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Serva "cavité percée avec poissons vivants&qu...

Serva   « boutique » ou « bascule » en français d’après le baron de Rivière dans les Considérations... sur les anguilles en Camargue (1841).  « Boutique ou bascule appelé serve dans le Midi. » A la fin de l’article boutique   du TLF  il y a la remarque:

Rem. Dans le domaine de la pêche, le mot désigne une cavité contenant les poissons vivants, placée à l’avant ou à l’arrière d’un bateau de pêche où l’eau peut circuler grâce à des trous aménagés à cet effet (d’apr. Pollet 1970).

Le verbe latin servare « conserver »  s’est conservé en ancien occitan et en occitan moderne avec les sens « garder, observer (une règle, la chasteté), réserver qch.  pour quelqu’un; conserver ». Le dérivé serva « réservoir d’eau où l’on conserve le poisson » est attesté depuis  1395 et vivant dans tout le domaine occitan, franco-provençal  et jusqu’en Bourgogne.  Les définitions données par les dictionnaires locaux varient bien sûr souvent, cela va de  « bassin d’agrément » à  « écluse de moulin ».

En Camargue et en mer, une serva  devient une « boutique » au sens TLF. D’après le Thesoc   une serva est une « mare«  en Corrèze et les Landes.

Le sens « garder, conserver » est maintenu aussi dans :

servans "raisins de garde"  et   servos "pots de conserves" Sauvages S2

Voir l’article  Bouirons  « civelles » pour les autres mots concernant les anguilles.

sidre, ceyre 'hellébore'

Sidre, ceyre ‘hellébore’ un mot  du sud-ouest, vient du latin siterus  » elleborus niger »  dans les formes sitro  et  cosiderus attesté dans des gloses du Xe siècle.

D’après le FEW  le même étymon est à l’origine de l’ancien haut allemand sitterwurz  « helleborus niger », emprunté par l’anglais : setterwort1.

Comme les représentants de cet étymon se trouvent principalement dans les Alpes et les Pyrénées et qu’il n’y a pas de représentants dans d’autres langues romanes, il faut conclure qu’il est d’origine préromane et peut-être même pré-indo-européenne si on ne trouve pas de représentants dans des langues celtiques.

Voir les noms de  l’hellébore dans Rolland Flore populaire 1, pp.77 ss et les usages à la p.84

 

je weiter ich in diesem Studium fortgehe, desto klärer wird mir der Grundsatz: daß kein einziges Wort oder Wörtchen bloß eine Ableitung haben, im Gegenteil jedes hat eine unendliche und unerschöpfliche. Alle Wörter scheinen mir gespaltene und sich spaltende Strahlen eines wunderbaren Ursprungs, daher die Etymologie nichts tun kann, als einzelne Leitungen, Richtungen und Ketten aufzufinden und nachzuweisen, soviel sie vermag. Fertig wird das Wort nicht damit.

Jacob Grimm an Savigny. 20. Apr. 1815

  1. Voir Middle English Dictionary publié par Robert E. Lewis p.587

Sira "neige"

Sira, cira « neige poussée par le vent, qui tombe en tourbillon », cirá « neiger en poudre ». Etymologie: sīdus, sīderis; sīdera (pl) « tempête ».

Un visiteur me demande si je peux lui renseigner sur l’étymologie du mot auvergnat cira « neige »  et écirada « tourbillon de neige ». La graphie avec un c- m’a mal orienté bien sûr.  C’est sous  sira  qu’il fallait chercher. En effet  sous sidus, sideris  « tempête1 » je trouve : ancien occitan  sira  s.f. « neige poussée par le vent » (Millau, 1471) , Aix-en-Provence  ciro  « vent du sud-est », ciro « poussière de neige soulevée par le vent (Alès)  » et d’autres dans l’Aveyron, la Lozère, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme. Il est absent du gascon.

Parmi les dérivés, qu’on trouve de Nice  serian  « tourbillon de vent » jusqu’à Ytrac dans le Cantal esirá « tourbillonner en parlant de la neige », le FEW cite l’abbé de Sauvages cirá  « neiger en poudre », que j’ai vérifié. L’abbé donne une description très précise dont  je ne veux pas vous priver:

suivi par Mistral:

La famille de mots sidus  a aussi vécu en portugais, galicien, italien et corse.  Il y a plusieurs  attestations en franco-provençal.

