cat-right

Aliboufier ‘styrax officinalis’

Aliboufier « Styrax officinalis L. ». Alibofis « testicules » grossier.Marseille.

Dans le Flore populaire de la France ou histoire naturelle des plantes dans leurs rapports avec la linguistique et le folklore. d’Eugène Rolland volume 7, p.254 nous trouvons les attestations suivantes:

AliboufierRLFl7_254Le texte de 1605  publié par Ch. Joret se trouve grâce à Gallica ici. Il s’agit de la liste des plantes que Peiresc a envoyé  au célèbre botaniste de Leyde Clusius ( Charles de l’Ecluse) qui devait les récupérer à la foire de Francfort1. Comme il ne connaissait pas très bien les noms scientifiques de l’époque il ajoutait les noms provençaux, parfois habillés  à la française.  Il s’agit des semences que Peiresc a ramassés dans les champs en allant à la chasse, tantôt sur les rivages de la mer, tantôt dans les bois et nommément dans le terroir de Beaugensier2

Joret donne le nom de la plante et des graines :

PeirescStyraxVoir l’image en bas de page pour l’original !

L’étymologie de alibouffier est inconnue selon le FEW XXI,183, mais l’auteur pense qu’il s’agit d’un mot d’origine orientale.  En effet,   d’après l’article de Wikipedia Pline écrit que cet arbuste pousse en Syrie et que là-bas on s’en sert comme parfum et que l’on l’emploie aussi dans la médecine durant l’Antiquité romaine . Le Wiki anglais  ajoute « This species is native to southern Europe and the Middle East. » La plante se trouve peut-être aussi dans la région marseillaise; voir l’extrait de Telebotanica ci-dessous.  Il y a un article Wikipedia en arabe sur le styrax mais il m’est inaccessible.

Ce qui est étonnant  est le fait que le mot semble vivant en français régional de Marseille Dans le Petit lexique commenté du parler Marseillais je trouve :

Alibòfis   » testicules » grossier, et l’auteur donne quelques exemples:

« Arrête de me gonfler les alibòfis…  »
 » Vé Laurent Blanc dans le mur, d’une main il se protège le moure*, et de l’autre les alibòfis…  » *

Trouve sans doute son origine dans aliboufier, nom provençal du Styrax, arbrisseau qui fournit un baume. Ses fruits ont été assimilés, dans la langue populaire, aux parties génitales de l’homme.

La fantaisie  marseillaise n’a pas de limites :

Styrax_officinalis_fruitsstyrax officinalis fruits

Il y a une page dans  Telebotanica consacrée au Styrax  à consulter,  qui se termine ainsi:

Le Styrax officinal, plus connu en Provence sous le nom d’aliboufier, est-il indigène dans le département du Var ? Cette question que s’est posée LEGRE en 1897 n’a toujours pas reçu de réponse satisfaisante à ce jour ; et pourtant il est probable qu’avant LEGRE, lorsque au XVIe siècle Pierre PENA et Mathias DE LOBEL, en voyage d’étude, découvrirent à Solliès ce même Styrax, la question de son indigénat a du leur venir à l’esprit. Peut être même, les Chartreux en s’installant dans la forêt de Montrieux au début du XIIe siècle furent-ils étonnés d’y trouver cette plante, à moins bien entendu qu’elle n’y fût introduite ultérieurement par leur soin.

2e partie de l’inventaire de la boîte envoyée par Peiresc à la foire de Francfort pour Clusius.  La première partie se trouve dans l’article  tartonraire PeirescFicheClusisu2

 

  1. Voir mon article tartonraire sur les relations entre ces deux botanistes
  2. Il pourrait s’agir  de  la ferme de Beaugensiers dans le Var à  83210.Beaugentier. Beaugensier

Aligot

Aligot  » préparation culinaire rurale de l’Aubrac ».

Voir la page Aligot, quincarlot, haricot,

Extrait:

A la fin du XIVe siècle apparaît en français le mot hericot ou haricocus du mouton; harigot (DMF article 7 de l’étymon *harion) « ragoût fait avec du mouton coupé et des légumes « . Ce sens est resté vivant dans l’Aubrac, p.ex. olicouót « ragoût fait avec des abatis de volaille », aricot à St-Affrique. Henri Affre , Dictionnaire des institutions, mœrs et coutumes du Rouergue Rodez, 1903, donne une variante pour Laguiole avec la définition suivante: oligot « plat composé de pommes de terre cuites à l’eau et de fromage encore imparfait pris en quantité égale et frits ensemble dans du beurre, qu’on fait à tout festin de noces ». (cité d’après le FEW). L’aligot serait d’abord un ragoût (FEW). Je penche plutôt pour les lambeaux ou les chiffons, notion qui a dû être présente dans l’esprit des noceurs. Nous trouvons la même image dans le mot très à la mode de chiffonnade, anglais chiffonade.

