Estirgonhá et estrigoussá « tirailler, étirer » . Une étymologie assez compliquée.
D’après le FEW il s’agit d’un mot composé de es- + tir- + gonhá. Il est attesté en languedocien, en gascon ainsi qu’en catalan: estireganyar « déformer quelque chose en l’étirant » . L’abbé de Sauvage donne en plus les formes estrigoussa ou trigoussa et les sens « traîner; tirer par les habits ou par les bras ».
L’élément es- de estirgonha ou estrigongha a été ajouté par un croisement avec le verbe trigoussá, estrigoussá « tirailler quelqu’un, secouer avec violence » un dérivé du latin tricare « susciter des embarras, créer des difficultés » d’un latin classique tricari qui est conservé en occitan trigar « tarder, se faire attendre ». En catalan exiqte le verbe estiregassar « estirar violentament alguna cosa per fer-la seguir, allangar-la, arrencar-la » (DE).
L’élément –tir- vient de tirá « tirer » un mot dont l’étymologie a été longuement discutée et qui semble venir du latin martyrium « tombeau d’un saint, mort ou tourments endurés pour la religion chrétienne ». La torture la plus courante au moyen âge était justement d’étirer le condamné. Le bourreau s’appelait en ancien fr. tirant du latin tyrannus. Le verbe tirá doit être très ancien parce qu’on le trouve dans toutes les langues romanes.
L’élément –gonhá se retrouve dans les patois suisses et les régions voisines : vougni « tirer par les cheveux » et le mot tirvougné « tirailler » également. A cause de la forme et de la répartition géographique, von Wartburg propose une origine gotique *wunnjan « blesser, faire souffrir », dérivé de wunds « blessure », Wunde en allemand, néerlandais wond, anglais wound.
Dans le TLF estive est défini comme « Pâturage de haute montagne dans les Pyrénées. », et par métonymie : »Séjour dans ces pâturages ». Le mot est assez récent: 1933 avec le sens « pâturage » et a été emprunté à l’occitan du département du Puy-de-Dôme en 1876 avec un sens très spécifique de l’Aubrac « unité exprimant la valeur de la consommation d’une tête de bétail pendant une saison et sur le pied de laquelle on paie la dépaissance « . Ce sens se trouve dans les Larousses de 1876 jusqu’en 1945.
Le mot estiva est attesté en ancien occitan depuis 1216 avec le sens « récolte » et à Montauban au XIVe s. » travaux d’été ». On le trouve dans de nombreux parlers occitans avec le sens « pâturage ».Cf FEW XXIV, 235a
Un séjour d’une semaine dans le Puy-de-Dôme m’a donné l’impression que de nos jours estive et festive sont bien associés dans l’esprit des touristes et désigne en premier lieu un bon restaurant ou une fête locale, votive celle-là. Dans l’Aubrac c’est peut-être devenu « la valeur de la consommation d’une tête de touriste pendant une saison »
J’ai failli oublier l’étymologie : latin aestivus « qui a rapport à l’été ».
Des estivenques.
Où peut-on encore trouver ces petits escargots sur les menus des restaurants ? D’après Sylvain, auteur d’un site qui a disparu, on trouvait dans les années soixante encore dans les rues de Marseille « la marchande de limaçons dont le cri était phonétiquement : à l’aïgue sont, les limaçons pour la rime, et petit escargot à l’eau salée pour la signification. ». Confirmé par Marius Autran dans le lexique de La Seyne : Aigo-sau « aumure, eau salée, mets de poissons bouillis (litt., eau et sel). A l’aigo sau ! : C’était l’appel du marchand d’escargots et de limaçons blancs. » Sylvain décrit les estivenques : « Ces limaçons sont une espèce de petits escargots, quelquefois aussi appelés colimaçons ou limaces, que l’on trouve en été sur les fenouils montés. Le diamètre est de un centimètre à un centimètre et demi environ. La couleur part du blanc (attention, pas blanc immaculé, c’est une autre espèce un peu plus petite) au marron clair en passant par toutes les nuances de beige, avec des stries plus nuancées qui épousent la spirale de la coquille. La chair est beige translucide. »
Voici une recette de Claude Viallat Estivenques à l’huile d’olive, a été publié par la Gazette de Nîmes dans un petit recueil Les Nîmois livrent leurs secret de cuisine. 30 recettes du Sud.
