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Panicaut

Panicaut est le nom de l' »eryngium campestre » qui s’appelle aussi chardon bleu, chardon Roland ou roulant en français. Le nom panicaut a été emprunté à l’occitan (par Rabelais?) où il est courant des Alpes-Maritimes jusqu’en Vendée (ancien territoire oc). En latin médiéval il s’appelle pane cardus, cardus panis. Les feuilles tendres du panicaut au printemps font un excellente salade. Mais en été les feuilles deviennent dures et piquantes et provoquent une sensation de brûlure quand on les touche. C’est cette sensation de brûlure qui explique le changement de panecardus en panecaldus « chaud ».

Une expression languedocienne dans le manuscrit de Rulman (1627) : Vay te freta au panicaut,  dont je ne  connais pas le sens exact.

Dans l’Aveyron le panical devient aussi le pounical. Dans ce dernier l’élément panis est remplacé par pungere « piquer ». Les formes de la Vendée et de la Vienne pencho, pouencho,  montrent qu’elles sont indigènes. Dans le Gard et l’Hérault le panicaut est aussi appelé pan blanc d’ase. La zone géolinguistique panis+caldus comprend aussi la Catalogne.  Les composés  pan de …. désigne une grande quantité de plantes et de champignons.

 

Panis

Panis s.m.« setaria italica »  est une sorte de millet, qui n’a rien de commun avec le « pois chiche » (voir panisse).

        
panis
setaria italica                                                            panis-setaire

Ce panis-ci vient du latin panicium « sorte de millet », une forme secondaire de panicum. La première attestation en occitan date de 1100. Le -s final est toujours présent dans les formes occitanes. En occitan a été formé un dérivé féminin panissa toujours avec le sens « sorte de millet », et panisset « sétaire verte ».

Panicium est aussi à l’origine des mots du Nord de l’Italie, comme piémontais panis et de la péninsule ibérique, catalan panis, espagnol panizo, portugais paínzo.   En provençal a été formé un dérivé féminin panisso « sorte de millet » , panissa à Nice, panisso dans la Vaucluse, (Mistral), à Marseille (Avril), et à Aix (Pellas), toujours avec le sens »millet ». Piemontais paniss  « millet ». La forme féminine panissa se trouve aussi ailleurs, par exemple à Vic(h) en Catalogne où elle a pris le sens de « maïs ».

Latin panicum est à l’origine du français panis, panic (voir TLF) ou dans des parlers locaux panil, pané « sorte de millet », et a été emprunté par des langues germaniques: anglais pan(n)ick, néerlandais panik.

Panisso, panisse

Panisso. Dans tous les sites que j’ai consultés j’ai trouvé la définition suivante: « la Panisse est une spécialité marseillaise à base de farine de pois chiche. » Le pois chiche (Cicer arietinum) est une plante de la famille des Fabacées (ou légumineuses)(Wikipedia). Le pois chiche est cultivé dans les régions méditerranéennes; il est donc normal qu’on trouve des préparations à base de farine de pois chiches tout autour de la Méditerranée. A Nice la socca (étymologie inconnue; recette ici) est favori, en Ligurie la socca, en Sicile la panella (la recette ici) , à Gênes la fainâ de çeixai, etc. (Socca)

  
cicer arietinum

La panisse marseillaise est très bonne mais la récupération de cette spécialité par les Marseillais est un peu abusive. Mistral nous renseigne :

panisso « espèce de farine de pois chiches et de maïs dont les Génois pauvres se régalent, voir cruchado, poulènto; lâche, personne molle, à Nice. » Il donne l’exemple : A Marsilho vèndon de panisso, qu’il traduit : à Marseille on vend de la panisso.

Il s’agit donc d’une recette et d’un mot importés de Gênes. Mistral cite le mot italien paniccia  dans la forme et le sens spécifique de la Ligurie: Panissa « Polenta di farina di ceci. » (Source). D’ailleurs dans un site italien je lis : La panissa è uno dei piatti più tipici della tradizione genovese.

Casaccia Giovanni dans le Dizionario genovese italiano, Genova 1876, distingue deux prononciations différentes, et le premier comme subst. féminin, le second comme masculin. Les deux  ont été réunis dans un seul panisso par Mistral (ci-dessus):

Plusieurs réactions m’ont amené à regarder de plus près cette histoire. Voici le résultat: En ce qui concerne l’étymologie de panisso, c’est une homonymie qui m’a incité à en parler. Le latin panicium « millet » a donné en ancien occitan panitz, panis, en occitan moderne panis toujours avec le sens « setaria italica, sorte de millet ». En provençal a été formé un dérivé féminin panisso « sorte de millet », panissa à Nice, panisso dans la Vaucluse, (Mistral), à Marseille (Avril), et à Aix (Pellas), toujours avec le sens »millet » comme   panissa  en piémontais. Voir l’article panis

La première attestation de la panisse typique de Marseille est de 1839 dans le dictionnaire d’Avril, qui la définit ainsi :

« gateau de farine de maïs ou de pois chiches que font les Gênois résidant à Marseille et qu’ils vendent sur le cours ».