Le français a emprunté Sīdere   au latin  au XVe siècle avec le sens « astre ».

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  1. cf.Gafiot

Socca

Soc(c)a « sorte de crêpe à base de farine de pois chiches », typique pour la cuisine niçoise et ligurienne. Voir panisso.

Soga

Soga s.f. « corde pour fixer la charge d’un mulet ». Souvenirs, souvenirs! Ce mot me rappelle l’époque où, jeune chercheur, je travaillais au Trésor des patois valdôtains sous la direction du prof. H.E. Keller, qui quelques années plus tard est parti pour les Etats-Unis où il n’y avait pas de money pour les dialectologie. Ensuite ce grand projet est tombé à l’eau et moi je suis parti pour les Cévennes.
En 1972 j’ai publié un petit article dans Le Flambeau. Revue du comité des traditions valdotaines sur le mot souye qui en Vallée d’Aoste signifie

  • Repas; ration de foin qu’on donne aux vaches.
  • Dans quelques villages (Lasalle, Ayas, Valgrisenche et Valtournenche) le même mot signifie « quantité de lait qu’on traite en une fois; traite » et dans une phrase comme « Elle donne 10 litres par traite » , ‘par traite’ est traduit par pe sóye.
  • Enfin à LaThuile un de mes élèves avait noté un troisième sens, lié au premier « une étendue de pâturage qui représente un repas pour un troupeau de vaches ». La rareté de ce sens s’explique par le fait que les enquêteurs ne l’ont pas demandé.

   

la corde                                                                                         le repas                                            

   la traite

Qu’est-ce que cela à voir avec l’occitan soga « corde »? La réponse est : l’étymologie! Dans presque toutes les langues romanes nous trouvons des mots qui doivent remonter à un étymon *soca « corde », probablement d’origine celtique, p.ex. en ancien occitan soga, au Val d’Aran soya, en ancien français soue. En Vallée d’Aoste souha « corde pour serrer le chargement d’une voiture « ! Italien, catalan, espagnol, portugais soga ‘corde’, breton sûg, basque soka.

Dans les Alpes (Vaud, Valais, Savoie,Vallée d’Aoste) où il n’y a pas de haies et encore moins de barbelés ou de fils électrifiés, les bergers prennent une corde pour délimiter le bout d’alpe que les vaches peuvent brouter. Cette étendue est donc le repas des vaches. Par généralisation « repas des vaches » > « repas ».
Il y a un rapport étroit entre la quantité d’herbe ou de foin qu’une vache mange et la quantité de lait qu’elle donne.  Un paysan donne une portion plus grande à une bonne laitière. L’évolution sémantique « repas » > « traite » s’explique par le rapport cause > effet. Le passage d’un sens concret comme « corde » à « unité de mesure » se trouve également dans les représentants du latin chorda ou en occitan cana « canne roseau ».

Le FEW rattache le mot souye « repas d’une vache; traite » à une autre étymon gallois *souka « sucer » mais je crois que c’est une erreur.

Sopar, dinar, dejunar

Sopar verbe »prendre le repas du soir »; subst. « le repas du soir ». dinar, dinnar « prendre le repas principal de la journée, à midi ». dejuna (prononcez dédžuna) « prendre le repas du matin, en français ‘le petit déjeuner’. Pour l’étymologie voir le TLF soupe,du germanique *suppa « pain trempé », déjeuner et dîner  tous les deux du latin *disjejunare « rompre le jeun ».

Les formes occitanes et françaises sont presque identiques , mais les sens sont différents. Ce qu’on appelle des faux amis. Leurs histoires sont liées, ce qui m’incite à les traiter ensemble et de jeter un coup d’oeil chez nos voisins européens, pour voir ce qui est arrivé chez eux.

En surfant sur le web, vous trouverez de nombreux sites( 1 ; 2 ; 3 ; 4 ) qui décrivent et expliquent les changements de sens en français de l’étymon disjejunare « rompre le jeûne » qui évolue du repas du matin vers le repas principal de la journée pris à midi, puis le soir. En 1993 a paru un article de J.L.Flandrin Les heures du repas dans : Le Temps de manger : Alimentation, emploi du temps et rythmes sociaux de Maurice Aymard , Claude Grignon et , Françoise Sabban dont vous pouvez consulter des extraits (Google, livres), notamment les p.221 ss.

Les noms et les heures des repas en occitan ou en français régional n’ont pas subi le même décalage qu’en français. Au Canada également les trois repas sont le dejeuner, le diner et le souper. En 1756, l’abbé de Sauvages dit qu’en français je ne déjeune jamais le matin est un pléonasme comme dire je ne soupe jamais le soir , puisque le soir on mange la sopa.

Sopa est un mot  d’origine germanique : *suppa « pain trempé » déja attesté en ancien occitan:  sopa « tranche de pain sur lequel on verse le bouillon », sens conservé en catalan sopa « morceau de pain dans du bouillon ». Le mot existe également en néerlandais soppen « tremper », sop « jus, liquide; sauce »; sopbrood « trempette »; zeepsop « lessive », etc. En anglais sop « trempette » et le verbe to sop « tremper » l’adverbe soppy « très mouillé; > sentimental » milksop « une personne faible et inefficace » littéralement « trempé dans le lait » et le verbe to sup , a sup « une gorgée » font partie de la même famille de mots. En italien  zuppa  et zuppare « verser le bouillon sur des morceaux de pain » et inzuppare « tremper le pain dans la zuppa. !

La différence entre la soupe et le potage est justement que dans la soupe on trempe le pain. et de nos jours plein de bonnes choses. Une bonne soupe est un repas complet, tandisqu’un potage est un plat d’introduction. Sopa donne par conséquent le verbe sopar.

   
soupe                             potage

Autrefois tremper le pain était une nécessité! Quand je faisais mes enquêtes dialectales en Vallée d’Aoste dans les années ’60, mes informateurs m’offraient régulièrement du pain typique de la région, du Pan Ner c’est-à-dire du pain noir cuit dans le four communal, une ou deux fois par an et qui se conservait pendant des mois sur des rateliers. Il était dur comme un caillou. Il fallait bien le tremper.

Suivez le lien: Le pain du Val d’Aoste – Un pain noir original, parfumé, savoureux et bon pour la santé.

Les noms des repas dans les langues européennes

(Eine Übersetzung finden Sie hier)

 

 Langues
Repas du matin
Repas de midi
Repas du soir
Repas tard le soir
Autres repas
Occitan dejunar dinna(r) sopa cena saqueta; tuga-vèrme etc.
Catalan desdejuni dinar sopar cena
Français petit déjeuner déjeuner dîner souper casse-croûte; goûter; collation
Italien prima colazione pranzo; colazione cena cena spuntino; zuppa
Espagnol desayuno almuerzo; comida cena; comida cena tentempié
Portugais pequeno almoço almoço jantar cena refeição ligeira
Allemand Frühstück Mittagessen; Imbiss Abendessen; Abendbrot Abendessen Imbiss
Néerlandais ontbijt middagmaal; noenmaal (Flamand) avondeten; diner (chique) souper (chique) hapje
Anglais breakfast lunch dinner supper snack

Ci-dessous j’ai groupé les différents types étymologiques  des noms.

  • Le type « rompre le jeûne » : occitan et français déjeuner , dîner; anglais breakfast (break « casser », fast « jeûne »), dinner; espagnol desayuno; portugais jantar (étymologie du latin jantare, jentare « prendre le petit déjeuner », de la famille jejunus « jeun »). Un peu éloigné sémantiquement: portugais refeição littéralement « réfection », comme français restaurant.
  • Le type qui fait référence au contenu du repas : sopa, souper, supper (« tremper »); allemand Abendbrot (Brot « pain »); anglais lunch (voir ci-dessous); français casse croûte.
  • Le type qui fait référence à la quantité : petit déjeuner; pequeno almoço
  • Le type qui fait référence au moment de la journée: italien prima (colazione); allemand Früstück (früh « tôt) Abendessen ; néerl. avondeten (Abend, avond « soir »), allemand Mittagessen (Mittag « la moitié de la journée) ; anglais lunch une abréviation de luncheon attesté en 1580, nonechenche composé de none + le mot espagnol lonja « une tranche(de pain) ». None est la neuvième heure de la journée; comme en flamand noenmaal (maal « moment »); italien pranzo du latin prandium « premier repas ». Cena fait allusion au dernier repas du Christ, le soir, mais il semble que le mot latin cena dérive d’une racine dont le sens principal est « couper ».
  • Le type qui fait référence à l’activité « manger« : espagnol comida ( com + edere); allemand -essen; néerlandais -eten et italien pranzo du latin prandium qui semble être composé avec le verbe edere « manger ».
  • Le type qui fait référence à une activité faite pendant le repas: italien colazione, français collation Emprunt au latin chrétien collatio « conférence, entretien, discussion », « réunion de moines, conférence faite aux moines » , spécialement la lecture faite aux moines pendant le repas.
  • Le type qui m’a étonné le plus et qu’on trouve dans les deux familles de langues, fait référence à la manière de manger : 1) « mordre »: espagnol almuerzo, portugais almoço (du latin morsus) mais aussi néerlandais ontbijt et allemand Imbiss (bijten, bissen = « mordre) qu’on peut traduire maintenant par snack, casse croûte. ; casse croûte; anglais snack dérivé du verbe to snack « mordre; casser », un emprunt au moyen néerlandais snacken ‘mordre gouluement’ ; (> snakken « aspirer bryamment »); néerlandais hapje du verbe happen « mordre »; Italien spuntino « snack », littéralement « taille d’un pointe ». 2) « déguster » : Français goûter, espagnol tentempie « déguster debout, littéralement « tenter à pied ».
  • Très original est le témoin de St. André de Valborgne (Gard) qui a traduit : « prendre le petit déjeuner » > tuar lo vèrm.… »tuer le ver », .si on boit un coup de gnole (ALLOr-1171)

   

 

Stocofin, estofi

Stocofin, estofi s.m. « morue séchée à l’air libre ». Les formes courantes en occitan sont estofi ou en provençal (e)stoquofi(n), stocofi  et elles  sont plus proches de l’origine, le néerlandais stokvis, mot composé de stok « bâton » et vis « poisson » parce que anciennement le stokvis était séché étendu sur des bâtons dressés sur les bateaux de pêche ou dans les ports. Le mot stokvis est passé dans d’autres langues : italien stoccofisso, catalan estocfix, estocafis, espagnol estocfiz, allemand Stockfisch, anglais stockfish (belles photos). Voir aussi l’article brandado .

Dans  l’anthologie amusante, Les cris populaires de Marseille: locutions, apostrophes, injures, expressions proverbiales, traits satiriques et jeux du peuple–cris de marchands dans les rues–préjugés, par M. de Regis de la Colombière. Marseille 1868, p.2   il y a l’attestation que voici:

que les gamins hurlaient quand un parrain refusait de leur jeter quelques sous à l’occasion d’un baptême.  Suivez le lien, vous ne reviendrez pas à mon article, mais tant pis, c’est très marrant.

Escafit s.m. « morue séchée à l’air libre ». Les auteurs du dictionnaire Panoccitan ont choisi cette forme atypique de la région de Castres pour toute l’Occitanie. Cette forme a subi l’influence d’un autre mot, peut-être l’adj. escafit. Escafit, escafida adj. »étriqué »  suivez le lien.

La « morue fraîche » appelée cabillaud en français depuis 1278, cabillót dans l’Aveyron, est également d’origine néerlandaise : kabeljauw. Dans les langues romanes c’est plutôt le type bacajaw, devenu bacalao en espagnol, bacallá en catalann, baccalá en italien. Les étymologistes pensent que le mot basque bacailao est à l’origine de cette unité des langues romanes méditerranéennes.

Stoquofi

Stoquofi(n) « morue séchée à l’air » voir escafit.

Surge,surja

Surge « suint », lana surja « laine en suint ». Vous allez me dire « c’est un terme technique, sans intérêt, ! » Moi, je suis ébahi par le fait qu’un terme aussi spécial que le latin sucidus « sale », a survécu pendant plus de 2000 ans dans quelques régions séparées les unes des autres comme la Wallonie, le Vaud suisse, le Béarn et la Provence,  le Nord de l’Italie, en rhéto-roman, en catalan sutze, surdz’a « sale », espagnol sucio, portugais sujo .

Sucidus, -a a abouti à  soz « sale » en ancien béarnais  et à  sous à Aix et Marseille.

Bien sûr, nous ne prononçons plus comme les Romains;  sucida est devenu surja, dans la combinaison lana surja.

La combinaison lana sucida est attestée pour la première fois chez Marcus Terentius Varro (116 av. J.-C – 27 av. J.-C) et survit telle quelle dans le centre de la Sardaigne avec la forme lana súkida ! (u = ou français). Elle domine dans tout le domaine occitan.

lana surja

A Narbonne au XIIIe siècle est attesté  lana sulza. Mais à la même époque et dans la même région nous trouvons la forme lana surga, lana surjo ce qui suppose une forme *surdica comme base, c’est-à-dire une inversion du -d- et du -c- et l’insertion d’un -r- . La première se comprend facilement et pour la deuxième il y  la combinaison sucidas sordes ou l’adjectif sordidus ‘sale’.

Je ne veux pas vous faire manquer  deux recettes à base de lana surja: une contre les mites et une autre contre les glandes sous l’aisselle:

      

Tablettes d’exécration

Les tablettes de défixion (defixio en latin, κατάδεσμος / katádesmos en grec ancien) constituent le type de témoignage le plus répandu qui nous soit parvenu de la magie antique. (Wikipedia français; l’article Wikipedia en allemand est très fouillé et documenté!).

Ci-dessous une defixion  trouvée à l’Hospitalet-du-Larzac, publiée dans l’article Wikipedia français.

Les tablettes  sont des feuilles très minces de plomb et contiennent des textes généralement gravées   dans des lettres minuscules, puis souvent roulées, pliées ou percées de clous. Elles étaient ensuite enterrées dans des fosses ou tombes, jetées dans des puits ou des piscines, cachées dans des sanctuaires souterrains, ou clouées sur les murs des temples. Les tablettes sont également utilisées pour des conquêts amoureuses.  Dans ce cas on les  met dans la maison du ou de la désiré(e).

Ces defixiones  ont un grand intérêt linguistique. Je les ai découvertes à propos de l’étymologie des mots occitans  aurat  « léger, évaporé; tête au vent, étourdi, imprudent » et la forme fan, efan « enfant » en occitan. (Maurice Jeanneret La langue des tablettes d’exécration latines. Thèse de Neuchâtel, 1918).  Les textes en latin ou grec que nous avons, nous sont en général parvenus sous forme de copies de copies de copies.  Avec ces tablettes nous avons  des  manuscrits d’auteurs! Je les trouve passionnantes, tellement loin du latin classique que j’ai appris au lycée, le latin d’ Ovide, de Virgile et de Seneca, mais tellement proches des hommes et des femmes qui vivaient dans notre région il y a 20 siècles.

Je n’ai pas pu m’empêcher de chercher d’autres defixiones et j’ai trouvé e.a. celle-ci (une idée intéressante pour ceux qui jouent au PMU ?) :

CUIGEU  » Je t’adjure, démon, qui que tu sois, et je te demande à partir de cette heure, de ce jour et de ce moment, de crucifier et de tuer les chevaux des verts et des blancs, de tuer et de briser les cochers Clarus et Felix et Primulus et Romanus et de ne pas leur laisser la vie ; je t’adjure par celui qui t’a libéré aux temps des dieux de la mer et de l’air. IAÔ, IASDAÔ, OORIÔ, AÊIA.  » (Source : Audollent 1904, n° 286)Dessin du démon sur sa poitrine : « Antmo » ; au dessous :
Noctiuagus
Tiberis Oceanus
CENSEU
CINBEU
PERFLEU
DIARUNCO
DEASTA
BESCU
BEREBESCU
ARURA
BEZAGRA

Voici un exemple d’une telle tablette trouvée en Calabre, de l’époque où on y parlait encore grec!

Si cette forme de magie vous intéresse, taper « defixio » sous Google et vous trouverez une grande quantité de sites. La defixio désigne le procédé par lequel on exécute la deuotio. Il faut rattacher ce mot au verbe latin defigere (= ficher, enfoncer, clouer) ; defigere nomina cera « transpercer un nom écrit sur la cire (maudire qn) » Ovide.
Il s’agit d’un rite d’envoûtement très ancien connu des Egyptiens, des Grecs et des Romains.  La maladresse des inscriptions et des tracés prouve que ces tablettes étaient rédigées par tout un chacun, et souvent à la sauvette. De même, le caractère stéréotypé des formules, accompagnant une langue vulgaire remplie d’injures, traduit une tradition orale.
(Ma source)