Mistral écrit dans le Trésor du Félibrige que estivenco désigne dans le département de l’Hérault un « escargot d’été ». Il doit s’agir du colimaçon dont le nom scientifique est « hélix vermiculata L. » ou « eobania vermiculata ». Comme il s’agit d’un escargot d’été l’étymologie est transparente ; il doit avoir la même origine qu’ estiu « été .» En effet il est dérivé du latin aestivus « qui a rapport à l’été » à l’aide d’un suffixe -incu.
Estivenc avec le sens «qui a rapport à l’été » se trouve déjà dans des textes en ancien provençal. Il a le même sens dans de nombreux mots occitans, comme albenc « vêtement ou couverture de couleur blanche », blavenc « bleuâtre » et dans notre département La Gardonnenque. Ce suffixe qui date d’avant les Celtes semble bien vivant dans notre langue occitane.
Ces mêmes escargots blancs s’appellent aussi missounaire, missounenque ou mourguéto. Glibert Lhubac donne pour Gignac (34) le mot cagaraoule et le diminutif cagaraoulette. D’après lui ce mot est devenu un générique pour plusieurs espèces de petits escargots dont le Cernuella variabilis qui grimpent vers la fin de l’été sur les tiges des fenouils mais aussi des graminés. Il ajoute que le mot meisonencas est provençal.
Estobla « chaume, paille » vient du latin stipula > latin parlé stupula. Un visiteur me donne l’information suivante :
on appelle la mante réligieuse: lou prego-Dièu d’estoublo ou de restouble, ce qui se dit aussi d’une personne maigre et pâle.
stipula « chaume, paille » < latin vulgaire stupula
C’est un des nombreux exemples qui montrent que les Occitanophones sont particulièrement avantagés pour l’apprentissage des langues étrangères.
Latin stipula a donné le verbe > stipulari « exiger un engagement formel, stipuler » (on rompait une stipula « paille » en signe de promesse) > français stipuler, > anglais stipulate, catalan, espagnol estipular, néerlandais stipuleren.
Estoc Un visiteur m’écrit: : à Marseillan et ici, les locaux désignent la rive sud-est de la lagune de Thau en disant : les tocs. J’ignore s’ils l’écrivent ainsi ou thoc. En français maritime classique on a appelé « étoc » un recif.
J’ai pu lui répondre: Dans le TLF je trouve: E(S)TOC : SYLVIC. Coupe d’un bois qui n’en laisse rien subsister (cf. coupe blanche). Synon. vx blanc-être. Couper à blanc-étoc . Étymologie : un ancien francique stok « souche, tronc d’arbre ».
Mais le problème est que ce mot avec ce sens n’existe nulle part en occitan. En occitan estoc désigne » un grand bloc de bois sur lequel les serruriers et les forgerons fixent les pièces qu’ils travaillent : Marseille estoq, Aix en Provence esto, Lozère éstok etc. Ensuite j’ai trouvé à Gap toc « pieu » et dans le Cantal estocado « pieux de soutien dans un barrage », qui correspondent à un ancien français estoc « poteau, pieu ». Alibert donne estoc « étau » , mais il n’y a aucune confirmation dans les dictionnaires occitans. Ceux-ci viennent bien du germanique stok, néerlandais stok « bâton ». Pour être sûr, il me faudrait une photo de la rive sud de la lagune, peut-être même une ancienne photo pour voir s’il y a(vait) des estocs.
L’origine du terme stock-options n’est pas tout à fait clair.
Estaque « tronc d’olivier » dans Lexique de Labrusse. L’Estaque à Marseille dont l’étymologie est discutée.
estourelhà « faire sécher devant le feu » voir l’article tourin, touril.
D’autres dérivés bien languedociens sont les verbes se tourilhà , se tourrouya ‘se chauffer, se câliner devant un bon feu », qui en gascon devient estourelhà « faire sécher devant le feu ». L’abbé de Sauvage connaît la forme s’estoulouirà « se câliner au soleil ».
