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Leseno, alzena "alène" et français "...

Leseno, alzena s.f. a  la même étymologie que le mot français « alène » à savoir un germanique *alisno  « poinçon  courbé pour coudre le cuir ». Le mot a dû être adopté assez tôt, avant le IVe siècle,  dans le latin parlé, parce que nous le retrouvons en italien  lezina,  catalan alena  et espagnol  alesna, lezna. En occitan les formes avec déglutination du a-  initial sont les plus répandues.

*alisno a remplacé le latin subula  « alène; outil pour polir des pierres », qui s’est maintenu en roumain sula  et dans des parlers régionaux italiens. Il y a aussi quelques attestations en moyen français sublot, subille « alêne » (DMF). Le fait qu’on le trouve également en moyen néerlandais : eyn suwel (< subula) off eltzen (< alisno) zuwele, suwel, subst. fem. Mnd. suwele;  et en moyen haut allemand mhd. siuwele, siule. (WNT) montre qu’il a probablement existé dans le domaine d’oïl.

Quelle peut être la raison de cet emprunt au germanique?     S’agit-il de la meilleure qualité des  alênes  germaniques?  Deutsche Qualität?  ou s’agit-il d’ alène de cordonnier « leseno » et d’alène médicale « subille »?

Plus intéressant est le lien avec le verbe français lésiner « épargner d’une façon raffinée et sordide jusque dans les moindres choses », dérivé du substantif  lésine   qui désigne ce genre d’épargne.  Lésine  a été emprunté à l’italien  lesina,  à la suite de l’énorme succès d’une satire de Francesco Vialardi intitulé Della famosissima compagnia della Lesina dialogo, capitoli, ragionamenti. Elle a été traduite en français  en 1618!

traduction de Della compagnia della lesinaSi vous voulez le lire, suivez ce lien.   Il y a  des avares qui vont jusqu’à coudre eux-mêmes leurs chaussures!  La devise de la  Compagnia     est sur la page du titre : Omnia vincit subula.  Cela va vous rappeler  L’avare  de Molière.

Voici un lien vers un site  qui en parle

Littérature facétieuse de la lésine

A la suite de la parution du recueil Della famosissima compagnia della Lesina (1598), une série de publications autour des plaisanteries relatives à la lésine voit le jour en Italie (1).

Ces textes sont traduits et imités en France dans le premier quart du XVIIe siècle (2).

Ils créent un fonds de bons mots et d’anecdotes, dont on retrouve plusieurs traces dans la comédie de L’Avare :

 

 

Masada "fourmi"

Masada « fourmi » et le dérivé masadier, masedera  « fourmilière » témoignent  d’après le FEW de la présence des Goths dans les départements de la Hte Loire, le Puy de Dôme, la Creuze et le Cantal, qui ont fait partie du royaume Ouest-gothique.  L’étymon est d’après le FEW un gotique *af-maitjô « forumi »  qui fait partie de la même famille que l’allemand Ameise « fourmi ». Cette étymologie est discutée. Voir ci-dessous.

masad carte tirée de  Lectures de l’Atlas linguistique de la France  de Gilliéron et Edmont.  (Voir s.v.  ALF), qui ne présente que les dérivés de maz-.

En ce qui concerne cette étymologie, il y a une nouvelle proposition par Gaston Tuaillon, qui pense plutôt à un substrat préroman.   A consulter dans une bibliothèque universitaire: Tuaillon, Gaston,  Les désignation de la fourmi dans les parlers romans.  Géolinguistique 1(1984) 7-29 , qui doit fournir une explication des formes  du domaine d’oïl comme mazel  (Allier) et franco-provençales comme mozoy.

Le Thesoc fournit quatre types masada, madasa, masadis, masela,  mais elles reposent toutes sur la même origine.  Les formes données  à Edmont pour l’ALF varient fortement.  Nous avons déjà remarque ce phénomène pour d’autres mots comme le nom du sureau.  De nombreuses attestations et formes dans  Albert Dauzat,  Essais de géographie linguistique. 1921. pp85-86.

