Maïsso, s.f. « mâchoire », bon maïsso « bon appétit (en parlant d’un porc à l’engrais) », au figuré en fr.rég. avoir bonne maïsse «avoir la langue bien pendue » (ML août 2005).
Maisso représente le latin māxĭlla « mâchoire » devenu maxella dans les langues romanes. La forme languedocienne n’est pas expliquée, peut-être est-elle influencée par cais « mâchoire ».
Par métonymie (déjà en latin) maisso désigne aussi la « joue » et au fig. « gourmandise ». En languedocien il y a de nombreux dérivés de maisso, au propre comme au figuré, par ex. maissar ou maissejar « bavarder », maîssaire « bavard »(Alès) ou meisseto « linaire ou muflier bâtard » (Montpellier), que Mistral compare à une gueule d’animal; maisseto » idem » (Alibert). A Gignac une maïsse est une ‘grande gueule’ mais aussi un « homme doué d’un appétit formidable » Lhubac.
Majofa, majossa, majofra « fraise (des bois) », majoufièr « fraisier » continue les formes de l’ancien occitan majossa (Albi 1320) et majoffa (Cahors 1274), mos (Indre), maous (Charente) Thesoc, amaousso, amours, maiousso (Mistral).
L’étymologie est probablement une racine *mag- proto-indo-européenne, c’est-à-dire qui date d’avant l’arrivée des Celtes en Gaule vers 500 avnt J.-C. et empruntée par eux à ce peuple inconnu. En Gaule nous trouvons les formes majossa , majoffa principalement dans l’occitan, mais également en poitevin et dans le domaine franco-provençal. En dehors de la Gaule, nous trouvons le même type dans le nord de l’Italie.
La plupart des formes romanes font supposer une base *magiusta, qui ont suivi l’évolution des dialectes gaulois et a abouti à *magiussa ou *magiuffa. Pour ceux qui s’intéressent au proto-indo-européen, je ne peux que les renvoyer à l’article du FEW VI, 19b-22a *mag qui donne aussi une revue des différentes propositions, e.a. Jud dans Romania 48(1922)607-608 que vous pouvez consulter grâce à Gallica.
Une visiteuse me fait la remarque suivante : « Concernant occ. majufa « fraise des bois » et la racine *mag- en effet très ancienne je ne peux que vous signaler l’existence en basque du terme maguri « fraise » et de ses variantes maidubi, marabio, marauri « id. » presque toutes en dialecte haut-navarrais. »
L’abbé de Sauvages (S2) ajoute que les majhoufos, majhofos infusées dans le vin sont un bon remède contre les engelures. Au singulier Qinto majhofo veut dire « quel coup, quelle bosse ».
La culture de la fraise qui se développe à partir du XVIIIe siècle après la découverte des grandes fraises sauvages de Chili et de l’Amérique du Nord, a eu comme conséquence que la majofa désigne comme avant la fraise des bois et que le mot frago, fraga est réservé à la fraise de jardin.
Major, -a adj. et subst. « majeur, aîné; doigt médian; doyen d’âge », ou mager « plus grand » vient du latin maior comme français majeur.
Soun màjou dans la parabole du fils prodigue de Lasalle (Gard) signifie « son fils aîné ». Anglais mayor « maire », néerlandais majoor « rang militaire au dessus du capitaine », allemand Major id.
Majorau « chef, maître d’un pays » (Camargue), est un dérivé très ancien. On le retrouve en cat. et esp. avec le même sens. A Alès le majoraou est «l’ainé de la famille ».
Dans le Félibrige, les majorau jouent un rôle important:
Le Félibrige est fondé en 1854, par quelques poètes provençaux. Le mouvement se donne initialement pour vocation de restaurer le provençal. Très vite, il se développe et s’organise dans tout l’espace occitan. Le rayonnement du Félibrige est énorme, le provençal connaît un renouveau sans précédent et fédère des poètes dans toute l’Occitanie. En 1904, le prix Nobel de littérature est attribué à Frédéric Mistral pour Miréio (‘Mirelha‘ en graphie classique). Aujourd’hui, le Félibrige est structuré autour d’un Capolier et de cinquante Majorau. Un des temps forts du mouvement est son rassemblement annuel de la Santa Estela.
