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Anona

Anona, annona s.f.. « blé ».  Au début du XIIIe siècle, Peire Cardenal, témoin et acteur de la résistance à la Croisade contre les Albigeois, a écrit un Sirventes intitulé :

Vertat e drechura contre falsedatz e desmezura

Aras es vengut de Fransa                                             A présent est venu de France
Que hom non somóna                                                   cet usage de n’inviter
Mas sels que an aondansa                                            que ceux qui ont en abondance
De vin e d’anóna,                                                              de vin et de blé,
E c’om non aia coíndansa                                                et de ne plus avoir de relations
Ab paubra persóna,                                                           avec les pauvres gens,
Et aia mais de bobansa                                                 et que celui qui donne le moins
Aquel que meins dóna,                                              soit celui qui se montre le plus ,
E qu’om fassa major                                                              et de choisir pour chef
D’un gran trafegador                                                              un grand trafiquant,
E qu’om eleia-l trachor                                                                          d’élire le traître
E-l just dezapóna,                                                                       et de destituer le juste.

Voir la  belle page que la  Dormeuse y consacre.

Anona vient du latin annona « récolte de l’année, provision de céréales ». (FEW XXIV, 610a-611b), qui n’a été conservée qu’en galloroman, mais a disparue dans le domaine d’oïl depuis le XVIe siècle. En occitan et en franco-provençal anona est vivant jusqu’à nos jours et le sens a évolué comme celui de blat « blé, seigle » (du germanique *blad) en devenant plus spécifique : « céréale en général » > « froment » ou « seigle », etc. suivant ce qu’on cultive dans une région. Dans les formes locales, le a- initial disparaît parfois par aphérèse (rattaché à l’article l-), comme à Marseille nonarié « marché au blé » (M).

Toponymie. La forme occitane anoniera « magasin de blé » est à l’origine des noms de lieux comme Nonières (Ardèche) ou Les Nonières (Drôme). Le FEW remarque également que Mistral a peut-être raison en rattachant le nom de ville Annonay (Ardèche) à cet étymon.

Anoublo

Anoublo s.m. »taureau d’un an » (Camargue) est attesté en occitan depuis le 16e s. Du latin annuculus (une transformation de anniculus) qui aurait dû donner anoulho, une forme qu’on trouve e.a.dans l’Aude. La terminaison -bl- s’explique par contamination du mot doublo « pouliche ou génisse âgée de deux ans ».

 

Il est évident que la notion « agé d’un an » est centrale. Le mot s’applique à d’autres animaux; cela dépend de l’élévage local: anolh« agneau d’un an » et ailleurs, « chèvre, vache d’un an » . Dans l’agriculture c’est une « jachère ».

anque, angue

Béarnais anque, angue « hameçon » voir inquet

api ‘céleri’

Api « céleri »  vient du latin apium  FEW XXV, 14b . Grâce à Racine et  Daudet  le mot se trouve encore dans le TLF :

« … sa façon de donner aux objets des tas de noms baroques, d’appeler les céleris des api, les aubergines des mérinjanes, la faisaient, elle [Audiberte], Française du Midi, aussi égarée, aussi étrangère, dans la capitale de la France, que si elle fût arrivée de Stockholm… A. Daudet, Numa Roumestan,1881, p. 107.
Rem. Attesté ds Littré (qui écrit apy), DG et Quillet 1965.
Etymologie … Empr. au prov. api « ache » (lat. apium, ache*) dep. Daudé de Prades, xiiies. ds Rayn., 1.2, p. 104a; l’api empl. par Daudet, supra est le mot prov. lui-même;
ache des marais

ache des marais

D’après le TLF s.v. ache , le latin apium ne désigne pas seulement « appium graveolens » ou l’ache sauvage, mais plusieurs ombellifères:

Du lat. apium (plur. apia) désignant un groupe de 6 plantes ombellifères, d’apr. André 1956, s.v., cf. Pline, Hist. nat. 19, 123 ds TLL s.v., 239, 62 : plura genera sunt … apia. Id enim quod sponte in umidis nascitur, helioselinum vocatur …, rursus in siccis hipposelinum …, tertium est oreoselininum … et sativi; attesté dep. Virgile, Églogues, 6, 68, ibid. 240, 22 (floribus atque apio crinis ornatus amaro) où il désigne l’apium graveolens L., var. sativum (d’apr. André, loc. cit.). Le fr. du nord ache et la plante qu’il désignait furent évincés par le céléri*, plante comestible, obtenue en culture par modification de l’ache et importée de Lombardie; ache conservé dans la langue des botanistes, et sporadiquement comme nom d’une variété comestible cultivée dans les jardins; voir aussi api2.

Api ou apit en ancien occitan, ache, aiche en ancien français désigne le céleri sauvage ou ache des marais.  Les attestations  de api « céleri » en français sont rares; le mot se trouve uniquement  dans les parlers franco-provençaux et occitans, api, apit et avec agglutination de  l’article dans l’est-languedocien et le gascon lapi.

Dans le Nord de la France ache est remplacé par céleri depuis le XVIIe siècle. Le progrès de   céleri au dépensde api est bien illustré dans la Lozère où , d’après les données recueillies par Rudolf Hallig entre 1932 et 1934, le nord du département a le nom céleri, le sud a conservé lapi. La zone api  s’étendait plus vers le nord au début du siècle quand Edmond a fait les enquêtes pour l’ALF. Ci dessous la carte céleri tirée du livre Lectures de l’ALF   .

CeleriALF

céleri

céleri

Dans le Var  est attesté le dérive  apioun « ache ». L’apium graveolens  s’appelle  eppe en neérandais, eppich en allemand, appio  en italien, api, apit en catalan, apio  en espagnol, aipo en portugais.

D’autres ombellifères ont un nom composé avec api. Dans le Gard la berle ou cresson sauvage (berula erecta) s’appelle  api bouscas  (bouscas « sauvage, bâtard).

api bouscas

api bouscas

Dans l’Hérault, le Lot et le Tarn l’ammi élevé s’appelle api fol, dans le Tarn-et-Garonne lapi fol, à Frcalquier api fer.

api fol

api fol

En ancien occitan est attesté le nom apiastro pour le « ranunculus sceleratus« ,  en français la renoncule scélérate ou renoncule à feuilles de céleri, ce qui me rappelle qu’à La Seyne  tronche d’àpi est une insulte.  L’auteur de l’article Wikipedia écrit : « La plante était connue au Moyen Âge comme « Céleri du rire » car son ingestion provoquait un rictus sur le visage de la personne empoisonnée. », mais je ne l’ai pas retrouvé dans les articles en allemand ou néerlandais qui disent que son ingestion rend gravement malade. Par contre frotter la peau avec le lait de cette plante provoque des ampoules, un moyen pour les mendiants pour se faire prendre en pitié.  Une tronche d’àpi ?

apiostra

apiostra

Le mot céleri vient de la forme lombarde seleri emprunté au grec σελινον . Voir FEW XI, 416.   En moyen français écrit avec sc-.   Je ne sais qui a décidé de supprimer le s- pour simplifier l’orthographe.

Api, crique au lapi

Crique au lapi

Un journaliste  hollandais a passé des vacances en  Cévennes et découvert les crique au lapi, une recette très bien placée dans l’air du temps, parce ce crique est végétarien, vegan même, sans gluten et sans lactose, en plus il est bon marché. On s’en servait aussi pour cacher l’amertume des médicaments aux enfants.

article en néerlandais

article en néerlandais

Api ou lapi  vient du latin apium « celeri des marais »  ou « ache ».  Les mots galloromans qui continuent ce mot latin désignent plusieurs plantes. Les premièeres attestations  api, lapi, ache ou lache  désignent le céleri, persil des marais, ache des marais, ache odorante.

aspi feuilles tigeEn provençal  c’est  l’ api bouscas

S’agit-il de l’apium repens ? ache rampante?