Codou, code "caillou"

Códou « caillou », code en français régional vient d’un dérivé   *cótulus « petit caillou » dérivé du latin cos, cotis « pierre à aiguiser ». Cf. l’article cot, acout « pierre à aiguiser ».  1 Códou  est attesté en provençal et est-languedocien  jusqu’en Lozère et dans l’Aveyron. Nous le retrouvons en catalan codol  en corse  codule  et dans le Nord de l’Italie.

Un visiteur m’écrit:

Ma grand mère chauffait son lit l’hiver avec une grosse pierre lisse en forme de galet qui lui servait de bouillotte. Elle appelait ça « une code« .
Elle faisait chauffer sa code dans le four de sa cuisinière, et ça gardait longtemps la chaleur.

Quand j’étais gamin je ramassais des cailloux pour les lancer, et on appelait ça aussi  des codes...

Les habitants de Vauvert sont appelés Li roula code, car à Vauvert lors des grosses pluies, les cailloux plus ou moins gros étaient entraînés par le ruissellement dans les rues de l’agglomération. Voir  le site de Nîmes et du Gard avec les sobriquets utilisés dans le Gard.

Dans la même région on a créé le diminutif coudoulé , coudoulet .  Mistral cite un verbe  acoudoulha  « poursuivre à coups de pierres » pour le Languedoc.

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  1. La forme  codol  donnée par Alibert est une reconstruction d’un ancien occitan codol rarement attesté.

Malhol, mayol, maliòou "bouture"

Malhol, mayol, maliòou « bouture,  jeune plant de vigne » vient du latin malleolus  « petit marteau ». L’image ci-dessous prouve cette étymologie. D’ailleurs  malleolus  signifiait déjà « crossette de vigne ou d’arbre » chez les Romains (Gaffiot)

Le mot malhol  est provençal et languedocien, attesté depuis le XIIe siècle, et  avec le sens « vigne nouvellement plantée » déjà  en latin médiéval du IXe siècle. Nous le retrouvons en italien magliuolo  et en catalan mollol.

L’abbé de Sauvages  s.v.maliôou ou avantin  est très précis dans sa description:

Maliôou ou Avantin, jeune Plan de vigne, il y en a de deux sortes, les  crossettes &  les  barbues,  appellées  sautelles  dans quelques Provinces; il n’y a que la  barbue  qui est du chevelu & qui, à cause de cela, reprend plus aisément. L’ avantin est toujours un sarment de vigne qu’on plante dans des tranchées pour avoir des ceps.

Barbue  veut dire « qui a des racines ». Voir Thesoc s.v. « plant raciné » : barbat (Dordogne), capeluda (Charente)

Quinsar, quinson "pinson"

Quinsar  ou quinson   et le français « pinson »  sont des onomatopées basées sur le chant de ce petit oiseau. Pour l’écouter cliquez  ici  ensuite cliquez sur le mot « zang » (2 minutes) dans la première ligne.

pinson

Le latin fringilla  « pinson »  a été remplacé par le type *pinc-   avec le suffixe –ione  en français , en toscan pincione,  en corse pinziolo, binziglione et en catalan avec un  changement de suffixe  pinsá.  Des mots comparables ont été créés independamment en cymrique (la langue du pays de Galles)  pinc,  en breton  pint,    en slovaque pinka, tchèque pinkava, néerlandais vink,  allemand  Finke, etc.

En galloroman, nous trouvons le type pinson uniquement dans le domaine d’oïl;  dans le domaine d’oc et en franco-provençal c’est le type quinson, qui domine, avec un changement de l’initiale p > k , probablement sous l’influence de verbes comme  quillar  « pousser des cris aigus » (A.).

La forme  quinsar avec le changement de suffixe ne se trouve que dans laVaucluse, le Gard et l’Hérault, d’après les données du FEW.  D’après le Thesoc aussi à Mende (Lozère).

Parabole de l’Enfant Prodigue

La Parabole de l’Enfant Prodigue et les dialectes .

