cat-right

Cabessaou "coussinet"

Cabessaou « tortillon, bourrelet, coussinet qui sert à porter un fardeau sur la tête ». Une image d’un cabessaou  par René Domergue (Montpezat).  L’étymologie est  capitium  qui en latin signifie « ouverture pour la tête dans une tunique ». Mistral donne les formes suivantes:

La forme la plus courante est cabessaou  avec un –e-.   

Il y a un autre groupe de mots qui y ressemble beaucoup, dont le verbe cabussar « plonger avec la tête  en avant ».  Ce verbe   et ses dérivés, qui sont très fréquents dans tout le domaine occitan, sont  classés par le FEW dans l’article caput « têtepour des raisons d’ordre phonétique.

Dans le Thesoc je trouve s.v. « tortillon » les formes cabessal, cabessala, cabelhada, capelada et capeluda  dans lesquelles il y a manifestement de l’influence du mot caput  et de ses nombreux dérivés.

Un visiteur originaire de la  Vaunage m’écrit:

Bonjour,
Je ne trouve nulle part le mot cabusaou ou cabusau.
Le cabusaou était confectionné avec un « sac à patates  » bourré de paille.
Il enserrait la tête et portait sur les épaules du porteur pendant les vendanges.
Il fallait bien sûr quelques coutures pour lui donner la bonne forme.
La comporte était posée dans un rang, le porteur (qui ne portait rien à ce moment là) ou les coupeurs vidaient les seaux dans la comporte. Une fois pleine, un vendangeur aidait le porteur à poser la comporte sur la tête du porteur (d’où le nom comporte, porter avec), ou plutôt sur le cabusaou. Le poids était donc réparti sur la tête et les épaules du porteur.
Double avantage par rapport à la hotte, on ne porte que quand c’est plein ou vide; on porte sur la tête et les épaules.
Ici, en Vaunage, 10 km à l’ouest de Nîmes.
J’ai été porteur en 1969, et le tombereau été encore tiré par un cheval.

N’ayant pas trouvé cabussaou  avec  ce sens dans l’Alibert, ni dans le Trésor de Mistral1, je me suis adressé à Gérard Jourdan, qui m’avait envoyé la description de la  Culture de la vigne ne Languedoc  au début du XXe siècle faite par son père. Il m’a donné la réponse détaillée que voici:

Bonjour Robert,
hé non ! ce terme de cabusaou n’est pas dans le vocabulaire de Montagnac ; chez moi, donc, les ustensiles de la vendange étaient les suivants :
un seau (d’environ 8 litres) rempli par le coupeur ( lou coupaïré),
le leveur de seaux récupérait le seau plein (lou farrat) et le vidait dans une comporte en bois (environ 100 litres) la semal dans laquelle lou quichaïré, avec lou quichadou, comprimait cette vendange.
Quand la semal était pleine, elle était soulevée par deux porteurs avec deux gros leviers : les sémaillés et transportés jusque sur la charrette équipée de ridelles en fer (vous avez un schéma de cette charrette dans le document de mon père).
Donc chez nous rien de ce cabusaou.

Mais j’ai quelques souvenirs qui s’apparentent un peu à cet objet.
Lors de vendanges dans la région de Lunel ( donc pas très loin  de la Vaunage), dans les années 1970, je me souviens d’avoir utilisé le seau comme chez moi mais on le vidait dans une comporte en zinc, plus petite que la nôtre, emportée vers le tombereau par un porteur qui la plaçait sur sa tête protégée par un tortillon de jute et de ficelle.
Je me demande d’ailleurs comment le porteur de la Vaunage portait une comporte même plus petite que la nôtre, ou alors c’était plutôt une hotte qu’il portait sur les épaules.

De la même façon, je me souviens d’avoir vu ma grand-mère espagnole ( native de la région de Murcie) transporter un cuvier plein de linge de sa maison au lavoir du village ( à Montagnac) sur la tête qu’elle protégeait avec le même tortillon que pour les vendanges.
Enfin, toujours à Montagnac, je me souviens d’avoir « badé » (regardé curieusement) l’ouvrier du fournisseur de charbons, François Carminati ( qui était un copain à mon père) en train de transporter des sacs de boulets de charbon (qui devaient faire au moins 50 kg) sur la tête et les épaules qu’il protégeait avec un sac de jute qui lui couvrait la tête et les épaules, mais je ne me souviens pas s’il était rempli de paille.