api du latin apium FEW XXV, 14

Aussi néerlandais eppe

apiastro ‘renoncule scélérate’

Apiastro « renoncule scélérate ». Apiastro est un dérivé de apium « céleri »  devenu api, lapi en occitan. . D’après Rolland Flore le nom  apiastrum  est déjà attesté chez Pline, mais je ne l’ai retrouvé dans aucun dictionnaire latin. Dans mon article api « céleri », j’ai ajouté un paragraphe sur l’apiastro  copié  partiellement de Wikipedia:

 L’auteur de l’article Wikipedia écrit : « La plante était connue au Moyen Âge comme « Céleri du rire » car son ingestion provoquait un rictus sur le visage de la personne empoisonnée. », mais je ne l’ai pas retrouvé dans les articles en allemand ou néerlandais qui disent que son ingestion rend gravement malade. Par contre frotter la peau avec le lait de cette plante provoque des ampoules, un moyen pour les mendiants pour se faire prendre en pitié.

apiostra

apiostra

Ayant fait quelques recherches sur le nom céleri j’ai découvert que ce mot n’a été introduit en français qu’au XVe siècle (CNRTL céleri). En réalité elle s’appelait  ris sardonien  ou l’ (h)ache riante :

Extrait de: Grévin JacquesDeux livres des venins , ausquels il est amplement discouru des bestes venimeuses, thériaques, poisons & contre-poisons, par Jacques Grévin,… Ensemble les oeuvres de Nicandre,… traduictes en vers françois., Anvers, Plantin, 1568. En ligne sur Gallica

Dans Rolland Flore populaire I, pp. 55-56  vous pouvez voir que le ranunculus sceleratus ne s’appelait nulle part « céléri du rire »., mais ache de ris, ache de risée, etc. ou avec un adjectif dérivé de  sardonia , comme  herbe sardonique, ache sardoine en français. Ache de ris doit être une abréviation de ache de ris sardonique, le ris sardonique est défini pour la première fois par Ambroise Patré  (XVIe s.) comme « un rire convulsif causé par une contraction des muscles du visage et qui donne à la bouche un caractère de moquerie méchante ». (FEW XI, 229).

D’après Rolland Flore I, p.57 passait cette plante autrefois pour causer des empoisonnements qui provoquaient un rire particulier, le rire sardonique.La Seyne  tronche d’àpi est une insulte, ce qui pourrait être une réminiscence du rire sardonique.

En ancien occitan est attesté le nom apiastro pour le « ranunculus sceleratus« ,  la renoncule scélérate ou renoncule à feuilles de céleri, en français.

 

 

Apilar

Apilar v.tr. »appuyer; soutenir, étayer », v.r. « s’enraciner ». Ce composé de a- + pila + are (pila « pilier ») est un verbe provençal, est-languedocien et franco-provençal. Le substantif qui exprime cette action est normalement apilatge et un « étai » est un apialou (Alès). Dans le Compoix de Valleraugue nous trouvons le mot apillement qui est moitié occitan moitié français, attesté nulle part ailleurs. Alibert donne apilament avec le sens « empilement ».

Arabic

Arabic, alambic s.m. D’après le site de la FFCC arabi, alambi il s’agit d’un « Nom Commun masculin provençal : espèces de moustiques, de petits cousins de 1 à 4 mm (les simulies) qui s’infiltrent dans les cheveux et dont la piqûre est brûlante. C’est un insecte qui appartient à l’ordre des Diptères (mouches et moustiques), ils ne possèdent que deux ailes. Sa famille est celle des Cératopogonidés et son genre est Culicoïdes.
Il n’y a pas beaucoup d’attestations anciennes de ce nom. E. Rolland III, 252 donne deux sources qui ont décrit l’arabic comme « acarus ciro L. ». Mais d’après les images que j’ai trouvés sur le web, cet acarus est un genre de mite, ce qui ne correspond pas du tout à la description et à l’image de la FFCC. Il semble que le mot arabi avec ce sens est maintenant courant dans tout le Midi. D’autres info de l’INRA, sur la langue bleue des moutons qu’il provoque  ici.

