  est un mot d’origine inconnue. Le Thesoc donne plusieurs attestations dont badafo  dans la DROME  et  les   HAUTES-ALPES, et.  avec la remarque « lavandin sauvage, vieilli ».

Le FEW1 réunit dans le même article baiassa  et les formes avec un -d- comme provençal badasso « nom générique des plantes ligneuses aromatiques »,  le « thym » à Forcalquier et à Apt,  le « pulicaire »  à Marseille,  appelé badaflo  à Arles, mais le badaflo est un « plantain pucier » dans les Bouches-du-Rhône2. Le suffixe avec tantôt un -f- tantôt un -ss-, suggère comme origine le gaulois -asta  ajouté à une racine préromane *bat- > *batasta.

Solerius (1549). Le psyllium  s’appelle chez nous badassos.  En botanique c’est  maintenant le   plantago psyllium L., en français le  plantain des sables ou herbes aux puces.

 

pulicaire pulicaire   plantain pucier

A Marseille on utilisait une badafo « un rameau de bruyère sur lequel on faisait monter les vers à soie pour faire des cocons »,  mais pour l’abbé de Sauvages(S1) la badafo est la lavande fine dont on tire une huile essentielle fort chère. Un badafié ou badassièiro  est un « lieu rempli de lavandes » (M). Autres dérivés : baiassar « couper la lavande », baiassièra  s.f. « côteau de lavande » (Die, Schook),

Rolland Flore VIII, 195  ne connait pas ce mot avec le sens « lavande », mais il cite un article:

Dans son numéro de mai 1909 la Revue Alpine de Lyon a publié, pages 187-196, un intéressant article sur la lavande par M. L. LAMOTHE, de Grand-Serre (Drôme). Nous y apprenons que « la livande pousse d’elle-même dans les zones incultes de dix-neuf de nos départements ». Suit la liste. « Nous lui devons beaucoup dans les communes pauvres du Sud-Est, nourries par le troupeau, de là, l’affection que nous avons pour elle et ce mot très juste : bonne baïassière vaut mieux que champ de blé. » M. Lamothe cite, à cette occasion, une lettre provençale que lui a écrite Mistral après la publication de son propre livre : Lavande et Spic. – L’article de la Revue Alpine traite des variétés, de la distillation et de l’essence. – H. G.

Mon collègue Pierre Gastal, auteur de Nos Racines Celtiques – Du Gaulois Au Français. Dictionnaire. Editions Desiris, 2013,  propose une origine ligure:

BAIASSA (nf, nord-prov.) : lavande.

Fr. rég. bayasse (fleur de lavande) ð baïassière (pente montagneuse où pousse la lavande sauvage). Du gaulois ou plutôt du ligure car c’est une plante méditerranéenne. Toponymes : Bayasse, hameau du Mercantour (com. Uvernet-Fours/AHP) ; Bayasse, lieu-dit de Ventavon/HA (dont la géographie confirmerait une origine ligure).

Vous trouverez une description des différentes sortes de lavande dans le site du Musée de la lavande :

La raccolta della lavanda selvaggia si praticava nelle baiassières (compluvi), luoghi dove crescevano le lavande chiamate in dialetto « baiasses« 

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  1. vol.21,177-178
  2. Voir Rolland Flore II, 210 Cistus salvi folius; VII,84 Solidago virgo;  VII,98 Pulicaria graveolens; IX,27 Thymus  pour les plantes dénommées avec ce type lexicologique.

Baisse, beso ‘hotte’

Jean-Pierre, manduellois venu d’Ardèche, a continué ses recherches sur lo beso et lou coulassou  et il a trouvé un article sur la  beso qui est  utilisée en Saône-et-Loire. Un article très intéressant, avec une description et la manière de s’en servir. Le petit établi est typique pour cette région de plaine. En Ardèche on n’en a pas besoin. Voici une  copie:

appeléé « bachoule« 

La description et l’utilisation détaillée:

description et utilisation

Le mot baissa existe en provençal  et signifie « terrain basse » . Il est dérivé du verbe *bassiare « abaisser ». La petite étoile signifie que le mot n’est pas vraime,t attesté en latin classique mais le fait qu’on le trouve dans toutes les langues romanes, rend son origine latine, du latin parlé,très probable.

*bassiare « baisser, abaisser »  FEW I, 272

Le nom de la beso dans le dép. Saône et Loire bachoule vient du latin bascauda. Cliquez sur FEW 1,267

Bajana

Bajana « soupe de châtaignes ». La Bajana est une soupe de châtaignes sèches cuites à l’eau » (Vallée Borgne des Cévennes). D’après l‘abbé de Sauvages les brizos ou bajhanos sont des « châtaignes brisées. L’abbé écrit que la bajhana ou couzina est le potage et la bajhanado le ‘bouillon aux bajanes qui est un excellent incrassant dont on a vu de bons effets sur les poitrines délabrées, lorsqu’elles se rencontrent avec un estomac robuste; rencontre fort rare.