La Parabole de l’Enfant Prodigue, particulière à l’évangile selon Saint Luc (XV 11-32), a des lettres de noblesse dialectologiques. En effet, en 1807, M. de Champagny, ministre de l’Intérieur, charge Charles Coquebert de Montbret, homme de science et ancien diplomate, d’entreprendre, pour le bureau de la statistique, une enquête sur les langues parlées dans l’Empire français. Celui-ci envoie aux préfets, qui transmettent aux maires, notaires, juges de paix de leur département, un questionnaire comportant notamment la traduction en langage local de la Parabole de
l’Enfant Prodigue. Les réponses reçues nous sont conservées dans un ouvrage publié par son fils, Eugène Coquebert de Montbret : Mélanges sur les langues, dialectes et patois, Paris 1831, in 8°.
Par la suite, la traduction de la Parabole de l’Enfant prodigue en patois est devenu un exercice relativement courant.  (Aredius44)

1.2.1.Le XIXe siècle : naissance de la dialectologie (1807-1876)

Le XIXe siècle est marqué dans l’histoire de la linguistique française par la naissance de la dialectologie, qui s’affranchit du monde des érudits locaux et de la philologie, pour devenir une discipline scientifique à part entière aux environs de 1870. C’est d’ailleurs moins par les acquis du terrain, puisque jusqu’à cette date il n’y a pas eu de véritable enquête scientifique, que par l’apport des méthodes allemandes professées par P. Meyer et G. Paris dans leurs cours de philologie essentiellement consacrés aux textes anciens, que cette science qui allait devenir la dialectologie s’est constituée. Ainsi en 1883, le premier enseignement de dialectolologie donné par J. Gilliéron est encore rattaché à l’étude des « variations dialectales de l’ancien français » (Romania, 1883, XIII, p. 138).
Néanmoins, certains travaux philologiques précédant cette période doivent être pris en compte en raison de leur intérêt particulier et de leur influence sur les études qui leur ont succédé (cf. Pop, 1950, p. 14 et sq.). Cependant avant de parcourir ces enquêtes, on remarquera l’absence de réponse concernant les parlers du Croissant dans l’enquête de l’Abbé Grégoire qui s’est déroulée pendant la Révolution. Il est vrai qu’il s’agissait moins de recenser les patois que de mesurer l’emploi de la langue nationale par les Français.

1.2.1.1. L’enquête de l’Empire et les Coquebert de Montbret (1807-1812)

Cette enquête par correspondance, dirigée par les Coquebert de Montbret, père et fils, se déroula de 1807 à 1812. Son but était essentiellement statistique, puisqu’elle tentait de dénombrer les locuteurs de chaque dialecte parlé sur le vaste territoire résultant des conquêtes napoléoniennes. Elle prit un aspect particulier dans le Croissant, où les investigations et les échanges de correspondances s’intensifièrent lorsque les Coquebert de Montbret se rendirent compte de l’importance de la limite oc-oïl, à partir de 1808 (cf. Brun-Trigaud, 1990, pp. 33-82). Dès lors, il s’est agi pour les informateurs d’établir avec le plus de précision possible (commune par commune) « la ligne de démarcation qui sépare le français proprement dit de l’idiome du Midi », en illustrant la différenciation dialectale par des traductions de la Parabole de l’Enfant prodigue.
Un rapport manuscrit daté de 1812 établit un premier bilan de cette enquête, avant les deux publications d’un choix de Paraboles en 1824 et 1831. Cette dernière est accompagnée d’un « Essai d’un travail sur la géographie de la langue française » donnant les méthodes et les résultats de cette enquête. Aujourd’hui la correspondance et les versions de la Parabole sont conservées à la Bibliothèque Nationale et aux Archives Nationales (cf. Bibliographie).

la parabole  enregistrée par moi dans les années ’60 à Giaglione; 10050 Giaglione TO (Italie)

ICI vous pouvez écouter le Parabole en occitan languedocien (CNRS)
ICI vous pouvez écouter le Parabole en occitan gascon (CNRS)
ICI
vous pouvez écouter le Parabole en occitan en occitan limousin de Puynormand (CNRS)

