Rougnes « débris, vieux objets en mauvais état, vieilleries » en français régional. Je ne crois pas que le mot rougnes qui signifie aussi « balayures » d’après Alibert s.v. ronha a la même origine que ronha « gale », en tout cas l’évolution sémantique « gale > crasse > balayures > vieux objets inutiles » me fait hésiter.
Je vois deux possibilités.
Pour enrichir votre vocabulaire lors des vides-greniers, je vous fais part de la remarque d’un visiteur: « Synonyme de « rougnes » (en moins violent) : « trastes« . Les couillandres sont des objets de mauvais goût dont on ne sait que faire » En catalan un traster est un « débarras ».
Sauvages donne trasso « épithète ordinaire des choses vieilles, usées et de peu de valeur ». Unos trassos de groulos « de vieilles savates » (S1).
Il y a des rougnes, trastes et couillandres, ainsi que des rebaladisses et des enquestres.
Roumegá « rouspéter, râler », romega « maugréer » (Alibert), en français régional rouméguer (Manduel) continuent un latin rumigare « ruminer ». Homonyme de romegà « couper des ronces ».
Latin rumigare a donné dans le Gard roumiá (S), raoumya, roumya « ruminer », la forme roumegá est plutôt propre à la Gascogne: béarnais arroumegá « ruminer; répéter, rabâcher, marmotter entre ses dents ».
Languedocien roumegá « râler » me semble un emprunt au catalan remugar « ruminer, au fig. « râler » (DE): en tout cas le Languedoc et la Catalogne n’ont pas seulement le verbe en commun.
Un dictionnaire catalan explique la différence:
REMUGAR / RUMIAR El verb remugar fa referència a l’acció de mastegar els aliments dos vegades típica de la ingestió i digestió d’aliments dels mamífers remugants: Els mamífers que remuguen tenen un estómac diferent del de la resta de mamífers. També designa l’acció de parlar entre dents, generalment en senyal d’enuig o desaprovació: Deixa de remugar i fes el que t’he manat. En canvi, el verb rumiar indica l’acció de pensar una qüestió una vegada i una altra: No he parat de rumiar el que em vas dir ahir. Hem rumiatentre tots un pla d’acció.
Les sons du verbe rouméguer expriment bien les sentiments du râleur; dans un site canadien je trouve: T’es tout seul a roumeguer comme ca ? ou y en a d’autre des « amer » a ce sujet ? Où ont-ils pêché ce mot?
Roumegá, romega « couper des ronces » (sur roumega fig. « maugréer, râler » voir cet article ce n’est pas la même histoire!), rouméco s.f. « ogre dont les nourrices font peur aux enfants » (S), Alès « être fantastique malfaisant, personnifiant le remords », dans le Bouche-du-Rhône raumeco (M) .
Dans le FEW je trouve d’autres dérivés: Alès s’enrounza « se prendre dans les ronces » à Castres idem + s’enroumega. (Mistral) et pour le Gard arrounzi adj. « plein de ronces ».
L’origine de cette famille de mots est le latin rumicem « forme de lancet ». Déjà en latin rumex désignait « l’oseille »à cause de la forme de ses feuilles. Au Ve siècle on trouve également le sens « ronce » également à cause de la forme des feuilles.
Oseille ronce
Dans le Gard rúmex a abouti à róumi (M), Alès, Nîmes aroundze, Cevennes rounze, Gard arrounzi adj. « plein de ronces »(M), Alès rounzas « broussailles de ronces ».
Le substantif rúmex « forme de lancet » n’a survécu nulle part, mais un verbe ronsar « jeter, lancer, renverser,bousculer » existe en occitan depuis le XIIe siècle. En occitan moderne nous trouvons à Alès et Toulouse rounsá « jeter », Alès rounsado « agression, rossée », languedocien ronçar et ronzar « jeter » (Alibert ), en corse arrunzà « pousser, jeter de côté ».
Dans tout le domaine occitan existent aussi des formes avec un déplacement de l’accent : rúmicem > rumícem, ce qui a abouti à roumego, roumec « ronce » et au figuré rouméco qui est un « ogre dont les nourrices font peur aux enfants ».
De la forme rumícem est dérivé le verbe romegar « couper des ronces », (que Alibert donne comme languedocien mais dont je n’ai pas trouvé d’autres attestations), béarnais arroumega « se prendre dans les ronces » , Grasse romeguié « haie de ronces » (Thesoc).
Roumpre « défricher ». rompudo « terre défrichée ». En ancien français comme en occitan rompre, roumpre avait aussi le sens « labourer une terre pour la première fois après un long chômage ». L’origine est le latin rumpere « briser, casser avec force ».
L’abbé de Sauvages le traduit avec « défricher » et il fait la remarque qu’en français rompre en ce sens est tout-à-fait impropre. Raymond Jourdan (Montagnac) écrit:
Création d’un vignoble. Le défoncement : appelé aussi le charruage, en occitan roumpre. Avant 1914, avec une pioche, trinqua forta ou un trident harpa de rompuda (a=o). Travail pénible et très long fait en colas, groupe de plusieurs salariés agricoles : brassiers ou journaliers. L’agenciment ou roumpuda consiste à labourer profondément, 40 à 60 cm, pour planter une vigne nouvelle (mayol). Après 1914 la roumpudo se fait avec des chevaux , 2, 4 ou 6, et une grosse charrue à versoir à mancherons.
La raison de cet article m’a été donnée par un visiteur qui m’a demandé de lui donner des renseignements sur quelques toponymes de Barre-des-Cévennes, dans un hameau abandonné en 1950 et repeuplé dans les années ’80. Il avait trouvé des noms comme La Falguiere, et La Roumpude dans le cadastre.
La Roumpude est dans le dictionnaire de l’abbé Sauvages et signifie « novale, une terre nouvellement défrichée et mise en labour; défrichement de terre » synonyme de issar. Les attestations données par le FEW de roumpude se trouvent dans le Gard et l’Hérault. Pourtant le mot est très ancien. Dans le Du Cange est écrit:
RUMPUDA, idem quod Ruptura, Ager nuper vel jam olim proscissus et ad culturam redactus. Vide in Rumpere. Charta ann. 1171. ex Tabul. Casæ Dei (Du Cange) et dans l’article PESZATA. Ut Pezada. Charta n. 2, J. 330, A. N., an. 1151, Bernardus Ato V, comes Nemausensis, tradit omnes cartos et taschas quos… in termino de Cavairaco… in futurum sibi ex novis rumpudis vel Peszatis accrescere poterunt. Concedo monachis S. Vincentii de Juncheriis duas pecias terrarum laboratarum et unum camerarium horti in riperia de Cauroncello, suptus Rumpudam, quæ fuit magistri Vitalis ().
La Roumpude toponyme dans le Gard et l’Hérault. Voir rompre, roumpre
Christine Belcikowski, suit toujours Les chemins de Jean Dabail ou la dissidence d’un fils du petit peuple de Mirepoix au temps de la Révolution française, L’Harmattan, 2014. Il y a quelques jours elle a raconté l’horrible assassinat d’un marchand colporteur, aux Pujols. Dans les archives elle trouve des documents originaux qui témoignent de la vie de tous les jours au début de la République avec des détails tirés d’un procès verbal de l’administration. Par exemple celui-ci:
Et de suite le dit Jean Senesse, agent municipal, nous a conduit au lieu du hameau de Fournels, où était déposé un cadavre d’une taille d’environ cinq pieds, cheveux gris, nez fort, couché sur son séant, regard le ciel, habillé d’une bonne chemise, d’un gilet et pantalon de drap gris mélangé, d’une vieille roupe 3 vert de bouteille, des bas gris, des souliers ferrés.
Note 3: Roupe : blouse en drap grossier, fendue par devant, portée dans la Drôme par les bergers transhumants ; veste large ; sorte de redingote ; issu de l »espagnol ropa « paquet, bagage, vêtement » ; manteau ample ; vêtement de dessus.
A la fin de la lecture je n’ai pas pu m’empêcher de suivre seon indication étymologique. En effet le mot roupe semble venir de l’espagnol. Le Diccionario de la lenga española donne les définitions suivantes :
Espagnol ropa a des sens assez vagues: « Prenda de vestir. » ~ blanca. « 1. f. Conjunto de prendas de tela de hilo, algodón u otras materias, usualmente sin teñir, que se emplean debajo del vestido exterior, y, por ext., las de cama y mesa. » ~ de cámara, o ~ de levantar. 1. f. desus. Vestidura holgada que se usaba para levantarse de la cama y estar dentro de casa. ~ hecha. 1. f. La que para vender se hace en diversas tallas, sin medidas de persona determinada. ~ interior. 1. f. La de uso personal, bajo las prendas exteriores. ~ vieja. 1. f. Guisado de la carne y otros restos que han sobrado de la olla. etc.
Ce dictionnaire indique que l’espagnol ropa vient du gotique *raupa un dérivé du verbe raupjan « déchirer » rupfen ou raufen en allemand moderne. Mais il y a un problème historique. Il n’y a pas d’attestations d’avant le XVIe siècle, et en plus ce sont des dérivés comme français roupille « manteau ample, guenille », roupiho « guenille » à Marseille et ils sont plutôt rares. Le mot roupo qui désigne toutes sortes de vêtements amples en général, est fortement attesté dans tout le domaine occitan et franco-provençal. En plus la première attestation vient du gascon, dans le texte de Gérard Bedout, Lou parterre gascoun coupouzat de quouate carreus. de 1642. Pourtant l’extension géographique de roupa, jusqu’à la Suisse romande reste à expliquer. Voir FEW XVI, 680
Rosegar « ronger » rousiguer. fr.rég. a une étymologie peu intéressante. Le mot latin *rodicare avait le même sens et s’est conservé dans tout le domaine occitan et le sud de la langue d’oïl. Un rousigou (S) est un trognon de pomme ou de poire. Voici un exemple de rousigou à faire; l’original est de Roland Topor :
Rousto ‘volée de coups’, rouste en français régional, roustá « rosser » (Gard).
les Romains qui habitaient le Gard connaissaient très probablement le mot rustum qu’ils prononcaient à peu près comme en languedocien moderne rousto, mais à cette époque un rustum était ‘une tige, un rameau’. Pour des raisons éducatives ils s’en servaient pour roustár « rosser » leur progéniture. De là, les créations languedociennes roustoun, roustoù « testicules; rustre, homme grossier » devenu roustons en argot parisien., vulgaire ou populaire d’après le TLF.
Mistral semble avoir expliqué cette évolution sémantique « tige, rameau » > « testicules » : « parce qu’ils servent à battre » d’après une note dans le FEW, mais je ne l’ai pas retrouvée dans le Trésor. Le FEW l’a repris dans les ‘Incognita’ où il ajoute des formes franco-provençales de la Suisse romande comme risto ‘testicules des béliers’.
Le passage des mots qui désignent les « génitaux » à la notion « rustre, imbécile » etc.etc. ne pose aucun problème; cf. français con, couillon et anglais fuck, néerlandais lul « pénis; imbécile », etc.
Une célèbre rouste
Le même étymon a donné en ancien fançais roissier « battre violemment » remplacé depuis par rosser. Flamand rossen, néerlandais afrossen « battre ».