Grâce à la coopération de mes visiteurs, nous apprrenons que non seulement les formes variaient beaucoup, mais aussi l’utilisation du tortillon. La description de la vendange à Montagnac par Raymond Jourdan  est très instructive.

  1. J’avoue avoir mal cherché

Chelet "terrasse"

Un visiteur m’a demandé l’origine de   chelet  « terrasse », mot de l’Ardèche:

Bonjour!
Je suis natif de Serrières Ardèche et enfant mes grand-parents utilisaient le nom de « shellay » pour des terrasses utilisées anciennement pour la culture de vigne ou en utilisation en jardin . Avez-vous une origine à ce nom.

J’ai pu répondre:
Bonjour!
Voilà une information intéressante! Votre shellay, chelet ou chalè n’est attesté que dans le nord de l’Ardèche, avec exactement le sens que vous donnez.  Il y a quelques remarques à ce propos dans le site de Christian Lassure, mais pas l’origine et je ne l’ai pas encore trouvée. J’y travaille et je vous tiendrai au courant.
Robert Geuljans

Christian Lasure écrit:

CHELET/CHALET (m)

Ce terme est donné par Jean-François Blanc comme signifiant « terrasse de vigne » en Ardèche septentrionale, sur les coteaux de la rive droite du Rhône. S’agit-il d’une variante de cheyet (m) rencontré sur la rive opposée, dans le vignoble de Tain-l’Hermitage ? Lachiver ne connaît pas chelet mais donne au terme chalet le sens de « terrasse édifiée par l’homme sur les pentes ». Il donne par contre chey (f) (pl cheyes ou cheyx, à rattacher à l’étymon calj, « caillou »), censé désigner, dans le vignoble de Côte-Rôtie (rive droite du Rhône), une « murette destinée à soutenir les terrasses sur lesquelles on cultive la vigne ». Comme par ailleurs le même auteur donne la même localisation et la même définition pour murgeyes (f pl) (« murettes destinées à soutenir les terrasses », à rattacher à muricarium, « tas de pierres »), on est en droit de s’interroger.

Bonjour Merci de votre réponse je suis allé sur le site de Mr Lassure , Effectivement c’est bien l’image du paysage des « chelets » de Serrières . J’avais pensé à escalier mais le raccourci me paraît un peu facile.

Cordialement Laurent Cano

Une  étymologie possible est celle de l’occitan caladele latin callis « chemin » ou caljo- « pierre ». J’ai trouvé l’image de  chelets  à Saint -Désirat de Vernosc en Ardèche:


chelet nord del'Ardèche

Il y a en effet pas mal de cailloux.

Tartonraira "tartonraire"

Tartonraira « passerina tartonraira » (Marseille) Nom scientifique actuel : Thymelaea tartonraira subsp. tartonraira (Tela Botanica). Une modeste contribution au site Plantuse  dans le domaine des noms populaires de la flore,  est l’occasion de revoir mes articles sur les noms occitans des plantes.

La coordination avec Michel Chauvet, ethobotaniste (Plantuse) a donné la première attestation de tartonrare :  Pena et Lobel, Stirp. advers., 1570. voir page 160

Ci-dessous une photo de la tartonraire  prise à Marseille Marseille (13) le 14 avril 2010.
Un abonné à ma « Lettre de nouvelles » a eu la gentillesse de m’envoyer le lien vers le livre  téléchargeable de Ludovic Legré, La botanique en Provence au XVIe siècle. Louis Anguillara, Pierre Bellon, Charles de l’Ecluse, Antoine Constantin.  Marseille, 1901qui m’a permis de retrouver l’origine du nom botanique et populaire de la tartonraire. En le feuilletant je lis que l’ amateur-botaniste provençal Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (né le 1 déc. 1580) correspond régulièrement avec Charles de l’Escluse, appelé Clusius1 , qui enseigne à l’université de Leyde aux Pays Bas. Peiresc  lui envoie des colis avec des fleurs, feuilles, semences et racines de plantes de Provence, notamment de Marseille.  Les lettres de Peiresc témoignent du zèle avec lequel il s’efforça de donner la plus complète satisfaction aux desiderata du célèbre professeur de Leyde.

Voir en bas de cette page l’inventaire de la boîte que Peiresc à envoyée à Clusius.  Les lettres conservées à Leiden ont été numérisées. Une trouvaille.