Mistral traduit arabi, alambi par « cousin » (= Insecte à longues pattes grêles, très répandu dans les pays marécageux, connu pour son bourdonnement importun et pour la piqûre désagréable et contagieuse de la femelle. TLF). J’ai regardé les images fournies par Google pour « cousin insecte ». Tous les « cousins » montrés sont du genre moustique et non pas du genre mite.

René Domergue, spécialiste éminent des moustiques de Camargue me donne les informations  géolinguistiques suivantes :

Bonjour,
chez moi, à Montpezat, on distinguait les moustiques (grosses bestiasses) des alambics. Ces derniers plus petits, à la redoutable piqûre, sont sans doutes les « arabi » de Camargue ou des Costières. Je demanderai si quelqu’un connait le mot arabi, quant à moi je l’ai découvert du côté de Générac.
Pour lutter contre ces bestioles on avait le nopic.
René

D’après le FEW XIX, 8a, il s’agit d’un emploi au figuré de alambic de l’arabe anbiq « le chapiteau de la cornue » (cf. TLF) sans donner une explication. Je ne vois pas très bien le lien, mais c’est peut-être un manque de fantaisie.

Alambic « vaisseau qui sert à distiller » a la même origine et est devenu international.

Le flamand lambiek est une « sorte de bière fort agréable qu’on fabrique à Bruxelles » (prononcez [brussèl] en non pas [bruksèl]. Voir l’article lambic de Wikipedia.
Lambiek est aussi un personnage d’une BD fort appréciée en Belgique et aux Pays Bas (Bob et Bobette). Tapez Lambiek sous Google.

 

Aranje

Provençal aranje « orange » , voir  Irange

Arapède ‘mollusque du genre patella’

Arapède « mollusque du genre patella » . L’attestation occitane le plus ancienne (1560)  vient de Conrad Gesner, Nomenclator aquatilium animantium p.223 :

lapedo alapedeIl spécifie que « chez nous » est près de Montpellier.

arapède

Le TLF suit le FEW V,257  et  donne l’étymologie suivante:

Empr. au prov. mod. alapedo, arapedo « genre de mollusques qui s’attache aux rochers » (Mistral t. 1 1879), lui-même issu du lat. lĕpas lepădis « patelle » (gr. λ ε π α ́ ς, -α ́ δ ο ς « id. ») (Plaute, Rud., 2, 1, 8 ds Forc. t. 1 1864-1926) avec infl. du lat. lappa « bardane » pour le changement de la voyelle du rad. -e- > -a- et le doublement du -p- > -pp- (cf. infr. availlon « id. », Palissy ds Gdf.); le rapprochement avec lappe est prob. dû à l’analogie entre le mollusque attaché à son rocher et la bardane qui s’attache aux vêtements (Barbier ds R. Lang. rom. t. 51, no1, p. 276).

Comme influence je vois plutôt le verbe arrapar  « saisir », d’autant plus que  Villeneuve-Bargemont (Christophe, comte de) dans sa  Statistique du département des Bouches-du-Rhône, écrit d’après Rolland Faune t.3 p. 192

et le nom de la bardane ou gratteron arrapoman. En plus les arapèdes  s’attachent au rocher avec les pede  « pieds ».  A Marseille, dans le 8e arrondissement , il y a la Rue des Arapèdes.  Ce nom y est aussi  employé au figuré:

L’arapède est un mollusque bien connu à Marseille au sens propre comme au sens figuré. Il est difficile à arracher de la paroi sur laquelle il est accroché et traiter quelqu’un d’arapède c’est lui reprocher de coller d’un peu trop près.

L’emploi au figuré à Marseille montre qu’en tout cas l’étymologie populaire marseillaise  rattache arapède  à  arrapar.

D’après le DG CCRF il y a trois espèces de mollusques qui ont le droit d’utiliser le nom commercial arapède:
Crepipatella spp  arapède du pacifique
Patella caerulea  patelle ou arapède
Patella rustica  patelle ou arapède