A mon avis la mot aligot (de l’Aubrac) vient directement de ce sens. Vous n’avez qu’à regarder l’image de Wikipedia

Allée des Anglores, à Nîmes

A Nîmes  c’est une allée, à Manduel une rue.  A Manduel c’était un quartier : Anglores, Les. (Cadastre 9-10). A l’origine Les Anglores sont une section de Manduel. Le sens du mot anglores est « terrain à l’angle de deux routes« .(Pégorier.). C’est le cas à Manduel. Le secteur se trouve entre le chemin de Garons et le chemin de St-Gilles.

Sur le plan de Nîmes  l’Allée des Anglores est pratiquement une impasse, ce qui permet de supposer que la configuration du terrain était bien différente autrefois.  Peut-être y a-t-il un Nîmois que peut me renseigner? J’ai vu qu’il y a deux rues qui y forment une pointe: la rue Eloy Vincent et ke chemin du Puech du Teil.

Mais, Aimé Serre écrit dans Les rue de Nîmes, qu’il s’agit de l’Allée des lézards gris  « Anglòra en occitan ».

Georges Maton, auteur du site formidable d’histoire locale nîmoise, m’écrit : « Je crois savoir que Mistral dans un de ces récits parle d’Anglore, comme un petit lézard gris. » et joint un extrait de Introduction à Mistral de Jean Soulairol:

Anglores_SOULEn effet dans le Chant du Rhône L’Angloro est le personnage principal:

Angloro_Rhonemais un peu plus haut il la compare à un lézard qui  se réchauffe au soleil et écrit lesert:

Lesert_MistralRhoneet dans son Trésor :

AnglporoMqu’il s’agit d’un mot nîmois, l‘abbé de Sauvages donne rengloro  pour Alès. Ci-dessous les données du FEW V,163 languria du type lexical avec chute du l-  initial:

AngroloFEWLes informateurs de Manduel et du Grau du Roi  pour l’Atlas linguistique du Languedoc oriental ont  aussi donné anglòra, à Genolhac et ailleurs lengloro. ! (Cf. Thesoc) L’inversion du –l- et du -r- , gloro au lieu de grolo, est donc plus fréquente que je ne pensais.  On peut donc supposer que l’Allée des Anglores est l’Allée des lézards comme l’écritAimé Serre.

Mais il y a aussi une Rue Anglore à Avignon  et dans la Vaucluse le lézard est nommé lagremusa,(Cf. Thesoc) ce qui renforce mon hypothèse qu’il s’agit d’un dérivé de angulus « terrain entre deux routes qui se croisent ».

D’autres toponymes du type angle dans le Gard :

AnglasDictTopodont  un Angulares

 Pour être sûr il faudra connaître les noms anciens de cette allée ou du quartier.

aluca ‘allumer’

Aluca « allumer, éclairer » vient du latin ad + lūcere  « émettre de la lumière » ou bien un verbe *lucicare  a été créé à partir du substantif lux « lumière » . A Valleraugue oluca 

Aluca est très courant en languedocien et en gascon, mais inconnu en provençal1Ceci est assez curieux parce que des représentants de  *lucicare se trouvent aussi en Italie : luccicare  « émettre de la lumière ».

Lucado est un « rayon de soleil ». S’esperluga signifie « s’éveiller, ouvrir les yeux ». Un esperlucat « quelqu’un qui l’œil ouvert, qui est difficile à tromper » , un mot qui a vécu brièvement en français au XVIe siècle .

Dans la langue d’oïl a existé un verbe avec la même étymologie aluchier « cultiver, planter, favoriser », mais l’évolution sémantique  de ce verbe  demande encore des éclaircissements.

FEW V, 432

Alucard le nom du personnage principal du manga Hellsing de Kōta Hirano. serait une simple anacyclique de Dracula. ‘Wikipedia). Pourtant regardez son image

alucard

  1. Le Thesoc s.v. allumer ne donne pas d’information à ce propos; le FEW V, 432 ne cite aucune forme provençale

Amalou, amaluc

Amalou, amaluc s.m. »tête du fémur »

Les mots embaluc, amalu, malu signifient aussi « omoplate, hanche »  et même  » fesses »  (omolu en Ardêche). Dans le Nord Velay existe un dérivé: malhon « tête du fémur ». Le mot ne se trouve qu’en occitan et en catalan maluc « les os qui forment les deux parties du bassin » .