En 1603 Clusius lui envoie son portrait et un exemplaire de son  Rariorum plantarum historia : Fungorum in Pannoniis observatorum brevia historia (1601),  et lui demande en même temps des graines de l’Astragale marseillais.

Charles de l'Escluse                                  

                        Clusius                                                       illustration extraite de Rariorum Plantarum Historia

Peiresc lui répond le 25 février 1604 :

En plus de l’astragale il lui envoie

une autre plus rare que les mariniers appellent tartonraire  et de  laquelle ils se servent  pour se purger d’autant qu’elle faict une merveilleuse opération tant par le haut que par le bas.

Dans le tome IX de RollandFlore, qui n’est pas numérisé hélas, il doit y avoir une attestation de 1570 du nom tartonraire.

L’étymologie  est d’après le FEW l’onomatopée trant- « balancer, vaciller ».  Voir aussi  l’article trantanelCette étymologie n’est pas 100% justifiée. C’est Mistral qui l’a suggérée à von Wartburg.  Un visiteur m’a signalé une correspondance entre Mistral et Ludovic Legré à propos de l’origine de tartonraire.  Cette correspondance que vous pouvez consulter ici contient les autres propositions plus ou moins fantaisistes qui ont été proposées depuis le XVIe siècle.

Il faudrait savoir ce que Peiresc veut dire exactement par « une merveilleuse opération tant par le haut que par le bas »  pour pouvoir expliquer le lien sémantique entre « vaciller » et l’effet  de la tartonraira  sur les mariniers marseillais. Michel Chauvet (Plantuse) m’explique « son sens est clair quand on lit Cazin : c’est un purgatif violent, qui purge par le haut et par le bas ! »

Voici les autres attestations de tartonraire  dans le volume des mots d’origine inconnue du FEW:

Vous constatez que le premier  lexicographe à le mentionner est l’Anglais Cotgrave, un excellent connaisseur de l’occitan.  Les autres dictionnaires l’ont simplement copié.

Le dernier est Pierre Larousse:

TARTONRAIRE s!’ in. (tar-ton-rè-re). Bot.
Nom Vulgaire d’un arbrisseau du ‘genre
dàphne.  On dit aussi TÀRTONAIRE.

 

 

 Le deuxième partie de cette fiche se trouve dans l’article aliboufier « styrax officinalis ».

_______________________________________________

 

  1. Un  article intéressant sur Clusius, médecin et botaniste, un des plus fameux du XVIe siècle,  dans Wikipedia

Bardot, nom de famille

Bardot,  nom de famille. Contrairement à la plupart des sites généalogiques, je pense que l’étymologie de Bardot  est barda  « petit mulet » qui a donné le dérivé bardot « mulet qui porte le muletier »  > « muletier ». Voir à la fin de mon article Bardotades et bardot.

Broumejà, broumet, broumegeur

Broumegeà « appâter ».   Le  broumet  est ce qu’on met dans le broumegeur.

Dans la CIGALE ET LA FOURMI façon provençale !!!  écrite par Caldi Richard.

 » En la broumégeant un peu je pourrai sans doute lui resquiller un fond de daube « .

D’après le Trésor de Mistral ( le t. 2, p.1155) le verbe  broumeja  signifie « jeter dans la mer l’appât dont on se sert pour attirer le poisson ». Le substantif   broumet  désigne:

L’étymologie est le  grec broma « appât, fessure en bouillie qu’on jette à la mer pour attirer le petit poisson ».  broumejà   est le verbe. Le   mot broumet  a été apporté directement par les Grecs à Marseille. Ce n’est pas une fantaisie  d’étymologistes, regardez:

Le sens s’est spécifié dans le milieu des pêcheurs, pour ensuite se généraliser totalement dans le verbe broumejà.

Un pêcheur de Marseille écrit: « je viens de me fabriquer un broumegeur ( cage en grillage que je compte lester sur le fond remplie de sardines broyées ). »  Un   broumégeur  pro contient jusqu’à 1,5 kg de broumé.  À immerger sous le bateau pour pêcher la bonite, juste au dessus du fond pour pêcher les sparidés.

Un pêcheur de Narbonne l’appelle   broumegeur ou  BROUMEUR,   BROOMER. Cette dernière graphie a subi l’influencé du  grec ou de l’anglais broom « balai ».