Il me semble que les Gênois ont vendu leur panissa avec une prononciation  gênoise : panissa, devenue panisse en français régional.

Italien paniccia est defini comme :  » farinata s. f., in alcune regioni italiane, minestra a base di farina di grano o di granturco; in Liguria, focaccia a base di farina di ceci. » D’après le FEW cette panisse marseillaise et  les mots du Nord de l’Italie qui désignent une minestra ou une boullie à base de farine de pois, de maïs , etc. seraient des dérivés de panis « pain ».  D’autre part la panisse « bouillie à base de millet »  viendrait du  latin panicium , de la panisse « bouillie à base de pois chiches » .  Je ne crois pas qu’on puisse les séparer.

Italien: paniccia s. f. 1 (tosc.) farinata | (estens.) poltiglia; fare paniccia di qualcuno, di qualcosa, (fig.) massacrare di botte qualcuno.

Toponymie.Le nom de lieu Panissière « champ semé de panis » doit être assez fréquent, en tout cas il y en quatre dans le Gard, dont un à Manduel :

Pankezo, pankero et pa(n)let

Pa(n)kezo, pankero et pa(n)let « belette ». Le premier type se retrouve dans les parlers espagnols, en Navarre et en Aragon paniquesa ou à Benasque paniquera. L’origine de cette composition curieuse serait panis + caseus « pain + fromage ». Le deuxième qui vient de panis + lactem est limité au gascon.Il y a deux tentatives d’explication de ces noms.

  • La première explication est que les couleurs de la fourrure de la belette ressemblent au pain cuit (roux-châtain du dos) et le fromage (blanc ou jaune du ventre).
  • La seconde se réfère à l’habitude qui existe dans beaucoup de villages, de mettre un peu de pain et de fromage dehors, pas trop loin du poulailler, dans l’espoir que les belettes se contentent de cela au lieu d’aller manger les oeufs. Cette  explication est renforcée par le fait qu’on prononce des formules magiques dans lesquelles on promettait du pain et du fromage, ou du lait ou du miel, pour tenir des animaux comme la belette, le fret ou le lézard à distance . Quoiqu’il en soit, le vrai nom de la belette, à savoir moustèla était tabou. Voir à ce propos l’article moustèlo.

panis +caseus  

Si le sujet Tabou linguistique  vous intéresse, lisez S.Freud,  Totem und Tabou.    Cherchez  euphémismes, tabou  avec Google.

Pano, panous

Pana « taches de rousseur » (Alibert), panos « idem » (Sauvages), adj. »qui a des taches de rousseur » (Alibert), pano « nuage léger qui flotte dans les airs », panous « tacheté de nuages ». La première attestation pour ce mot typiquement languedocien vient du dictionnaire francais/anglais de Cotgrave 1611 avec la note « languedocien ».

L’abbé de Sauvages (1756) donne  un remède contre les panas : « la sève qui dégoutte de la vigne au temps qu’on la taille est, dit-on, un bon cosmétique pour faire passer les rousseurs ». Si vous l’essayez, renseignez-moi sur les résultats!

Le FEW rattache ce groupe de mots à l’étymon pannus « morceau de tissu ».

Mais dans mon dictionnaire latin  (Nouveau dictionnaire latin-français par Benoist, Eugène – Goelzer, Henri) et dans le Gafiot je trouve que le mot  pānus  avec  un ā  long et un seul -n- signifie « fil de trame enroulé sur le dévidoir; épi à panicules » et « tumeur »   et le diminutif panicula « panicule »  également  » sorte de tumeur« . Le fameux Nomenclator octilinguis ( ‘dictionnaire de huit langues’) de Junius Hadrianus (1511-1575) traduit : « Pānus ( attesté chez Pline) par Vne enfleure « une enflure » et mammosus panus par « téton ». et là nous ne sommes pas loin des « taches de rousseur » languedociennes.

Ma conclusion est que  tout le groupe pano  placé dans l’article pannus « morceau de tissu »,  FEW  VII, 557 a,  doit être placé dans un nouvel article pānus  « tumeur, enflure ».