Il vient de l’arabe azmal huqq « cavité articulaire » . La médecine arabe a eu beaucoup d’influence dans l’Occident. Si vous voulez en savoir plus , vous pouvez consulter un des 5580 sites internet ou par exemple; le livre de Danielle Jacquart et Françoise Micheau « La médecine arabe et l’Occident médiéval« .
D’autres mots qui viennent du même étymon : Lozère demolucat « déhanché » ,
Nord Velay s’esmalhonar « se déboîter la tête du fémur, se déhancher », Languedocien (Gard, Hérault), amalugà  « meurtrir de coups » . Dans amalug l’élément mal- a été interprété comme le mot mal « douleur » , ce qui a donné à Alès s’amaluga, à Nîmes « cogner » (Mathon) et en français régional s’amaluguer « se cogner » (Domergue)

marmite

Amalou ou lamalou désigne aussi des « grottes ». L’évolution sémantique « cavité articulaire » > « cavité » > « grotte » ne pose pas de problèmes.
Dans le site de la CLPA je trouve: « Quand il sagit de résurgences ou de cavits s’ouvrant près de sources, de mares ou en bordure de cours d’eau, c’est bien évidemment ces lieux qui ont influencé la toponymie des cavités. Grotte du Lamalou (Brissac, 34) : Le terme de Lamalou désigne partout un cours d’eau ou un lieu proche d’un cours d’eau. Celui-ci était désigné en 1332 comme suit :  » riperia da Amalo ; rivo de Amalo « . Ces noms semblent provenir d’un terme hydronymique incertain lamalo ou amalo d’origine inconnue ce jour. » http://membres.lycos.fr/clpa/etymologie.htm . Dominique Ros le webmaster du site m’a donné les spécifications suivantes: Pour  » rivo de Amal riperia da Amaloo  » en 1332 in « Cartulaire de Maguelonne » publi par J. ROUQUETTE, 6 vol, Montpellier, 1912-1927. J’ai également « Raimundi de Amalo » en 1204 in « Cartulaire du chapitre d’Agde publi par O. TERRIN, Nîmes, 1969 « 

Voir FEW XIX,14

D’autres chercheurs supposent des étymologies celtiques ou prélatines, mais connaissent-ils le mot languedocien amalou et son étymologie ?

Amargan

Amargan « amer »,  en fr.rég. amergan (Lhubac).  Le -e-est dû à l’influence du fr. amer.

Un mot languedocien qui continue une zone ibéro-romane : esp., cat. amargant. Créé à partir du part. présent du verbe latin amaricare « rendre amer » . Italien amaricare.

Amarinier, amarino

Amarinier s.m. « (souche d’- ) osier », amarina « osier ». Du latin amerina « osier  » un adjectif formé sur le nom de la ville Ameria (maintenant Amelia) en Ombrie,  à une centaine de km au nord de Rome.

Cela me laisse pantois, qu’un mot bien connu des Romains  et attesté chez Virgile, Pline etc.,  survit uniquement dans un grand domaine du sud-est du galloroman, de la basse vallée du Saône jusqu’à la mer.    Comment est-ce possible? .

Il est attesté en ancien occitan depuis 1204 et il y a de nombreuses attestations dans les parlers modernes. Le remplacement du -e- par -a- s’explique par l’influence du mot amarus « amer », parce que l’écorce des saules contient une substance amère utilisée comme fébrifuge depuis l’antiquité. Ceci  peut expliquer le maintien du mot, mais pas le fait que c’est seulement le cas en Gaule.

Il y a beaucoup de dérivés comme par ex. amarineto « petit brin d’osier », amarinà « assouplir, tordre; amadouer » etc. qui s’expliquent facilement. Pan amarinous  = pain ramolli1.

D’après Pouzolz, le saule s’appelle saouse (du latin salix)  dans le Gard, pourtant dans le Compoix de Valleraugue (1625) c’est amarinier.

          

Au pluriel  amarinos   a pris le sens de « verge, baguette ». En 1347 Jeanne I, reine des deux Siciles et comtesse de la Provence, a voulu régler le problème de la prostitution à  Avignon.  Elle a ordonné que les filles « fautives » soient enfermées dans un genre d’Eroscenter, appelé Bourdeou  et elles devaient  porter une aiguillette rouge sur l’épaule gauche.  (Nos gouvernants du XXIe siècle préfèrent punir les clients.) Au cas où on les trouvait en ville, elles étaient punies avec les amarinos …

Si le texte complet vous intéresse

___________________________________

  1. Bernard Giély,

Amarou 'marron'

Amarou s.m. « marron d’Inde » (Gard). Composé du préfixe a- + marron.

Marron est un dérivé d’une racine préromane marr- « pierre, caillou » . Voir ici marela.

Marron a été emprunté à l’italien avec l’introduction de cette variété de châtaignes au XVIe s. dans la région lyonnaise. Le mot amarou et le dér. amarouni « marronnier d’Inde »  est limité au Valais et Genevois en Suisse, la Hte Savoie les Htes Alpes et le Gard. Vous trouverez plus de renseignements sur châtaignes et marron en cliquant sur ce lien.

Le mot est peut-être formé avec amar « amer » comme dans le Gard et l’Hérault amarou(n)  » lathyrus alphaca, esp. de gesse  ou plus précisément  « sorte de gesse dont la semence mêlée avec le blé communique un goût amer au pain . » Quoi que, dans notre région, ce n’est pas le seul exemple où un a- précède la racine : p.ex. à Mende amouros d’aze « mûres de ronce »; agriotto « cerise griotte ».  Alès, Nîmes aroundze « ronce », aglan « gland » (Joblot).

Pour les autres sens donnés par Alibert dans son Dictionnaire, voir l’article amaroun

 

Amaroun dans le Dictionnaire d'Alibert

Amaroun, écrit aussi amaron a d’après le Dictionnaire occitan-français selon les parlers languedociens de Louis Alibert, IEO 2002 les significations suivantes:

1234.

5 6. 7.+8. 9

10

Comme je ne peux croire  que les Occitans confondent toutes ces plantes, j’ai vérifié dans le FEW et E.Rolland Flore Populaire.

  1. Camomille puante ( = anthemis cotula L. , la maroute en français; le type amaroun  est  attesté dans tout le domaine galloroman, RollandFlore 7, 31-32). Etymologie du français maroute   : bas latin amalocia  ou le bas latin  amalusta «camomille puante» (var. lat. médiév. amarusta, amarusca, sous l’infl. d’amarus «amer», la décoction de camomille ayant un goût amer; v. amarelle et amourette). (TLF qui suit le FEW). Les formes occitanes amaroun, amarou  etc. ont la même étymologie.
  2. Ibéride amère (= iberis amara  L;  une attestation dans RollandFlore 2,104 pour les environs d’Avignon, fourni par Palun (M.), Catal. des plantes du territoire d’Avignon, 1867.Une autre dans l’Aveyron amaróu.
  3. Mélilot officinal ( attesté pour le provençal _uniquement par Réguis, cité par RollandFlore, Réguis (M.), Nomenclat. franco-provençale des plantes (dans Mém. de l’Acad. des sciences d’Aix, t. XI, 1878).
  4. Gesse sans feuilles (= lathyrus aphaca L.  RollandFlore 4, 217, FEW XXIV,303b) attesté à Marseille, dans le Gard et l’Hérault. Palun, (M.), Catal. des plantes du territoire d’Avignon, 1867, écrit amarun frisa )
  5. Pois de senteur (= Lathyrus odoratus.) Les attestations sont les même que celles du n°4.
  6. Lotier hérissé ( Lotus hispidus Desf. ex DC (Telebotanica) amaron n’est attesté qu’à Nice d’après FEW XXIV,303b).
  7. Ornithope ne se trouve ni dans RollandFlore, ni dans le FEW, parce qu’ Ornithope est un autre nom de  « coronilla« . Voir le suivant.
  8. Queue de scorpion ( aucune attestation dans RollandFlore s.v.scorpiurus ,  mais dans le chapitre arthrolobium scorpioides amarun  est son nom dans le Gard (Pouzolz), l’Hérault, la Vaucluse et les Bouches-du-Rhone. A Montpellier elle s’appelle aussi amarèla.   Synonymes de anthrolobium scorpioides : Syn.: Coronilla scorpioides L, Ornithopus scorpioides L., Arthrolobium scorpioides (L.) DC., Ornithopodium scorpioides (L.) Scop., Astrolobium scorpioides (L.) DC D’après le site Telebotanica  amarum   est un nom secondaire ou régional de la « coronille queue de scorpion« . .dans le FEW ???. )
  9. Poivre d’eau ( = persicaria hydropiper (L.) Sprach, 1841. RollandFlore 9,191-194  s.v. polygonum persicaria cite Vayssier pour l’Aveyron amouróu  (mais il s’agit d’une erreur)  et omodou négré . Cette dernière vient de Carbonel (J.), Noms pat. des cantons d’Entraygues et de Mur-de-Barrez (dans Acad. de géographie botan., 1904
  10. Marron d’Inde (Aesculus_hippocastanum)  Amarou  et marron font t partie de la famille marr-;  marron  « fruit du marronnier  ou du marronnier d’Inde a été emprunté au XIVe siècle à l’Italien.Voir TLF qui suit le FEW). Le type amarou  se trouve dans les cantons de Vaud et de Genève, en languedocien dans le Gard seulement d’après Mistral et l’ALF.

 

Amatar s’-

Amatar s’-, v.r.  « se cacher derrière une touffe, se dissimuler, s’accroupir »  cf. mato « touffe, buisson ».