En galloroman, cette petite famille de mots qui semble être bien vivante, n’est attestée qu’en provençal, mais le pêcheur narbonnais le connaît aussi. Je n’ai pas de renseignements sur la côte ligure en Italie…

Un collègue catalan, auteur du site Petit és Polit a trouvé le mot dans un nouveau dictionnaire du Nord catalan et il s’est rappelé de mon article qui date de 2010. Il a écrit:

Seguint amb la lletra ‘B’, una petita observació però: a l´entrada ‘Bromeig‘  se´ns ofereix aquesta traducció al català de la resta del territori: ous de peix servint d´esquer

amb la qual cosa sembla donar-se a entendre que es tracta d´un mot exclusiu del nord.

En realitat pel que sabem la paraula és ben present una mica arreu, per exemple a les Balears. El diccionari Alcover la registra amb tota normalitat i nosaltres l´hem sentida en boca de pescadors de la costa de Tarragona.

De les dues variants del terme, Bromeig i Grumeig, la primera és la que va arribar als dialectes lígurs des del provençal:

Bromes, Brümezzu  esca pei pesci. (Carlo Randaccio. Dell´idioma e della letteratura genovese 1894)

segons Alibert provindria del grec βρῶμα  ‘aliment’.

A la web Cumpagniadiventimigliusi trobem la mateixa etimologia:
greco: BROMA “immondizia” > brüma  “fanghiglia di origine organica”.(..)
Modalità di pesca (..)  greco: BROMA “cibo” + IZO – IDIARE > brümézu – brümezà  “gettare esca in mare”

Degut a l´existència de l´altra variant, però, l´explicació etimològica més habitual fa derivar el mot de ‘grum’ (del llatí grūmu, emparentat amb, per exemple, l´anglès crumb)

 

Drouya "bardane"

Drouya « bardane, herbe aux teigneux, oreille de géant ».  Rolland FloreVII, 131 a relevé une attestation occitane:

(E.Edmont est l’enquêteur de l’Atlas linguistique de la France ALF).

Pour des images de la bardane voir l’article lampourde.

Etymologie : le FEW propose avec beaucoup d’hésitation:  gaulois dravoca   « ray-grass; ivraie »,  qu’on retrouve en  breton draok. Dravoca  est attesté  dans un Glossaire latin du Xe siècle1.  Il est peut-être à l’origine de  dravière (TLF) et dragée « mélange de diverses graines »(TLF). Il n’y a que quelques rares attestations  en  occitan, dans les Alpes-Maritimes drouya,  et la Drôme draouvyo (ALF112) , d’autres en franco-provençal, Rolland Flore VII, 137..

Voir à propos de l’étymon dravoca   probablement d’origine celtique, l’article  de Joachim Grezega,  Romanica Gallica Cisalpina. Studien zu den oberitalienische-rätoromanische Keltizismen.  Zeitschrift Beiheft Band 311. Tübingen, 2001, p.162 dravoca < drabuka gall.?  qui n’ajoute rien à l’article du FEW;   dans le Glossaire des Patois de la Suisse Romande il y a l’article dravase.

___________________________________

  1. dravière se rattache prob. au b. lat. dravoca (xes. CGL t. 3, 592, 30), mot gaulois Pokorny, p. 209

Galampian "gamin coquin"

Galampian « gamin coquin, qui fait des bêtises » . Google trouve plusieurs attestations dont une qui vient du Nimes journal, ( Furet Nimois et Nimois réunis)  de 1902, (E-corpus). La page du journal est difficilement lisible . Le titre :  La vie comique. Souvenir de Barnum.  

« Tout à coup est-ce qu’un grand galampian ne s’écrie-t-il pas … « 

Le même sens chez Lhubac pour le « francitan » à Gignac : « Tu en as quelques-uns dans le village, ce sont de drôles de galampians! ». Alibert ne connaît pas cette forme, mais il cite le verbe  galapiar « manger ou boire goulument » et les dérivés galapian  « goinfre », glapiana, glapianas  « gros goinfre ».

Parmi  les variantes régionales dans le Trésor de Mistral, qui ne veut pas uniformiser les parlers occitans ,  connaît la forme avec un -m-  pour le languedocien:

Le TLF écrit à propos du français  galoupiat:

Dans les patois, galapiat présente de nombreuses var. phonét. concernant aussi bien la voyelle du rad. de laper (on a indifféremment -i-/-a-/-(o)u-; cf. FEW t. 17, p. 478a) que le suff. -iat, à côté de -iau(d), -in; ibid. Ces flottements qui s’expliquent dans la grande majorité des cas par un croisement de galapiat avec un terme de sens voisin (cf. l’ang. galopias et le niçois galapin qui ont tous deux subi l’infl. de galopin) avaient amené Dauzat à voir dans galapiat une altération du prov. mod. galapian, empr. déformé de galopin*.