La parabole de l’enfant prodigue
en patois du canton de Lasalle-Saint Pierre(Gard),
publié par E.Fesquet dans la revue Romania XI (1884), pp.55-56

Semblanso de l’Efan bourgal (prodigalis)

Un ome avié dous efans. Lou mendre li diguet : « Paire, baiIo mi ce que deu mi reveni de toun be »; e lou paire lus despartiguet soun avedre. À cauque tems d’aqui quand aguet amassat tout ce qu’avié, lou mendre s »enanet ièn din l’estrange, ounte debouriguet soun deque a visquet din lou mau gouvern. E quand aguet tout degavahiat, uno carestié folo, cazet sus la countrado. S’atroubavo sens res. Intret adoun pèr sirven aco d’un del pais, que lou mandet à sa borio garda lous poucels. Aurié be viergut aqi manja soun ramplimen de las couroubios que si trajieu as quèchous, mès degus noun l’en tenié. A la fi, si remembran, el diguèt: » Que de travahiadous à l’oustau pairoulau qu’òu de pan mai que soun prou, e ieu mourisse de fam ! Vau parti ; anarai trouba moun paire e li dirai :  » Paire, ai pecat cronto lou ciel e cronto tu ; noun amerite que mi digou toun filh ; fai mi coumo à l’un de tous sirvens  » Piei partiguet e anet trouba soun paire, qu’en lou devistan de ièn, seguet tout pietadous, couriguet à soun endavan, si traguet à soun col a l’abrasset. – Mès soun filh li diguet:  » Paire, ai pecat cronto lou ciel e cronto tu, a noun amerite que mi digou toun filh. » – Adoun lou paire diguet à sous sirvens: » Anas quèrre la pus poulido raubo e cargaz lo-li ; mettèz-li uno bago al det e bailaz-li per si caussà. Menaz aici lo bedel gras e aucisèz-lou. Mangen e larguejen, quar moun filh que vesèz ero mort e es reviendrat, ero perdut e es retroubat. E coumencèrou de largueja.
Sus aco, soun màjou qu’ero per chestres tournet, e, si sarran de l »oustau, auziguet que s’i cantavo, e que s’i dansavo. Sounet sus lou cop un des sirvens per saupre d’el deque ero tout acò. Aqueste li diguet:  » Toun fraire es tournat; e toun paire o fatz sanna lou bedel gras, peroc que o retroubat soun filh en bon pourtamen. Lou jouve ni seguet escoufès e noun vierguet intra. Adoun soun paire sourtiguet per l’en prega ; mès el repouteguet à soun paire:  » Io sai pas quan que ti servisse sens avedre jammai fatz qu’à toun voulé, e pamen noun m’as jammai bailat un cabrit per largueja embé mous counpans. Mès, quand tourno toun autre filh qu’o fatz putofi embé de descabestrados, tu fas sanna per el lou bedel gras!  » « Moun filh li respoundeguet soun paire, siès toutjourn embé ieu e tout ce qu’ai es tieune ; mès cahié be fa regalo, e roio, peroc que toun fraire que vezes ero mort e qu’es revieudat, qu’ero perdut e es retroubat.  »

Bourgal a pour synonymes: larguié, boubancié, degahié, degavahiadou degahiou, degatiboul, manjaire mannjarèl, etc.
Degavahia,  » dissiper, prodiguer.  » (par le latin gabalus)
Couroubios,  » carouges « , se dit aussi esparx.
Quèchou, cochon, porc, = sp. GOCHO,
Soun deque « son avoir.  » Au lieu de semblanso, on dit aussi paraulo (parabola).
Si traguet à soun col = l’acoulet.
Sirven. On dit aussi doumège (domesticus).
Peroc que = ital. perroche X persoque = ital. perciocche.
Dansa, = balla, ital. ballare.
Lou mendre, le plus jeune (minor).
Majou  » l’aîné  » d’une famille (majorem)

Parabole de l Enfant prodigue en langue vaudoise extraite d un Nouveau Testament de la Secte des Vaudois manuscrit du treizième siècle de la Bibliothèque de Grenoble . Tiré de : Nouvelles recherches sur les patois; ou, Idiomes vulgaires de la France, et ...
Par Champollion-Figeac (Jacques-Joseph, M.). Lien direct vers la page : Vaudois, 13e siècle

Parabole de l Enfant prodigue en patois du canton de l’Oysan au sud-est de Grenoble. Tiré de : Nouvelles recherches sur les patois; ou, Idiomes vulgaires de la France, et ...Par Champollion-Figeac (Jacques-Joseph, M.). Lien direct vers la page : Oysan 19e s.

