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Vedigana

Vedigana,  bedigano s.f. »vigne sauvage » (Toulouse, repris par Alibert)  dérivé du latin vitex « sorte de saule, agnus castus ».

Vitex a abouti à veze, vedze, vige « osier » et se trouve partout en occitan  excepté le gascon. Cf. l’article  vige.   L’agnus castus est aussi appelé pèbre. Voir ce mot.

Le transfert   « saule » > »osier  » se comprend parce que les tiges des deux plantes sont très flexibles et servent aux mêmes techniques. La bedigano est souvent utilisée pour lier les vignes, de là le sens « vigne sauvage ». Languedocien bedisso « scion d’osier » appartient à la même famille vitex.  Voir aussi lambrusquiero

La vedigano se trouve dans les segonnaux (morceaux de terre potentiellement exploitable compris entre un fleuve et ses digues)  du Rhône, et elles y atteignent une longeur démésurée.  Dans les temps anciens, spécialement en Camargue la « vedigano de lambrusco » ou lambrusquiero de vedigan  seule était tolérée dans les embarrages pour frapper les taureaux, car elles sont plus souples que les bâtons ordinaires. (Povéda, Le parler camarguais).

Roumanille a écrit un conte : La vedigano – La verge d’osier. Que vous pouvez lire en cliquant sur ce lien.

 

Nous voyons ici l’intérêt de l’ethnobotanique. Les noms des plantes et leur classification réfèrent à d’autres critères que la botanique scientifique.  Saule, agnus castus et vigne sauvage font des bâtons flexibles: vedigano.

Vige

Vige « rameau, pousse, scion d’osier » (Alibert), mais d’après les données du FEW c’est un des noms de l’osier dans tout le domaine occitan, excepté le gascon.

L’étymologie est le latin vitix, viticem « gatillier ». Le gatillier  servait e.a. à lier des vignes, de là le sens  « osier ».

gat(t)illier

Les formes avec –e- se trouvent à l’Est du Rhône, par exemple Champsaur vese « osier blanc »et en piémontais. A l’Ouest du Rhône c’est vidze, vije, s.f., probablement sous l’influence de vitis « cep de vigne ». Dérivé : vigieiro « oseraie ». En Corrèze vige a pris le sens de « lien du fagot » (Thesoc).

Vèze, Le Vèze existe également comme toponyme.

L’abbé de Sauvages nous fournit un composé : entrevîjhë « viorne, plante rampante à larges feuilles ». D’après le Thesoc entrevidze est le nom d’une clématite, la « clematis flammula » à Quissac (Gard) et à Gallargues (Hérault).  Le nom de cette plante varie énormément. Pour le Gard le Thesoc donne 6 noms différents pour le clematis vitalba, dont redorta.  Ce même nom redorta  (du latin  rĕtŏrtus  « tordu ») est  très répandu pour désigner le « lien du fagot ».(FEW X,337) Cf aussi Thesoc s.v. lien du fagot.

Dans le même article il parle de la viorne à feuille étroite, appelée aussi l’herbe aux gueux, qui a un goût piquant et caustique.

Les Cévenols sont dans l’usage de froter avec l’herbe aux gueux les petits fromages appellés peraldons (sic!) qu’on ménage par là beaucoup plus à cause du goût piquant que cette herbe leur donne.

herbe aux gueux

On le nomme péraudou, pélardou ou pélardon. Il a, quand on le déguste, le parfum poivré de la terre du Languedoc-Roussillon. Le maquis méditerranéen donne au pélardon des saveurs de miel, de noisette et de fleurs. Non loin de là, à l’origine des accords gustatifs de ce délicieux fromage, poussent, des Cévennes aux Hautes-Corbières, chênes, genêts, bruyère et herbes aromatiques.

Fabriqué selon des méthodes traditionnelles, ce petit fromage à pâte molle d’environ 60g est exclusivement fabriqué à partir de lait cru de chèvre et de caillé lactique. Il fait partie des 12 fromages français caprins à bénéficier d’une AOC (AOP). Source qui ne dit rien sur l’herbe aux gueux ….