Le mot patois dans le commentaire du TLF a provoqué la colère de Florian Vernet:

Les patois ? Quels patois ? Le TLF pourrait être « politiquement » (et hypocritement) correct tout de même ! DAUZAT a sans doute raison. En effet la prononciation de Galapian diffère selon que le locuteur est provençal (« n » nasalisé) ou languedocien (« n » » effacé) ».

Il reproche aux chercheurs français de ne pas avoir dépouillé les documents occitans, mais il fallait adresser ce reproche plutôt aux chercheurs occitans. Le  Dictionnaire de l’Occitan médiéval  par exemple se fait à Munich, l’auteur des  Dictionnaires onomasiologiques de l’ancien gascon et de l’ancien occitan   (DAG et DAO) s’appelle  Kurt Baldinger, les parlers occitans du Piemont sont bien présentés dans Vivaldi, élaboré à Berlin,  mais rien dans le Thesoc qui d’ailleurs n’avance plus du tout…..

M. Vernet a oublié de consulter la source du TLF, à savoir le FEW. Il aurait constaté que les formes sans -n final se trouvent un peu partout dans le Nord de la France, par exemple à Givet  galapiat  « individu sans vergogne », à Verdun galipia « rodeur, qui ne travaille pas » et les formes avec  -n final   galapian en Normandie,  à Bayeux, dans le Jura, etc .

Etymologie.

Le FEW réunit une infinité de dérivés dans l’article wala  « bon, bien »  (XVII, 473-484) mot d’origine francique, dont galapiat, galapias, galapian  et les autres formes donnés par Mistral. Il suppose une influence du verbe  laper ou de galoper (de l’ancien francique  *wala hlaupan)  pour le suffixe.

 

Fobèlo "fabagelle"

Fobèlo s.f. « fabago »  aussi  appelée fagabelle,  le zygophyllum fabago (L.) d’après Rolland Flore IV, 253 1.

Le nom scientifique  fabago a été créé par les botanistes et introduit en français au XVIIe siècle. la première attestation  se trouve chez Cotgrave,1611 qui l’appelle fabagine, plus tard  elle devient fabago et fabagelle(=Telebotanica). 

Il semble que les boutons peuvent être utilisés comme des câpres, après les avoir nettoyés dans de la saumure. (Sans garantie!!!!)

L’étymologie est le latin faba« fève » parce que son fruit ressemble à une fève. La formation fobélo  de la Lozère a été faite sur place.

fabèlo

La raison de cet article est de montrer une fois de plus l’énorme travail qui a été fait par les chercheurs-amateurs au XIXe siècle, dont Eugène Rolland. L’abréviation r.p. signifie:

Il y  a des milliers de r.p. dans sa Flore comme dans sa Faune. Tout cela serait pratiquement perdu sans lui.

 

  1. texte à toiletter

Garou "sainbois"

Garou  synonyme de sain(t)bois, bois gentil, daphne gnidium1.

Etymologie d’après FEW suivi du TLF:

Mot empr. du prov., cf. Nice garoupa bot. (FEW t. 14, p. 169), Nice garoup bot. (Risso ds Roll., loc. cit.), garou bot. (Mistral), et qui est entré dans le fr. général lors de la diffusion des noms de plantes du maquis. Garoupa est formé du préf. préindo-européen *war- et du suff. préroman -uppa (cf. ang. jaroupe bot., issu du m. lat. garropa, jaroppa, xie s. ds Orbis t. 4, p. 220). Pour garou, il faut sans doute supposer une forme préromane warúbo- ou warōbo-, ce qui fait difficulté, car il n’existe pas d’autres noms de plantes de formation analogue, v. FEW t. 14, p. 170a-171a.

Hubschmied écrit dans le FEW XIV, 170 :

Que le français  garou  a été emprunté à l’occitan, ne ressort pas seulement des attestations anciennes qui viennent principalement du Midi, mais aussi du fait que les plantes désignées par les représentants de la racine *war- sont caractéristiques des maquis.