Parabole de l Enfant prodigue en patois de l’ancien pays de Trièves au sud de Grenoble. Tiré de : Nouvelles recherches sur les patois; ou, Idiomes vulgaires de la France, et ...Par Champollion-Figeac (Jacques-Joseph, M.). Lien direct vers la page : Trièves, 19e s.

M. Coquebert de Montbret a publié des Mélanges sur les langues, dialectes et patois, renfermant entre autres la collection de la parabole de l’ENFANT PRODIGUE, en cent idiômes différens, presque tous de France, Paris, 1831, in-8° de 571 pag. Ces paraboles sont tirées de la collection des Mémoires des antiquaires de France, t. vi, 1824, pp. 432-545. Cette collection renferme une infinité d’articles sur les patois, fournis par des savans, entre autres par MM. Monnier, Richard, etc. — Nous ne tarderons pas à mettre sous presse une Bibliothèque idio-bourguignone, contenant la liste raisonnée de tous les ouvrages qui ont paru en patois bourguignon. Cet ouvrage est terminé.

Les traductions commencent à la page 457. Regardez d’abord la « Table des matières ».

En patois de Nahrte, Auvergne p.457

En patois de Rodez (Aveyron) p.498

En patois de Montauban (Tarn et Garonne) p.499

En patois de La Réole (Gironde) p.500 suivi de la traduction en patois du Gers (p.501), du dép. de la Haute Garonne (p.502), en patois de Pamiers (Ariège),p.503, en patois de l’arrondissement de Foix (p.504) en patois de l’extrémité de l’arrondissement de Foix, du côté de l’Espagne, p.505. etc.

En 2005 j’avais trouvé la note ci-dessus, mais sans le lien vers les Mémoires. Un ami me l’a signalée et je l’insère dans cette page en le remerciant. C’est un vieux projet que j’avais conçu lors des recherches faites pour le BDP dans les années ’60… Il y a un projet analogue dans le site de Lexilogos. qui semble dormir un peu.

Et une grande quantité de patois italiens. Un travail formidable fait à l’Université Humboldt à Berlin. Un Atlas linguistique Acoustique. Le son et la transcription phonétique. Vous y trouverez 4 villages où on parle provençal:

Limone, Pontebernardo, Rochemolle et Sauze de Cesane.

A suivre et surtout à compléter par vous!

Uganaud "huguenot" et deganau "niga...

Uganaud « huguenot » vient de l’allemand Eidgenosse « confédéré ».  L’histoire ou l’étymologie de ce mot n’a de sens que quand on raconte toute l’histoire.

La première attestation en occitan iganauds  « huguenots, calviniste » date de 1581.   A la même époque on trouve d’autres formes iganau à Nîmes, eganaou, higounaud  dans l’Aveyron, etc. La première attestation en français date, pour le moment, de 1483 et vient d’une lettre du duc René II de Lorraine  à son cousin:  dans laquelle il écrit :

En somme les Esguenotz n’ont delibéré laisser passer en manière quelconques gens de cheval ne de pied qui viennnent par deça; et de ce lesdictz Esguenotz escripvent à la Seigneurie et à nous, nous priant que nous desportons de ceste emprise.