 

Oustal

Oustal « maison; logis » de l’adjectif latin hospitalis « hospitalier, affable », dérivé du substantif hospes « celui qui protège les étrangers ». Déjà en latin hospitalis était devenu substantif avec le sens « logis, chambre », plus spécialement la chambre destinée aux étrangers, aux pèlerins, la chambre d’amis. En latin panem et hospitalem dare  signifie « donner le pain et le logis ». Ce sens s’est conservé en français et en occitan jusqu’au XVe siècle. En anglais youth hostal « auberge de jeunesse ».  En occitan a l’oustau « au logis, chez soi », et le verbe ostalar « loger quelqu’un ». Depuis le XVe siècle le sens d’ oustau  s’est élargi à la notion « maison » en occitan et en franco-provençal, ainsi que dans le département d’Ile et Vilaine, tandis que dans le domaine d’oïl c’est le mot maison qui domine. Dans une partie du franco-provençal outa prend le sens de « cuisine », parce que c’est la pièce où l’on vit, les chambres sont considérées comme des dépendances. Dans la langue d’oïl l’hostel devient à partir du XVe siècle un « logis pour des étrangers  » à partir du sens « logis pour les pèlerins » un bâtiment annexe des cloîtres. Mais en occitan cette évolution n’a pas pu se produire parce que l’oustau était le chez-soi. Les autres significations du mot hôtel en français, comme « maison seigneuriale »  > hôtel de ville, hôtel de la police et même l’hôtel des impôts etc. sont limitées à la langue d’oïl.

En 2008 le thème de la journée LES PARLERS DU GARD organisée par Li Gènt dóu Bufaloun à Manduel était « L’Oustau« . En suivant ce lien, vous trouverez une vingtaine de textes à ce propos.

Dérivé: oustalet (m) : diminutif de ostal, « maison », ce terme désigne la « cabane en pierre sèche » dans les Cévennes gardoises et dans l’Hérault à Saint-Jean-de-Buège. (Lassure).  A Mirepoix  dans l’Ariège  les houstalets  sont des petites maisons. Notez l’influence de l’orthographe du français.

En provençal : l’oustalièro est la « maitresse de maison ».

la Mairie ( et non pas l’Oustau) de Manduel

Vedel, vedeou

Vedel « veau » est la forme régulière du latin vitellum « veau » en occitan. Pour les variantes voir le Thesoc.   Ici c’est le sens qui m’intéresse.

Un visiteur me signale : à Adissan les expressions « fa lo vedèl » ou « va vedelar« , se disent  à propos d’un mur de soutènement qui prenait « du ventre ». Cet emploi du mot vedel, vedeou en provençal est attesté en franco-provençal du Vaud (Suisse) en provençal et en languedocien jusqu’à St-Affrique. Pour l’abbé de Sauvages (S1), il s’agit spécialement d’un éboulement d’un mur de terrasse ou de la brèche qui s’y est faite d’elle-même.

Est-ce un hasard qu’on retrouve la même image « veau » en anglais calf  « veau » mais aussi « Un gros morceau de glace flottante, scission d’un glacier ou d’un iceberg » (depuis 1812) ? D’après Harper l’origine du mot calf est une racine indo-européenne *gel- >*gelb(h)- qui signifie « gonfler » et de là sont nés les sens « l’utérus, le fœtus, les jeunes d’un animal. ». Néerlandais afkalven « se dit du terrain que la mer ou une rivière affouille », vient d’après le NEW de la même racine que le mot kalf « veau ». Le nouveau EWN donne une autre origine, mais les attestations de l’occitan et de l’anglais  rendent l’étymologie  kalf, calf   bien plus probable. En languedocien   un « éboulis de terre » s’appelle aussi sáoumo de téro d’après l’abbé de Sauvages. Voir l’article  sauma. Cet emploi peut venir de l’image d’un mulet chargé de sacoches pleines.

Il s’agit d’une différence de point de vue.  Une paroi qui s’afaisse  se gonfle vue de l’extérieur, mais se creuse vue de l’intérieur.

Cette histoire fait partie de mes Contributions à une nouvelle approche. inspirées par Jean-Philippe DALBERA Des dialectes au langage. Une archéologie du sens (Linguistique française, 13). – Paris : Champion, 2006.

Ci-dessous le parement extérieur de la cabane fait ventre,  vedel et s’éboule en raison du manque de boutisses susceptibles de l’ancrer dans la maçonnerie ou parce que le blocage intérieur, empilé à la va-vite, se tasse et agit comme un coin. Voir le site incontournable Pierreseche.com. 