Garou  et les dérivés de la racine *war-   désignent d’après les  données du FEW :  le daphne gnidium, le cucurum tricocon2 (?), une euphorbe, le daphne laureola, le veratrum album  (Véraire , Ellébore blanc , Varaire  en français),  la  gentiane jaune, le rhododedron,  une plante grimpante non identifiée.

Pour enjoliver un peu cet article, je vous les présente:

                         Daphne laureola                     Cneorum tricoccon               gentiane jaune              véraire              daphne gnidium

Si la phytothérapie vous intéresse, cherchez la:

Pommade de garou Elle est composée d axonge de porc préparée 3 20 parties cire 32 parties écorce de garou préparée 1 28 parties3

_________________________________________

  1. Vous trouvez une description dans le Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes : avec un atlas de 200 planches lithographiées (3e édition, revue et augmentée par le docteur Henri Cazin,…)  par F.-J. Cazin, pages 365-366

    ou tout le chapitre sur les daphnes  dans Plantuse

  2. probablement le n° de ma source:  4o63 Camélée à trois coques Cneorum tricoccon Cneorum tricoccon Linn spec 49 Lam Illstr t 27 Chamelaea tricocon Lam Fl. fr. p. 682 – Cam. Epît. 973 ic .
  3. Manuel Des Pharmaciens Et Des Droguistes, Ou Trait Des Caractères Distinctifs, Des Altérations Et Sophistications Des Médicamens Simples Et Composés, |…, Volume 2 page 566  par J.B. Kapeler, Caventoun Ebermaier.

Marrane ‘maladie des ovins’

Marrano,  « maladie (du charbon?) des ovins ».

Dans le Cartulaire de Mirepoix, que j’ai découvert grâce à la  dormeuse, il y a une Charte de la boucherie de 1303, dans laquelle est écrit: « Videlicet quod nullus carnificum ville predicte audeat vendre in dicto macello publico oves marranos.« : Il va de soi que nul boucher de la ville susdite n’osera vendre sur les dits étals publics des brebis marranes (atteintes du charbon?). L’éditeur de la charte traduit marranos par « languissants, étiolés » d’après le sens du mot donné par Mistral.

Cliquez sur le texte de Félix Pasquier, Cartulaire de Mirepoix, tome II, p.p. 42-46, Editions Privat, Toulouse, 1921.    

Cette découverte  dans un texte de 1303 a chamboulé la conception qu’on avait de l’histoire des mots rattachés à l’étymon arabe mahram « sacré, inaccessible » Il est devenu impossible de rattacher marrane « maladie  » à marrane « Juif converti » comme l’a fait le FEW en l’expliquant comme un transfert du mot marrane sur une longue maladie. Au moment de la rédaction de l’article  mahram,  la première attestation de marrane avec le sens « maladie épidémique »  datait  de 1650, et  marrane  « Juif converti »  du XIIIe siècle.

Borel 1750

    Mistral

Marrana « maladie chronique ». De Nice jusqu’en Béarn: marrana a pris le sens d’une maladie chronique : à Alès « espèce de phtisie des brebis; dépérissement des muriers », à Béziers, encore plus général marrano « épidémie », St-André « typhus », et languedocien marano s.f. « mite de fromage: le plus petit des insectes qui sont sensibles à la vue simple. On tue les mites du fromage avec de l’huile »(Sauvages1756). S’agit-il d’une « maladie » du fromage?. Alibert donne une autre forme avec un seul –r-: marane « maladie des bêtes à laine; marasme; épidémie; épizotie; clavelée; jaunisse des plantes; mite du fromage (copié de Sauvages ?). L’attestation donnée par le FEW pour le français marrane « maladie de langueur » dans Borel 1655 (p.514) a certainement un rapport avec le languedocien, dont il était un bon connaisseur, étant né à Castres.

Un visiteur me signale: « Dans l’Hérault, autour de Pézénas, Roujan, Neffiès, etc. le mot marrane, peut désigner le « mildiou de la vigne ». J’ai relevé l’expression « ai la marrana » qui peut se traduire, selon les circonstances par : « je couve la grippe », « je ne me sens pas d’attaque », ou encore « j’ai le cafard ».