Escript à Padue le XIII jour d aoust 1483

Vostre cousin RENE

Esguenotz-Huguenot DMF2012  (texte complet)

René II de Lorraine

Au XVe siècle les  Eidgenossenles Confédérés suisses,  avaient déjà instauré le service militaire obligatoire à partir de l’âge de 16 ans. (Cf. le NZZ online). Les  Esguenotz qui ne laissaient passer personne d’après  la lettre du duc René II,  sont donc des soldats.  Plus tard, le  même mot écrit  aguynos désigne les  « partisans du parti politique qui défendait la liberté de la ville de Genève contre les tentatives d’annexion du duc de Savoie » comme en témoigne  un document  de 1519 provenant de la ville de Genève .  La graphie du mot varie beaucoup dans les textes, ce qui se comprend facilement parce qu’il s’agit d’un mot allemand prononcé par des francophones.  Il y a même une variante avec la nasalisation de la  première syllabe: hangenots.  Dans la seconde moitié du XVIe siècle apparaît la forme huguenots toujours avec le sens « partisans… etc. ».  Entretemps   la ville de Genève  avait réussi à faire reconnaître son indépendance en 1530.

La Réforme protestante,  une volonté d’un retour aux sources du christianisme, est amorcée au XVe siècle et culimine au XVIe siècle. (Wikipedia) L’adoption de la Réforme a aussi un caractère politique. C’est un moyen pour les princes d’affirmer leur indépendance face à une papauté revendiquant une théocratie universelle ou pour les populations de pouvoir se révolter face un souverain mal accepté comme en Écosse et aux Pays-Bas espagnols. La Réforme se traduit donc au XVIe siècle par de nombreux conflits, entre l’empereur Habsbourg et les princes allemands mais aussi des guerres civiles en France, en Angleterre et en Écosse.

Mur de la Réformation à Genève

Monument international de la Réformation à Genève 1

A Genève la Réforme commence en 1532.  Calvin le co-fondateur de la doctrine des Eglises Réformées, appelée le calvinisme, s’installe à Genève en 1540.  Le  calvinisme  s’est répandu en Europe à partir de cette ville.  Le nom ou surnom  des indépendantistes genevois Eidgenossen,  prononcé  à la française  aignos,   ou  iganau  en languedocien, higounaud  dans l’Aveyron, passa aux « protestants de langue française » dans la deuxième moitié du XVIe siècle.  Dans la région de Béziers, Pézenas et dans l’Aveyron  naît une forme avec un  d-  agluttiné deganàu  à partir d’une expression dans le genre diable d’egenau.  Il est aussi possible que  le type egenau a fusionné avec le mot duganau « imbécile » dérivé de dugon « grand duc ». Voir l’article duc, dugou.

Nous sommes bien arrivés dans la période des guerres de religion.   Dans certains milieux le mot  huguenot  est lourdement chargé de haine.  En provençal un duganèu est un « nigaud », à Béziers ou à Puisserguier  un  deganau est  un « impie, un débauché »,  à Cahors c’est un  iganaou,   dans l’Aveyron un igounaou  « un mécréant, quelqu’un qui ne vas pas à la messe »! comme en Lozère, en Ardèche et dans la Hte-Loire. Ces sens péjoratifs se trouvent un peu partout en France, mais il y a une forte concentration des  attestations  en languedocien.

Le mot était encore vivant au début du XXe  siècle à Montagnac (Hérault). Voici le témoignage d’un de mes  visiteurs qui   est  entrain de retranscrire les mémoires de son père2. Ces mémoires  rapportent ses souvenirs de jeunesse entre 1914 et 1944.  Il m’écrit  à propos du mot deganouaous:

Au long de ces cahiers, je rencontre des termes occitans (il parle plutôt de patois) qu’il écrit phonétiquement. Dans le cahier n°8, je rencontre un terme pour lequel je ne trouve pas d’explication précise.
Le contexte est celui de ma grand-mère disant à mon père, amoureux d’une fille cévenole et protestante habitant le Pont-de-Montvert (48), « tu n’as qu’à te faire protestant pour pouvoir être accepté par les parents » (mes grands-parents et mon père étaient athées).
Mon père écrit donc cette phrase :  » …et puis ton père (mon grand-père) préférera te voir « deganouaous » que catholique, car ils étaient (les protestants) sectaires en religion, mais sincères, farouches laïques et républicains ».
Ce terme de « Deganouaous » s’applique aux protestants de Montagnac (34) et je pense qu’il s’agit là d’une expression péjorative critiquant le comportement des protestants.

La rivalité entre catholiques et protestants existait aussi à Valdrôme et les villages voisins où les cathos aimaient dire  Las campanas de Vaudroma fan dançar los uganauds, los fan far de sauts coma de crapauds. (Communication de Han Schook)

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  1. : Guillaume Farel (14891565), l’un des instigateurs de la Réforme à Genève, Jean Calvin (15091564), le personnage central du mouvement, Théodore de Bèze (15131605), recteur de l’Académie de Genève, et John Knox (1513-1572), fondateur du culte presbytérien en Écosse.
  2. Voir Sources s.v. Montagnac

Carreira "quartier des Juifs" et le chou...

Carreira, carièra  a la même étymologie que le français carrière mais pas la même signification !
Un film sur Arte de  Marek Halter  et sa  conférence au Salon de la Biographie à Nîmes (2012) sur le Birobidjan  , où le yiddish est encore parlé par quelques milliers de personnes, m’a rappelé qu’en Provence, il y avait le Comtat Venaissin , lou Coumtat Venessin,  où  les Juifs  parlaient le shuadit ou chouadit, également appelé judéo-provençal, judéo-comtadin, une  langue morte appartenant à la famille de l’occitan , anciennement utilisée par les Juifs.  Le dernier locuteur connu est l’écrivain Armand Lunel,  décédé en 1977.

Comtat Venaissin

Une brève description avec une bibliographie de cette langue se trouve ici (Judeo-Provençal – Jewish Language Research Website).

En surfant et cheminant de lien en lien, j’arrive aux Carrières .  Les Carrières sont le terme employé sur les terres des Papes d’Avignon, pour désigner la rue ou le quartier juif où la population juive en son entier devait résider.  Le mot ghetto n’a jamais eu cours à propos des quatre Saintes  Communautés d’Avignon, de Carpentras, de Cavaillon, de l’Isle-sur-la-Sorgue.  Plus de renseignements ici
Le mot carrière avec le sens « rue, quartier des Juifs » est une francisation erronée  de carreira  qui peut même prêter à confusion quand on ne connaît pas le mot occitan.

Entrée de la Jutarié d'AptEntrée de la Carrèira d’Apt.

Rougnes

Rougnes « débris, vieux objets en mauvais état, vieilleries » en français régional. Je ne crois pas que le mot rougnes  qui signifie aussi « balayures » d’après Alibert s.v. ronha  a la même origine que ronha « gale », en tout cas l’évolution sémantique « gale > crasse > balayures > vieux objets inutiles » me fait hésiter.

Je vois deux possibilités.

  1. Il y avait en ancien occitan le mot ronha venant du latin ruina « ruine » avec le sens « debris d’un édifice ».
  2. Ou  le dérivé très répandu dans les parlers occitans rougnaduro « débris ou fragments sans valeur » de *rotundiare « arrondir > rogner ».

Pour enrichir votre vocabulaire lors des vides-greniers, je vous fais part de la remarque d’un visiteur: « Synonyme de « rougnes » (en moins violent) : « trastes« . Les couillandres sont des objets de mauvais goût dont on ne sait que faire » En catalan un traster est un « débarras ».

Sauvages donne trasso « épithète ordinaire des choses vieilles, usées et de peu de valeur ».  Unos trassos de groulos « de vieilles savates » (S1).

Il y a des rougnes, trastes et couillandres, ainsi que des rebaladisses et des enquestres.

Ronha

Ronha  « gale invétérée », vient d’un très ancien *roneo « égratignure », probablement une transformation de aranea « égratignure » sous l’influence du verbe rodere « rogner ».

Le mot est vivant dans toutes les langues romanes : italien rogna « égratignure », catalan ronya « idem », espagnol roña, portugais ronha. En français régional l’adjectif rougnous signifie « galeux, sale » déjà attesté en ancien occitan ronhos « raboteux ».

Ronha  « balayures, débris » voir rougnes.