   

vedel, vedèou                                                                                             calf

Un bon exemple ci-dessous : la rivière « gonfle », mais le terrain se « creuse »:

néerlandais afkalven  

Le dictionnaire étymologique de l’anglais par Douglas Harper écrit:

calve (v.)
Old English cealfian, from cealf « calf » (see calf (n.1)). Of icebergs, 1837.
calf (n.1)
« young cow, » Old English cealf (Anglian cælf) « young cow, » from Proto-Germanic *kalbam (cognates: Middle Dutch calf, Old Norse kalfr, German Kalb, Gothic kalbo), perhaps from PIE *gelb(h)-, from root *gel- « to swell, » hence, « womb, fetus, young of an animal. » Elliptical sense of « leather made from the skin of a calf » is from 1727. Used of icebergs that break off from glaciers from 1818.

Varaire

Varaire s.m. « (h)ellébore ». Attesté en occitan depuis le XIIIe siècle. Varaire  vient directement du  latin veratrum « hellébore ».  Avec une transformation régulière varaire devient boraire en Aveyron.  A Alès est attesté le verbe envarairá « empoisonner avec de l’hellébore.

Il est conservé en occitan et en franco-provençal, comme en italien: veladro. Par contre en catalan baladre désigne le « laurier rose ». L’ellébore le plus connue est l’ellebore fétide, qui s’appelle aussi pied de Griffon, rose de serpent, patte d’ours, mords-cheval, herbe printanière, favalau, ...(Wikipedia).

L’ellébore était considérée comme un remède universel contre la folie,  dès l’Antiquité. Plus ici.

  

ellebore                                                              ellebore fétide

D’autres noms occitans de l’hellébore dans Rolland , Flore populaire…  Vous y trouverez aussi 2 pages avec les « Usages » et « Folklore » comme par exemple celui-ci pour le Gard:

Un ouvrage indispensable pour celui qui s’intéresse à la botanique et aux parlers galloromans et d’ailleurs. Rolland fait partie des géants de la fin du XIXe siècle. Pour le type veratrum il a relevé :

Pour  le Gard il mentionne aussi:

 

      

Baniège

baniège « verveux, nasse en fil » voir l’article vanetge

Vanetge, baniège

Vanetge, baniège « verveux, nasse en fil ». Un verveux est un « Filet de pêche aménagé en nasse, utilisé dans les cours d’eau, de forme conique, monté sur des cercles d’osier, et que l’on tend sur le fond, l’ouverture vers l’amont. » (TLF).

Dans le latin utilisé en Gaule du VIIe au Xe siècle, le mot venna signifiait « treillage ou palissade servant à arrêter et à prendre les poissons ». Ce sens semble survivre en ancien languedocien vannegé, baniéga « nasse de pêcheur », occitan bagnecho (Tarn) , banège (Corrèze) et dans les dép. de la Dordogne et du Lot : banhège, banhèja (Thesoc).

Le seul problème que cette étymologie pose est le fait que le mot français vanne, en occitan vano ou bano  « vanne, écluse » est attesté au moins un siècle avant le dérivé vaniega « nasse ». D’après le TLF il faut supposer deux branches qui sortent du même tronc venna.  (TLF)

Vallat, valat

Vallat, valat s.m.  « ravin, fossé; tranchée pour défricher un champ (S); vallée ».  Ce dernier sens est dû à l’influence du français. Grâce au moteur de recherches interne je peux savoir ce que les visiteurs ont cherché dans mon site : 9 fois le mot vallat cette semaine. Alors je m’y mets.

La latin avait deux mots  vallis  s.f. « vallée » et vallum s.n. « palissade, parapet, rempart ». Ce dernier existe toujours en italien et espagnol vallo ‘rempart’.  En Gaule ces deux mots sont assez tôt devenus identiques dans la langue parlée. Vallis et vallum ont  abouti à val en galloroman, et cette forme s’est maintenue surtout dans les noms de lieu.  Il faudra pour chaque toponyme vérifier s’il s’agit d’un rempart ou d’une vallée.

Dans le sens « vallée » il est remplacé par vall- + ata > vallée en français , valada en occitan. Cf. anglais wall « rempart », cf. Wall street,  (< vallum),  et  vale  « vallée »  de l’ancien français val  « vallée » et valley, néerlandais wal « rempart », et  vallei « vallée »; le quartier rouge d’Amsterdam s’appelle « de Walletjes » littéralement « les petits remparts », allemand der Wall « rempart ».

   Walletjes Amsterdam

Des remparts  à New York et à Amsterdam

Vallat est un autre dérivé, avec le suffixe –attu  de vallum qui signifie « fossé » depuis les plus anciens textes en occitan  comme dans les parlers modernes : ‘fossé, ruisseau, rigole, ravine’ . La forme gasconne barat ‘fossé’ a même servi de modèle au français baradine « fossé établi sur une colline pour donner de l’écoulement aux eaux », mais ce mot a disparu du français actuel d’après le TLF.