Charles Atger raconte p.9 qu’autrefois; à Valleraugue (Gard)  les Caussenards après la saison remontaient sur leur plateau à la fin de l’automne avec les blanchettes ou badjanat « châtaignes sèches » leur revenant. Bajanar signifie ‘tremper dans l’eau’ en parlant des légumes, de la morue etc.’ Les paysans de la région au nord d’Uzes sont des bachalan, ceux de Marsillargues des bajan. Voir sous bachalan.  Pour une recette suivez ce lien

La bajana est aussi connue en Provence, mais quand on n’a pas de châtaignes, on se débrouille avec des haricots; Simon-JUde HONNORAT donne pour le mot

bajanada :dial. Languedoc.: « bouillon de bajanes. »
Dial. Haute-Provence : « quantité de haricots ou de lentilles, qu’on a fait cuire en bajanes,
c-à-d. pas entièrement, pour être mangés en saugrenée.

Etymologie : dans l’antiquité la ville Baiae (région de Naples actuellement appelée Baia, un quartier de la commune Bacoli) était fameuse pour ses eaux thermales. Voir l’article intéressant Baïes de Wikipedia. Virgile et Horace en font l’éloge dans leurs poèmes.  L’adjectif bajanus, fém. bajana a pu signifier « baigné, mouillé, trempé ».  Le FEW I, p.205 explique l’évolution sémantique et la généralisation du sens  « eaux termales » > « trempé » en parlant des légumes secs.  Ensuite au figuré bajan a pris le sens « nigaud » , très fréquent  pour les fèves et autres légumes secs.

Baiae d'après Turner

Baiae d’après Turner (Wikipedia°

Une autre possibilité est que les bajanae étaient une espèce de fève provenant de Bajae, qu’on préparait en les faisant tremper . (Voir ci-dessous à propos de l’italien baggiana). Dans mon dictionnaire latin je trouve : . bajanas elixas «des… ?  cuites à l’eau ». Le nom du plat a ensuite été transféré à d’autres légumes trempés et cuits.
Voir aussi ci-dessus bachalan.

J.P DurandEtudes de philologie et linguistique aveyronnaises, explique le sens de   baja  ‘fou’ dans l’Aveyron du XIXe siècle:

Le grand philologue Paul Meyer conteste cette étymologie dans son compte-rendu dans Romania 1880, p.153 et il propose comme étymologie l’italien baggiano. Mais en consultant le Garzanti linguistica je vois que baggiano signifie ‘niais, crédule, peu intelligent’ et qu’il s’agit d’un emploi au figuré de baggiana  » une fève avec des grains très gros » et au pluriel des « mensonges ». L’étymologie qu’il propose est bajana dérivée du nom de la ville de Baiae. Dans le dictionnaire italien baggiana est défini par sciocco qui signifie non seulement ‘niais’ mais aussi ‘insipide, fade’. Là nous sommes tout près du Donatz proensals de Hugues Faydit qui traduit baias par ‘insipidus’. L’association d’idées ‘fève’ > ‘niaiserie, bête’ semble être internationale. Voir favalise et favasso.
D’autres propositions dans le Dizionario Etimologico Italiano .

Balandrar, balandra

Balandrar « balancer, brinbaler, flaner », v.r. « se dandiner »; balandra « bascule de puits de campagne ».

Dans la nouvelle version du FEW, consultable et téléchargeable ici, cette famille de mots est rangée dans l’étymon bilanx « balance » Tous les mots, formes et significations relevés dans les parlers galloromans se trouvent aux pages 38 à 40. L’explication à la p.60. Je cite : « Le type (I.2.c.a.c’.d’. = balandra), d’époque moderne et presque exclusivement francoprovençal et occitan, pourrait avoir été influencé par la famille lexicale classée sous LANDEL (FEW 16, 443ab; ML 4885a)157). En tout cas ce type n’est pas seulement galloroman, cf. milanais. bàlàndrâ v.a. « andare girando qua e là per ozio, per passatempo e a piccole distanze; bighellonare, girandolare, andare in giro svogliatamente, fermandosi e osservando ogni cosa, ma senza scopo e senza interesse; gingillarse, perdere il tempo senza far nulla »(Angiolini 1897) que le DEI propose de rattacher à moyen haut allemand  landern « flâner », ce qui n’explique pas la syllabe initiale.

Les formations expressives (I.2.c.a.d’.) avec redoublement sont propres aux domaines occitan et, marginalement, francoprovençal.

Voir aussi l’article aland(r)a « cajoler pour tromper »

Une excellente occasion de visiter ce site et de voir l’énorme travail fait par von Wartburg,  ses collaborateurs et successeurs!