Francisé en majoral qui en plus a créé le dérivé majoralat. TLF
Malhol ’bouture, jeune plant de vigne’. Etymologie latin malleolus « petit marteau; crossette de la vigne ». Aoc. XIIe siècle. Malholl a pris dans la même période le sens de « vigne nouvellement plantée », sens que malleolus avait pris déjà au IXe siècle en latin médiéval et que nous retrouvons en catalan mollol et en espagnol majuelo.
L’image ( jeune plant = petit marteau ou maillet) qui est derrière cette évolution sémantique est d’origine latine!
L’abbé de Sauvages (S1) écrit:
Maliôou , ou avantin « jeune plan de vigne », il y en a de deux sortes les crossettes1e et les barbues2, appellées sautelles dans quelques provinces; il n’y a que la barbue qui est du chevelu et qui, à cause de cela, reprend plus aisément. L’ avantin est toujours un sarment de vigne qu’on plante dans des tranchées pour avoir des seps.
des barbues
Mistral connait un dérivé malholo s.f. « jeune plante de vigne » pour le languedocien, qui a vécu , mais pas longtemps, en français de 1800 à ?
L‘ALF atteste le dérivé mayola « pampre » dans les Alpes-Maritimes avec le verbe esmayolà « épamprer ».
FEW 6,115’b
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Malhol, mayol, maliòou « bouture, jeune plant de vigne » vient du latin malleolus « petit marteau ». L’image ci-dessous prouve cette étymologie. D’ailleurs malleolus signifiait déjà « crossette de vigne ou d’arbre » chez les Romains (Gaffiot)
Le mot malhol est provençal et languedocien, attesté depuis le XIIe siècle, et avec le sens « vigne nouvellement plantée » déjà en latin médiéval du IXe siècle. Nous le retrouvons en italien magliuolo et en catalan mollol.
L’abbé de Sauvages s.v.maliôou ou avantin est très précis dans sa description:
Maliôou ou Avantin, jeune Plan de vigne, il y en a de deux sortes, les crossettes & les barbues, appellées sautelles dans quelques Provinces; il n’y a que la barbue qui est du chevelu & qui, à cause de cela, reprend plus aisément. L’ avantin est toujours un sarment de vigne qu’on plante dans des tranchées pour avoir des ceps.
Barbue veut dire « qui a des racines ». Voir Thesoc s.v. « plant raciné » : barbat (Dordogne), capeluda (Charente)
Manado s.f. « troupeau de taureaux et de chevaux » , manade en français régional, est dérivé de latin manus « main ». Man signifie déjà en ancien occitan « travail, main d’oeuvre » et manada « poignée, ce que peut contenir la main » comme l’ancien français manée . L’évolution sémantique de « poignée » vers « troupeau » se retrouve dans des expressions comme « une poignée de gens, de taureaux ». Une autre possibilité est que le sens « troupeau » a été emprunté à l’espagnol manada .
Pourl’abbé de Sauvagesune manado est un troupeau en général : uno manado dë pors « un troupeau de cochons » et pour lui ce mot vient de l’espagnol, mais dans le sens « poignée; une botte »: uno manado de cêbos une poignée d’oignons » c’est un mot languedocien.
Manado signifie aussi « poignée d’un récipient » ou « manivelle » et est un synonyme d’ arapofere « une manique des repasseuses » c’est-à-dire une sorte de gant de protection. Il avertit les Languedociens qu’il faut dire en français manique et non manicle, du latin manicula quoique les deux formes sont admises dans le dictionnaire de l’Académie 1694.
En ancien français la manicle est « la partie de l’armure quui couvrait l’avant-bras et la main » . Un mot avec un sens très spécifique. Il s’agit d’un emprunt au latin. Au cours des siècles le mot a dégringolé socialement : menicles « menottes » déjà au XIVe siècle, frère de la menicle « coupe-bourse ». Sur une planche de l’Encyclopédie, fig. 44 « la manicle du cordonnier »:
manicle de cordonnier.
En occitan manicula devient régulièrement manielha en ancien provençal et en languedocien manilho « anse » (S). Il ne se trouve qu’en occitan et en franco-provençal.
Un visiteur auvergnat me demande si je connais l’étymologie du mot manche ou manse « gauche », sans me préciser la localisation. J’ai pu lui répondre :
J’ai trouvé cette étymologie grâce au Thesoc, qui donne manchard « gaucher » pour le Puy de Dôme et manquier pour la Haute Vienne1
Manche, manse « gauche » est en effet assez rare. L’étymologie est le latin mancus « estropié ». Vous pouvez trouver d’autres attestations dans le FEW vol. VI/1, p. 140. dans la colonne à gauche après le chiffre 3. Lim. = limousin.
Je vous prie de me communiquer les villages ou la région où vous avez entendu/appris ce mot et avec quelle prononciation, –ch– ou –s-.
En plus des attestations dans le volume VI/1 , le FEW en donne d’autres dans le volume XXII/1,p.90 pour le Velay mançard « gaucher » et pour Vinzelles (Puy-de-Dôme) mansar « (chemin) âpre, (personne) maladroit » et il renvoie vers une correction à l’article mansus FEW VI/1, 331 qui y ajoute une attestation forézienne mansard « maladroit ». Toutes ces attestations ont certainement la même étymologie et devront faire partie de l’article mancus.
Le sens « gauche » à partir des sens « estropié » et « incomplet » s’est développé dans plusieurs langues romanes, en italien manco « gauche » depuis Dante, en Sicile et Calabrese mancru, en Sardaigne mancu. Souvent en combinaison avec mano : en Corse mano manca « main gauche » ensuite par ellipse manca « main gauche ». L’évolution sémantique de « gauche » > « maladroit » est parfaitement compréhensible. Voir le CNRTL gauche2
Mangayre. Dans un texte concernant les moeurs du 25 août 1596 :
« Cest présenté Antoine Gautié jeune. A esté prié de nourir et entretenir son père quest malade le mieus qu’il pourra, et a esté sencurré de ce qu’il ne le traicte pas comme il faut et mesme quelques fois l’injurie et outrage, l’apelant « mangayre« . A promis de le traicter le mieus qu’il pourra. »
Je pense qu’il s’agit d’un gros mot et qu’Antoine a traité son père de mandzaire du latin manducarius « (gros) mangeur, goinfre ». A l’époque un gros mangeur malade dans une famille pauvre était une charge lourde. En occitan moderne mangeaire est un « dissipateur » (provençal, Alès, Castres, etc.).
Encore aujourd’hui les Manduelois sont des Manjo-Bourro pour leurs voisins de Bouillargues, c’est-à dire, qu’ils allaient cueillir les jeunes pousses dans les vignes de Bouillargues pour les manger en salade! Une video Festo di manjo-bourro.
Deux pages de manja + un substatif dans l’index du livre de Claude Achard, Les uns et les autres. Dictionnaire satyrique. Pézenas, 2003.
Manouls « tripes ». Un ami m’écrit : « J’ai cherché le terme « manouls » sur ton dico, qui veut dire « tripes » en vieux nîmois mais je ne l’ai pas trouvé. Mon père disait: on va préparer un bon plat de manouls.
Le mot se trouve déguisé en manel ~ manolh « paquet; botte; poignée d’étoupes; paquet de tripes; glane d’aulx, d’oignons » dans l’Alibert. (Une graphie faussement étymologisante; manel n’existe nulle part, manolh est attesté au 15e siècle seulement.)
Manouls, manoul, vient du latin manupulus « poignée, botte » sens déjà attesté en latin classique. Sous l’influence d’autres mots manupulus est devenu manuculus que nous retrouvons dans presque toutes les langues romanes : roumain manuchiu « gerbe », italien mannochio « faisceau », catalan manoll, espagnol manojo, portugais molho tous avec le sens « gerbe ».
Le passage de « paquet de tripes » à « tripes » est une évolution sémantique courante, mais dans ce cas c’est un grand saut de « paquet » à « tripes ». D’après le Thesoc manoul, manouls « tripes » est courant dans l’Ardèche, l’Aveyron, le Gard et l’Hérault1. A Uzès et Villeneuve on dit manou.
L’abbé de Sauvages écrit « Manoul dë trîpos » , manoul d’amarinos » (S1, 1756).
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