Pour l’abbé de Sauvages un valat est un ‘ruisseau’ ou un ‘ravin’ lorsque c’est une ravine qui l’a creusé. Un valà-ratié est « une pierrée , une longue tranchée qu’on remplit de blocaille de cailloutage & qu’on recouvre de terre … pour les conduire à une fontaine: dans ce dernier cas les pierrées doivent être sur un lit de glaise ou de tuf ou de rocher ». Vous voyez que l’abbé essaie d’instruire ses lecteurs, comme j’ai expliqué dans le paragraphe que je lui ai consacré!

Raymond Jourdan, le père d’un fidèle visiteur, a fait une description détaillée la culture de la vigne en Languedoc dans la période entre les deux guerres.  Il utilise le vocabulaire occitan, tel qu’on le parlait à l’époque à Montagnac (Hérault).  Son fils a eu la gentillesse de me faire parvenir ce texte illustré de dessins à main levée.  J’en ai appris énormément de choses sur la viticulture.  La description commence avec le défoncement lo rompre  et se termine  avec l’entonnaire qui s’occupait de la retiraison  pour le négociant. Son lexique  avec une orthographe « normalisé » est consultable ici MontagnacViitiiculture. Ci-dessous je copie la graphie de l’auteur Raymond Jourdan de Montagnac.

Dans le deuxième chapitre  « La préparation à la plantation » il écrit:

Lors du défoncement les hommes suivent la charrue et retirent racines et cailloux qu’ils entassent. Après les racines sont brûlées et les cailloux utilisés pour faire des drainages : ballat ratier (fossé à rats) dont l’ouverture donne sur un fossé ou un ruisseau et qui comporte parfois plusieurs branches pour mieux drainer la parcelle.

En bout de branche est installé un biradou,  endroit où le ballat-ratier débute et où l’animal qui s’y refuge, lapin, counil, rat, serpent (ser), martre, putois (peudis), belette, (moustellepeut se retourner pour ressortir et dans le cas du lapin échapper au furet (foude )  et venir en sortant s’emmêler dans la bourse (panténo) que le chasseur a placée.

En plus il y a un dessin:

Valat est aussi devenu nom propre. Un visiteur m’écrit : « ma grand mère maternelle de mon père était née Valat, mariée à un M. Nicolas, on l’appelait Marie de Valado (féminin de Valat).

Il y a aussi le nom propre Val.

Vaciwo, basiwo

Vaciwo, basiwo « ovin de deux ans » (Thesoc, dans le Sd-Ouest) vient du latin vaciva « vide inoccupée, libre (au propre et au fig.) ». En parlant des animaux cela veut dire « une femelle qui n’est pas pleine ». Voir aussi l’article anoublo.

Le mot a été emprunté par le français. (TLFvacive « ovin d’un an »). 

Vabor, babou

Vabor, babou « chaleur humide et étouffante, temps orageux ». La forme vabor donnée par Alibert ne se retrouve dans aucun autre dictionnaire occitan. Toutes les autres sources donnent une forme avec b- initial: Cahors bobour « chaleur excessive », Cévennes babou « vapeur » (M).

L’abbé de Sauvages explique qu’une boubourado est une vapeur chaude et étouffante qui sort d’un endroit renfermé .. qui est occasionnée par un temps couvert et orageux. La boubourado ou touffo est mortelle pour les vers-à-soie. Français touffe1. Ci-dessous une description de l‘aoûra-roussa et de la touffo tirée du livre du médecin  Rouger F.A. Topographie statistique du canton du Vigan. Montpellier 1819 :

Etymologie: latin vapor, vaporem bien sûr comme français vapeur (qui est un emprunt au latin), mais avec cette différence qu’une partie de l’occitan et le catalan (bubó) sont les seules langues romanes où le mot n’a pas subi de transformations sous l’influence d’autres mots.
Dans une partie de l’occitan le b- initial a été remplacé par un g-, gabou ou gabour « air étouffant » (Toulouse; Montauban) et à Castres une forme avec insertion d’un -m- : gamboul.

Toutes les formes  avec un -p- comme languedocien vapour, sont des emprunts au latin plus ou moins anciens.Cf. fr. vapeur.

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  1. Du prov. toufo, mêmes sens (v. Mistral), a. prov. estofar « étouffer, suffoquer » (xves. ds Levy Prov.), empr. à l’a. fr. estoffer (v. étouffer). TLF s.v. touffe²