Posté par
Robert Geuljans le 24 Oct 2012 dans
p |
0 comments
Pousseto « sein, téton ». J’ai rencontré cet emploi du mot pousseto dans un Noël de Saboly (1614-1675):
Canten Nouvè…Chantons Noël…
Helas ! moun Diéu ! lou bel Enfant ! (Mon Dieu ! le bel Enfant !)
Coume pren la pousseto! (Comme il prend le sein !)
Dirias avis que mor de fam : (Je suis d’avis qu’il meurt de faim )
Regardas coume teto ! (Regardez comme il tête !)
Mistral l’utilise avec le sens « poitrine; seins » dans Lou pouèmo dóu Rose :
(Source :Frédéric Mistral Poet and Leader in Provence. Par Charles Alfred Downer)
Louis Bernard Royer (Avignon 1677-1755) écrit:
(Source)
L’abbé de Sauvages donne pousseto « le mamelon » (S2).
L’étymologie donnée par le FEW a été une surprise. J’ai pensé en première instance qu’il s’agissait d’un dérivé de pousse dans le sens « jeune pousse, bourgeon » dérivé du verbe du latin pulsare « bousculer, heurter ». Le verbe pousser avec le sens « croître » ne se trouve en français que depuis la Renaissance. La première attestation vient d’ Olivier de Serres, originaire du Vivarais (Ardèche). Les attestations dans les parlers galloromans viennent surtout du domaine occitan: Toulouse, Hérault, Lozère, …. Il n’est donc pas impossible que cette évolution sémantique s’est produite en occitan avant de monter à la capitale.
Le FEW range pousseto « sein, téton » dans l’article *puppa « petite fille ». En effet popa « mamelle de la femme » est attestée en occitan depuis 1350 et le verbe popar « téter » vers la même époque. Dans les parlers modernes les deux mots sont attestés en franco-provençal et tout le domaine languedocien et gascon, avec quelques rares attestation à l’est du Rhône.
Une deuxième forme, poussa est très bien attestée en franco-provençal et en provençal, d’après le Thesoc : possa « pis » ALPES DE HAUTE-PROVENCE, ALPES-MARITIMES,ARDECHE, BOUCHES-DU-RHONE, DROME, GARD, HAUTES-ALPES,ISERE, VAR, VAUCLUSE. avec quelques dépassements du Rhône comme par exemple dans le Gard à Sernhac et Uzès pousso « sein » (Thesoc s.v. sein] et à Marsillargues ( HERAULT).
En italien nous avons le mot poccia « poitrine de la femme » qui y est largement répandu, comme le verbe pocciare « boire au sein ».
La forme avec –ss- ou -cc- en Italie, au lieu de -pp- est expliqué par l’influence des représentants de *suctiare « sucer » (Salvioni s.v.mammella) ou *tittia « téton » (J. Jud dans Literaturblatt 39, 1918, p.249)
Malgré le fait qu’il est impossible de rattacher les formes italiennes avec -cc- à pulsare, je ne suis pas 100% convaincu.
Dans les données du Thesoc nous voyons que le mot possa a dégringolé du point de vue social. Le mot dialectal est devenu courant pour « pis de la vache », mais est remplacé par le type « tette, téton » pour le sein de la femme. Cela me rappelle l’évolution sémantique de metge « médecin » devenu « vétérinaire ».
Popel « pis de la vache, sein, mamelle » a la même étymologie sans la contamination par *suctiare ou *tittia . D’après le Thesoc s.v. pis limité aux Alpes Maritimes et la Vaucluse, mais les données du FEW montrent que poupa et ses nombreux dérivés sont courants de Nice jusqu’en Béarnais. Poupe « mamelle de la femelle d’animaux féroce » est attesté dans des dictionnaires français du XVIe au XIXe siècle. Le dernier est leGrand Dictionnaires.v.poupe de Pierre Larousse, qui propose pulpa comme étymologie.
Par contre poussette dans la pétanque a un autre sens, voir poussette.
__________________________________________