Mai 2018  je reçois une nouvelle attestation de marrano  « maladie de la vigne »de lAude:

En cherchant « miquelet », je lis l’entrée « marrano », ce qui me transporte vers cette remarque de mon père concernant une chanson sur les maladies de la vigne : « « La cochylis és uno bèstio, un parpalhol, és uno garço que nous escano, chuco broutinhos, chuco rasins, chuco sulfato, chuco ço bou, e chuco tut, mè chuco pas la marrano, que nous esca-a-no ! ». (marrano peut-être dans le sens d’épidémie comme à Béziers… mais l’Aude, contrairement au Rhône n’a-t-il pas été une frontière linguistique intra-languedocienne ?

Attestations et attributions nouvelles.
  • Oves marranos par »maladie du charbon des ovins » ( charbon > noir, anthrax). Il est évident qu’il s’agit dans ce texte d’une maladie dangereuse pour les consommateurs, mais la traduction « du charbon » est basée sur le Trésor de Mistral.
  • Dans le DMF je trouve un autre mot : morille « Maladie (chez l’homme et l’animal) : » sorte de dysenterie provoquant de violentes coliques et pouvant entrainer la mort; cadavre », comme dérivé de Maurus « maure, noir » mais le FEW remarque qu’il faut le classer peut-être sous mori « mourir », comme le mot morine « maladie mortelle, épidémie, mort ».
  • J.-P. Chambon(1) est d’avis que le mot  morrono f. « dépérissement, langueur » attesté à Sévérac dans l’Aveyron, classé par le FEW s.v. mori et moráno « malchance » à Chavanat (Creuse), classé par le  FEW s.v. annus font partie des descendants de *mahram, parce que -a- prétonique >-o- est régulier dans ces deux endroits. Cette note est également à revoir suite à la découverte des oves marranos à Mirepoix.
  • Barcelonette marran « bouton recouvert de croûtes » et marrane s.m. « aspérités rondes qui recouvrent certaines ardoises » sont classés sous *mahram, mais le dauphinois marãn « pustule maligne », Queyras marant « plaie, ulcère », Barcelonette malan « idem; croute sur la tête des enfants »  dans l’article malandria « plaie, ulcère »(FEW VI/1,81a) en supposant une évolution malandria > *malandrum > maland, malan(t).  Il faudra au moins réunir les deux.
  • Marran « dur au travail ». Le FEW et Alibert rattachent à l’étymon mahram les sens « travailler dur », comme à Cahors morráno « ardent au travail », Saintonge maraner « travailler, peiner, frapper avec force; se fatiguer beaucoup »; marran « dur au travail » et marranar « travailler avec peine, avec vigueur ».  D’autre part dans l’article marra « houe de vigneron; sarcloir; grosse pioche » (FEW VI/1, 376b) je trouve marâ « piocher, avec la marre, travailler péniblement » (Forez), et en occitan, du Dauphiné jusque dans le Gers le même verbe marra(r) « houer, piocher, accomplir un travail dur », et dans le Cahors moronà avec le même sens. Le substantif marreneur « ouvrier qui laboure avec la marre » paraît même dans le dictionnaire de l’Académie de 1840. D’autres mots dans le DMF sous le lemme marreneur. Tous ces mots sont  à classer sous marra « houe de vigneron ».
  • Le mot de l’Aveyron marrána « vache difficle à traire » et d marran « se dit des bêtes et de gens qui, malgré la bonne nourriture ne peuvent engraisser » (Vienne) dans l’article *mahram sont à classer sous marr- « bélier », avec une douzaine de dérivés avec les sens : « entêté, borné, pousser de grands cris; plainte; paillard, débauché, etc », béarnais marranè, -re adj. « qui a mauvais caractère, bourru, bougon, opiniatre », subst. « opiniatreté ». ainsi que le verbe gascon marruná « grogner; au fig. ronchonner, récriminer » attesté dans l’Atlas linguistique de la Gascogne.

Pour le moment il convient de classer marranos « maladie des ovins » et toutes les variantes sémantiques, dans les volumes des Mots d’Origine Inconnue. Il faudrait avoir plus de renseignements sur le sens exact de marranus. De quelle maladie s’agit-il et quels sont ses symptomes? S’il s’agit à l’origine de la « maladie du charbon » (une maladie ovine très répandue en Languedoc) on pourrait penser à maurus « noir », puisque « L’infection cutanée [du charbon] est caractérisée par l’apparition de bosses prurigineuses semblables à des morsures d’insecte, suivie d’une ulcération et de la formation d’une escarre noire indolore. » (Source).

Une dernière étymologie, que je viens de trouver est le grec μαραινω qui  pourrait convenir du point de vue phonétique et surtout sémantique: