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Romb, roumb

Romb, roumb, roun « turbot ». En grec rhombos et ensuite en latin rhombus signifie

  • 1. losange
  • 2. fuseau ou rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements
  • 3.turbot poisson de mer. (Gaffiot).

Cette image  illustre parfaitement le dernier sens

La deuxième doit vous étonner.

C’est une image tirée de Andrea Alciato’s Emblematum libri I, 1556. Elle illustre la seconde définition « rouet d’airain dont on se servait dans les enchantements « .  Explication.   Si vous reliez par des lignes droites les quatre points où l’oiseau  touche les anneaux, vous obtiendrez un losange.  L’oiseau est une bergeronnette, un symbole érotique par excellence. L’ensemble forme une amulette qui rend invincible face aux dards de Cupidon. (Andrea Alciato). Un sujet captivant mais qui me mènerait trop loin dans les dédales de Vénus. Allez-y si vous voulez.

En occitan romb, roumb, roun « turbot », attesté depuis le XIIIe s. a certainement été introduit par les Grecs. On le retrouve en italien et espagnol rombo, en catalan  sous la forme du diminutif rèmol < rhombulus. En béarnais roume est le nom de la « barbue ». La barbue (Scophtalmus rhombus) est une espèce très proche du turbot, dont elle se distingue par un corps moins losangique et moins épais, et par l’absence de tubercules sur la peau. A Nice on utilise un dérivé roumbon, ailleurs le composé roumbon clavelat « turbot ». Clavelat vient de clavus « clou », ce qui doit avoir un rapport avec son aspect ou avec son environnement. D’après Panoccitan, clavelada est le nom de la « raie », un autre poisson plat.

La barbue a l’air clavelée.                            La raie aussi.

Le sens 2 rhombus du latin a laissé des traces dans l’ouest de l’occitan: Val d’Aran roumá  » tourner, avoir le vertige », béarnais arroumá « planer en décrivant des cercles », arroumère s.f. « détour », etc.

A partir du 15e siècle, rhombus a été emprunté de nouveau par la langue nationale rhombe « losange ».

Romieu, romieva

Romieu, romieva « pèlerin » (m. et f.), roumîou « pèlerin qui va à Rome; dans le style badin un romipete » (S). Dans la toponymie Roumiu est le nom des chemins suivis autrefois par les pèlerins (cami roumiu) (Pegorier).  XIIIe s. Mot occitan et franco-provençal.

Comme étymon on suppose *romeus, dérivé de Roma, qui du point de vue de la forme correspond aux formes italiennes romeo et occitanes  romieu. Mais du point de vue sémantique l’histoire est moins évidente. Il n’y a aucune attestation de l’évolution sémantique « romain » > « quelqu’un qui va à Rome ». C’est pourquoi Bruch (Z 56,1936,53-56) suppose un composé romimeus « qui va à Rome » composé de Roma et le verbe meare « aller, passer » devenu romeus par haplologie (= omission d’une syllabe à cause de sa ressemblance  avec la syllabe voisine).

Je peux y ajouter que les mots pour « pélerinage » en allemand (Pilgerfahrt) et en néerlandais (bedevaart) sont également composés avec le verbe  fahren « aller ». Le verbe meare a en plus un sens précis : « aller en suivant une route tracée, dans une direction et d’après des lois déterminées »,comme les planètes et les pèlerins.

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Presque toutes les autres langues européennes ont le type peregrinus sauf le Slovène qui rejoint l’occitan: romar et romanje.

Ronha

Ronha  « gale invétérée », vient d’un très ancien *roneo « égratignure », probablement une transformation de aranea « égratignure » sous l’influence du verbe rodere « rogner ».

Le mot est vivant dans toutes les langues romanes : italien rogna « égratignure », catalan ronya « idem », espagnol roña, portugais ronha. En français régional l’adjectif rougnous signifie « galeux, sale » déjà attesté en ancien occitan ronhos « raboteux ».

Ronha  « balayures, débris » voir rougnes.

 

Ropilha

Ropilha « vieux manteau, guenille  » à Montpellier, « long manteau » à Aurillac, « trousseau d’enfant » dans le Queyras (A). A Gignac  roupilles est synonyme de rougnes. (Lhubac)

Tous les deux proposent comme étymologie le germanique *rauba « butin ». Le problème est d’abord qu’ un -b- intervocalique ne devient pas -p-, c’est le contraire qui a eu lieu régulièrement. Ensuite ropille, roupille n’apparaît que vers la fin du XVIe s. et signifie « manteau ample ». Les Goths, les  Francs et autres Germains étaient bien intégrés depuis longtemps. Voici deux images de l’époque qui donnent une idée du ropillo.

        

 Létymologie est *raupa  la bonne, mais il manque une dizaine de siècles d’histoire. Ce ne sont pas les Germains qui ont introduit la ropilha en France. Il s’agit d’un emprunt à l’espagnol.  Le mot ropille est venu avec la mode de l’Espagne : ropilla « sorte de manteau ample ». Voici la définition en espagnol

1. ropa.(Del gót. *raupa, botín, y este der. del germ. *raupjan, pelar, arrancar; cf. a. al. ant. roufen, al. raufen). ropilla. (Del dim. de ropa). 1. f. Vestidura corta con mangas y brahones, de los cuales pendían regularmente otras mangas sueltas o perdidas, y se vestía ajustada al medio cuerpo sobre el jubó.

L’espagnol ropilla est un dérivé de ropa « vêtements », mais dont le sens varie énormément et « tissu » serait une meilleure traduction.

Un manteau passé de mode devient souvent   « un vieux manteau » > « guenilles ».

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Rore

Rore « chêne blanc », XVe s. Alpes-Maritimes. La forme avec –r- qui se trouve dispersée dans le Midi existe également  en catalan: roure.

Voir aussi roire et roveVoir  l’article qui approfondit  les différentes dénominations des chênes en occtan : Cassanus, robur, quercus, carra.

N’oubliez pas de visiter les pages écrites par Josiane Ubaud consacrées aux noms occitans du chêne.

Rouiredo « chênaie ». Languedocien d’après   Mistral est un dérivé de roire.

Ròse

Ròse « Rhône » vient du latin Rhodanus > latin vulgaire Rodeno > Rozen, Roze ou Roze. Cette évolution phonétique est régulière en occitan. Un mot avec deux syllabes après la voyelle accentuée est réduit à deux syllabes, comme catanum > cade, Làzarum > Làzer. Ensuite le -d- intervocalique est passé à -z- , comme dans sudare > suzar, audire > auzir.

L’origine de Rhodanus est celtique ou préceltique.

En provençal des régions en bordure du Rhône, le dérivé rousau est le « vent d’ouest-nord-ouest.

Roubine robine

Roubine, ou robine. Je cite le TLF :

« Région. (Provence). Petit canal d’assainissement ou destiné à l’irrigation…..Étant donné la présence du mot, au Moyen Âge, dans les Alpes de Provence, BAMBECK Boden, pp. 20-21, s’appuyant notamment sur un exemple de 1043 (Castellane, Cartul. St Victor de Marseille, 2, 115: sicut decurrit rivulus qui exit de ipsa rubina et vadit usque…), attribue à rupina le sens de « gorge, défilé »; le mot aurait ensuite désigné le ruisseau qui la traverse, puis, transposé en terrain de plaine, un cours d’eau régulier, enfin un canal. »

D’après Philippe Blanchet, il y a 87 lieux-dits Roubine en Provence dont 70 dans les Bouches-du-Rhône et 17 en Haute Provence. D’après l’IGN il y en a sept dans le Gard,dont deux à Manduel, une Maleroubine à Nîmes, d’autres dans l’Aude, le Gers, les Landes, en Gironde, etc. Un visiteur m »écrit : « Sur la commune de Barbaste (Lot et Garonne) il y a un écart qui s’appelle La Roubine. Je n’en ai pas trouvé en dehors du domaine occitan. P.Blanchet rapproche roubine du mot robin « fontaine », mais les dates des attestations s’y opposent; voir ci-dessous l’histoire du robinet.

Le fait que dans la Haute Provence le mot roubine désigne « roche schisteuse » pose un problème, mais j’ai trouvé quelques images des Roubines-Nègres qui peuvent expliquer l’évolution sémantique:

Les Roubines-Nègres. Une crète!

Mais vues de plus près, nous constatons qu’il y a beaucoup de petites gorges, et quand il pleut …

   

 Une roubine en Camargue:

Roudou

Roudou « sumac » voir rodo(r)

Rougnes

Rougnes « débris, vieux objets en mauvais état, vieilleries » en français régional. Je ne crois pas que le mot rougnes  qui signifie aussi « balayures » d’après Alibert s.v. ronha  a la même origine que ronha « gale », en tout cas l’évolution sémantique « gale > crasse > balayures > vieux objets inutiles » me fait hésiter.

Je vois deux possibilités.

  1. Il y avait en ancien occitan le mot ronha venant du latin ruina « ruine » avec le sens « debris d’un édifice ».
  2. Ou  le dérivé très répandu dans les parlers occitans rougnaduro « débris ou fragments sans valeur » de *rotundiare « arrondir > rogner ».

Pour enrichir votre vocabulaire lors des vides-greniers, je vous fais part de la remarque d’un visiteur: « Synonyme de « rougnes » (en moins violent) : « trastes« . Les couillandres sont des objets de mauvais goût dont on ne sait que faire » En catalan un traster est un « débarras ».

Sauvages donne trasso « épithète ordinaire des choses vieilles, usées et de peu de valeur ».  Unos trassos de groulos « de vieilles savates » (S1).

Il y a des rougnes, trastes et couillandres, ainsi que des rebaladisses et des enquestres.

Roumegá "rouspeter"

Roumegá « rouspéter, râler », romega « maugréer » (Alibert), en français régional rouméguer  (Manduel) continuent un latin rumigare « ruminer ». Homonyme de romegà « couper des ronces ».

Latin rumigare a donné dans le Gard roumiá (S), raoumya, roumya « ruminer », la forme roumegá est plutôt propre à la Gascogne: béarnais arroumegá « ruminer; répéter, rabâcher, marmotter entre ses dents ».

Languedocien roumegá « râler » me semble un emprunt au catalan remugar « ruminer, au fig. « râler » (DE): en tout cas le Languedoc et la Catalogne n’ont pas seulement le verbe en commun.


          
ils roumèguent

Un dictionnaire catalan explique  la différence:

REMUGAR / RUMIAR El verb remugar fa referència a l’acció de mastegar els aliments dos vegades típica de la ingestió i digestió d’aliments dels mamífers remugants: Els mamífers que remuguen tenen un estómac diferent del de la resta de mamífers. També designa l’acció de parlar entre dents, generalment en senyal d’enuig o desaprovació: Deixa de remugar i fes el que t’he manat. En canvi, el verb rumiar indica l’acció de pensar una qüestió una vegada i una altra: No he parat de rumiar el que em vas dir ahir. Hem rumiatentre tots un pla d’acció.

Les sons du  verbe rouméguer expriment bien les sentiments du râleur; dans un  site canadien  je trouve: T’es tout seul a roumeguer comme ca ? ou y en a d’autre des « amer » a ce sujet ? Où ont-ils pêché ce mot?