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Vendemia

Vendemia « vendange » est l’aboutissement  régulier du latin « vendange ».  Pour les variantes voir le Thesoc. Les formes galloromanes ont subies souvent une assimilation de nd- suivi de -mi- qui sont devenus -nd- suivi de -ni-. En gascon par contre la suite -nd- latine était devenue -n- , vindemia > vinemia. Par dissimilation la suite n- suivi de -ni- est devenue -r- suivi de -ni- : vrenhar, brenhar. (Thesoc);

Vendémia, vrenha désignent également le « panier pour vendanger » (Thesoc).

Le mot s’est conservé dans toutes les langues romanes: italien vendemmia ; espagnol vendimia, etc.

Une évolution intéressante s’est produite en anglais, où  vintage,  à partir du sens « vin d’une année x »,  a pris le sens « d’une certaine année » , par exemple a car of 1942 vintage « une voiture de 1942 ». Vintage  « millésime; grande année; cru ».

    

Vendange Cos d’Estournel 1942                                             Vintage 1942     

Ventabren ‘fanfaron’, Nîmes

Ventabren est un quartier de Nîmes et le nom d’un village dans les Bouches-du-Rhône. Étymologie. Aimé Serre pense que le sens « ventar lo bren1  » c’est-à-dire  « venter le son » est peu plausible parce que l’on n’a jamais ventile le son, à moins qu’il s’agisse d’une dérision.  Et il cite Mistral qui traite le fanfaron de venta-bren.

Je ne peux pas savoir si les habitants de Ventabren et du quartier de Nîmes étaient-ils des fanfarons, mais ce toponyme existe comme substantif  avec ce sens à Nice et à Aix-en-Provence  . FEW XIV, 268 :

VentabrenFEW14_268

Ailleurs  c’est vento-boulofo, boulofo est une « balle de blé », dérivé  de bulla FEW I, 610.

Dans Wikipedia vous trouverez d’autres hypothèses, dont une qui vaut le peine d’être vérifiée:

Le Larousse illustré nous précise qu’en 1145 le nom du village s’écrivait Ventabran, pour devenir Ventabren en 1154. L’étymologie en serait Vin’t (celto-ligure), vent, et Bren (gaulois), colline, rocher escarpé.

  1. bren  vient d’une racine brenno- dont nous ne connaissons pas l’origine. FEW I,516

Ventresca, ventreche

Ventresca, ventresco, ventreche en  français régional, « chair salée » (Lhubac). Dérivé du latin venter « ventre ».

Ce mot occitan est  attesté au XIIIe siècle avec le sens « entrailles d’un animal ».   En occitan moderne ventresco  désigne surtout  « poitrine de porc, petit lard ». Le même dérivé se trouve à Gênes  et en catalan ventresca  « intestins des poissons », comme en espagnol et portugais ventrecha « ventre des poissons ». Celui-ci est peut-être emprunté à l’occitan.

    

Veri, verin "venin, poison"

Veri   « venin; poison »  (Sauvages S1) vient du latin venenum « toute espèce de drogue; poison; breuvage magique; teinture »1 . En provençal et est-languedocien verin  signifie au figuré « haine; rage, dépit’.

venin     poison

Le plus intéressant est le fait que l’abbé explique aux Languedociens qu’en français on dit venin  des animaux et le poison qu’on tire des plantes et des minéraux. Cette distinction n’existait donc  pas en languedocien à son époque.  Ce n’est qu’en lisant cette remarque que je me suis rendu compte qu’elle n’est pas universelle d’ailleurs.  En allemand les deux sont Gift, en néerlandais  gift, en espagnol veneno, mais l’anglais distingue bien le venom  du poison.

En occitan comme en français le mot a gardé toutes les significations du latin  jusqu’à la fin de Moyen Age. A partir du XIVe siècle, le sens de venin se restreint en français en tout cas. La remarque de l’abbé de Sauvages montre que  le Languedocien n’avait pas encore suivi Paris.  Il parle du véri dé nouzé le « brou de noix » et il écrit que ce veri était  utilisé pour faire sortir de vers de la terre en jetant  une décoction  à terre.

Le plus remarquable est le fait que dans  veri  dé nouzé, véri  a gardé le sens du latin venenum« teinture ».

Ci-dessous une noix dans son brou éclaté. On extrait de cette enveloppe une teinture (le brou de noix) utilisée notamment en peinture (lavis) et en menuiserie. (Wikipedia)

     

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  1. Selon Douglas Harper, le sens originel de venenum   serait  « potion d’amour » et lié à venus  « amour érotique ».

Verna, vergne, verne "aulne"

Verna, vern, vergne, verne « aulne; bois d’aulne » est un des  noms d’arbres d’origine celtique qui se sont maintenus jusqu’à nos jours. Pour les détails de l’étymon  gaulois verno-  voir le TLF.  Les représentants de verno- sont encore vivants en gallo-roman au sud d’une ligne qui va de la Vendée aux Vosges, mais des dérivés  et des toponymes prouvent qu’il  a existé également au nord de cette ligne1

De très nombreux toponymes dans le Pégorier.   Le type verna  se trouve surtout à l’est du Rhône.

Dans les  Lectures de l’ALF  2  j’ai trouvé une belle carte qui illustre la ligne qui va « de la Vendée au Vosges! »:

Ligne Vendée - les Vosges

Carte 29 dans Lectures de l'ALF

Le TLF donne l’explication que voici de cette ligne:

le maintien du substrat *verno- dans le domaine d’oc s’explique peut-être par le fait que l’aune, plus fréquent en ce domaine souvent marécageux que dans le nord, a pu y conserver plus facilement sa dénomination primitive.

Mais nous avons vu à plusieurs reprises que des mots occitans se sont maintenus ou ont vécu dans la sud de la France  jusqu’à la ligne qui va de l’embouchure de la Loire jusqu’aux Vosges, et que la Langue d’Oc occupait toute cette partie du gallo-roman.

L’aulne est, avec le saule et certains peupliers, l’une des espèces les mieux adaptées à l’eau. Sur l’image ci-dessous il émerge de l’eau au bord du lac Bobięcińskie Wielkie en Pologne. Ces trois espèces sont aptes à recéper quand elles sont coupées par le castor avec lequel elles ont co-évolué.  (Wikipedia)

verna

verna, vergne

 

 

  1. Le type aulne, aune   qui vient d’un latin alnus contaminé par des formes homophones  franques  issues de alira, alisa ( cf. aulne  TLF). C’est une discussion assez compliquée.
  2. Lectures de l’Atlas linguistique de la France de Gilliéron et Edmont : du temps dans l’espace. Auteur : Dirigé par Guylaine Brun-Trigaud | Yves Le Berre, Jean Le Dû. Genre : Sciences humaines et sociales Editeur : CTHS, Paris, France

vesc 'gui, glu'

Vesc ‘gui, glu’  vient du latin   vĭscum « gui; glu ». Vous trouverez une recette de glu avec du gui en suivant le lien.  Pour la répartition géographique des différentes formes dans le sud-est de l’occitan  abresc, bresc, besc, bisc  voir le Thesoc.  La première attestation vient du Rouergue et date de 1220. Le sens « glu » des représentants de viscum  n’a été conservé  qu’en occitan.

La forme avec a- :  abresc  doit provenir de l’influence du verbe aviscar, enviscar  « engluer; prendre à la glu ». Les formes avec -i-  font supposer une base vīscum qui s’explique d’après le FEW par l’influence des représentants de  hibiscus, les formes du nord avec gu-  par l’influence d’un mot germanique.

Espagnol et portugais visco. L’ italien vischio et le provençal biscle  viennent d’un dérivé  vĭsculum.

La chasse avec la glu de gui dans la Vaucluse s’appelle  visqueto  La pratique de la glu remonte au temps de l’empire grec. Ils fabriquèrent la glu avec des baies de gui concassées , ainsi ils pouvaient capturer les oiseaux par les ailes. Ce qui est devenu la technique des baguettes tombantes répandue aujourd’hui dans le Vaucluse.

baguettes tombantes

Le nom du  gui  « viscum album » est également utilisé par les médecins pour  une autre plante le « loranthus europaeus » qui ne se trouve pas en France.  Dans l’interprétation de textes anciens de médecine et de botanique  il faut donc  interpréter viscum/gui  avec prudence. Voir RollandFlore 6,227.

      

Viscum  est aussi à l’origine du mot viscosité.

Vesenha, besego

Vesenha « gousse d’aïl », le bezegno d’aïl est « le cayeu de la gousse » d’après S1, veregno dans S2. Le mot est ensuite attesté dans le Gard, la Lozère, l’Ardèche et à Prades. Mistral donne besego, vesego pour le languedocien. En fin à Lodève (ALF p.758) bedena et à Agde bereno, à Belmont dans l’Aveyron blezeno.

L’étymologie est inconnue (FEW XXI, 130b), mais j’ai le sentiment qu’il vient du verbe videre « voir », ou d’un dérivé de celui-ci et que l’image qui se trouve derrière est « oeil » , comme les « yeux » des pommes de terre.

veso 'vesce'

Veso, beso « vesce, vicia sativa » a la même étymologie que le mot français, à savoir le latin vĭcia « vesce » qui d’après Walde fait partie de la famille vincere « lier, plier ».  En occitan nous trouvons plusieurs dérivés inconnus du français comme dans le Gard  vessaro « gesse tubéreuse », occitan vessarado « vicia cracca » et dans le sud-ouest à partir de Carcassonne bessil, besil « vesce jaune », bessilhoun  dans le Gers.

Voir le Thesoc s.v. vesce

Nous retrouvons le même mot en italien veccia, catalan vessa, espagnol veza,  breton gweg, allemand Wicke, néerlandais wikke et anglais vetch.

Plus intéressant est le nom garaoubo  qu’elle porte dans plusieurs parlers galloromans.

veso beso    

Vibre, vibro,

La nouvelle rédaction de l’article BEBER (ancien français bièvre) est disponible sur le site de ATILF téléchargeable en format PDF

L’origine de beber ou biber  n’est pas clair. Les deux propositions, celtique  ou germanique; se défendent. Lisez à ce propos le commentaire de l’article du FEW rédigé par L.Grüner   BEBER.

Vibre, vibro, vibrë (S) « castor ». Une ballade dans la Lozère  e.a.  à Vébron, canton de Florac, un petit village qui se situe entre Causses et Cévennes, au pied du Mont Aigoual, aux portes des Gorges du Tarn et de la Jonte, et la ville magnifique de Ste Enimie. C’est  un des rares endroits de France où l’on peut découvrir le vibrë.

Comme le vibrë s’appelle bever en néerlandais, beaver en anglais, Biber en allemand, je me suis dit qu’il devait y avoir des liens entre ces mots. Les voilà à partir du proto-indo-européen, trouvé dans le site suédois de Wikipedia :

Les Romains ne connaissaient pas très bien cet animal. Ils l’appelaient fiber ou biber, son équivalent d’origine celtique, ou castor emprunté au grec. Le mot gaulois *bebros a été conservé dans de nombreux toponymes qui datent de l’époque pré-romaine. La forme germanique de la même racine était *bebru. On suppose à ce mot une racine indo-européenne signifiant sans doute « brun », qu’on retrouve dans le sanskrit babhrúh, qui a à la fois le sens de « brun » et celui de « mangouste ». Il semble que le castor a disparu assez tôt de la péninsule italique, mais la fourrure du castor et le castoréum, utilisé dans la parfumerie et en médecine, étaient très appréciés et importés des pays germaniques.

L’ancien occitan connaissait surtout le mot befre comme l’ancien français le mot bievre, qui est à l’origine du nom de très nombreuses rivières de France et de Belgique où l’animal aurait été présent : la Bièvre, le Beuvron, la Vèbre, le Vébron, la Beuvronne, etc.

Mais au cours du moyen âge, l’animal a disparu de nos rivières, à tel point qu’on ne le connaissait plus que par ouï-dire. La preuve: en corse béfelu signifie « un animal imaginé »!

Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que l’on redécouvre le vibro/castor suite à la découverte du nouveau monde et grâce à la vogue des chapeaux en fourrure de castor. Pour tout savoir sur cette mode et son évolution, voir Allaire Bernard « Pelleteries, manchons et chapeaux de castor. Les fourrures nord-américaines à Paris, 1500-1632. Paris, 1999.  C’est bien sûr avec cette mode et à partir de Paris, que le mot castor s’est répandu dans toute la France.

Pendant un voyage dans le Nord des USA, Chicago (Illinois) et le Montana, j’ai appris beaucoup plus sur le rôle important qu’a joué la chasse aux fourrures et les trappeurs dans l’histoire de cette région. J’essaierai de me documenter et je vous tiendrai au courant.

Vié d'ase

 Vièt’d’ase, vié d’ase « sexe de l’homme ; nigaud », littéralement « sexe de l’âne »

C’est Rabelais (encore lui) qui a introduit l’expression en français : viet d’aze « terme d’injure obscène » ; il a dû l’apprendre à Montpellier. La forme ase  du latin asinus prouve qu’il s’agit du languedocien (ay est  provençal). A Alès viedas  veut/voulait dire « diable !, peste ! »  Ounte sian? Pièi, s’estènt esperluca en plen, reprenguè: – Que siéu viedase! sounjave … naciounau? – Res se n’avisara, viedase! …  d’un texte intitulé La terrour trouvé sur internet.

Le sens « aubergine » viedaze ou  bietase  (p.ex. à Pézenas), est limité à l’occitan, du dauphinois jusqu’au béarnais.

Etymologie : vié'(t) vient du latin vectis « manivelle d’un pressoir, pilon, barre ». Le sens « sexe de l’homme » n’est pas attesté pour le latin mais il a dû exister, parce qu’on le retrouve dans d’autres régions comme en Frioul , région de Trieste en Italie.

En fouinant dans la vénérable Revue des Langues Romanes, de 1879, que tout le monde peut consulter grâce au site Gallica de la Bibliothèque Nationale, j’ai trouvé la note suivante, attendrissante par la façon pudique dont l’auteur s’exprime à propos du juron vié d’ase:

Dans le livre de J.P. Durand, p.72 sur l’Aveyron, se trouve une autre longue explication de l’expression locale Joan-viech qui égale le viéd’ase.  Il connaît la variante viech d’auques déjà mentionné par l’abbé Moyne.  Ce n’est pas viet  qui est victime du tabou mais l’ase!