Dans le Manuel d’agriculture et de ménagerie qu’il publie à Toulouse en l’an II (1793-1794), le citoyen Fontanilhes1, à la suite des Physiocrates et dans le contexte de pénurie qui est alors celui de la Révolution, se propose d’instruire ses lecteurs du moyen d’augmenter la production agricole en France, et plus spécialement en Ariège et en Haute-Garonne.
L’auteur, pour être plus efficace utilise des mots régionaux, comme étaussage
« On appelle « rames » l’étaussage 30 qu’on fait tous les deux ans, en Vendémiaire, des peupliers, saules, frênes, et tous les trois ans des chênes, en ménageant une coupe suffisante pour chaque année. On met cet étaussage en fagots, qu’on fait sécher à demi ; on les enferme ou garantit avec soin pour l’hiver. La feuille étant dévorée par vos troupeaux,le berger ou métayer, qui ordinairement a fait l’étaussage à ses frais, se chauffe du bois qui reste. »
Etaussage « élagage, émondage ». D’après le FEW il s’agit d’un mot d’origine préromane *toutio- , *tautio-, *tottio- « tête, pointe » qu’on trouve en galloroman, italien et ibéro-roman.
Le dérivé estaucier signifiait en ancien français « tondre, tailler les cheveux » et en moyen français « tailler une haie vive, couper les grosses branches d’un chêne ». Le FEW n’a pas d’exemples de l’occitan de ce verbe, mais il y a pas mal d’autres mots qui ont la même origine et qui sont attestés notamment dans l’Ariège, comme tàous « rocher », tàousou « petite élévation, éminence », tos « sommet » et tos dans plusieurs parlers gascons avec le sens « tronc d’arbre, auge ».
FEW XIII/2,132 *toutio2 est à compléter.
Google fournit 4 attestations du mot étaussage, dont le dernier date de 2007:
Google fournit plus de 70 attestations du verbe étausser, dont celle de Charles Menière, auteur du Glossaire angevin étymologique comparé avec différents dialectes 1881, qui aimerais le rattacher au celte:
Slatkine l’a réimprimé, de sorte qu’on ne peut pas le consulter sur le web. Mais heureusement l’auteur l’a publié également dans les Memoires de la société académique de Maine-et-Loire tome 36, 1881, page 191 ss qu’on peut consulter grâce à Gallica. Pas la peine de dépenser 21€.
D’après la BDP le patois de Segré (49500, Maine-et-Loire) a été particulièrement mis à contribution.
Sous têtards il écrit:
Èstra « balcon, fenêtre » vient de extera la forme pluriel neutre de exterus « ce qui se trouve dehors ».
Estre a aussi existé en français et se retrouve dans les parlers du nord et de l’est du galloroman. En occitan il est plutôt limité au provençal et l’auvergnat.
Suivant les localités èstra prend des sens plus ou moins spécifiques, comme dans la haute vallée de l’Ubaye « balcon où l’on met sécher le bois à brûler », en Auvergne éstra, étra est la « petite terrasse en saillie, en haut de l’escalier extérieur en pierre et qui est couverte par un toit ». En francoprovençal étre a pris le sens spécial de « aire pour battre le blé ».
Un estroun est un « petit balcon » à Barcelonnette, et une « lucarne » en limousin.
A Die existe le mot esseis « les êtres de la maison » , d’après le FEW un emprunt au français qui subi l’influence du verbe être du latin essere. Un peu étonné par cette étymologie , j’ai demandé à Han Schook, excellent connaisseur du parler de Die, ce qu’il en pensait. Il m’a répondu
« los èsses » (pron: louzèssei, avec vocalisation du s du pluriel) son en effet « êtres de la maison ». A mon avis il n’y a pas de confusion entre estro et èsses. En Diois le verbe « être » est èsser (pron: èssé), ou le moins courant « estre« . Comme en français être, diois « èsse » peut servir comme substantif pour désigner des personnes. Exemple:
Nosautres, sièm quatre èsses, e vosautres, siètz nòu a la meison.
Je suis sûr qu’il a raison. « los èsses » diois n’a rien à voir avec les balcons.