FEW  VII, 557 a

Le mail d’une lectrice de l’Aveyron renforce cette hypothèse. Elle aime faire la cuisine et m’écrit :

« j’ai découvert les  panous [panouss] ce sont en fait les fleurs qui poussent au printemps sur les choux fourragers et les choux de Bruxelles et que l’on mange (ça ressemble à des asperges) ». Le dérivé panous a donc conservé le sens « épi de panicules » du mot latin pānus. Elle a eu la gentillesse de m’envoyer une photo:

panous de choux
Les panous de l’Aveyron

Une panicule est une inflorescence en grappe composée.


panicules rouges et blanches

Dans le domaine franco-provençal existe un dérivé pana  « donner une giffle à  » et surtout le substantif  panà « giffle » (FEW VII, 560b).  Etant donné que le résultat d’une giffle est souvent une « enflure » cf. bonha, je me demande si ce mot ne doit pas être rangé également dans le même nouvel article pānus « enflure ».

Panoucho

Panoucho « chiffon; niaise; femme de mauvaise vie », continue probablement un dérivé de pannus « morceau de tissu »: *pannucio qui vit en italien pannucio « mauvais tissu ». En galloroman c’est le féminin *pannucia qui est à la base des formes.

La première attestation est relativement tardive : 1411 d’après le DMF, mais je pense que cela est dû au fait que de nombreux documents occitans  ne sont pas encore publiés. En plus les mots pour « torchon » ne doivent pas être très fréquents dans les textes écrits du Moyen Age. La plupart des attestations viennent des parlers de l’Est du domaine domaine d’oïl, du franco-provençal et du provençal.

Voir l’article   panar « essuyer » également limité à lEst du galloroman.

Panperdu

Panperdu. Toponyme du Gard.

D’après Mistral, il y a des Panperdus aux Saintes-Maries, à Chateaurenard, à Gaumont (Vaucluse), à Béziers, etc.

Panperdu signifie « mauvais pays »:  D’ounte siás? – De Pan-Perdu. « D’où êtes-vous? D’un mauvais pays. » Je ne suis pas sûr du sens du mot Rubina. Il faudrait vérifier s’il s’agit d’une bonne lecture du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, mais il s’agit probablement de Roubine, toponyme fréquent dans le Midi qui désigne une « ravine; longue coulée d’éboulis creusée dans les terrains friables et déboisés; canal de faible largeur » (Pegorier). J’ai pu trouver le deuxième vol. de l’édition du Cartulaire de l’abbaye de Saint-Victor par B.Guérard; dans l’index l’auteur renvoie de Rubina > Robina. Mais le premier volume avec la charte 156 n’est pas disponible sur le web.

Dans le Compoix de Sommières on trouve également un Panperdu. L’auteur ajoute qu’il y a d’autres graphies : Pan viel, panviel, pant vieil. Surtout le graphie pant est intéressante, parceque elle montre que le scribe ne confondait pas pain et pan. La graphie avec -t final se trouve aussi en ancien français. Voir le Godefroy.

L’étymologie doit être pannus « morceau, partie ». Voir pana(r).

 

Coulée d’éboulis

Panta

Panta « ventrée; farce, grimaces » (Quercy); « désir impérieux, inclination » (Toulouse) d’après Alibert.

En ibéro-roman a été formée une racine *pant- à partir d’une syncope de *pantica du latin panticem « ventre, panse ».  On le trouve par exemple en portugais panturra « gros ventre ».  Il a dû exister également en occitan : pantre « lourdaud » (gascon), pandalh « tablier » (Landes), pancarasso « grosse panse » (Bouche-du-Rhône), et même en franco-provençal pantarrou « panse des bovidés ».

Est-ce que Rabelais s’est souvenu de son séjour à Montpellier quand il a créé Pantagruel? Et que penser de l’archange Pantasaron, qui s’occupe des repas de fête, peint au XIIe siècle dans l’église de Vals dans l’Ariège1?


Photo Serge Alary, responsable de l’Association des Amis de Vals.

Pantasaron cum in conuiuio ueneris in mente habe et omnes congaudebunt tibi… « Aie Pentasaron à l’esprit lorsque tu prends part à un repas de fête, et tous feront la fête avec toi ». Suivez ce lien pour en savoir plus!

Un petit chemin de travers. En cherchant des mots en rapport avec panta « ventrée » je tombe sur Pantalon, qui en principe n’a rien à voir avec panta. Pantaleone est le nom propre d’un bouffon de la commedia dell’arte italien (XVIe s.) , vêtu d’un habit tout d’une pièce depuis le col aux pieds.  (TLF) Mais avant cette période, au Xe siècle déjà, San Pantaleone était le patron de Venise. Beaucoup de Vénitiens ont appelé leurs fils d’après ce Saint.  Dans les villes voisines, pantaleone est alors devenu un sobriquet pour  les Venitiens. Ce procédé s’appliquait à d’autres Saints, par exemple San Battista devient Baccicca pour Gênois,  et ce qui m’intéresse le plus   est le fait que  San Gregorio le patron de Genova  a  abouti à Gringo « Gênois ».

Or, pour les dictionnaires étymologiques anglais, gringo  serait une transformation de griego « grecque », parce que quand on dit c’est du grec , cela  veut dire « je n’y comprends rien ».  Américain  Gringo   « étranger » a été emprunté à l’espagnol mexicain gringo « étranger, Anglais  qui parle mal la langue espagnole » et qu’on ne comprend pas.

Et c’est ici que San Gregorio intervient! Un Gringo est un Gênois qui parle mal l’espagnol, comme par exemple Christophe Colomb le Gringo le plus connu du monde. Cette hypothèse demande plus de recherches.

           
San Gregorio                                         Le Gringo Colomb

Les indications bibliographiques données ci-dessous  ne sont pas sûres…Je n’ai pas pu le consulter.

  1. Un article sur l’église Notre-Dame de Vals et ses fresques restaurés se trouve en suivant ce lien

Pantais

Pantais s.m.« rêve, songe; râle (Foix); respiration pénible, oppression; asthme (Rouergue) ».  Une amie originaire de la région de Cannes, me précise qu’un pantais est un ‘rêve pénible’.

Pantais, attesté depuis le XIIe siècle, est un dérivé du verbe pantaisar ‘rêver’. L’étymon de pantaisar est le grec phantasioun ‘avoir des visions’. Le verbe n’est pas attesté en latin, ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit probablement d’un mot de la langue populaire emprunté à une période ancienne et qui n’a pas été accepté par la langue latine classique.. De là aussi les formes avec un p- au lieu d’un f-, que nous retrouvons dans le nord de l’Italie pantezar (Venise) et en catalan panteixar ‘respirer péniblement’.


un pantais

En ancien occitan pantais a déjà les sens « inquiétude, souci, angoisse, trouble, confusion », et même « cauchemar ». Quand on a un vrai cauchemar, on a le sentiment de suffoquer, de respirer avec peine. Voir l’article cauchemar dans Wikipedia.  En occitan pantaisar est « faire un mauvais rêve », en ancien français panteisier, pantoiser devient carrément « avoir l’haleine courte, respirer avec peine ». Français rester, laisser pantois veut dire « rester hors haleine ».  Dans l’ouest de l’occitan la forme pantaissa prend aussi le sens de « haleter ». Béziers connaît deux formes pantaiá « rêver » et pantaissá « haleter ». A la même famille de mots appartiennent encore le toulousain pantegá « être essoufflé, aveyronnais pontugá , et en  français panteler comme les emprunts breton pantes « asthmatique »et basque pantatsj « poussif ».
Anglais to pant « haleter  » et le subst. pant  « halètement » ont été empruntés au français. to be panting for breath « être tout essoufflé ».  Cf. Harper.

 

cliquez sur l’image  pour (a)voir le cauchemar.

Panteno pantiero

Panteno s.f. « filet en forme de manche qu’on place à l’extrémité des bordigues; nasse ou verveux; poche qu’on met à l’entrée des terrier des lapins ».   Pour Raymond Jourdan ( voir Sources s.v. Montagnac)  c’ést « la bourse (panténo) que le chasseur a placée au biradou« .  La forme pantiero  vient de Marseille, Montpellier et du Béarn. D’après Wikipedia  la forme gasconne est pandéla / pandèle  et désigne  un grand filet vertical.

En grec existait le  πανθηρος « chasse-tout » dont les Romains avaient fait panther  « filet servant à capturer certains animaux ». Les Grecs avaient créé aussi la πανθηρα  un « grand filet pour attraper les oiseaux » de παν « tout’ et θηρα « chasse », dérivé de θήρ «bête sauvage»; devenue panthera  en latin. C’est ce dernier qui est à l’origine des formes occitanes  et françaises.

Panthera  est devenue  pantena  « sorte de nasse » en ancien occitan (1336)La fin du mot : –era  a été sentie comme un suffixe et remplacée par  -ena  qui était mieux adapté au sens du mot « grand filet ».  Il y a une description de l’utilisation de la pantière ici.

panteno

Chacun des chasseurs suivants en fait autant, à mesure que le vol avance, et pousse de grands cris qui retentissent jusque dans la ville [Campan – NDLR]. Effrayées par la vue de ces ennemis et par les cris qu’elles entendent, les palombes abaissent continuellement leur vol, et finissent par se précipiter au fond du défilé. Là les attend la pantière qui, au moment donné, glisse sur les poulies et les recouvre de son ampleur.Cette chasse est très productive ; aussi, est-ce la spéculation, et non un but d’agrément qui la fait entreprendre.

Comme toujours le mot s’adapte au terrain.  Filet pour la chasse, la pêche, les courses, etc; suivant les emplois, les régions etc.