Balca, bauca

Balca ou bauca, baouco en fr.rég. baouque,  « herbe sèche » (Mathon.) « herbe fine  qui pousse le long des murs » (And), « brachypode »  d’après Lhubac .
Ancien occitan balca » nom de diverses graminées » ,  dans les patois occitans et franco-provençaux le type bauco désigne souvent des herbes à tige dure et c’est ce caractéristique qui a donné leurs noms aux plantes, p.ex. languedocien bauco « laîche = une plante à feuilles coupantes à fleurs en épi et à fruits en capsule qui croit en touffes surtout au bord de l’eau , appelée aussi carex » (S. . Le FEW 1,211b suppose une origine gauloise *balcos « fort, dur ». Voir aussi baou ci-dessus.

Balletti

Baletii, balletti « bal » est une dérivé du verbe latin tardif  ballare1 « danser » > baller, qui était courant dans tout le domaine galloroman jusqu’au XVIe siècle.

L’article ballare  du FEW  rédigé en français,

est publié dans le site de l’ATILF.

(lien direct vers l’article; une occasion d’y jeter un coup d’oeil !). Je cite:

bal(l)etti  (rég., 1961,Prigniel), balèti « bal; lieu du bal » (rég., ArmKasMars 1998). — [+ -?] ) Le suffixe est comparable à celui de pr. Papòti  m. « enfant joufflu » (FEW 7, 585a, PAPPARE).

D’après les données du FEW le mot baletti est récent. Mistral ne connaît que le bal.

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  1. emprunté au grec

Balma "grotte, cavité"

Balma, bauma « baume ». Etymologie:  Emprunt au gaulois balma (Dottin, p. 230), le mot étant attesté dans l’aire géographique où s’établirent les Celtes (domaine gallo-roman entier, Italie du Nord, Suisse) Plus dans le  TLF s.v. baume²

Thesoc :balma ALPES DE HAUTE-PROVENCE, ALPES-MARITIMES, BOUCHES-DU-RHONE, DROME, HAUTES-ALPES, VAR, VAUCLUSE.

bòrna DROME.

Le mot est également connu dans les parlers germaniques de la Suisse  barma. Voir à ce propos:  Jud, dans Zeitschrift 38(1817) 4-5 disponible grâce à Gallica.

J. Jud a aussi publié un article dans  Archiv für das Studium neueren Sprachen und Literaturen  124 (1910)92 , mais il n’est disponible que pour les Américains. Si vous avez un ami là-bas…..

Un autre article, disponible cette fois même pour les Français , publié dans la Revue Celtique 39(1870)47  par

J.Loth  intitulé  « La Gallo-roman  Balma ».

Je proteste contre ces lois abusives des droits d’auteur pour des publications qui datent de plus d’un siècle.

Baloard

Baloard « boulevard » vient du moyen néerlandais bolwere, bolwerk « digue, palissade ». Les premières attestations du XVe siècle viennent du Nord-ouest de la langue d’oïl, le wallon et le picard. Bolvert, bolverq désignait le « terre-plein d’un rempart, le terrain d’un bastion ».(Voir le DMF). Dans les textes de cette époque on trouve aussi des formes avec -a- : balluard dans le Vaud, et balwer en wallon avec le sens « place ». C’est cette dernière  forme qui est la plus répandue en occitan. En béarnais un baluard est une « levée, une élévation de terre ».

Quand on a démoli les anciens remparts pour les remplacer par des grandes et larges avenues, on a gardé le nom boulevard en français, baloard en occitan. Jene suis pas sûr que ce mot soit « vivant ». Le Baloard à Montpellier est un centre culturel-gastronomique.
L’occasion de cet article a été une demande d’un visteur, qui m’a écrit : « Avez-vous rencontré le terme « baloir1 » qui semble être un lieu de baignade ? Ou de lavage de linge en rivière ? Terme employé particulièrement dans la vallée de la Cèze ». Ce sens n’est dans aucun dictionnaire.
Le chanteur Bernard Pialat vient de la même région. Il me confirme : « le mot baloir (baloar), dans la vallée de la Cèze et alentour est bien une elevation de terre ou de maconnerie (confondue avec lieu de baignade), en fait cette levée sert a détourner le ravinement des eaux de riviere, comme le dépot de gros blocs de cailloux actuellement. » A ma demande il confirme que  » les baloars s’appellent aussi levade et qu’il y a plusieurs lieux de ce nom et à cet usage (avec ou sans rivière). »
D’après le dictionnaire Panoccitan une levada est une « digue, élévation » ou une « fressure ». Voir aussi le TLFlevade.

Un choix des photos des baloars dans la vallée de la Cèze, faites par Bernard Pialat. (merci!)

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En anglais américain du Nord-Est, près de la frontière canadienne le boulevard  est « the strip of grass and trees between the sidewalk and the curb = la bande d’herbe et d’arbres entre le trottoir et le bord de la route ». Voir le Dictionary of Amerciacn Regional English.

Le boulevard le plus connu est le Hollywood boulevard.

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  1. Cette graphie est un bon exemple de la façon dont quelqu’un qui ne dispose pas d’un dictionnaire occitan, écrit sa langue. Voir mon article Comment écrire mon occitan